Interview de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, à "La Chaîne info" le 14 février 1999, sur la politique africaine de la France, la réforme de la coopération, la zone de solidarité prioritaire, l'aide à la Caraïbe et sur les compétences du Haut Conseil de la coopération internationale, Paris le 14 février 1999.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Q - Charles Josselin, soixante ans, ministre délégué à la Coopération, à la Francophonie et à lAide humanitaire, ou à lAction humanitaire.
R - Oui, vous pouvez dire lun ou lautre.
Q - Racines bretonnes, et puis une famille paysanne, formation droit à Sciences Po et vous avez eu tous les mandats politiques, député, maire, député européen, président de Conseil général. Du temps de François Mitterrand, vous avez été secrétaire dEtat par deux fois, aux Transports puis à la Mer. Quand Lionel Jospin vous a nommé à la Coopération, on sest un peu interrogé, dans les cercles habituels franco-africains, car vous nétiez pas très connu, vous nétiez pas lun de ses piliers. Mais, après tout, les Bretons ont beaucoup voyagé et puis à lheure où la réforme simpose, être étranger au cénacle, cest peut-être une bonne chose. En un an et demi vous avez dû vous faire beaucoup de relations parmi les dirigeants africains. Cela vous facilite-t-il les choses, ou est-ce quau contraire, vous vous sentez moins libre, quand vous êtes arrivé ?
R - Non, je crois que cest quand même mieux de connaître un peu. Cela nempêche pas la franchise, au contraire.
Q - Mais on ne se sent pas lié par, justement, ses relations damitié que savent tisser les responsables africains !
R - Non. Je crois que la règle du jeu, cest de sen défendre et je my efforce.
Q - Vous y arrivez ?
R - Je crois.
Q - Pas trop de coup de fil, pas trop dinterventions, de pression permanente ?
R - La pression est permanente parce que le champ de compétence qui est le mien, hélas, est marqué par des activités chargées et ceci oblige à une pression pratiquement continue. Cest aussi une grande diversité de situation, encore plus depuis la réforme.
Q - Alors depuis la réforme justement, avec le changement, lintégration de la rue Monsieur, - de votre ministère - aux Affaires étrangères, le rapprochement, plus la cohabitation justement, est-ce quon essaie de passer à côté du ministre de la Coopération ? Est-ce que vous êtes lintermédiaire obligé, naturel et permanent de ses dirigeants africains ?
R - Lorsquil sagit de mettre en oeuvre la politique de coopération internationale et de développement, cest-à-dire de mobiliser les moyens qui sont gérés, notamment par la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement, qui est directement sous ma responsabilité, on passe par le ministre délégué.
Q - Je voulais vous dire que dans la règle ordinaire, les présidents ne sadressent pas au cabinet dHubert Vedrine...
R - Si bien sûr, cela peut encore arriver, mais le cabinet dHubert Védrine sachant qui fait quoi, renvoie les dossiers qui sont de ma responsabilité. Je précise dailleurs - et ce nest pas seulement une formule convenue -, quavec Hubert Védrine les relations sont excellentes et quil ny a pas de guéguerre, en quelque sorte, entre le ministre et le ministre délégué.
Q - Et en période de cohabitation, est-ce que lElysée est un château dormant ? Est-ce que la cellule africaine de lElysée... ?
R - Ce nest pas un château dormant. Là aussi les relations sont assez fréquentes, les occasions de rencontres aussi et quand il y a problème on en parle. Le plus souvent, nous faisons en sorte que la France sexprime de manière univoque.
Q - Vous savez, la France a fait un peu la fine bouche devant les réélections récentes de présidents, qui sont pourtant là au pouvoir depuis aussi longtemps quHafez el-Assad, depuis parfois plus de trente ans. Cest le cas de Eyadema au Togo, cest le cas aussi dOmar Bongo au Gabon. Pourtant, dans les deux cas, ils campent lun et lautre sur lidée que le scrutin était sans tâche.
R - Pas seulement la France lUnion européenne sest aussi exprimée. Je pense au Togo en particulier. Une procédure dailleurs prévue par le Traité de Lomé a été mise en oeuvre, un dialogue au terme duquel les explications nont pas paru suffisantes à lEurope pour quil puisse reprendre sa coopération. Nous attendons les résultats dun dialogue politique engagé et nous sommes heureux quil sengage, avec laide de quatre facilitateurs, désignés par la France, la Francophonie, lAllemagne, lEurope précisément pour que nous puissions, je lespère dans quelques mois, reprendre notre coopération avec le Togo.
Q - Alors le Togo est un peu à part. Le Gabon en revanche, cétait un soupçon. A priori, Omar Bongo a été réélu à la loyale.
R - Oui jai observé comme vous, que les résultats proclamés ont donné au président Bongo une majorité en tout cas qui lui permet...
Q - Dès le premier tour.
R - De continuer, dès le premier tour.
Q - Le Parti socialiste a estimé que cest un scrutin quil fallait regarder avec beaucoup de...
R - La régularité du scrutin na pas forcément toujours été vérifiée dans chaque bureau de vote.
Voilà la réalité...
Q - Vous avez eu des contacts avec Omar Bongo...
R - Je ne suis pas sûr, je ne suis pas sûr que les irrégularités observées, si elles avaient été corrigées, auraient forcément modifié globalement le résultat. Cest aussi une question quon peut se poser.
Q - Oui, on peut comprendre quand on est ministre de la Coopération en France aujourdhui, quun président ait finalement besoin dun résultat triomphal, cest-à-dire dès le premier tour ou alors au second tour dun score très confortable...
R - Non, jobserve quune élection, ce nest pas seulement le jour du vote quil faut sen préoccuper, ce nest pas seulement au moment du dépouillement, même sil savère que cest souvent le moment le plus sensible. Cela signifie une préparation, cela signifie une information, cela signifie des listes électorales décidées de manière consensuelle, cela veut dire des cartes électorales, distribuées normalement partout, et toutes ces conditions ne sont pas forcément toujours remplies.
Q - Alors la Conférence de Rambouillet continue. On a envie de vous dire, à vous qui êtes ministre de la Coopération : et le Congo ? Parce que, après tout, 2.000 morts en Albanie, au Kossovo albanais depuis un an, il y en a eu autant, sinon plus à Brazzaville, dans la même période et on a limpression quil ny a aucun dialogue possible, direct entre dun côté le président Sassou Nguesso et puis lancien président Lissouba, ou lancien maire de Brazzaville Coledas (phon) et quil faudrait que quelquun leur impose justement cette conférence.
R - Cest en tout cas le message que nous faisons passer aux uns et aux autres, en noubliant pas que la responsabilité est très partagée, ce que la médiatisation autour du Congo récemment pourrait faire un peu oublier. Sil nest pas avéré que lartillerie lourde soit la bonne manière pour répondre à des rebelles dont on dit la mobilité, noublions pas non plus la responsabilité de ceux-là.
Q - Oui, mais bon, dans le cas du Kossovo justement, cette armée serbe, cette police serbe, on laccuse de tirer à lartillerie sur des éléments justement armés...
R - Dans un cas comme dans lautre, il ny a pas de solution militaire qui puisse régler complètement le problème. Il faut donc rechercher une voie diplomatique, en tout cas celle du dialogue entre Congolais, et nous avons - je dis nous parce que cest le cas dHubert Védrine, cest le cas très certainement de lElysée - des occasions de faire passer comme cela un certain nombre de messages.
Q - Oui, mais au Kossovo, on ne se contente pas de faire passer des messages. On impose un huis-clos, on impose un dialogue et on le fait avec des moyens militaires quon est prêt à déployer aux frontières, avec des observateurs quon envoie sur le terrain et la France est en première ligne. Alors que, après tout, ce coin des Balkans nest pas véritablement une zone dinfluence française. Au Congo, qui, à part la France, peut... ?
R - Le Kossovo, cest plus près, cest lEurope quand même. Je crois que ceci fait un peu la différence.
Q - Oui, mais le Congo, cest Brazzaville, cest le discours de Brazzaville, cela a été la France un temps. Et puis cest Elf qui est une grande entreprise française.
R - Cest une entreprise importante qui a des relations évidemment avec le pouvoir congolais. Cétait vrai hier, cest vrai aujourdhui. Jobserve dailleurs quElf continue son exploitation parce quon est loin de Brazzaville et que la situation du Congo, elle est surtout préoccupante à Brazzaville et dans les environs de Brazzaville.
Q - Oui, mais à Pointe-Noire aussi.
R - Offshore ou à Pointe Noire, la situation est difficile. Je rends hommage à la communauté française qui vit dans une situation préoccupante.
Q - A propos de Français qui sintéressent à lAfrique, la nouvelle sur le Congo cette semaine, dans le quotidien Libération, a été lannonce que Jacques Attali donnait ses conseils à Sassou Nguesso et quil serait payé, pour cela, 400.000 francs par mois.
R - Oui, il sen est défendu. Qui dois-je croire ?
Q - Oui, il na pas donné les chiffres.
R - Non mais...
Q - Cela vous paraît exorbitant ?
R ...Il dément. Ce chiffre est important. Je ne sais pas à quelle prestation exactement il correspond. Je laisse à M. Attali le soin dorganiser sa défense, par rapport à Libération.
Q - Si cest vrai, ça vous choque ou pas ?
R - Cest beaucoup.
Q - Alors la question de limmigration, ça vous concerne directement. On voit que cest la cacophonie dans lespace Schengen, parce que les Britanniques, dans la même semaine, ont fermé leurs portes, les Allemands reviennent sur la double nationalité, en tout cas, ils hésitent énormément. Vous, les Africains vous demandent... Est-ce que ça vous pose un problème plutôt la décision italienne ?
R - La question des visas déjà posait un problème. Il y a un an et demi on était encore proche de lEglise Saint Bernard si je puis dire. Depuis les mesures prises pour humaniser les procédures, pour faciliter laccueil des demandeurs de visa, ont produit leur effet. Je dois dire que, pour linstant, ce nest plus une question, ce nest plus un contentieux avec les pays africains. Il reste le fond du dossier, cest-à-dire la question de la régularisation des sans-papiers. La France a choisi, je crois, une situation déquilibre en faisant la part quil fallait aux situations familiales et sociales, en particulier. Je voudrais simplement dire que cest un sujet extraordinairement difficile. Les réalités en Allemagne, ou chez nous, ou en Angleterre, ou en Italie, sont quand même très différentes. Linsertion de ces immigrés dans léconomie nest pas forcément la même dans ces différents pays. Pourtant cest bien une solution européenne normalisée qui nous permettra de gérer convenablement ce dossier, puisque, vous lavez dit, les frontières intérieures à lEurope, sont censées exister. Le choix de lItalie va retentir sur toute lEurope.
Q - Monsieur le ministre délégué à la Coopération, la Coopération vient dachever sa mue. La réforme lancée lan dernier arrive à son terme. Il y a le déménagement dune partie du personnel qui rejoint le quai dOrsay. Il y a la mise en place dun Haut conseil de la Coopération et puis en filigrane, lidée, toujours la même idée, rénover un système qui avait peu évolué depuis vingt ans et les lendemains de la décolonisation. Alors quand on regarde la liste des pays qui relèvent désormais de la zone de solidarité prioritaire, on a quelques surprises. LAfrique nest plus la seule à profiter de laide française.
Alors Charles Josselin, la France sort de. son pré-carré, ça cest la première chose que lon remarque.
R - Oui, on souvre à davantage aux pays africains quhier : vers lAfrique lusophone (Mozambique, Angola) et bien sûr Afrique du Sud. Sagissant du Nigeria, jai la conviction que si le processus démocratique engagé se poursuit heureusement, au travers des élections attendues, le Nigeria pourrait rejoindre assez rapidement la Zone de solidarité prioritaire, ce qui serait une bonne chose pour la cohérence de cette région.
Q - On peut parler du Nigeria, mais cest la logique même de cette zone que lon ne comprend pas très bien. Vous me dites « le Nigeria doit faire des efforts vers la démocratie », cest dans la continuité du discours de La Baule.
R - Le critère de base, cest quand même la situation objective de ces pays par rapport au développement ou par rapport au sous-développement.
Q - Et par rapport aux Droits de lHomme aussi.
R - Attendez. La première chose, cest le développement. Ensuite, nous entendons conjuguer le développement et la démocratie. Ce nest pas si simple pour des pays où celle-ci a du mal à senraciner. Il est vrai aussi quil y a quelques pays qui sont eux, du point de vue de la démocratie ou des Droits de lHomme, en situation pour le moins dobservation, sinon de rupture.
Le Soudan a été cité. Cest un des pays avec lesquels la France sefforce de renouveler le dialogue en mettant la pression justement sur les Droits de lHomme. Jai récemment eu loccasion de dire au ministre des Affaires étrangères du Soudan, que je rencontrais à Dakar, que nous avons apprécié que le Soudan accepte que lUNICEF fasse une enquête sur la question de lesclavage qui avait été largement médiatisée il y a quelques semaines. Le dialogue continue. Nous espérons que les résultats de ce point de vue, permettront lan prochain, plus tard, lorsque le CICID se réunira à nouveau pour redessiner la Zone de solidarité prioritaire, pour accepter dautres pays. Peut-être que dautres sortiront parce quils ne respecteront plus la règle ou parce que tout simplement leur développement économique les fera sortir de ces pays en développement.
Q - Les choses ne sont pas scellées pour léternité. Pour 1999, cest « cuit » pour le Nigeria.
R - Non... Nanticipons pas.
Q - En revanche, si la question des libertés, dEtat de droit est posé, quid de ces nouveaux venus que vous avez choisis parmi les pays qui sont finalement, les dernières tyrannies communistes dans le monde, Cuba, le Vietnam, des pays où les Droits de lHomme, on peut le dire, sont assez négligés, lAlgérie, le Liban...
R - Où les Droits de lHomme sont négligés, mais où certains droits sociaux sont plutôt mieux traités quailleurs. Quand on parle des Droits de lHomme, jaimerais bien quon parle aussi de laccès à la santé, ou de laccès à lécole par exemple. De ce point de vue, Cuba pourrait en remontrer à pas mal dautres pays.
Q - Oui, mais vous avez, depuis 56, le même président qui na même pas besoin de se faire élire comme Hafez el-ASSAD avec 99,98 % des voix, le même parti unique, et les mêmes opposants qui prennent la mer quand ils ne vont pas en prison.
R - Cest vrai, mais jobserve que dans le même temps lensemble des pays ACP par exemple, ont fortement souhaité que Cuba devienne observateur dans le cadre des négociations entre lEurope et les pays ACP, convaincus, comme nous, que le mouvement a commencé.
Q - Ce nest pas la « real » politique. Ce nest pas simplement la volonté de donner à la France...
R - Je crois que ce nest pas une question seulement de conditionnalité. Nous avons le sentiment que Cuba souhaite que nous laidions, à accomplir les changements qui vont nécessairement intervenir.
Q - LEurope aide déjà Cuba, lEspagne est déjà présente...
Est-ce que, à la fin de ce régime, à la fin de ce règne, cest vraiment le moment daller donner un coup de main à Castro ?
R - Nous pensons que la Caraïbe justifie, y compris parce que les départements français dAmérique sont là, quils ont encore plus besoin que nous de voir les pays qui les environnent se développer. Nous pensons quil y avait une logique à aider globalement la Caraïbe.
Q - Daccord. Si on reste dans la Caraïbe.
R - Un exemple, un exemple simplement : le fait que dans quelques temps des médecins de Cuba, formés à la Francophonie, vont intervenir en matière de santé en Haïti, est lune des illustrations de la logique régionale que nous avons lintention de conduire.
Q - Justement, Haïti est le pays le plus pauvre de lhémisphère nord. Ca se sait depuis toujours. Mais on voit bien que depuis quil y a les élections, depuis quil y a eu un début de démocratie, le pays sest encore enfoncé, le niveau de vie a baissé de 50 % par rapport à lépoque ou Duvalier régnait. Ca ne suffit pas finalement...
R - Que devons-nous faire ?
Q - Cela ne suffit pas comme...
R - Cesser, arrêter ! Cest ça la question qui est posée.
Q - Non, mais au contraire, il y a un véritable chantier qui est considérable, qui est énorme. Les Américains ny arrivent pas tout seuls.
R - Et on sy emploie.
Q - Laide à Haïti a beaucoup augmenté depuis quelques années...
R - Sur lopportunité dune coopération entre Cuba et la France sur le terrain de la santé, nous savions que Cuba a beaucoup de médecins de qualité et nous avons pensé que cétait une bonne illustration de la coopération internationale. Je pense quil y aura dautres occasions. Cette question dailleurs sera certainement à lordre du jour du voyage de Lionel Jospin dans les départements français dAmérique dici quelques mois.
Q - Il y a des absents justement quand on regarde la carte, quand on regarde où va sinvestir cette aide française, lAmérique latine est absente. Dans le monde arabe, la Jordanie, lEgypte sont absents. Ce sont des pays où lAmérique est très puissante. Est-ce quon renonce....
R - Ce nest pas la raison.
R - Ce nest pas parce que lAmérique y serait que la France sinterdirait dy être. Jobserve quavec lEgypte par exemple, la coopération financière est très importante. LEgypte est probablement un des pays où les protocoles financiers du Trésor sont le plus important. LEgypte aurait pu y être. Nous avons voulu limiter malgré tout cette Zone de solidarité prioritaire, pour quelle conserve bien ce concept de concentration de laide que nous voulions lui donner.
Q - Concentration de laide ? Vous faites plus, il y a plus de pays vers lesquels on se tourne, et il ny a pas plus dargent, il y en a moins.
R - Non. Il va falloir gagner en efficacité. Il va falloir sans doute mieux articuler - et on sen préoccupe - notre coopération bilatérale avec celle des grandes institutions. Je pense au Fonds monétaire international, je pense à la Banque mondiale, je pense à lEurope.
Q - Cela fait très longtemps quon le fait, quon travaille en concertation avec les Européens...
R - Non, je ne suis pas sûr, pas autant quon pourrait le faire. Jen suis convaincu et nous sommes en discussion avec lEurope justement pour mieux assurer cette articulation. De la même manière, je pourrais faire observer que lévaluation de lefficacité de notre aide na jamais été suffisamment poussée. Nous voudrions, et nous nous en donnons les moyens - ce sera la responsabilité entre autres du Haut Conseil dont vous avez parlé, mais aussi du Comité interministériel que préside le Premier ministre sur ces sujets -, faire chaque année le bilan de notre aide, être capable dapporter les inflexions nécessaires, corriger, voire suspendre sil savère que notre aide a été inefficace parce que le partenaire napporte pas le répondant auquel il sétait engagé. Cest cette logique dune meilleure évaluation, dune meilleure flexibilité que nous allons poursuivre, parce que, comme vous lavez dit, les contraintes budgétaires étant ce quelles sont, nous ne pouvons pas non plus promettre de doubler, dans les années qui viennent, laide publique au développement, même si la France est le second donateur au monde en valeur absolue, derrière le Japon, bien devant les Etats-Unis. Nous entendons continuer à préserver ce flux daide publique au développement, car il est évident quil faut conjuguer laide publique au développement et laide à linvestissement privé, si on veut assurer le développement.
Q - Alors ça va être assez difficile de faire létat des lieux dans un certain nombre de pays africains, vu ce quest lAfrique. Quand vous mettez dans la Zone de solidarité prioritaire des pays comme la Sierra Leone, comme lAngola, ce sont des pays qui sont en train de partir à vau-leau...
R - Attendez, le fait dêtre dans la zone ne veut pas dire un droit de tirage automatique. Cela veut dire quil faut, quel que soit le pays, et quelle que soit sa situation, ce ne sera que sur des projets dont la qualité aura été vérifiée, dont on pourra sassurer quils sont en relation avec le terrain. Cest laffaire de nos postes diplomatiques, de nos missions de coopération. Cest seulement dans ces conditions que nous allons mobiliser les outils que sont le FAC ou lAgence française de développement. Je ne voudrais pas quil y ait dambiguïté. Le fait dêtre dans la zone ne veut pas dire automatiquement quon va bénéficier de tous les outils de la coopération française et pas forcément avec la même intensité, car ces pays sont dans des situations très différentes. La capacité contributive de tel ou tel projet, nest pas la même. Bref cest du sur-mesure quen tout état de cause nous ferons dans ces pays.
Q - On a dit que Jacques Chirac avait demandé que soit modifiée la liste de ces pays, donc membres de la ZSP. ZSP, cest un sigle terrible.
R - La liste que Matignon a arrêté, dans le cadre ministériel, a fait lobjet dune discussion avec lElysée. Cest normal, nous sommes dans le domaine partagé et il y a eu quelques corrections à la marge.
Q - Lesquelles... La Namibie devait être intégrée. Il a tenu à ce que la Namibie soit toujours présente. Cest vrai ?
R - Oui, la Namibie est dans la Zone de solidarité. Cest aussi ce que nous souhaitons.
Q - Mais cétait à la marge. Il ny a pas eu, il ny a pas de différend, il ny a pas de problème entre la cellule africaine de lElysée et le ministre de la Coopération.
R - Le ministre délégué à la Coopération avait fait le choix dune ZSP plus large, à lintérieur de laquelle on pourrait utiliser, de manière différenciée et avec une intensité différente aussi, les outils de coopération. Jobserve et je men félicite, que cest ce concept qui a été retenu. Et je crois que cétait aussi la position de lElysée.
Q - Que va être le Haut conseil de coopération ? Des personnalités qualifiées ? Qui va le présider et à quoi va-t-il servir ?
R - Pour le président, il faudra attendre quelques jours, mais ce sera certainement quelquun de qualité, ayant lexpérience de ces questions internationales, de la coopération. Le Haut conseil sera un lieu de débat, un lieu de proposition, un lieu de mobilisation de la société civile. Nous sommes tous convaincus que ce nest plus seulement dEtat à Etat quil faut parler de coopération. Je suis entré en coopération par le biais de la coopération décentralisée, car avant dêtre à ce ministère, javais, avec dautres personnalités, délus, locaux ou départementaux, commencé des actions de coopération avec différentes régions du monde. Jai pu en mesurer lintérêt. Cest une des priorités dailleurs de ce ministère mais plus généralement, je le répète, cest la société civile quil sagit de convaincre et de mobiliser. Je crois que cest ladhésion des Français quil faut recueillir et jattends de la plus grande lisibilité, la plus grande transparence aussi - et la publication de la liste en est une preuve -, que les Français adhèrent mieux à ce que nous faisons, dès lors que la coopération napparaîtra plus comme étant chargée dune connotation un peu péjorative, daspect un peu plus souterrain parfois.
Q - Vous avez limpression que la coopération, la relation franco-africaine en général est systématiquement dénigrée, quon en fait toujours trop, ou pas assez ?
R - Je pense quelle est mal connue. Je pense surtout quon a trop tendance à braquer le projecteur sur ses dysfonctionnements, ou les aspects caricaturaux de la coopération alors que, heureusement, il sy passe, au travers des ONG, au travers des associations, des collectivités locales mais aussi dans le cadre des coopérations dEtat à Etat des actions tout à fait exemplaires. Je voudrais rendre hommage à ces dirigeants africains qui se battent dans des conditions difficiles. On a parlé de ceux où il y a des crises. Jen connais qui se battent quotidiennement. Faut-il parler du Mali ou du Burkina, ou là avec notre aide, la démocratie avance et la croissance aussi.
Q - Au Burkina il y a des problèmes quand même.
R - .... Aussi, mais on pourrait en parler.
Q - Ce Haut conseil de la coopération ne va pas être larbre à palabres des réseaux des franco-africains habituels. Ca va être des nouveaux venus ? Des ONG ? Danciens diplomates ?
R - Pourquoi danciens diplomates ?
Q - Je ne sais pas, parce quils connaissent le terrain.
R - Il y a des organisations à qui nous allons demander de choisir leurs représentants, car il sagit aussi de représenter ceux-là. Les organisations économiques vont être présentes. Je veux quil y ait des représentants des entreprises dans ce Haut conseil de la coopération, des représentants des organisations syndicales, car le dialogue syndical ou le dialogue social participe du développement. Cest lensemble. Jaimerais que ce soit assez représentatif des acteurs de la vie politique sociale et culturelle française, car la culture est aussi une des composantes du développement.
(Source http:www.diplomatie.gouv.fr. le 19 février 1999)