Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les objectifs d'un nouveau projet agricole pour 2013 : stabilité des marchés agricoles, garantie de la sécurité alimentaire, préservation des ressources naturelles, contribution à un équilibre durable des territoires, Paris le 5 septembre 2007.

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Circonstance : Assises de l'agriculture, à Paris le 5 septembre 2007

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer ma conviction que l'agriculture est au coeur de tous les défis de nos sociétés : croissance, sécurité alimentaire, développement durable, indépendance énergétique Mon ambition pour les Assises est au regard de ces défis, de construire une stratégie offensive dans la droite ligne du projet que va dessiner le Président de la République à Rennes la semaine prochaine. Ce projet pour notre agriculture porté par les plus hautes autorités de l'Etat est la traduction de son enjeu stratégique pour notre pays.
La démarche que j'ouvre aujourd'hui doit guider notre action au quotidien, irriguer notre administration, je veux la conduire dans tous les secteurs dont j'ai la responsabilité : je l'ai lancé dans le secteur de la pêche en nommant Didier GUEDON, je vais la lancer pour la forêt dans le cadre du Conseil Supérieur de la Forêt.
Pour certains, je le sais, les politiques agricoles seraient devenues obsolètes. Les lois du marché devraient naturellement assurer l'alimentation dans des conditions économiques équitables pour les producteurs et les consommateurs .Quant à la libéralisation des échanges, elle devrait assurer le développement des pays les plus pauvres. L'envolée soudaine des prix d'un grand nombre de matières premières agricoles sur le marché mondial confirme l'extrême dépendance de notre agriculture vis à vis de facteurs extérieurs difficilement maîtrisables.
Elle nous rappelle que la fonction première de l'agriculture est de produire pour satisfaire les besoins vitaux de l'humanité qui seront multipliés par 2 d'ici 2050.Elle justifie, plus que jamais, des outils de stabilisation des marchés adaptés et renouvelés. Mais ce contexte, si nous n'y prenons pas garde, peut aussi constituer un piège et renforcer ceux qui estiment que l'Union européenne n'a désormais besoin ni de politique agricole ni de budget. C'est dans ce contexte que je lance aujourd'hui les Assises.
Quels sont les objectifs ?
Face aux échéances que vous connaissez : bilan de santé de la PAC en 2008 et présidence française, la France doit reprendre l'initiative, ne pas rester dans un coin sur une attitude défensive. C'est ce que je vous demande Il nous faut relever la ligne d'horizon .La Commission rendra publiques d'ici la fin novembre ses propositions pour le « bilan de santé de la PAC », dont l'examen devrait être conclu à la fin 2008 sous présidence française. Nous en connaissons les grandes lignes : découplage total, suppression des quotas laitiers, modulation ... Je ne souhaite pas que nous nous enfermions dans le débat des modalités sans préalablement avoir tracé les objectifs de notre agriculture et d'une politique agricole pour 2013.Cela fait trop longtemps que nous n'avons pas posé la question : une politique agricole , pour quoi faire ? Et, pourtant, il ya eu des réformes de la PAC, mais elles ont été, chaque fois conduites sous contrainte : l'OMC ou le budget. Il faut en sortir. Notre calendrier : c'est 2013 pour prendre les bonnes décisions en 2008.Le Président de la République dans le cadre de l'université du MEDEF a été très clair.
Le temps est compté car il faut discuter avec nos partenaires. Notre vision de l'agriculture, nous devons la partager. C'est ce à quoi je vais m'employer dans le tour des capitales européennes que je viens de commencer : montrer la détermination de la France mais aussi son ouverture pour débattre.
Les Assises doivent également tenir compte de nouveaux repères : le Grenelle de l'Environnement et la révision générale des politiques publiques.
Pour conduire cette réflexion à multiples facettes, je vous propose des premières orientations et une méthode de travail.
Quelles orientations pour notre agriculture en 2013 ?
Le projet pour notre agriculture, compte tenu de la nature même de l'activité agricole, doit être construit comme une réponse aux défis de la société du XXIe siècle, et non pas de façon autonome. L'agriculture est essentielle pour relever le défi alimentaire, elle est incontournable pour préserver le triptyque « eau, sol, air, », elle est nécessaire pour desserrer la contrainte énergétique, elle est indispensable, avec l'ensemble des activités qu'elle génère, à un développement durable des territoires ruraux, elle est utile pour maintenir du lien social, elle est stratégique sur la scène internationale et elle est un des éléments de l'identité et de la culture française et européenne.
Pour répondre à ces défis, nous avons besoin d'une agriculture productive, compétitive, durable, contractualisée à son aval, et ancrée dans les territoires.
Ces enjeux justifient plus que jamais l'existence d'une politique agricole. Mais, ses objectifs doivent être revisités, mis en perspective dans le cadre d'une politique alimentaire, agricole et rurale. Cette dernière doit tout à la fois garantir la sécurité alimentaire et préserver les équilibres écologiques Je propose à votre réflexion 4 objectifs pour cette politique renouvelée :
- stabiliser les marchés agricoles pour d'une part assurer le revenu des agriculteurs, et des prix raisonnables aux consommateurs et d'autre part relever le défi alimentaire de la planète,
- garantir une alimentation sûre, accessible et diversifiée,
- participer à la préservation des ressources naturelles,
- contribuer à un équilibre durable des territoires.
Mais, ne soyons pas naïfs : conduire cette réflexion exige qu'un consensus existe entre les Etats membres sur le maintien du budget, la préférence communautaire, la stabilisation des marchés, le soutien à une agriculture durable
Comment allons-nous travailler ?
La méthode, nous allons la caler sur les orientations et les échéances :
Première étape : en s'appuyant sur le discours du Président de la République Nicolas SARKOZY, à Rennes, le 11 septembre, la définition de nos objectifs pour une politique agricole dans une perspective 2013. Il faut que nous soyons prêts pour la mi-octobre. A l'issue de ce débat, je vous adresserai pour la mi-septembre un document d'orientation. Ceux qui le souhaitent pourront me communiquer leurs réactions et leurs propositions. Nous y consacrerons notre prochaine réunion le 16 octobre. A cette occasion d'ailleurs, nous accueillerons à la fin du CSO, Edgar PISANI auquel je souhaite rendre un hommage particulier.
Deuxième étape : la position de la France sur le bilan de santé de la PAC. Je vous propose de mettre en place, dès que nous connaîtrons les premières propositions de la Commission, des groupes de travail que nous élargirons aux représentants des différents secteurs de production. Je souhaite que nous ayons arrêté notre position pour début janvier,
Troisième étape : l'adaptation de nos dispositifs au projet que nous aurons construit. En effet, il va se traduire, soit par des adaptations de nos politiques publiques et de notre réglementation nationales, soit par des évolutions de la législation communautaire, faisant alors partie du « paquet » de propositions françaises dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Pour être prêts dans les délais, je vous propose de mettre en place des groupes de travail au courant du mois de septembre sur 5 thématiques qui paraissent incontournables. Elles concernent :
- la nouvelle gouvernance dans les filières avec le débat sur le mode d'organisation de la production, sur le rôle et les moyens des interprofessions, sur l'adaptation du droit de la concurrence, sur la certification des entreprises agricoles, sur les instruments de gestion des risques et des crises qu'elles soient économiques ou sanitaires,
- l'alimentation avec les questions relatives à la sécurité sanitaire, à l'accessibilité des produits alimentaires, aux nouveaux enjeux nutritionnels, à la diversification de l'offre par la qualité et le développement de l'agriculture biologique,
- la mobilisation de l'innovation au service de la durabilité des filières, avec une orientation de l'appareil de recherche et de développement sur l'adaptation des process industriels, sur la généralisation d'itinéraires techniques durables, sur l'accompagnement des nouvelles filières non alimentaires,
- la pérennité des entreprises agricoles avec les questions relatives à l'installation, au financement des entreprises, et à l'adéquation des référentiels de formation à la nouvelle donne, et la mise en place d'un véritable plan d'autonomie énergétique des entreprises agricoles,
- l'équilibre économique et écologique des territoires avec la question des pratiques agricoles que nous devrons adapter aux caractéristiques des milieux pour préserver la biodiversité. Mais au-delà, je souhaite que l'on ouvre une réflexion sur des dispositifs permettant de mettre en place de véritables projets de développement territorial durable conjuguant des mesures pour fixer des productions dans certains territoires menacés, pour orienter les modes de production et pour contractualiser les débouchés avec l'aval.
Ces groupes, qui seront composés des membres du CSO qui le souhaitent, tiendront une première réunion avant la fin septembre. Pour alimenter la réflexion, sur la base du cadre qu'ils auront défini, nous désignerons des experts qui leur soumettront des propositions. Un rapport d'étape interviendra avant la fin novembre .Cette échéance sera utile tant pour le bilan de santé de la PAC que la révision des politiques publiques.
Mais c'est en janvier et en février que les groupes auront tout loisir de débattre des propositions. Et c'est le CSO de mars qui s'en saisira.
L'objectif ambitieux, que je propose est tout à la fois de préparer au mieux une présidence française de l'UE réussie, de donner des perspectives de moyen et de long terme à notre secteur agricole et agroalimentaire pour prendre les bonnes décisions lors du bilan de santé et de « refonder » sur des bases solides, car partagées, le pacte essentiel entre une agriculture compétitive et durable et la société, reconnaissant ainsi la place de nos activités dans son équilibre au quotidien.
Le temps est court : 6 mois, avant d'engager dans une deuxième phase, au second trimestre, une consultation dans les régions. J'ai souhaité que les acteurs de terrain puissent ensemble avec les collectivités territoriales s'approprier la nouvelle donne, tracer, en fonction des objectifs et des dispositifs que nous aurons arrêtés, leur avenir et conduire les évolutions nécessaires en anticipant les échéances.
Je vous remercie et j'ouvre le débat sur les orientations d'un nouveau projet pour l'agriculture et sur la démarche.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 20 septembre 2007