Déclaration de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur la richesse de la littérature d'outre-mer et son apport à la culture française, Paris le 20 octobre 2007.

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Circonstance : Salon du livre de l'outre-mer à Paris les 20 et 21 octobre 2007

Texte intégral

Je suis très heureux de vous accueillir ici, au Secrétariat d'Etat à l'Outre-mer, rassemblés autour des écrivains, artistes, éditeurs venus de toutes vos belles régions....
Au fil de ses 13 éditions, ce salon du livre s'est imposé comme un rendez-vous incontournable pour tous les amoureux de l'Outre-mer et de sa culture. Il met à l'honneur, chaque année « les lettres ultramarines » et sa profusion d'ouvrage, sur les cinq continents, ces « marqueurs de parole », selon la formule célèbre de Patrick Chamoiseau.
Jamais cette littérature n'a été aussi épanouie qu'aujourd'hui et c'est le fruit d'un combat mené mot pour mot, depuis des années par chacun de ses auteurs.
Depuis l'époque des grandes découvertes du 17ème et du 18ème siècle, les terres lointaines inspirent la plume des écrivains voyageurs, des philosophes ou des poètes :
Bougainville, Cook,, Victor Segalen, Mariotti, Jean Reverzy pour le Pacifique ;
Baudelaire, Leconte de Lisle ou Georges Sand ... pour la Réunion ;
André Breton, Saint- John Perse pour les Antilles ;
Humbold, Blaise Sendars en Guyane ;
Chateaubriand qui visita Saint-Pierre et Miquelon,
Jean-Baptiste Charcot pour les terres françaises du nord....
Et je pourrais en citer bien d'autres...
Ces écrits vont évoluer au fil des années et le roman de l'époque coloniale va succéder aux mémoires et poésies inspirées des enfances exotiques de créoles rentrés en Europe, aux récits d'exploration et de voyage dans le Pacifique.
Sans toujours remettre en cause la présence française, ils vont en aborder parfois les ombres : les conditions de vie au sortir de l'esclavage, les difficultés des petits colons, les relations avec la Métropole...
Des résidents vont aussi s'attacher à recueillir la tradition orale des kanaks, des Polynésiens, des amérindiens...
Alors qu'à Cayenne, à Nouméa, c'est le regard des bagnards, des déportés politiques sur leur propre détention tropicale que posent Alfred Dreyfus dans son journal ou Louise Michel dans ses récits...
Viendra ensuite le temps d'une littérature plus franchement militante vis à vis de la décolonisation avant et après la seconde guerre mondiale.
C'est l'époque des réflexions et des combats sur la négritude, le racisme, le désir d'indépendance... C'est l'oeuvre fondamentale d'Aimé Césaire, qui s'exprime alors sur les racines des Antillais et la libération de l'homme.
C'est l'époque où sera accordée la citoyenneté française pleine et entière dans les colonies françaises.
C'est aussi celle des combats de Martin Luther King aux Etats Unis.
Ce n'est qu'à la génération suivante que l'on commencera à sortir de ce débat, avec Maryse Condé, Boris Gamaleya, Jean-François Sam-Long et Axel Gauvin, mais encore Patrick Chamoiseau ou Jean Barnabé, qui emboîteront le pas à la pensée d'Edouard Glissant, pour mettre en valeur leur culture propre, son métissage, sa pluralité linguistique...
En Polynésie, ce « renouveau culturel » passe par le choix :
du Tahitien avec des auteurs tels que Charles Manutahi et Henri Brémond ;
du Tahitien et du Français, ou du Français seul :
Louise Peltzer témoigne ainsi, dans « la lettre à Pouteravi », du passage de l'oralité à l'écriture ...
Alors qu'en Calédonie Pierre Gope et Nicolas Kurtovitch, le kanak et l'Européen, rédigent et mettent scène l'histoire du caillou depuis l'arrivée des Cook (les Dieux sont borgnes).
Aujourd'hui, si des oeuvres des écrivains de la fin du siècle dernier débutent par l'engagement politique, leur inspiration s'échappe désormais des thèmes directement liés à l'outre-mer pour en explorer des veines réalistes, picaresques et humoristiques. Elle puise dans des parcours de vie contemporains, se lance dans la fantaisie, revisite le passé.
Les auteurs investissent aussi la littérature pour la jeunesse, la bande dessinée...
Enfin, dernières preuves du foisonnement de ces oeuvres, leurs adaptations au théatre mais aussi leurs couronnements, marquant la reconnaissance nationale, qui se sont multipliés :
Le prix Goncourt de 1992, revenu à Patrick Chamoiseau pour « Texaco »,
Le prix Elle, décerné en 1993 à Gisèle Pineau pour « La grande dérive des esprits »,
Le prix Renaudot en 1999,à Picouly pour « L'enfant Léopard »,
Le prix Maurice Genevoix en 2004 de l'Académie française à « Tu, c'est l'enfance » de Daniel Maximin...
et bien d'autres encore...
Je suis fier de la qualité, de la créativité et de l'abondance de vos productions et je suis heureux d'en accueillir ici certains auteurs ainsi que tous les amoureux de leurs oeuvres.
Elles sont un atout précieux pour la culture de notre pays. Je suis convaincu que les promouvoir et les défendre, c'est défendre une certaine idée de cette culture, de son avenir et de la part d'universel que la France a toujours portée.
C'est ce qui fait que j'y suis depuis longtemps, très sensible, et qu'elle occupe aujourd'hui dans mon coeur, une place toute particulière.
Jour après jour, votre littérature a fait entrer nos diversités en résonance et nous a aidé à nous forger une histoire, une identité, des valeurs communes.
Elle a su refléter aussi notre diversité linguistique en mélangeant Français et langues locales.
Elle est un « esprit d' attention » aux différences, en même temps qu'un vecteur d'enracinement dans notre histoire commune.
Elle a contribué, plus que tour autre, aux mutations philosophiques profondes de notre société.
Mais, engagée ou poétique, elle est avant tout depuis le début, une bouffée d'oxygène, pour la France et sa culture littéraire, vieille de plusieurs siècles.
Elle offre à tous ses lecteurs une aventure extraordinaire où s'expriment toutes les nuances de la sensibilité française telle qu'elle se déploie à travers le monde.
Le thème, « Terre et mer », choisi cette année, illustre à la fois cette donnée, que votre littérature ne peut s'aborder autrement que sur de grands espaces réels et imaginaires mais aussi et surtout, il vise à donner une large place à son témoignage dans le domaine de la protection de l'environnement, de la transmission et de la préservation de vos territoires.
Pour tout cela, le livre est un acteur irremplaçable au même titre que l'échange et le dialogue.
Nos deux journées sont placées sous ce signe : capacité à dialoguer et à se rencontrer, à découvrir et se reconnaître, à recevoir et à donner.
Je vous souhaite de les vivre pleinement. Je remercie à nouveau tous ceux qui les honorent et les font vivre. Je remercie aussi tous les visiteurs qui nous font la joie d'être ici.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 23 octobre 2007