Interview de M. Patrick Devedjian, secrétaire général de l'UMP, dans "Les Echos" du 27 septembre 2007, sur le projet de loi de finances et la gestion du déficit budgétaire.

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Q - En quoi est-ce un budget de rupture ?
R - C'en est un dans la mesure où le déficit budgétaire, qui n'augmente pas, n'est plus employé à financer les dépenses de fonctionnement mais affecté aux réformes de structures. Si l'on veut réformer l'Etat, ça commence toujours par un coût ; ce n'est que dans un second temps que cela génère des économies.
Q - Quelles sont les réformes de structure vraiment engagées ?
R - La carte judiciaire par exemple. Dans un premier temps, regrouper les juridictions crée de la dépense immobilière, donc de l'investissement. Ensuite seulement, cela dégagera des économies. Au total, c'est un déficit affecté à la création d'une économie future. Ce n'est pas l'accompagnement d'une politique non maîtrisée, c'est un déficit stratégique.
Q - L'an dernier, vous regrettiez que le budget ne baisse pas plus la dépense publique. Celui-ci fait moins bien. En quoi est-ce un budget de rigueur, vous qui souhaitez une « politique de l'offre et de rigueur » ?
R - Ce budget intervient dans une période économique qui n'est pas favorable. Bien entendu, il faut réduire la dépense publique, mais pour cela, il y a plusieurs moyens. Le moyen prioritaire, c'est d'améliorer la croissance et d'aller chercher ce point qui nous manque pour gagner les marges de manoeuvre dont nous avons besoin. Mais on ne peut pas courir plusieurs lièvres à la fois. Nous avons besoin d'une politique volontariste pour permettre à la France d'être plus compétitive et, en même temps, nos marges de manoeuvre pour engager les réformes sont entravées par le poids de la dette. Nous sommes dans un cercle vicieux. Et la seule façon d'en sortir, c'est de faire des arbitrages et de commencer par miser sur des mesures favorisant la croissance.
Q - Une autre façon aurait été de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, comme promis dans la campagne.
R - D'abord, 22.921 postes non remplacés, c'est déjà très important ! Qui l'a fait ? Ensuite, ce qui compte, c'est le chiffre auquel nous aboutirons in fine. La réduction des effectifs doit être pragmatique. Sa mise en oeuvre ne peut qu'être fonction des opportunités qui se présenteront, service par service. Le plus important, c'est que le gouvernement soit engagé dans une démarche volontariste, comme il l'est.
Q - Sans garantie...
R - La garantie donnée par l'engagement du président devant les Français.
Q - Dans le passé, vous étiez très attaché à la « sincérité » du budget. Ne pèche-t-on pas par optimisme en maintenant une prévision à 2,25 % de croissance pour 2008, contrairement à ce que prédisent les instituts ?
R - Mais pas le FMI. Et puis les instituts se sont très souvent trompés dans le passé. Regardez le rebond de la consommation cet été, personne ne l'avait prévu, et ce sera générateur de croissance. Ce qu'il faut, c'est une politique volontariste pour démentir les prévisions. Or tant qu'on ne travaillera pas davantage, on n'arrivera pas à combler notre handicap de croissance. Remettre la France au travail, voilà l'axe majeur de la politique gouvernementale et qui constitue le vrai levier pour améliorer notre situation. Comme on l'enseigne d'ailleurs à nos enfants.
Q - Regrettez-vous qu'il y ait si peu de mesures pour améliorer la compétitivité des entreprises ?
R - Il y a un vrai effort. Nous stimulons la recherche par des déductions fiscales et, en même temps, nous faisons la réforme de structures qui facilite le dépôt des brevets.
Q - Quelles sont les corrections à apporter lors de la discussion parlementaire ?
R - Le Parlement doit jouer tout son rôle. On ne peut pas vouloir revaloriser le rôle du Parlement et dire que le projet est tout ficelé. Il y a beaucoup de niches de dépenses improductives, par exemple le foisonnement des observatoires, des agences et des autorités administratives indépendantes... Je suis sûr que les parlementaires prendront des initiatives. Jean-Claude Trichet, qui nous fait la morale sur les dépenses de l'Etat, nous a quand même laissé la Banque de France avec 250 succursales qui n'ont plus aucune monnaie à gérer. La Banque d'Angleterre n'a que 7 succursales et elle a, elle, la livre sterling à gérer.
PROPOS RECUEILLIS PAR CÉCILE CORNUDET ET PIERRE-ALAIN FURBURYsource http://www.u-m-p.org, le 28 septembre 2007