Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les raisons pour lesquelles il est nécessaire de réformer l'Etat, Nîmes le 19 octobre 2007.

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Circonstance : Déplacement à Montpellier, Avignon et Nîmes le 19 octobre 2007-réception à la mairie de Nîmes

Texte intégral

Mesdames et messieurs les élus,
Mes chers amis,
Si j'ai voulu me rendre à Nîmes, c'est parce que je crois que l'énergie de Nîmes symbolise au fond la France en mouvement que le Gouvernement appelle de ses voeux.
Le groupe scolaire René-Char ce matin, le centre aquatique Nemausa, le chantier de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, le centre social André-Malraux, l'usine de la Savonnerie : j'ai vu tout au long de la journée les ambitions de Nîmes et ses promesses.
Par sa richesse historique, par sa situation géographique, par son potentiel économique, social, culturel, Nîmes a vocation à rayonner. Ses infrastructures, les pôles d'excellence présents sur son bassin, votre volontarisme constituent des atouts majeurs. Ils doivent permettre à votre communauté d'agglomération, qui avoisine aujourd'hui les 240 000 habitants, de jouer un rôle structurant sur tout le sud-est.
Nîmes avance, Nîmes brille, mais Nîmes, comme bien d'autres grandes villes, doit surmonter bien des obstacles.
Le chômage qui est trop élevé, la violence, le logement, l'exclusion ; vous savez bien tous, les uns et les autres, quelle réalité ces mots recouvrent et ceci depuis trop longtemps. Et vous savez bien aussi que vous ne pourrez pas seuls, avec les instruments de la politique locale, répondre à toutes ces questions. En réalité, nous avons besoin d'un changement de cap, nous avons besoin d'une rupture politique. Et cette rupture politique, c'est justement celle que nous sommes en train de réaliser avec le chef de l'Etat.
Il s'agit de redonner à la République la liberté réelle qu'elle exige et la solidarité renforcée qu'elle réclame.
Cette République renouvelée, c'est une affaire collective ! Elle dépend certes de l'Etat mais elle ne dépend pas que de l'Etat. Elle s'élabore et elle s'enrichit dans nos villages, dans nos villes, là où la proximité avec les citoyens décide leur avenir.
Eh bien je crois que Nîmes offre le visage de cette République dans l'action et sur le terrain. C'est l'équipement collectif - les écoles, les piscines, les aménagements routiers. C'est le service public, à commencer par le service public de la sécurité. Aujourd'hui, malgré les progrès considérables réalisés au cours des cinq dernières années, Nîmes n'est pas encore épargnée par la violence et par la délinquance. Et face à ces fléaux, je vous le dis, il ne faut pas céder d'un seul centimètre. Il faut que la certitude de la sanction prenne le pas sur le sentiment d'impunité.
Voilà pourquoi le Gouvernement, avec sa majorité, n'a pas hésité à légiférer sur la délinquance des mineurs et sur la récidive.
La République sur le terrain, c'est aussi cette aventure humaine engagée ensemble pour faire aboutir un projet d'ampleur, comme votre renouvellement urbain, où se retrouvent les habitants, les acteurs associatifs, les bailleurs sociaux et les commerçants.
Ce matin, j'ai mesuré la volonté qui anime les chantiers de Saint-Gilles, de Valdegour et de Sabatot : démolir et reconstruire des centaines de logements pour résidentialiser - si je puis utiliser cette expression - les quartiers, y réintroduire la mixité. C'est un projet qui engage l'ensemble des acteurs de l'agglomération Nîmes-métropole.
La République du terrain, c'est enfin, celle du travail et du mérite, c'est-à-dire ces valeurs qui permettent de redynamiser le tissu économique nîmois que le recul des industries traditionnelles a fragilisé. Au regard de tout ce que vous réalisez, au regard de tous vos projets, je sais que mon Gouvernement a raison de défendre la liberté de travailler, et en particulier la liberté de travailler plus pour gagner plus.
Mes chers amis,
Si notre pays a connu tant de difficultés depuis vingt ans, c'est parce que notre pays est celui en Europe où l'on travaille le moins. Et quand on travaille moins que les autres, il ne faut pas s'étonner qu'on ait moins de richesses que les autres et que l'on ait moins d'emplois que les autres. La priorité de mon Gouvernement, c'est de permettre à chacun de travailler, c'est de soutenir les investissements, c'est de faire en sorte que notre pays comprenne enfin que ce n'est pas en partageant le travail que l'on résout le chômage, c'est en créant de la richesse que l'on crée des emplois, et que l'on apporte des réponses à la détresse de nos concitoyens.
Mon cher Jean-Paul,
Quand je vois Nîmes, je vois une ville où chacun prend en charge l'avenir de tous. Prendre l'avenir en charge, l'avenir de tous, et le prendre en charge ensemble, voilà notre défi.
Nous vivons dans un monde de 6 milliards d'habitants, un monde où la bataille pour la croissance et l'emploi est terriblement exigeante, un monde où les 60 millions de Français n'ont pas d'autre choix que celui de se serrer les coudes et de s'adapter.
Prendre en charge l'avenir, c'est solliciter tous les talents, c'est relayer toutes les initiatives. Je pense aux initiatives qui viennent des cités qui ne sont nullement condamnées à vivre sous le sceau de la peur, de l'assistanat et de la violence. Voilà pourquoi le Gouvernement va lancer au début de l'année 2008 un grand plan sur les banlieues les plus sensibles.
Je pense aux initiatives des entrepreneurs et des salariés qui réclament une rénovation du marché de l'emploi afin de libérer l'embauche et de sécuriser les parcours professionnels.
Je pense aux consommateurs qui subissent la rigidité de certains secteurs de notre économie, qui, à force d'être sur-réglementée, bride la concurrence, bride la transparence au détriment du pouvoir d'achat des Français.
Prendre ensemble l'avenir en charge, c'est aussi protéger ce que nous avons de plus sacré, et ce que nous avons de plus sacré, c'est notre environnement. Le Grenelle de l'environnement va se traduire bientôt, très bientôt, par des décisions.
Et, en la matière, nous voulons, avec le président de la République, que la France se montre exemplaire, notamment en imaginant une fiscalité verte, c'est-à-dire une fiscalité qui permette d'orienter les comportements de nos concitoyens vers les attitudes qui sont les plus protectrices de l'environnement, qui sont les moins consommatrices d'énergie, et en engageant un plan d'économie d'énergie considérable ciblé sur le bâtiment.
Vous savez, ce Grenelle de l'environnement que le président de la République a voulu, c'est un événement politique, parce que c'est la première fois que des mondes qui ne se parlaient pas, qui se combattaient, qui s'affrontaient, qui ne se comprenaient pas, ont travaillé ensemble pour proposer des solutions le plus consensuelles possible, qu'il va falloir maintenant, le Gouvernement et le Parlement, arbitrer pour proposer à nos concitoyens un vrai plan sur les dix ans qui viennent pour faire de la France un pays exemplaire en matière de protection de l'environnement.
Prendre ensemble l'avenir en charge, c'est réformer notre Etat pour le rendre plus performant. C'est aussi faire en sorte que nos enfants n'aient pas à supporter le poids de notre endettement et de nos déficits.
J'ai bien entendu tous les messages de Jean-Paul Fournier. Et il sait que j'accorde la plus grande attention aux dossiers qu'il me présente, et que j'accorderai naturellement la plus grande attention à tous les dossiers qu'il a évoqués ce soir devant moi.
Mais je veux en même temps dire que chacun d'entre nous doit avoir à coeur de réfléchir à la meilleure organisation de l'Etat parce qu'on ne réduira pas le déficit public sans réformer l'Etat. Et réformer l'Etat, cela veut dire que chacun accepte de faire des efforts. Il n'y a pas une réforme de l'Etat qui profite à tout le monde, il faut bien qu'il y ait des choix qui soient faits. Ces choix, en plus, peuvent nous permettre d'être plus efficaces.
Si je prends l'exemple de la carte judiciaire, qu'est-ce qu'on veut faire ? On veut des tribunaux où il y ait plus de magistrats, pour que la justice soit rendue de manière collective et avec des magistrats spécialisés qui savent de quoi ils parlent, qui ont l'habitude de traiter les mêmes contentieux.
Alors j'entends parler tous les jours de "la justice de proximité", mais attendez, qu'est-ce que réclament les Français après l'affaire d'Outreau ? Ils ne réclament pas d'avoir un tribunal devant leur porte, ils réclament d'avoir un tribunal où on rend une justice moderne, une justice rapide et surtout une justice qui soit sûre, qui soit juste. Alors il faut bien que le Gouvernement et que le Parlement cherchent comment réorganiser une carte judiciaire qui ne l'a pas été depuis 1958 !
Est-ce que les services de la mairie de Nîmes n'ont pas été réorganisés depuis 1958 ? Que serait la ville de Nîmes si aucune décision administrative n'avait été prise depuis 1958 ? Ce que vous avez fait à Nîmes, ce que vous faites dans la métropole de Nîmes, eh bien il faut aussi que nous le fassions au niveau de l'Etat.
Alors il faut le faire intelligemment, il faut le faire en discutant, il faut le faire en cherchant les meilleures solutions, en tenant compte, naturellement, des intérêts des territoires, mais il faut le faire ! On ne peut pas s'abriter derrière le refus des uns ou des autres pour rester comme nous l'avons fait pendant trente ans dans une situation d'immobilisme qui conduit d'un côté à avoir des déficits qui sont des déficits qui pèsent de plus en plus sur notre économie et donc sur l'emploi, et donc sur le pouvoir d'achat et donc sur la croissance. Et de l'autre côté, des services de l'Etat dont beaucoup d'entre vous s'accordent à dire qu'ils ne répondent pas à la demande qui leur est faite.
Et c'est le cas, naturellement, de la justice. Nos concitoyens ont, vis-à-vis de la justice une inquiétude à laquelle nous devons répondre. Et nous essayons de répondre en augmentant les moyens, Jean-Paul : c'est le seul ministère, avec celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, dont les moyens vont augmenter en 2008. C'est le seul ministère qui va voir des créations d'emplois, alors que tous les autres vont rendre des emplois. C'est normal, parce que la modernisation de la justice passe par là, mais cette modernisation de la justice passe aussi par une amélioration de la carte judiciaire.
Voilà, mesdames et messieurs, mes chers amis, pourquoi dans le projet de budget de 2008, pour la première fois, les dépenses publiques sont strictement maintenues au volume de l'an passé, alors que ces dernières années, elles augmentaient en moyenne de 0,7 % par an tous les ans.
Voilà pourquoi, nous avons aussi engagé - je sais que ce n'est pas toujours populaire - une politique de réduction de l'emploi public.
Prendre en charge l'avenir, c'est aussi avoir le courage d'adapter notre modèle social, et notamment nos régimes de retraites. Je l'ai dit ce matin, nous sommes ouverts au dialogue, nous sommes ouverts à la concertation, mais nous réformerons les régimes spéciaux. Et nous ne le ferons pas par esprit d'idéologie, nous ne le ferons pas pour montrer du doigt telle ou telle catégorie de Français, nous le ferons simplement parce que d'un côté, il y a 25 millions de Français, salariés, fonctionnaires, commerçants, artisans, agriculteurs, membres des professions libérales, qui sont appelés à cotiser quarante annuités pour permettre à notre système de retraite de tenir le choc face à l'allongement de la durée de la vie et au vieillissement de notre population.
Je pense que face à ces 25 millions de Français, les 500 000 agents qui bénéficient des régimes spéciaux peuvent comprendre que le maintien de notre système de retraite par répartition suppose un effort comparable pour les uns et pour les autres.
Prendre l'avenir en charge et le prendre ensemble, c'est enfin aller sur le terrain constamment et patiemment pour expliquer les politiques qui sont engagées.
La semaine dernière, j'étais dans la banlieue du Mans avec Fadela Amara. J'étais la même semaine avec Rachida Dati, à Douai, pour débattre de la difficile réforme de la carte judiciaire. A chaque fois, mon approche est la même : expliquer, écouter, convaincre.
Et à cette occasion, nous avons indiqué, avec Rachida Dati, que les cours d'appel ne verraient pas leurs ressorts modifiés. Cette décision vaut pour toutes les cours, elle vaut naturellement pour la cour d'appel de Nîmes, pour laquelle, mon cher Jean-Paul, avec tous les élus de ce département, tu t'es fortement impliqué.
Mesdames et messieurs,
La "Rome française" est une ville d'ambitions. Elle porte des projets urbains considérables, aux arènes, à la gare, sur le site Hoche-Sernam, au parc technologique Georges-Besse. Et j'ai bien entendu la demande du maire de Nîmes que je vais regarder avec la plus grande attention dès que le dossier arrivera sur mon bureau. La réussite de la "Rome française", comme on l'appelle, comme la réussite de la France, elle est et elle devra être collective.
Quel est au fond notre objectif commun à tous ? Une France où les talents ne se brisent pas sur le mur des conservatismes. Une France où le goût de la liberté et celui de la solidarité sont réconciliés. Une France où les citoyens donnent à la République autant que la République leur donne. Une France dont l'identité est à la fois renforcée et en même temps ouverte sur l'Europe. Une France dont la voix est respectée dans le monde.
Eh bien voilà, mesdames et messieurs, l'ambition que je suis venu aujourd'hui partager avec les Nîmois et tous les habitants du département du Gard.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 23 octobre 2007