Texte intégral
C. Barbier.- Vous serez élu tout à l'heure secrétaire général de l'UMP ; il n'y a pas de suspense. Alors que tous les pouvoirs sont à l'Elysée, à quoi peut bien servir l'UMP ?
R.- L'UMP sert à beaucoup de choses : d'abord, elle sert à éclairer le Gouvernement sur les politiques à prendre.
Q.- Il en a besoin ? Il ne sait pas s'il avance dans le noir ? Il a besoin de lumière ?
R.- Il a surtout besoin de garder le contact permanent avec le pays, bien sûr. Et c'est le rôle de l'UMP de conserver ce contact. Par exemple, hier, nous avons produit un rapport fait par J. Chartier sur la TVA sociale. C'est un rapport très bien fait, très fouillé, qui, je l'espère va susciter un vrai débat.
Q.- Et qui ne sert à rien parce que le Gouvernement a ajourné sine die la TVA sociale ?
R.- Mais non. La Gouvernement prend son temps, parce qu'on a un vrai problème. Le problème c'est que le coût du travail en France est plus élevé qu'ailleurs, ce qui produit du chômage et ce qui nuit à la compétitivité des entreprises françaises. Quand une entreprise débourse 2 euros le salarié n'en reçoit qu'un, ce n'est pas bon non plus pour le pouvoir d'achat. Donc comment fait-on pour financer la protection sociale sans la faire supporter par le travail ? La TVA sociale c'est une des réponses. Ce n'est pas la réponse, c'est une des réponses. Il y en a plusieurs. Et analyser cela, susciter le débat dans le pays, parce qu'il faut bien un jour ou l'autre sortir de cette situation, c'est utile pour le Gouvernement.
Q.- On va revenir sur les comptes sociaux. Mais, vous vous êtes élu aujourd'hui, il faudra attendre le 6 octobre pour que J.-P. Raffarin notamment, mais également P. Méhaignerie et J.- C. Gaudin composent une sorte de troïka de vice-présidents. Vous avez réclamez la préséance ? Vous vouliez passer avant tout le monde ?
R.- Non. Cela n'a rien avoir. C'est le fonctionnement de nos statuts. Mais vous savez, on peut dire que les choses seront réglées dès ce soir. Puisque dès ce soir, la liste des candidatures pour le Conseil national - pour votre troïka - sera arrêtée et qu'il n'y a pas de suspense non plus. Tout sera réglé ce soir en fait.
Q.- Qui est le chef de la majorité dans tout cela ? C'est vous le chef du Parti, c'est F. Fillon Premier ministre, c'est N. Sarkozy parce que c'est le chef suprême ou c'est un de ces trois vice- présidents J.-P. Raffarin par exemple ?
R.- Non. Dans les instituions de la Vème République, le chef de la majorité, c'est le Premier ministre. Et donc, c'est F. Fillon.
Q.- N. Sarkozy veut que les prochaines municipales soient l'occasion d'ouvrir les listes UMP à la gauche comme il l'a fait avec le Gouvernement. Est-ce que vous y veilleriez ?
R.- Bien sûr. Nous allons même constituer un groupe de travail, qui sera d'ailleurs installé par le Premier ministre, et qui aura pour vocation de créer un label avec 10 commandements pour les municipales, afin d'avoir une espèce d'unité programmatique. Et dans ces 10 commandements, il y aura à la fois la diversité et l'ouverture.
Q.- Vous allez inviter T. Blair à parler devant l'UMP. Mais vous voulez quoi ? Une leçon de gauche moderne, de sociale démocratie ?
R.- On veut parler de l'Europe. On veut parler d'une démocratie modernisée, comme les Britanniques l'ont fait. On veut parler aussi de l'expérience gouvernementale de T. Blair. Nous ferons aussi ce genre de choses avec A. Merkel. Nous le ferons aussi avec des Italiens.
Q.- Cela permet de rabibocher aussi tous ces Européens qui sont un peu fâchés par N. Sarkozy et par son comportement ?
R.- Je ne sais pas s'ils sont fâchés.
Q.- Oh ! Il y a un peu d'irritation. On voit bien son style dérange !
R.- Oui, le dynamisme des uns peut déranger ceux qui sont parfois à la remorque. Mais si c'est de l'Allemagne dont vous voulez parler, je crois que c'est vraiment un faux débat, parce que la France et l'Allemagne s'entendent formidablement. Cela ne suffit pas d'ailleurs à faire marcher l'Europe. Mais, on peut dire que la question du traité simplifié, par exemple, qui était le programme de N. Sarkozy pendant la campagne électorale, et qui avait été accueillie avec beaucoup de scepticisme, y compris par la presse, ça a été mis en route grâce à l'entente franco-allemande.
Q.- En vue des municipales, est-ce que votre rôle de secrétaire général sera de dire à des candidats UMP, par exemple F. de Panafieu, de se retirer, parce que d'après les sondages, ils n'ont aucune chance ?
R.- D'abord, cela ne m'appartient pas. Il y a une commission d'investitures. Cette commission d'investitures aura à déterminer quels sont nos meilleurs candidats. S'agissant de F. de Panafieu, c'est un peu malicieux votre question. Elle a été investie par l'ensemble de nos militants.
Q.- La commission d'investitures est au-dessus des militants ?
R.- Non, mais elle doit tenir compte de ce que les militants ont choisi, parce que nous sommes quand même un parti démocratique. Ce n'est pas la peine de faire voter les militants si on s'assoit sur leur décision.
Q.- Alors vous êtes un parti démocratique. Est-ce que ce n'est pas C. Sarkozy qui a choisi D. Martinon pour être candidat aux municipales à Neuilly ?
R.- Mais là aussi, il y aura une commission d'investitures. Il y a d'ailleurs plusieurs candidats pour Neuilly. Je n'ai pas encore reçu la candidature de D. Martinon, pour répondre directement à votre question. Et s'il était candidat, la commission d'investitures arbitrera entre les différents candidats.
Q.- "Il n'y aura pas de plan de rigueur", promet H. Guaino, le Conseiller spécial du Président. C'est H. Guaino qui parle ou c'est N. Sarkozy qui parle ? C'est H. Guaino. Et cela n'engage pas le président. Le Président peut décréter un plan de rigueur s'il le faut ?
R.- Le président n'a pas, je crois, l'intention de décréter un plan de rigueur, comme vous le dites.
Q.- Mais il ne s'interdit rien !
R.- Non mais, je crois que ce n'est pas comme cela qu'il faut raisonner. D'abord, il faut une gestion un peu plus fine d'une économie que quelque chose de trop macroéconomique, de trop global. Il y a des dépenses qui sont des dépenses inutiles - là, il faut de la rigueur ; et puis, il y a les dépenses qui doivent être même impulsées parce qu'elles créent de la croissance. C'est comme un peu... la dépense, c'est comme le cholestérol : il y a un bon cholestérol, il y a un mauvais cholestérol.
Q.- Au fond de vous-même quand vous voyez les chiffres de croissance qui ne sont pas au rendez-vous, quand vous voyez les déficits des comptes publics, vous ne vous dites pas : "le plan de rigueur il est nécessaire tout de suite" ?
R.- Je me dis que la remise en ordre des finances publiques, la réduction de dépenses inutiles, et en même temps, l'incitation à peut-être dépenser davantage mais en tout cas à investir pour créer la croissance, par exemple les fameux 15 milliards, qui n'en sont que 9 en termes nets...
Q.- Du paquet fiscal ?
R.-... du paquet fiscal, c'est de la bonne dépense, parce que cela crée de la croissance.
Q.- Vous êtes sûr ?
R.- Oui, je le pense profondément. Bien sûr, mettre nos entreprises à compétitivité avec leurs concurrents européens, c'est une bonne chose pour la croissance. Permettre aux entreprises françaises, qui sont incitées dans une véritable hémorragie à s'enfuir, à s'installer en Belgique, au Luxembourg dans tous les paradis fiscaux européens, c'est une très mauvaise chose pour le pays. Et donc, avoir une fiscalité sage et à parité avec les autres, c'est bonne dépense.
Q.- "Faillite", a dit le Premier ministre pour définir les comptes de l'Etat. "Ce n'était pas le mot juste", selon J.-P. Raffarin et d'autres. Et pour vous c'était le mot juste ?
R.- Oui, bien sûr, parce que c'est un mot imagé. Naturellement, la France n'est pas en cessation de paiement : c'est la 7ème puissance économique mondiale. Mais en même temps, nous étions 5ème en 1998, donc nous descendons les marches en ce moment. Qu'à un moment où tout le monde réclame de l'argent à l'Etat, tous les groupes de pressions réclament de l'argent à l'Etat, et où nous avons 1.150 milliards de dettes, c'est-à-dire que la totalité de l'impôt sur le revenu sert à payer simplement les intérêts de la dette - ce qui nous paralyse dans l'action de l'Etat - que le Premier ministre rappelle qu'on ne peut pas dépenser davantage, et qu'il le fasse fortement pour marquer les esprits, c'est une bonne chose.
Q.- F. Fillon plutôt un atout qu'un handicap pour N. Sarkozy en ce moment ?
R.- Mais, il n'y a pas de doute. D'ailleurs, la presse est malicieuse. Il y a 15 jours, tout le monde expliquait que le Premier ministre avait disparu de la circulation, qu'il n'existait pas. Puis maintenant, vous le trouvez trop présent. Il faut choisir les attaques.
Q.- "Jamais les dépenses n'ont été aussi maîtrisées", dit E. Woerth, le ministre en charge du budget. A 41 milliards et des poussières de déficit budgétaire, on croit rêver, si c'est cela de la maîtrise !
R.- Eh bien, il faut faire encore un effort, c'est sûr.
Q.- Quelques franchises, quelques transferts de l'Etat vers la Sécu. : le plan du Gouvernement ne manque-t-il pas d'ambition dans l'urgence pour les comptes sociaux ?
R.- Le problème des comptes sociaux, c'est aussi un problème de gouvernance, et aussi de remise à plat de l'ensemble du système qui est extrêmement complexe.
Q.- Cela prend du temps ?
R.- Oui, cela prend du temps. Bien sûr. C'est extrêmement complexe. Les Français d'ailleurs n'y comprennent pas grand-chose dans la manière dont cela fonctionne, et c'est souvent très inégalitaire, très inéquitable.
Q.- Etes-vous favorable à taxer les stock-options pour faire rentrer de l'argent dans la sécu ?
R.- Ils le sont déjà d'ailleurs. Ils le sont déjà en partie : ils sont à la CGS, déjà.
Q.- Un référendum pour l'instant est obligatoire - c'est dans la Constitution - pour toute prochaine adhésion à l'Union européenne. Le Comité Balladur pour la réforme des instituions voudrait revenir sur cette disposition et proposer soit un congrès soit un référendum. Vous qui êtes opposé à l'entrée de la Turquie, vous criez casse-cou ? Cela pourrait faire passer la Turquie ?
R.- Je comprends bien l'intention de cette disposition, mais en même temps, elle ne doit pas être une renonciation à empêcher la Turquie d'entrer dans l'Union européenne. C'est pour ça d'ailleurs que le président de la République a obtenu de l'Union européenne la constitution d'un Comité des sages, qui va définir les frontières de l'Europe. Donc, mon propos il est très simple : dès lors que l'Union européenne aura donné des garanties, que la Turquie ne peut pas entrer, notamment, par la définition des frontières, par exemple si l'Europe dit "la frontière passe au milieu du détroit des Dardanelles", la question est réglée. Ce dispositif de garantie que les Français ont employé pour eux, référendaire, devient inutile. Mais seulement après. Seulement, lorsque l'Europe aura donné la garantie que la Turquie ne peut pas rentrer.
Q.- Pour vous, c'est une arme antiturque ?
R.- C'est essentiellement une arme qui a pour vocation de préserver l'identité de l'Europe.
Q.- Le Président veut aider chaque pays qui le souhaite à se doter du nucléaire civil. Est-ce que ce n'est pas prendre un risque énorme ? Du civil, on peut passer au militaire ?
R.- Pas si facilement que cela. Et puis, d'abord, vous avez l'agence de Vienne qui exerce un contrôle rigoureux. Mais au nom de quoi vous allez interdire à tel ou tel pays de se doter du nucléaire civil ?
Q.- Faut-il envisager une intervention militaire contre la Birmanie, si la junte au pouvoir passe à la répression contre le mouvement populaire ?
R.- Je pense qu'il faut essayer beaucoup de choses avant. Et ce qui se passe en ce moment en Birmanie, c'est-à-dire un mouvement démocratique et populaire, les gens qui sont dans la rue, qui protestent contre ce Gouvernement dictatorial, c'est peut-être plus heureusement que la guerre, le moyen de venir à bout de la dictature.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2007
R.- L'UMP sert à beaucoup de choses : d'abord, elle sert à éclairer le Gouvernement sur les politiques à prendre.
Q.- Il en a besoin ? Il ne sait pas s'il avance dans le noir ? Il a besoin de lumière ?
R.- Il a surtout besoin de garder le contact permanent avec le pays, bien sûr. Et c'est le rôle de l'UMP de conserver ce contact. Par exemple, hier, nous avons produit un rapport fait par J. Chartier sur la TVA sociale. C'est un rapport très bien fait, très fouillé, qui, je l'espère va susciter un vrai débat.
Q.- Et qui ne sert à rien parce que le Gouvernement a ajourné sine die la TVA sociale ?
R.- Mais non. La Gouvernement prend son temps, parce qu'on a un vrai problème. Le problème c'est que le coût du travail en France est plus élevé qu'ailleurs, ce qui produit du chômage et ce qui nuit à la compétitivité des entreprises françaises. Quand une entreprise débourse 2 euros le salarié n'en reçoit qu'un, ce n'est pas bon non plus pour le pouvoir d'achat. Donc comment fait-on pour financer la protection sociale sans la faire supporter par le travail ? La TVA sociale c'est une des réponses. Ce n'est pas la réponse, c'est une des réponses. Il y en a plusieurs. Et analyser cela, susciter le débat dans le pays, parce qu'il faut bien un jour ou l'autre sortir de cette situation, c'est utile pour le Gouvernement.
Q.- On va revenir sur les comptes sociaux. Mais, vous vous êtes élu aujourd'hui, il faudra attendre le 6 octobre pour que J.-P. Raffarin notamment, mais également P. Méhaignerie et J.- C. Gaudin composent une sorte de troïka de vice-présidents. Vous avez réclamez la préséance ? Vous vouliez passer avant tout le monde ?
R.- Non. Cela n'a rien avoir. C'est le fonctionnement de nos statuts. Mais vous savez, on peut dire que les choses seront réglées dès ce soir. Puisque dès ce soir, la liste des candidatures pour le Conseil national - pour votre troïka - sera arrêtée et qu'il n'y a pas de suspense non plus. Tout sera réglé ce soir en fait.
Q.- Qui est le chef de la majorité dans tout cela ? C'est vous le chef du Parti, c'est F. Fillon Premier ministre, c'est N. Sarkozy parce que c'est le chef suprême ou c'est un de ces trois vice- présidents J.-P. Raffarin par exemple ?
R.- Non. Dans les instituions de la Vème République, le chef de la majorité, c'est le Premier ministre. Et donc, c'est F. Fillon.
Q.- N. Sarkozy veut que les prochaines municipales soient l'occasion d'ouvrir les listes UMP à la gauche comme il l'a fait avec le Gouvernement. Est-ce que vous y veilleriez ?
R.- Bien sûr. Nous allons même constituer un groupe de travail, qui sera d'ailleurs installé par le Premier ministre, et qui aura pour vocation de créer un label avec 10 commandements pour les municipales, afin d'avoir une espèce d'unité programmatique. Et dans ces 10 commandements, il y aura à la fois la diversité et l'ouverture.
Q.- Vous allez inviter T. Blair à parler devant l'UMP. Mais vous voulez quoi ? Une leçon de gauche moderne, de sociale démocratie ?
R.- On veut parler de l'Europe. On veut parler d'une démocratie modernisée, comme les Britanniques l'ont fait. On veut parler aussi de l'expérience gouvernementale de T. Blair. Nous ferons aussi ce genre de choses avec A. Merkel. Nous le ferons aussi avec des Italiens.
Q.- Cela permet de rabibocher aussi tous ces Européens qui sont un peu fâchés par N. Sarkozy et par son comportement ?
R.- Je ne sais pas s'ils sont fâchés.
Q.- Oh ! Il y a un peu d'irritation. On voit bien son style dérange !
R.- Oui, le dynamisme des uns peut déranger ceux qui sont parfois à la remorque. Mais si c'est de l'Allemagne dont vous voulez parler, je crois que c'est vraiment un faux débat, parce que la France et l'Allemagne s'entendent formidablement. Cela ne suffit pas d'ailleurs à faire marcher l'Europe. Mais, on peut dire que la question du traité simplifié, par exemple, qui était le programme de N. Sarkozy pendant la campagne électorale, et qui avait été accueillie avec beaucoup de scepticisme, y compris par la presse, ça a été mis en route grâce à l'entente franco-allemande.
Q.- En vue des municipales, est-ce que votre rôle de secrétaire général sera de dire à des candidats UMP, par exemple F. de Panafieu, de se retirer, parce que d'après les sondages, ils n'ont aucune chance ?
R.- D'abord, cela ne m'appartient pas. Il y a une commission d'investitures. Cette commission d'investitures aura à déterminer quels sont nos meilleurs candidats. S'agissant de F. de Panafieu, c'est un peu malicieux votre question. Elle a été investie par l'ensemble de nos militants.
Q.- La commission d'investitures est au-dessus des militants ?
R.- Non, mais elle doit tenir compte de ce que les militants ont choisi, parce que nous sommes quand même un parti démocratique. Ce n'est pas la peine de faire voter les militants si on s'assoit sur leur décision.
Q.- Alors vous êtes un parti démocratique. Est-ce que ce n'est pas C. Sarkozy qui a choisi D. Martinon pour être candidat aux municipales à Neuilly ?
R.- Mais là aussi, il y aura une commission d'investitures. Il y a d'ailleurs plusieurs candidats pour Neuilly. Je n'ai pas encore reçu la candidature de D. Martinon, pour répondre directement à votre question. Et s'il était candidat, la commission d'investitures arbitrera entre les différents candidats.
Q.- "Il n'y aura pas de plan de rigueur", promet H. Guaino, le Conseiller spécial du Président. C'est H. Guaino qui parle ou c'est N. Sarkozy qui parle ? C'est H. Guaino. Et cela n'engage pas le président. Le Président peut décréter un plan de rigueur s'il le faut ?
R.- Le président n'a pas, je crois, l'intention de décréter un plan de rigueur, comme vous le dites.
Q.- Mais il ne s'interdit rien !
R.- Non mais, je crois que ce n'est pas comme cela qu'il faut raisonner. D'abord, il faut une gestion un peu plus fine d'une économie que quelque chose de trop macroéconomique, de trop global. Il y a des dépenses qui sont des dépenses inutiles - là, il faut de la rigueur ; et puis, il y a les dépenses qui doivent être même impulsées parce qu'elles créent de la croissance. C'est comme un peu... la dépense, c'est comme le cholestérol : il y a un bon cholestérol, il y a un mauvais cholestérol.
Q.- Au fond de vous-même quand vous voyez les chiffres de croissance qui ne sont pas au rendez-vous, quand vous voyez les déficits des comptes publics, vous ne vous dites pas : "le plan de rigueur il est nécessaire tout de suite" ?
R.- Je me dis que la remise en ordre des finances publiques, la réduction de dépenses inutiles, et en même temps, l'incitation à peut-être dépenser davantage mais en tout cas à investir pour créer la croissance, par exemple les fameux 15 milliards, qui n'en sont que 9 en termes nets...
Q.- Du paquet fiscal ?
R.-... du paquet fiscal, c'est de la bonne dépense, parce que cela crée de la croissance.
Q.- Vous êtes sûr ?
R.- Oui, je le pense profondément. Bien sûr, mettre nos entreprises à compétitivité avec leurs concurrents européens, c'est une bonne chose pour la croissance. Permettre aux entreprises françaises, qui sont incitées dans une véritable hémorragie à s'enfuir, à s'installer en Belgique, au Luxembourg dans tous les paradis fiscaux européens, c'est une très mauvaise chose pour le pays. Et donc, avoir une fiscalité sage et à parité avec les autres, c'est bonne dépense.
Q.- "Faillite", a dit le Premier ministre pour définir les comptes de l'Etat. "Ce n'était pas le mot juste", selon J.-P. Raffarin et d'autres. Et pour vous c'était le mot juste ?
R.- Oui, bien sûr, parce que c'est un mot imagé. Naturellement, la France n'est pas en cessation de paiement : c'est la 7ème puissance économique mondiale. Mais en même temps, nous étions 5ème en 1998, donc nous descendons les marches en ce moment. Qu'à un moment où tout le monde réclame de l'argent à l'Etat, tous les groupes de pressions réclament de l'argent à l'Etat, et où nous avons 1.150 milliards de dettes, c'est-à-dire que la totalité de l'impôt sur le revenu sert à payer simplement les intérêts de la dette - ce qui nous paralyse dans l'action de l'Etat - que le Premier ministre rappelle qu'on ne peut pas dépenser davantage, et qu'il le fasse fortement pour marquer les esprits, c'est une bonne chose.
Q.- F. Fillon plutôt un atout qu'un handicap pour N. Sarkozy en ce moment ?
R.- Mais, il n'y a pas de doute. D'ailleurs, la presse est malicieuse. Il y a 15 jours, tout le monde expliquait que le Premier ministre avait disparu de la circulation, qu'il n'existait pas. Puis maintenant, vous le trouvez trop présent. Il faut choisir les attaques.
Q.- "Jamais les dépenses n'ont été aussi maîtrisées", dit E. Woerth, le ministre en charge du budget. A 41 milliards et des poussières de déficit budgétaire, on croit rêver, si c'est cela de la maîtrise !
R.- Eh bien, il faut faire encore un effort, c'est sûr.
Q.- Quelques franchises, quelques transferts de l'Etat vers la Sécu. : le plan du Gouvernement ne manque-t-il pas d'ambition dans l'urgence pour les comptes sociaux ?
R.- Le problème des comptes sociaux, c'est aussi un problème de gouvernance, et aussi de remise à plat de l'ensemble du système qui est extrêmement complexe.
Q.- Cela prend du temps ?
R.- Oui, cela prend du temps. Bien sûr. C'est extrêmement complexe. Les Français d'ailleurs n'y comprennent pas grand-chose dans la manière dont cela fonctionne, et c'est souvent très inégalitaire, très inéquitable.
Q.- Etes-vous favorable à taxer les stock-options pour faire rentrer de l'argent dans la sécu ?
R.- Ils le sont déjà d'ailleurs. Ils le sont déjà en partie : ils sont à la CGS, déjà.
Q.- Un référendum pour l'instant est obligatoire - c'est dans la Constitution - pour toute prochaine adhésion à l'Union européenne. Le Comité Balladur pour la réforme des instituions voudrait revenir sur cette disposition et proposer soit un congrès soit un référendum. Vous qui êtes opposé à l'entrée de la Turquie, vous criez casse-cou ? Cela pourrait faire passer la Turquie ?
R.- Je comprends bien l'intention de cette disposition, mais en même temps, elle ne doit pas être une renonciation à empêcher la Turquie d'entrer dans l'Union européenne. C'est pour ça d'ailleurs que le président de la République a obtenu de l'Union européenne la constitution d'un Comité des sages, qui va définir les frontières de l'Europe. Donc, mon propos il est très simple : dès lors que l'Union européenne aura donné des garanties, que la Turquie ne peut pas entrer, notamment, par la définition des frontières, par exemple si l'Europe dit "la frontière passe au milieu du détroit des Dardanelles", la question est réglée. Ce dispositif de garantie que les Français ont employé pour eux, référendaire, devient inutile. Mais seulement après. Seulement, lorsque l'Europe aura donné la garantie que la Turquie ne peut pas rentrer.
Q.- Pour vous, c'est une arme antiturque ?
R.- C'est essentiellement une arme qui a pour vocation de préserver l'identité de l'Europe.
Q.- Le Président veut aider chaque pays qui le souhaite à se doter du nucléaire civil. Est-ce que ce n'est pas prendre un risque énorme ? Du civil, on peut passer au militaire ?
R.- Pas si facilement que cela. Et puis, d'abord, vous avez l'agence de Vienne qui exerce un contrôle rigoureux. Mais au nom de quoi vous allez interdire à tel ou tel pays de se doter du nucléaire civil ?
Q.- Faut-il envisager une intervention militaire contre la Birmanie, si la junte au pouvoir passe à la répression contre le mouvement populaire ?
R.- Je pense qu'il faut essayer beaucoup de choses avant. Et ce qui se passe en ce moment en Birmanie, c'est-à-dire un mouvement démocratique et populaire, les gens qui sont dans la rue, qui protestent contre ce Gouvernement dictatorial, c'est peut-être plus heureusement que la guerre, le moyen de venir à bout de la dictature.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2007