Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, à RTL le 28 septembre 2007, sur les franchises médicales et le financement de la sécurité sociale.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, R. Bachelot.

R.- Bonjour, J.-M. Aphatie.

Q.- Les franchises médicales que vous instituez sur les boîtes de médicaments, les actes paramédicaux, les transports sanitaires suscitent beaucoup de réserve, de l'incompréhension, parfois même un peu de colère chez les assurées sociaux. Mais vous n'avez pas le choix parce qu'il n'y a plus d'argent pour la Sécurité sociale ?

R.- Oui et puis parce que nous avons décidé avec le Président de la République de nous occuper de trois chantiers prioritaires : l'Alzheimer, le cancer, les soins palliatifs.

Q.- Et ces franchises vont financer ça ?

R.- Voilà exactement. Et il y aura une traçabilité parfaite des crédits ainsi dégagés - 850 millions d'euros - pour s'occuper de trois secteurs qui bouleversent vraiment les familles qui sont confrontées à ces difficultés. J'ai passé, hier, la matinée à Sainte-Perrine, un hôpital remarquable qui s'occupe de la prise en charge des malades d'Alzheimer. On se rend compte qu'il y a besoin d'argent pour traiter ces malades parce que vraiment, ça dévaste, ça dévaste une famille. Alors, c'est un sacrifice, je reconnais. Cela peut atteindre 4 euros par mois pour certaines familles ; mais je crois que vraiment ça vaut le coup.

Q.- Pendant la campagne électorale, N. Sarkozy a expliqué que les franchises médicales devaient être instituées pour responsabiliser les assurés sociaux. Et là, on a un glissement. Du coup, on va financer quelque chose. Pourquoi ce changement, R. Bachelot ?

R.- Il y a un double effet sur les franchises. Bien sûr, dégager de l'argent pour des politiques prioritaires plutôt que d'augmenter les prélèvements déjà fort importants ; mais aussi, j'ai choisi avec beaucoup de soins, scrupuleusement, un certain nombre de postes de dépenses qui étaient les plus dérivants, et en particulier sur les médicaments. On sait que nous sommes un pays qui consomme beaucoup trop de médicaments. D'ailleurs, un certain nombre d'experts nous l'ont dit. Le président de la République le rappelait dans son discours sur la politique sociale : 90 % des consultations se terminent par une prescription médicamenteuse. Par exemple, aux Pays-Bas, ce n'est que 43%.

Q.- Mais vous convenez que c'est un changement par rapport au discours de Campagne électorale ?
R. - Non.
Q. - Les franchises, à l'époque, étaient faites - nous disait-on - seraient faites pour responsabiliser les assurées sociaux ?

R.- Oui, non ce sont les deux. Responsabiliser et trouver de nouveaux financements, l'un n'est pas exclusif de l'autre.

Q.- Et pour combler le déficit de la Sécurité sociale, la prévision est de 9 milliards l'année prochaine. Il y aura de nouveaux prélèvements encore ? On n'y coupera pas, R. Bachelot.

R.- Alors, il faut mener plusieurs chantiers à la fois. C'est ce à quoi je m'attache en tant que ministre de la Santé. Premier chantier, nous réfléchissons à la restructuration du financement. C'est, par exemple - je plaide pour qu'une partie de la fiscalité écologique - par exemple, on en débat au "Grenelle de l'Environnement", étant donné l'impact des pollutions sur la Santé, une partie de cette fiscalité écologique puisse être dédiée aux dépenses de santé. Deuxième atelier, deuxième chantier : réfléchir au versement des prestations. On a parlé des franchises. Ce matin, on me remet le rapport sur le bouclier sanitaire.

Q.- On va en parler.

R.- On va en parler. C'est quelque chose évidemment de très important. Et puis moderniser l'offre de soins. Nous allons créer, l'an prochain, des agences régionales de santé à la place des agences régionales de l'hospitalisation pour mieux coordonner hôpital, soins de ville, et prises en charge médico-sociales des personnes âgées, par exemple. Et puis, j'aurais même dû dire, il y en a un quatrième, c'est la responsabilisation, c'est la modernisation, c'est l'implication des acteurs, par exemple, avec le dossier médical personnel.

Q.- Et peut-être un cinquième : les assurés sociaux devront encore mettre la main à la poche, un petit peu plus ?

R.- Ce sera un choix qu'il faudra faire.

Q.- Et vous ne l'excluez pas, R. Bachelot ?

R.- Est-ce que nous sommes décidés à consacrer plus d'argent à notre santé ? Moi, je pense qu'on peut réfléchir d'une façon différente. On consacre 11% de notre Produit Intérieur Brut à nos dépenses de santé, la moyenne est de 9% dans les pays de l'OCDE. Avant d'envisager de nouveaux prélèvements, faisons marcher l'efficience du système, on a vraiment des marges de manoeuvre.

Q.- Instaurerez-vous - vous en avez parlé, R. Bachelot - le bouclier sanitaire dont le principe est d'éviter, aux ménages les plus faibles, toutes ces franchises médicales et tous ces paiements personnels pour se soigner ?

R.- Alors, avec M. Hirsch, effectivement, nous avons demandé une étude à MM. Brillet et Fragonnard, ils nous rendent leur travail ce matin. Evidemment, j'ai commencé à décortiquer ce travail. Messieurs Brillet et Fragonnard reconnaissent que c'est un dispositif long, lourd, qui pourrait être mis en place en 2010, ce n'est pas infaisable. Il y a quelques difficultés dans le rapport, en particulier, sur l'hôpital où la question n'a pas été assez creusée. Nos experts ont besoin de terminer le travail sur ce sujet. En tout cas, il faut faire des choses avant 2010 pour cette prise en charge. Donc, j'ai envie d'avancer, je veux avancer sur deux dossiers : la prise en charge des dépassements, la maîtrise des dépassements d'honoraires, c'est ça qui pose problème à un certain nombre de familles ; et puis, une meilleure prise en charge par les Complémentaires, en attendant de voir si la faisabilité du bouclier sanitaire est réelle.

Q.- Vous êtes encore un peu réservée sur le bouclier sanitaire ?

R.- Oui, j'ai besoin d'affiner ma réflexion.

Q.- Maïa Simon, 67 ans, était atteinte d'un cancer incurable. Elle a souhaité mettre un terme à sa vie. Elle a été trouver de l'assistance en Suisse parce qu'en France, la loi ne permet pas ce genre de pratique. Il y a 10 jours, elle s'était confiée à O. Geay. Ecoutez-là. Voix de Maïa Simon : "J'ai eu le temps pendant cette longue maladie de sentir la dégradation de mon corps, de tout ce qui s'y passe à l'intérieur ; et je sens que j'arrive à la limite et je pense que c'est le bon moment pour le faire." Ce témoignage est bouleversant. Faut-il faire évoluer la loi pour que ce type d'assistance au suicide, pour appeler les choses par leur nom, puisse être trouvée en France ?

R.- Cela n'a d'ailleurs rien à voir avec l'euthanasie...

Q.- Non...

R.-... C'est autre chose, cette assistance au suicide. C'est un témoignage bouleversant, émouvant. Je crois qu'il faut aller là dans deux directions. En tant que ministre de la Santé aussi, je me dois de ne pas être emportée par l'émotion de ce témoignage. Donc, il y a une loi, une loi qui date de juin 2005, la loi de J. Léonetti, qui a été votée d'ailleurs à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Il faut avant toute mesure nouvelle en faire le bilan. C'est la loi qui implique "le laissez mourir", pour parler un petit peu rapidement. Donc, ça c'est le premier thème. Le deuxième, le développement massif des soins palliatifs. On parlait d'Alzheimer à l'instant ; mais ce développement mérite une culture du soin palliatif dans notre société. Maïa Simon semble avoir souffert... Il y a des moyens d'empêcher de souffrir maintenant. Je travaille évidemment beaucoup sur cette affaire. J'ai passé une longue séance de travail avec le Professeur Aubry qui est un spécialiste de ces questions, il y a quelques jours. Nous allons développer ces soins palliatifs, doubler les capacités de prise en charge, faire en sorte qu'il y ait une culture du soin palliatif, destiné non seulement aux professionnels mais aussi aux associations, et peut-être aussi aux familles, aux aidants.

Q.- Mais vous ne prévoyez pas d'évolution de la loi dans un terme rapproché ?

R.- Il faudra faire un bilan, un bilan de cette loi ; et pourquoi pas une évolution ! Je ne ferme pas la porte.

Q.- Les proches de Maïa Simon souhaitent vous rencontrer. Ils le disaient ce matin sur l'antenne de RTL...

R.- Ils le feront.
Q. - On va changer de sujet parce que la vie continue. Vous êtes aussi ministre des sports, R. Bachelot, la Coupe du Monde de rugby se poursuit. Vous croyez que la France va être championne du Monde, le 20 octobre ?

R.- Ecoutez, tout est possible ! On va être d'abord en quarts de finale parce que théoriquement - je vais aller les voir jouer contre la Géorgie -, mais je pense qu'on peut, on peut... On va gagner !

Q.- Et après, contre les Blacks, vous serez mangés !

R.- Ecoutez... Contre les Black à Cardiff, on les a déjà battus dans des conditions aussi difficiles. Croisons les doigts !

Q.- Allez, R. Bachelot qui croisait les doigts sur RTL ce matin. Bonne journée.


Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 septembre 2007