Interview de M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, sur "France 2" le 15 octobre 2007, sur les rémunérations des fonctionnaires, la durée de cotisation avant la retraite, les suppressions de postes dans la fonction publique ainsi que sur la polémique sur les tests ADN lors des demandes de regroupement familial.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour A. Santini.

R.- Salut !

Q.- Vous lancez ce matin une conférence sur le dialogue social dans la Fonction publique. Je dirais que ça tombe un petit peu mal, à trois jours d'une grande grève contre la réforme des régimes spéciaux de retraite et contre ce que les fonctionnaires appellent la casse du service public. Alors, est-ce que vous allez vraiment pouvoir négocier à trois jours de cette grande grève ?

R.- Vous êtes toujours mal informé, R. Sicard, c'est bien connu...

Q.- Non, là, mon info est bonne ! J'ai vérifié...

R.- Sauf que cette conférence est la troisième. La première conférence portait sur les valeurs de la Fonction publique : pourquoi est-on fonctionnaire, qu'est-ce que c'est que le service public, faut-il être fonctionnaire pour remplir les missions de service public ?

Q.- Et à la deuxième, c'était les salaires.

R.- La deuxième, c'était la semaine dernière...

Q.- Les salaires.

R.- Ça portait sur le pouvoir d'achat.

Q.- Voilà.

R.- Mais nous ne devions pas "négocier". E. Woerth, qui est maintenant ministre du Budget et de la Fonction publique - ce qui court-circuite les éventuelles récriminations - eh bien a annoncé que d'ici la fin du mois d'octobre, il y aurait une "rencontre salariale" avec les syndicats, non pas des négociations, mais une rencontre, pour ne pas polluer, justement, le cycle de conférences que nous avons lancées. Alors, aujourd'hui, il s'agit donc...

Q.- Oui, mais, quand même, parler de dialogue social à trois jours d'une grève qui va être massive, ça paraît paradoxal.

R.- Peut-être mais ce n'est pas un luxe. Quand vous pensez que depuis 98, on n'a signé aucun accord entre les syndicats et le Gouvernement. C'est un secteur en jachère. Vous avez eu les...

Q.- Pourquoi il n'y a pas de dialogue social, chez les fonctionnaires ?

R.- Mais, il y avait des jeux de rôles. Des jeux de rôles, simplement. On se réunissait, les syndicats demandaient- les huit organisations syndicales demandaient - tant, le ministre de la Fonction publique, lui, disait : « oh, ce n'est pas possible, je vais aller voir le ministre du Budget », qui lui disait « tu rigoles, non ? », c'est comme ça, il revenait « oh, navré », et les fonctionnaires syndiqués...

Q.- Alors, les syndicats disent que depuis 2000, le pouvoir d'achat a baissé de 6 %.

R.- Oui, mais c'est de cela que l'on voudrait parler.

Q.- Qu'est-ce que vous allez faire ? Vous allez augmenter ?

R.- Le ministre du Budget, lui, dit que ce n'est pas vrai, que ça a augmenté de 3,6 par année.

Q.- Mais vous allez les augmenter ou pas ?

R.- On n'est même pas d'accord sur les modes de comparaison. C'est invraisemblable ! Le fameux point d'indice auquel les syndicats sont très attachés...

Q.- C'est ce qui permet de calculer les salaires.

R.- Voilà, alors, il représente cette année, pour 2006, 31 %. Avant, il représentait 25 %, mais 31 %, il reste 69 %, répartis entre 50 % que l'on appelle GVT - glissement, vieillesse, technicités, positifs - et 19 %, les conditions locales. Alors, tout ça, on n'en parle pas. Non, non, non, on se cramponne sur le point d'indice, c'est bien plus sûr. Ce n'est pas vrai. C'est insultant pour tout le monde.

Q.- On ne comprend pas tout, mais est-ce que les fonctionnaires vont être augmentés ou pas ?

R.- Nous le verrons à la fin du mois.

Q.- Vous n'avez pas d'annonce à faire de ce point de vue là.

R.- Non. On se rencontre et E. Woerth fera des propositions.

Q.- Mais, pour l'instant, pas de promesses.

R.- Non.

Q.- Pour ce qui concerne la grande grève de jeudi prochain, est-ce qu'elle peut faire reculer le Gouvernement, comme le Gouvernement avait reculé en 95, sur les mêmes questions ?

R.- Non, la situation est tout à fait différente. N. Sarkozy avait prévenu, pendant la campagne des présidentielles, il mettait sur la table, avant, pour faire après. Il a été élu à 53 % des voix, sur 85 % de votants, c'est donc un véritable débat qui a été organisé et qui a tranché. Alors, maintenant, les réformes, la réforme des régimes spéciaux des retraites, c'est dans le programme. Ce doit être fait, et il l'a dit clairement, ce serait inique de ne pas la réaliser. Ça va être évidement compliqué, on comprend très bien que les gens qui bénéficient de ce système, aujourd'hui, veuillent le défendre, mais ça n'est pas possible, autrement, pour 500.000 cotisants sur 1,1 million de bénéficiaires, ça ne peut pas tenir, donc, c'est la seule solution.

Q.- A propos de retraites. Les fonctionnaires, eux, cotisent 40 ans, est-ce qu'ils vont devoir...

R.- Depuis la réforme de 2003.

Q.- Est-ce qu'ils vont devoir cotiser 41 ans, comme c'est annoncé à peu près régulièrement ?

R.- Ça c'est donc le Premier ministre, qui connaît le dossier, puisque c'est lui qui a mené la réforme de 2003, qui va reprendre les négociations, mais il est vrai que l'on va aller partout vers une uniformisation. Pourquoi ne m'avez-vous pas parlé encore des députés ? Vous devriez, parce que là encore il y avait...

Q.- On en a déjà beaucoup parlé...

R.- Voilà, et puis je reçois du courrier alors que je ne suis plus député...

Q.- Le régime spécial des parlementaires.

R.- Et puis et puis ceux qui sont chômeurs, aussi, il paraît qu'on va leur donner 400.000 euros ou autres. C'est invraisemblable !

Q.- Ça vous choque.

R.- Il est temps... oh, écoutez, moi, je crois qu'il faut un petit peu de pudeur. Je ne sais pas quand ce texte a été voté, mais enfin, ça me rappelle, vous savez, avant, sous la IVème, les députés s'augmentaient eux-mêmes.

Q.- C'est plus pratique.

R.- Oui, et alors, je me rappelle, deux radicaux qui étaient en train de discuter et au moment où on allait voter l'augmentation, l'un des deux est sorti, quand il est revenu - on appelle ça « l'amendement prostate », n'est-ce pas - quand il est revenu, l'autre lui dit : « ça y est, on a été augmenté ». Et ce député avait cette formule magnifique : « mon indignation n'a d'égal que ma satisfaction ». Alors, aujourd'hui, ça n'est même pas vrai, on raconte des cracks.

Q.- Sur les suppressions de postes dans la Fonction publique, ça énerve les fonctionnaires, ils disent : « on va dialoguer, on va dialoguer alors que les suppressions de postes sont déjà décidées ». Est-ce que ce n'est pas là, mettre un peu, les choses à l'envers.

R.- Je reviens à ce qui a été dit : c'était annoncé. C'est une opportunité, je dirais, démographique. On a tellement engagé des fonctionnaires depuis à peu près 90, que, aujourd'hui, il y a des départs en retraite. Il ne s'agit pas de licencier des gens, il n'y a pas de plan social. Simplement, on fait comme beaucoup de pays, en Italie, c'est 6 sur 8 qui ne vont pas être remplacés, c'est intéressant, ça.

Q.- Parce que, ce que disent les fonctionnaires, c'est, finalement, ils se sentent montrés du doigts et ils disent « on supprime des postes »...

R.- Absolument pas.

Q.- « Cela veut dire que le gouvernement considère que l'on ne travaille pas assez »

R.- Absolument pas. On veut avoir la Fonction publique, aujourd'hui...

Q.- Vous, vous dites : les fonctionnaires travaillent assez, convenablement.

R.- Oui, et puis surtout, c'est une des meilleures Fonctions publiques du monde, sinon la meilleure. Il faut être bien conscient de ce paradoxe. Par contre, il est possible que l'on revoie le positionnement, le formatage des services, mais ça, ça doit se faire au niveau de chaque ministère et au niveau de chaque service.

Q.- Sur un sujet très différent, il y a une polémique autour des tests ADN. Est-ce que vous ne pensez pas que le Gouvernement devrait purement et simplement retirer cet amendement ?

R.- Je crois que l'on fait une mauvaise querelle à B. Hortefeux, qui est un garçon extrêmement calme, qui a joué le jeu parlementaire, c'est un amendement, à l'origine...

Q.- Amendement de T. Mariani...

R.- Voilà, à l'Assemblée. Le Sénat a bien travaillé, il a introduit beaucoup de limites. Je voyais l'autre jour, que, à Londres, il y a 12.000 tests dans le pays de l'habeas corpus, 12.000 tests par an, et personne ne se bat. C'est une possibilité favorable qui est offerte.

Q.- Donc, vous, vous dites : « il faut garder l'amendement ».

R.- Ce qui a été voté par le Sénat me semble le bon sens.

Q.- Il y a quand même eu des couacs gouvernementaux là-dessus, on se rappelle le « coup de gueule » de F. Amara.

R.- Oui, que j'aime bien, et elle a bien fait de dire que c'était « dégueulasse », parce qu'elle le pensait, mais ce n'est pas pour ça que la réalité est au rendez-vous.

Q.- Alors, il y a un ministre qui va bientôt siéger au Gouvernement, c'est B. Laporte. Est-ce qu'il n'est pas fragilité par l'échec de l'équipe de France ?

R.- Vous savez, Nicolas savait ce qu'il risquait et je ne le vois pas refuser B. Laporte parce qu'on a trébuché en ½ finale. 18 millions de téléspectateurs, l'autre jour, pour la ½ finale, quand même. Toute la France y a cru. Alors, ce n'est pas Laporte qui va devoir trinquer.

Q.- Toute la presse tombe sur B. Laporte, ce matin.

R.- Mais parce que vous êtes toujours comme ça, on vous connaît bien.

Q.- Pas à « Télématin » !

R.- J'espère que vous l'avez défendu. Il faudrait qu'on soit un peu adultes, même pour le sport.

Q.- Juste une question : vous êtes sous le coup d'une mise en examen, si vous êtes condamné, qu'est-ce qui se passe ?

R.- On verra. A ce moment-là, je pendrai la décision, mais il n'y a aucun problème, si je suis condamné, je ne mérite pas ma place au Gouvernement.

Q.- Merci A. Santini. William, c'est à vous. W. Leymergie : Merci messieurs... le ministre, monsieur le maire, notre voisin, eh oui, c'est Issy-les-Moulineaux ! S'il va dans ce sens-là et qu'il fait 300, 400 m, il est chez lui. C'est ça, à peu près ?

R.- Tout à fait.

W. Leymergie : Ne partez pas par-là, parce qu'il y a la Seine. Faites le tour ! Allez, au revoir !

R.- Vous auriez mieux fait de venir chez nous...

W. Leymergie : Ah oui, c'est vrai, au moment de l'implantation de France Télévisions.

R.- On ne va pas y revenir.

W. Leymergie : Ah non, non, c'est un sujet qui fâche.

R.- On est bien chez nous, demandez à Canal+.

W. Leymergie : Je ne sais pas de quoi vous parlez. Canal+ ?

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 octobre 2007