Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le développement des filières de production de matières premières énergétiques renouvelables et de matières premières pour les industries et la consommation durable, Tarbes le 5 octobre 2007.

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Circonstance : Inauguration AGROMAT à Tarbes le 5 octobre 2007

Texte intégral

Monsieur le Ministre, MM. les parlementaires, MM. les Préfets,
M. le Recteur, MM. Les Présidents, Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux d'inaugurer la Halle AGROMAT, centre de démonstration unique en France par la synergie entre industrie et recherche. Elle permet de développer et d'expérimenter des outils « pilotes » pour l'industrie des biomatériaux, des bioplastiques et des agrocomposites. C'est un maillon important de la chaîne de l'innovation, celui qui permet de passer à l'expérimentation en « vraie grandeur ». Cette halle illustre la politique de soutien public à la recherche-développement et à l'innovation « éco-compatible ».
Quand on parle de valorisation non alimentaire des produits agricoles, forestiers et marins : bois et dérivés, produits agricoles, déchets (élevage, industries, collectivités), on parle de deux choses :

  • 1- La production de matières premières énergétiques renouvelables
  • 2- La production de matières premières pour les industries et la consommation durable.

Il y a 4 raisons pour développer ces filières :

  • Economie : nouveaux débouchés, créations d'emploi, innovation, politique industrielle, territoire.
  • Environnement : recours à des matières premières renouvelables. La biomasse est l'une des sources d'énergies renouvelables les plus compétitives et les plus prometteuses.
  • Ces filières contribuent aux efforts de réduction des gaz à effet de serre d'autres secteurs (transports, chimie, bâtiment).
  • Elles améliorent la sécurité et l'indépendance de notre pays en matières premières.

Certaines de ces valorisations sont actuellement mises à mal, pour des raisons souvent mal comprises et un débat public insuffisant. J'ai en tête plusieurs articles récents qui ont critiqué l'utilisation de la biomasse, entretenant une certaine confusion.
Or en France, il faut rappeler que nos méthodes de production de la biomasse sont plus propres que dans d'autres pays, et le bilan énergétique est nettement positif : Les biocarburants en France ont un bilan énergétique entre 2 et 6 fois meilleur que celui des carburants pétroliers, selon l'ADEME.
Je suis heureux que le Grenelle ait pu aboutir à confirmer les orientations stratégiques en terme de bio-énergie :
Le fait de porter à 20% la part d'énergie renouvelables dans la production énergétique, d'ici 2020. Ceci implique, on l'oublie souvent, un rôle prédominant à la biomasse, notamment la biomasse forestière, qui devrait représenter 1/3 de toutes les énergies renouvelables dans notre objectif. Dès 2012, la chaleur produite en France devra provenir pour 15% de la biomasse. Ces objectifs sont cohérents avec les engagements pris lors du Sommet européen de mars 2007.
La deuxième orientation retenue par le Grenelle : le plan biocarburants : Il vise à incorporer 7% de biocarburants dans l'essence en 2010 (10% en 2015). Ce plan, c'est 5% de réduction sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports en 2010, et 30 000 emplois créés ou maintenus dans les secteurs industriels et agricoles de notre pays.
Mesdames, Messieurs
La deuxième idée souvent mal comprise, c'est la nouvelle donne économique. Selon ses détracteurs, la biomasse n'aurait pas sa place dans un contexte de hausse des prix des matières premières.
Quelle est la réalité de cette nouvelle donne ? C'est la hausse conjointe des cours des matières premières agricoles et fossiles avec des effets positifs:
La hausse du pétrole, à court et long terme, garantit la compétitivité de la filière biomasse.
La hausse des cours agricoles garantit la viabilité économique pour les exploitants agricoles. Le 30 août par exemple, Diester Industrie à décidé de payer la tonne de graine 37euros de plus que la précédente récolte.
L'ensemble du système de prix (fossile et agro-ressources) est tiré vers le haut, ce qui permet aux filières de biocarburants d'être à la fois compétitives et viables.
Il faut donc aider ces nouvelles filières à mettre « le pied à l'étrier » : je parle des biocarburants ; des biocombustibles (chaleur et électricité) ; et de la chimie du végétal : bioproduits et biomatériaux : dérivés du bois, bioplastiques, solvants, lubrifiants, fibres végétales, fertilisants ; ce qui nous réunit aujourd'hui.
Il y a, à mes yeux, trois raisons d'utiliser les agro-matériaux dans l'industrie :
D'abord, mieux utiliser l'utilisation des ressources : c'est-à-dire utiliser les éléments non consommables de certaines plantes (les co-produits) à des fins économiques et environnementales.
Ensuite, ces filières de bio-matériaux sont à haute valeur ajoutée.
Enfin, on remplace des produits polluants par des produits « verts ».
Par exemple, l'administration américaine a pour objectif d'atteindre 90% de la chimie basée sur du carbone renouvelable d'ici à 2100.
Nous devons aussi être ambitieux en France et en Europe.

En France :
L'Objectif stratégique français est de doubler l'utilisation des ressources renouvelables dans l'industrie chimique en 2015, en passant de 1 million de TEP (tonne équivalent pétrole) aujourd'hui à 2 millions en 2015.
C'est avec cet objectif qu'a été élaboré un « plan stratégique pour la chimie du végétal et les biomatériaux ». Les axes de travail :

  • Recherche-développement,
  • Stimulation de la demande,
  • Normalisation des produits,
  • Information des consommateurs sur l'écobilan des produits.

Ces orientations seront mises en oeuvre dès 2008 avec les partenaires concernés.
A l'avenir les efforts de recherche associant les acteurs publics, les collectivités territoriales et le secteur privé doivent être poursuivis et probablement intensifiés à l'échelle nationale et européenne.
Le Ministère de l'agriculture défendra le renforcement du financement de la R&D et de l'innovation pour la chimie du végétal et les biomatériaux.
Puis, il y a l'Europe :
La France est force de proposition en Europe : A l'initiative de la France, un mémorandum appuyé également par l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, la Belgique et l'Espagne sur l'utilisation industrielle des ressources renouvelables dans l'UE sera prochainement transmis à la Commission, afin de promouvoir une stratégie européenne pour le développement de ces produits,

Avec Cinq propositions :

  • Adaptation de la réglementation et du cadre fiscal en faveur des produits d'origine renouvelable (aides d'Etat, fiscalité).
  • Soutien au développement de nouveaux débouchés.
  • Renforcement de la production durable de biomasse destinée à la production de biomatériaux, notamment dans le cadre de la PAC.
  • Amélioration de l'information des consommateurs et promotion des produits, (étiquetage).
  • Renforcement des actions de recherche et de développement.

Mesdames, messieurs
La politique gouvernementale de valorisation de la biomasse, qui est une politique industrielle, a de larges bénéfices sur d'autres politiques, notamment l'emploi et l'environnement.
Avec les industries et les PME, elle accompagne les programmes de développement local. Sur l'ensemble de ces nouvelles filières. Ce sont près de 50 000 emplois nouveaux d'ici 2015.
Aujourd'hui, le développement durable ne peut plus attendre. Il y a des impératifs de développement durable pour le secteur énergétique, les transports, le bâtiment ou la chimie, et plus largement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre : qu'il faudra diviser par quatre d'ici 2050, en France et en Europe.
L'agriculture et la forêt doivent avoir toute leur place dans cette ambition, parce qu'elles sont à l'amont de toute politique de bio-énergie et de bio-matériaux.
La mobilisation, dans des proportions raisonnables, de la ressource agricole et forestière, nécessite, dans la phase actuelle de lancement, un certain niveau de soutien public, et se justifie pleinement par les résultats qu'elle promet en termes d'environnement et d'emploi.
Nous sommes résolument décidés à relever le défi de la « bio-économie », parce qu'elle aura une place essentielle dans la production énergétique et les matériaux renouvelables du XXIe siècle.
Je vous remercie

source http://www.agriculture.gouv.fr, le 9 octobre 2007