Allocution de clôture de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur l'importance des droits de l'homme dans la diplomatie française, les priorités et l'adaptation de la politique étrangère à la mondialisation, la stratégie d'influence de la France et les moyens de son action au niveau international et européen, Paris le 29 août 2007.

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Circonstance : Réunion de la XVè conférence annuelle des Ambassadeurs du 27 au 31 août 2007 à Paris : allocution de clôture le 29

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Je vous trouve admirables ! Evidemment, ce faisant, j'ai le succès facile. Je vous trouve admirables parce que vous avez supporté, durant trois jours, des discours en nombre modéré par rapport aux autres années. Peut-être, d'ailleurs avez-vous jugé que le style avait un peu changé ? Pas de murmure, rien du tout ? Ils sont politiquement corrects, bravo les ambassadeurs ! Enfin, cela a changé un peu, n'est-ce pas ? Il y a eu quand même quelques débats et vous avez pu prendre la parole le plus largement possible compte-tenu d'un emploi du temps extrêmement compact.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, puisqu'il m'est imparti de tirer quelques petites conclusions, le moins prétentieusement possible, je vous dirai que nos objectifs ont été atteints. Je voulais mieux comprendre, nous voulions mieux comprendre. Vous vouliez mieux apprécier les changements qui vous étaient proposés. La contribution des acteurs de terrain - je vous ai qualifié plusieurs fois d'acteurs de terrain, d'être le terrain vous-mêmes -, est notre richesse. Je crois que cette contribution a été un succès. Vous avez parlé et si nous devons répéter l'exercice l'année prochaine, en tout cas, si moi je suis en mesure de répéter l'exercice l'année prochaine avec vous, il y aura plus d'ouverture encore et nous vous entendrons davantage.
Ce fut très intéressant. Votre contribution a changé les choses et je tenterai de résumer les séances et les tables rondes qui ont apporté, sinon des conclusions à chaque fois, au moins des indications et permis d'indiquer des pistes. Il s'agissait donc de mieux se comprendre et de mettre le réseau en état de marche. Il paraît que je ne dois pas employer l'expression "mettre le réseau sous tension". Pourquoi pas ? Je pense que de la tension peut naître un certain nombre de bénéfices.
J'espère que vous repartirez gonflés à bloc et que les messages qui ont été adressés, j'y reviendrai, le message essentiel du président de la République et le message, non moins important, du Premier ministre, qui vous demandait de présenter notre pays sous un jour nouveau, économiquement, peut-être socialement nouveau, ont été bien reçus.
Avant de passer à un compte-rendu très rapide des tables-rondes et à quelques conclusions, je voudrais remercier très profondément Pierre Levy, Frédéric Basaguren et Joël Meyer. Je voudrais remerciement ces trois personnes essentielles à la réussite de ce rendez-vous des ambassadeurs et toute leur équipe.
Et croyez-moi, cela n'a pas été simple ! Il y a eu des états d'âme, des décisions collectives à prendre. Nous avons proposé un certain nombre de formats et de figures inédites. Nous en avons en réserve dans notre besace pour l'an prochain. Merci encore. Je vais passer à un résumé extrêmement succin des séances qui se sont déroulées ici avec quelques phrases, quelques indications.
Je commence par ce qui s'est passé lorsque vous avez parlé de la démocratie et des Droits de l'Homme et lorsque vous vous êtes interrogés sur les valeurs et les intérêts de cette politique des Droits de l'Homme qui, vous le savez, m'est très chère et pour laquelle je me suis beaucoup agité avec vous, contre vous, sans vous, depuis un certain nombre d'années. Maintenant, je constate, et je vous en remercie, qu'au contraire, c'est vous qui vous agitez avec cette problématique des Droits de l'Homme : ce fut l'une des conclusions de cette table-ronde. Il n'est pas facile de mettre les Droits de l'Homme dans des endroits divers même si on devrait le faire, même si c'est théoriquement la démarche, et que, en fonction du terrain que vous connaissez si bien et des pays dans lesquels vous nous représentez, le discours sur les Droits de l'Homme est un peu modifié. Il est même parfois profondément différent et, je le sais, c'est parfois l'une des interrogations pratiquement inaudibles ou même contre productive de cette table-ronde. Nous savons tout cela. Ces indications, ces interrogations, les propositions que vous avez faites seront extrêmement utiles, comme le reste d'ailleurs, à la rédaction de ce Livre blanc dont nous avons parlé.
Il y a quelques phrases qui me semblent importantes. La première, c'est qu'il y a un temps pour parler contrat, un temps où parler Droits de l'Homme, peut-être contre productif, et un temps où il est nécessaire de dire les choses. Nous n'allons pas recommencer le débat, bien entendu. Mais cela, il faudrait le faire comprendre, il y a des "droitdelhommistes", dont je suis, extrêmement impatients, extrêmement rigoureux, qui s'imaginent que c'est simple et qu'il suffit de brandir l'étendard des Droits de l'Homme. Non, ce n'est pas si simple que cela. Il faut que ce soit efficace. C'est l'efficacité qui compte en matière de Droits de l'Homme, ce n'est pas la proclamation de la part, soit d'un militant - et je n'ai rien contre les militants, je les salue et je sais combien ils nous sont précieux -, ou d'un ambassadeur. Ce n'est pas seulement en énonçant les Droits de l'Homme à Moscou que nous allons arranger la situation en Tchétchénie. C'est un peu plus compliqué que cela. Cette table-ronde a été le reflet très intéressant des difficultés locales, si j'ose dire, des cultures opposées aux Droits de l'Homme, c'est très pudique ce que je dis, mais aussi des nécessités d'insister.
Par exemple, nous avons dit : "à l'heure où les valeurs américaines font ressurgir la contestation des Droits de l'Homme, il est primordial de les défendre plutôt que de les interroger". Je me suis interrogé sur cette phrase parce que s'il est nécessaire de défendre les valeurs telles que les Américains les ont illustrées, cela va être compliqué, nous le savons. Non seulement nous savons cela, mais nous savons que s'avancer sur le terrain des Droits de l'Homme avec une vision ou une coloration venue d'Amérique ne passe pas, dans bien des endroits. Cela ne passe pas, quelque soit d'ailleurs la valeur de ceux qui, aux Etats-Unis et ailleurs, mettent en avant cette démarche.
Nous devons adapter notre discours et notre action. Il faut passer à l'acte en matière de Droits de l'Homme et ne pas se contenter de discours. C'est tout votre talent de pouvoir le faire, votre appréciation profonde de cette fameuse culture dans laquelle vous déployez les qualités de la France. C'est à vous d'apprécier, beaucoup mieux qu'aux autres, de l'extérieur. Vous savez, je connais les visites ministérielles, ces visites qui passent rapidement, une heure, trois heures, parfois un jour ou deux, c'est plus rare, et pour lequel le ministre en question, et je ne personnaliserai pas, est tenu de prononcer quelques paroles violentes à l'encontre du chef de l'Etat, s'il le rencontre, ou du ministre. Ce n'est pas suffisant. C'est souvent nécessaire, dans bien des cas, peut-être 90 %, mais, souvent, cette nécessité n'en fait pas l'utilité. Cela ne marche pas toujours.
Venir et s'imposer est parfois nécessaire. Je ne fais pas de critiques. Prononcer les mots "Droits de l'Homme", dans certains endroits, est déjà une démarche très positive mais, en général, cela ne suffit pas et c'est à vous ensuite qu'il revient de mettre en oeuvre cette politique. Nous avons beaucoup à attendre de vos expériences et je reviens au Livre blanc au sujet duquel nous aurons beaucoup à vous demander. Il faudra vous impliquer dans la défense de ces valeurs, non pas pour définir des recettes, des certitudes, mais une démarche, une coloration du discours qui pourrait être celui de la France, même si ce discours doit varier en fonction des situations. Ce n'est pas la même chose en Amérique centrale qu'en Asie ; ce n'est pas la même chose en Afrique que dans les pays nordiques de l'Europe.
Nous sommes toujours chez les autres, c'est cela peut-être la grande leçon que vous pourriez administrer à bien des tenants de ces certitudes. C'est toujours une manière d'exporter les Droits de l'Homme dans les pays où ils ne s'imposent pas encore. Il faut respecter cet ailleurs, il faut que nous apparaissions comme des amis, comme des conseillers, pas comme des impérialistes car cela ne marche pas. Savoir que nous sommes chez les autres, nous n'en n'avons pas beaucoup parlé dans cette table-ronde, parce que c'était un autre sujet.
Dans les missions de paix, c'est exactement pareil, on est toujours chez les autres. C'est d'ailleurs la raison de notre présence dans les missions de paix internationale, missions de paix des Nations unies. Nous sommes persuadés que la paix, c'est mieux que la guerre qu'ils connaissent. Il faut faire passer ce discours sinon cela ne sert à rien, et encore, cela peut être pire.
Il en va de même des Droits de l'Homme. Je crois que nous avons beaucoup à confronter et ce sera un de nos buts, une de nos figures imposées, que de vous demander de venir, pas seulement une fois par an, et peut-être en choisissant les régions, d'aller vers vous ou de vous faire venir. Nous avons à La Celle Saint-Cloud un endroit où les colloques sont agréables pour que nous parlions, à partir de vos expériences de terrain, de cette alchimie un peu particulière qui s'appelle la façon de convaincre ou la façon d'être aux côtés de ceux qui sont chez eux, et nous aussi chez eux. Les Droits de l'Homme sont un produit d'importation dans bien des endroits. Il est donc impératif de construire une stratégie d'accompagnement démocratique qui ne soit pas - j'emploie le mot pour la deuxième fois -, un impérialisme démocratique. C'est compliqué, il ne faut rien céder et, en même temps, ne pas être toujours à contre-pied. Je vois Sylvie Pantz hocher la tête car quand elle avait à imposer, soit en Géorgie, soit au Kosovo, soit au tribunal international, une justice qui venait d'un système plus juste que celui dans lequel elle devait s'imposer, cela était compliqué. Et faire venir des juges internationaux, comme des ambassadeurs, c'est toujours une importation d'un pays différent, arrogant. Arrogant ? Ce n'est pas vrai. Il faut être au contraire extrêmement actif dans le domaine où nous voulons agir, être solidaire, être comme une main tendue. Au début, il faut prouver que nous ne sommes pas des envahisseurs. Dans le domaine des Droits de l'Homme, hélas, c'est peut-être le plus difficile et le plus nécessaire.
Je vois Régis Koetschet qui sait bien qu'en Afghanistan nous avons essayé de défendre ensemble les Droits de l'Homme, depuis une trentaine d'années si je ne m'abuse, mais cela ne se passe pas si bien. Tout à l'heure, notre ambassadeur au Canada me disait que nos amis canadiens sont très choqués par la manière dont cela se passe en ce moment en Afghanistan, car ils y subissent des dégâts humains considérables. Je ne dis pas une seconde, j'y reviendrai tout à l'heure, que le droit d'ingérence devenu responsabilité de protéger, était une erreur, sûrement pas, mais cela ne s'impose pas, il faut quand même des méthodes et de la ténacité. On ne change rien sans une génération.
Lorsque l'on s'engage dans une mission de paix ou lorsque l'on veut faire évoluer un pays ou une région à propos des Droits de l'Homme, il faut savoir que cela ne se fait pas en un an, en trois ans ou en cinq ans, ce n'est pas vrai. Il faut donner au temps sa dimension générationnelle. On peut peut-être changer les choses sur vingt ans, et encore. Puisque je parlais de l'Afghanistan, cela fait plus de vingt ans que nous essayons mais cela ne change pas vite et Kaboul n'est pas l'Afghanistan.
Il faut donc, ce sera une des évolutions nécessaires, organiser une conférence, en tout cas un colloque avec vous sur cette question. Il faut organiser un vrai débat entre un modèle français et un modèle anglo-saxon pour éviter qu'il y ait trop de frictions entre les ONG majoritairement américaines et notre façon de voir, plus continentale et plus européenne, sans aller trop vite en imposant des "kits de justice " ou des "kits de développement" voire des "kits de Droits de l'Homme".
Et cela, c'est vous qui savez comment le dire et nous, peut-être, qui trouveront comment le faire passer.
Voilà pour cette première table ronde beaucoup plus riche que ce que je vous expose ici, une table ronde beaucoup plus conclusive sur ce point. Je dis également que les ambassades de France dans le monde entier doivent faire office et devenir les Maisons des Droits de l'Homme. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas être habile, mais cela veut dire qu'il faut être efficace et que chacune de vos ambassades doit être la Maison des Droits de l'Homme.
Il y a eu des séances qui tenaient à l'action : comment agir, aujourd'hui, avec la multipolarité et le multilatéralisme, quelle stratégie d'influence de la France à travers sa diplomatie culturelle et le débat d'idées, à travers la francophonie, et comment anticiper les évolutions du métier ? Comme je ne veux pas vous imposer un discours trop long, en espérant que ce que je vous dis ne vous semble pas trop docte, je donnerai quelques bribes et pas plus, sur les pistes de réflexions que vous avez vous-mêmes tracées.
Entre les pays émergents et les pays développés, il y a deux conceptions divergentes du multilatéralisme, on le sait. Les pays émergents, les grands pays qui, selon le président de la République et avec mon plein soutien d'ailleurs, devraient au moins composer le G13, complétant le G8, n'ont pas la même approche. Je le dis avec précaution et avec tendresse pour eux - et que je ne trouve pas dans la presse demain, "la gaffe de Kouchner", il a attaqué les pays émergents, non, s'il vous plaît ! Tout d'abord, je les connais bien, ce n'est pas une raison pour ne pas se tromper d'ailleurs mais tout de même, il s'agit là de se rendre compte que les intérêts sont différents entre les pays émergents quant aux Droits de l'Homme par exemple, quant à l'idée du développement, quant à leur place dans le concert des nations, en particulier dans l'OMC. Nous savons tout cela.
Ce ne sont pas les mêmes intérêts. Ces pays en mouvements, ces pays en ascension et qui bientôt et déjà, rivalisent avec nous, ne sont pas toujours des alliés, par exemple lorsque l'on veut s'adresser aux plus pauvres des pauvres, c'est-à-dire aux pays les moins développés, aux pays du bas de la liste, comme l'on dit - mais que je n'emploie pas péjorativement.
Il y a donc là, je crois, une réflexion importante à mener. Nous nous intéressons de plus en plus à la Chine, la Chine étant un monde en elle-même. Nous avons là à prendre des leçons que connaissent nos diplomates qui fréquentent ce pays. Il y a aussi des régionalisations ambiguës. Il ne suffit pas de parler d'une région ; il y a, dans un certain nombre de ces régions, des pays qui ont des intérêts complémentaires et très souvent divergents et que nous devons, dans une vision globale, séparer les uns des autres afin de les analyser.
La stratégie d'influence de la France à travers sa diplomatie culturelle et le débat d'idées, voilà un sujet également extrêmement important sur lequel vous avez bien réagi. Vous avez dit que la politique est paradoxale, indispensable et non quantifiable, nécessaire et dépréciée, centralisée mais à vocation diffuse. C'est pas mal tout cela mais cela mérite d'être terriblement décortiqué parce que dans cette phrase, il y a toute la difficulté, toute la sensibilité dont vous devez faire preuve dans les approches culturelles venues de chez nous, la France, l'Europe, vers des pays extrêmement divers.
Il y a évidemment des vents favorables mais la crise de la domination américaine s'installe et elle sera, de mon point de vue, plus durable qu'on le croit. Et même si la présidence change aux Etats-Unis, cela ne provoquera pas aussitôt un revirement par rapport à l'influence américaine. Il nous faut en tenir compte avec nos amis américains. Nous devons savoir accompagner cette longue difficulté. Vous le savez très bien, lorsque l'on va vers le Moyen-Orient par exemple, mais pas seulement, on sent bien que l'appréciation de la politique américaine risque de durer un certain temps. Ce n'est pas une opportunité, nous ne nous jetons pas sur cette occasion, mais je pense que la France doit tirer profit - ne serait-ce d'ailleurs que pour accompagner ses amis américains -, de l'ouverture dont nous témoignons. C'est vrai au Moyen-Orient et c'est vrai ailleurs. Il y a toute une réflexion d'opportunité et de compréhension différente que nous devons mener.
Vous avez parlé des intellectuels français. Nous n'avons pas le temps de nous y arrêter aujourd'hui mais je pense qu'il y a quand même, je le crois, des efforts à faire pour que nos postes fassent appel, sur des sujets précis et provocateurs, aux intellectuels de notre pays, dans le cadre de conférences, car il y a toujours ce prestige intellectuel, cela existe encore, peut-être pas autant qu'on le croit, et cela s'accompagne, ou non d'ailleurs, de la pénétration et du maintien du français, mais pas seulement. Je crois franchement que nous ne le faisons pas assez et dans des domaines qui ne doivent pas être forcément bouleversants. Nous n'allons pas forcément attaquer la politique de Droits de l'Homme, nous pouvons mener des réflexions sur la sociologie, sur les médias, sur la transformation des réseaux d'influence à travers le monde ou sur autre chose. Je vous demande de faire un effort, cela ne coûte pas très cher et je pense que c'est tout à fait indispensable pour manifester que notre pays continue d'entretenir avec le monde des idées une proximité et même un niveau d'intelligence très important.
Les évolutions du métier : je n'en parlerai pas trop parce que l'on a tellement dit qu'il fallait créer des liens avec les nouveaux acteurs que vous en êtes persuadés. Les ONG, les Fondations, les autorités locales ou régionales de notre pays, tout ce que l'on peut imaginer et, de plus en plus, les entreprises. Il nous faut servir les entreprises et qu'elles nous servent aussi. Il nous faut nous servir l'un de l'autre, pour que les ambassades soient aidées, puisqu'il nous faudra trouver d'autres sources de financement.
Ce n'est pas un bouleversement terrible que de faire appel au privé pour cela, sûrement pas. C'est certainement une aide indispensable en tout cas et nous le ferons par exemple, durant la présidence française de l'Union européenne. Donc, avec les entreprises locales, n'hésitez pas à aménager des rencontres.
Concernant les puissances émergentes, j'ai dit un certain nombre de choses mais l'expression qui a été employée dans cette table ronde est assez belle : "nous risquons de voir les puissances émergentes prendre une attitude de passagers clandestins des règles du jeu". Je trouve cela assez beau parce que c'est vrai. Dans le commerce que l'on veut équitable et qui devrait le devenir, les puissances émergentes sont, beaucoup plus souvent que nous le pensons, des passagers clandestins et elles n'ont pas les mêmes intérêts que les pays véritablement en situation difficile.
Religions et international : je sais que Régis Debray mène - puisque Jacques Chirac le lui avait demandé -, une enquête importante. J'espère qu'il en fera un livre. J'ai vraiment été terriblement choqué par le fait qu'il n'y ait pas assez de spécialistes des religions au ministère des Affaires étrangères. Je sais qu'il y en a de valeureux, mais cela ne compte pas suffisamment dans les analyses que nous faisons. C'est ma petite expérience, je n'en ferai pas une règle absolue, mais comme depuis 40 ans, j'ai connu toutes les guerres, il n'y en a qu'une seule qui n'a pas été influencée, à l'origine, pendant ou après, par les religions : c'était la guerre du football entre le Honduras et le Salvador. Celle-ci ne tenait pas beaucoup aux influences des religions, elle a tout de même fait des morts et il y a dans ces deux pays des avenues des Héros de la guerre du football. Toutes les autres étaient ou avaient à l'origine un contenu religieux. Nous devons absolument avoir une réflexion permanente sur le poids des religions dans les conflits actuels. Si nous ne nous intéressons pas à ce qui se passe à Karbala, hier et aujourd'hui, c'est-à-dire où les milices chiites, pas sunnites et chiites, mais uniquement chiites, se sont affrontées faisant 50 ou 100 morts, on n'en sait rien encore, dans la ville sainte de l'Irak, on voit quand même qu'il y a beaucoup à dire et beaucoup à comprendre, en tout cas à s'interroger là-dessus.
Quant à la présidence française de l'Union européenne, je crois que la table ronde a été passionnante. Nous avons beaucoup mis en avant, les grandes lignes de notre politique qui seront développées à ce moment-là, mais surtout une méthode importante de travail avec les trois présidences successives. Vous avez vu le travail commun entre les Portugais, les Slovènes et nous-mêmes, avec la présence du ministre des Affaires étrangères du Portugal, M. Luis Amado et le ministre des Affaires étrangères de Slovénie, M. Dimitrij Rupel. Vous aurez, je vous en remercie d'avance, un rôle essentiel dans la présidence slovène puisque entre 110 et 120 d'entre vous seront à la disposition de la présidence slovène qui ne connaît pas et qui n'aura pas de représentation dans les pays où vous servez. Je vous remercie d'avance de leur prêter une assistance tout à fait fraternelle.
Je ne reprendrai pas le problème des difficultés, avec une analyse précise, de la Russie et du voisinage à l'Est. Le président de la République a répondu que nous devions faire à la fois preuve de sincérité et de fermeté. A Moscou, on a pensé qu'il était un peu "fragile". Ce n'est pas exactement ce que j'avais retiré de son discours mais il nous faudra, dans tous les cas, tenir compte du nouveau langage de la Russie et de la manière dont ils ont répondu eux-mêmes avec beaucoup de fermeté et parfois un peu de provocation. Cela ne doit pas empêcher que nous tentions au maximum de comprendre ce qu'ils font et de parler avec eux.
L'approche globale des migrations : je pense que vous en avez assez débattu ce matin, en particulier, peut-être, avec Brice Hortefeux et notre ministre du Développement. Je pense que tant qu'il n'y aura pas une attitude commune de l'Europe et une réponse commune face aux migrations, nous serons dans un embarras qui nous fera successivement en faire trop et n'en faire pas assez. Quant à cette attitude commune, elle ne sera d'abord pas simple à mettre en oeuvre et en tout cas, elle ne répondra pas complètement au problème. Nous ne répondrons complètement au problème, et encore, que lorsque la pauvreté sera éradiquée sur la Terre. Il faut bien comprendre que les gens qui viennent chez nous ne le font pas de gaîté de coeur, ils ne le font pas pour prouver qu'ils sont héroïques, ils le font parce que chez eux, ils ne peuvent pas nourrir leur famille et qu'en plus, il y a une tradition dans bien des pays africains en particulier, et que, pour la combattre, il faut développer, encore que ce ne soit pas suffisant, et que cela réponde probablement pas à plus de 80 % de la demande.
S'il y a une attitude européenne, et la France en fera l'une des ses priorités lors de sa présidence - il faut absolument qu'il y ait une réponse à une demande très précise s'adressant à l'Europe, plus particulièrement à des pays comme le nôtre, comme l'Espagne ou comme l'Italie, des pays plus accessibles. Alors, il y aura certainement un bénéfice à une réponse européenne. Nous devrons nous-mêmes adapter cette réponse européenne, si elle existe. Nous nous y attacherons en tous cas et nous ne pouvons pas - je me souviens des phrases qui avaient été prononcées à ce moment-là : "prendre sur nos épaules toute la misère du monde, encore faut-il en prendre une part prépondérante", car la phrase de Michel Rocard, je vous le rappelle, est toujours tronquée, il existe une seconde partie.
Concernant le changement climatique : c'est un sujet fédérateur de l'Union, c'est un sujet tout à fait essentiel. Maintenant, c'est un sujet de préoccupations communes et partagées même si les réponses ne sont pas encore partagées. Il y a toujours un peu d'égoïsme dans les réponses nationales et dans les réponses régionales, même dans les pays qui sont les nôtres, à ce que l'on consente plus de sacrifices chez le voisin que chez soi. C'est ainsi.
Je vous épargnerai l'Europe et la mondialisation parce que nous en avons beaucoup parlé. Il faut une Europe protectrice, c'est évident. Mais ce ne sont pas des recettes très faciles à fournir, comme d'ailleurs la Politique européenne de sécurité et de défense commune, ce n'est pas facile mais il y a là toute une piste à poursuivre depuis ce que nous avons fait à Saint-Malo jusqu'à des dispositifs novateurs. C'est une réflexion que vous vous faites sans doute.
Nous avons parlé de budget. Ce n'est pas facile, il faut que chacun fasse des sacrifices. Nous voulons nous-mêmes en faire un minimum ministère par ministère. Mais il y a quelque chose de très inégal en Europe. Lorsque l'on veut agir dans le domaine militaire parce que, hélas, nous n'avons pas de politique extérieure sans politique militaire - pas toujours, j'espère que cela changera, mais l'une et l'autre vont ensemble - l'on s'aperçoit qu'il y a deux pays qui sacrifient beaucoup à la défense européenne, c'est le Royaume-Uni et nous-mêmes. Les autres sont moins présents et lorsque l'on veut entreprendre une mission de paix, de maintien de la paix ou d'imposition de la paix, il y a toujours 25 % de la France et 25 % de l'Angleterre et l'ensemble se répartit ensuite sur l'Allemagne bien sûr, l'Espagne, l'Italie le Danemark, la Belgique la Suède. Mais il y a 25 % de notre pays et à deux pays, cela fait 50 % et c'est ma foi assez injuste. Il faudra que cette problématique soit centrale dans l'effort de politique européenne de sécurité et de défense.
Il y a eu des déjeuners entre les ministres. J'ai trouvé cela très enrichissant. J'ai moi-même déjeuné avec Mme Lagarde. Ce fut passionnant et j'ai assisté à une séance dont je veux vous dire un mot, c'est la séance consacrée à l'Union méditerranéenne.
A chaque fois que l'on parle de l'Union méditerranéenne et je vous le dis avec sincérité, comme je le fais depuis le début de ces trois journées, je me demandais ce qu'était cette Union - et ce n'est pas parce que le candidat Nicolas Sarkozy en avait parlé que j'étais convaincu, loin de là d'ailleurs puisque je n'ai pas voté pour lui ; ce n'est un secret pour personne, n'est-ce pas, surtout pas pour le président. Nous en avons donc parlé et moi, avec des "pincettes", et je me suis aperçu, en voyageant avec le président, mais en voyageant seul également, que cela passionnait nos partenaires. Cela avait commencé en Espagne. Cela tombe bien car c'est le Processus de Barcelone pour lequel on se demandait comment l'un interférerait sur l'autre, comment ne pas faire de doublons ou éveiller des concurrences malsaines. Cela passionne tout le monde et tous apportent une pierre.
Nous avons alors reçu les Italiens, la Grèce et il y a eu cette Conférence en Slovénie où nous avons rédigé une lettre commune adressée à M. Tony Blair, les dix pays de la partie Nord du pourtour méditerranéen.
Ce débat en Slovénie a été tellement enrichissant que j'en suis sorti complètement transformé. Oui il y a eu des tentatives, oui le 5 + 5, oui l'Euromed, oui le Processus de Barcelone. Il faut commencer par des projets. Ce n'est pas nous qui l'avons dit, ce ne sont pas les Français arrogants qui venaient dire d'appliquer cette idée puisque nous l'avions eu, et ce n'était pas une manière non dissimulée d'empêcher l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Non, ce n'était pas cela : c'était, l'Union européenne existe, sujet majeur et réussite difficile. Nous sortions du Traité simplifié. L'Union européenne reste un modèle pour le reste du monde, c'est un modèle de globalisation bien comprise. L'Union européenne, immense, 27 pays maintenant, ce n'est pas facile mais elle fonctionne comme elle peut. A côté, l'Union africaine qui s'affirme comme autre chose qu'un projet. Il suffit de voir l'attitude du président de la Commission de l'Union africaine, M. Konaré, que je respecte beaucoup et avec lequel nous avons travaillé et avec lequel nous travaillerons encore plus. L'Afrique s'affirme comme nous le faisions au début de l'Union européenne, dans le concert international. Entre les deux, entre ces énormes cercles, l'un européen et l'autre africain, il y a une place pour l'Union méditerranéenne : un pont jeté entre les deux rives occidentales et le monde arabe et africain.
Voilà, ce sujet passionne même s'il soulève des obstacles. Les ambassadeurs se demandent comment faire pour que, d'un point de vue diplomatique et politique, cela ne soit pas redondant par rapport à ce qui s'est fait avant. Je comprends très bien cela. Il faut en effet se poser ces questions mais je vous assure qu'à chaque fois qu'une réunion se tient, elle est de plus en plus intéressante et tout cela se précisera. C'est ce qu'a demandé le président de la République et nous nous y tenons. Il n'y a pas de raison que cela ne fonctionne pas. Une réunion est prévue au premier semestre 2008, on ne sait pas encore avec quels participants mais ce n'est pas très grave, les choses vont se préciser et, d'ailleurs, on se précipiterait plutôt pour nous demander la date plutôt que pour refuser, en tout cas pour l'heure.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, il nous faut conclure. Je voudrais en terminer avec deux regards en forme de clin d'oeil afin de ne pas alourdir votre temps d'écoute, déjà singulièrement mis à contribution. Je vous trouve d'ailleurs extrêmement disciplinés, assez beaux à regarder et plutôt calmes ! Je voudrais en terminer avec un regard sur la France, l'Europe et le monde et un regard sur nos moyens et sur nos méthodes, en guise de conclusion mais pas en forme de conclusion.
D'abord, concernant la France et le monde, nous n'en avons pas assez parlé, il y a quand même une inquiétude de nos concitoyens face à la mondialisation, inquiétude importante qui se modifie quelque peu, peut-être, mais pas de façon significative. C'est pourquoi nous n'avons pas changé le nom du ministère tout de suite, mais nous le souhaitons car, si nous appelions le ministère de la Mondialisation ce ministère des Affaires étrangères et européennes, cela provoquerait non pas la panique, mais des mouvements de révolte et d'incompréhension. C'est trop tôt.
Pour nos concitoyens, pour la France, pays riche, le cinquième du monde, - ce n'est pas suffisant, nous voudrions plus mais par rapport au niveau de vie moyen, c'est tout de même tout à fait spectaculaire et nous savons quelle qualité de vie est la nôtre. Nous le savons par le goût qu'un certain nombre d'habitants des pays alentours, des pays qui ne sont pas le nôtre, ont de venir chez nous, et pas seulement pour leur retraite, mais pour cette qualité de vie qui est essentielle. Eh bien, nous avons le sentiment qu'à parler d'un partage différent du monde, d'un partage différent du fardeau, nous violons, nous brisons un peu la certitude de ce bonheur de vivre à la française qui est d'ailleurs très mal partagé car très inégal dans notre pays. Il y a donc cet obstacle. Il faut rassurer, ici chez nous. Je vous le dis, une fois de plus, les affaires extérieures, les affaires étrangères sont des affaires intérieures. C'est ici qu'il faut commencer et la pédagogie commence demain. Vous irez parler de vos métiers, je vous en remercie, dans les régions françaises. Il faut commencer à expliquer ce que nous faisons et ce que nous retirons de l'ailleurs, de chez les autres. Ce que vous avez appris, il faut le transmettre. Vous pouvez d'ailleurs écrire des livres qui seront les bienvenus, c'est une tradition, mais il faut parler avant, il faut aller leur dire. Même si nous ne les convainquons pas tout de suite, il faut leur dire que c'est un peu différent ailleurs et que nous avons encore la chance d'être français et qu'il va nous falloir partager différemment, sans que cela ne nous coûte ni ne nous pèse, sans que ce soit péjoratif pour les enfants à venir ou pour ceux que nous avons déjà. C'est une chance pour la France, ce n'est pas un fardeau supplémentaire. Nous avons, si nous le voulons, dans cette mondialisation, des chances plus importantes que les autres, c'était le sens du discours du Premier ministre et ce discours était profondément roboratif.
Bien évidemment, il existe des difficultés chez nous. Bien sûr, nous prévoyons une rentrée difficile, comme chaque année d'ailleurs, mais je crois qu'il faut leur faire partager cette conviction, cette certitude. Vous avez de la chance d'être français, alors venez avec moi chez les autres. J'espère et je le crois d'ailleurs, que l'idée du service national, civique, civil, humanitaire et obligatoire n'est pas abandonné par le président de la République, bien au contraire. Car toutes les formes sont possibles pour aller chez les autres, pour ses études, pour sa formation sans être pénaliser au retour. Tout cela nous le savons, mais aller se rendre compte de ce qui se passe chez les autres, c'est là votre mission. Il faut donc les impliquer, faire de la politique extérieure une affaire intérieure.
Ce soutien des Français, nous en avons besoin, je vous le confie et à partir de demain. Nous vous proposerons sans doute de revenir à l'occasion d'autres déplacements et sans attendre la conférence annuelle des ambassadeurs, avoir comme cela, cette habitude d'aller parler en région, avec un public qu'à partir de demain vous aurez conquis, avec d'autres car on peut avoir beaucoup de souplesse, afin que vous parliez de votre pratique quotidienne, de votre métier. Et la représentation de la France ailleurs, y a-t-il plus beau métier ? Je vous proposerai donc d'autres occasions que cette fameuse semaine de la fin août.
Je ne vous demande pas d'avoir la clef de la pensée universelle, la clef universelle qui permettrait de penser le monde actuel. Beaucoup de choses ont été tentées, la guerre des civilisations, on peut améliorer tout cela et je ne vous interdis pas d'y faire référence, mais enfin, trouver une clef universelle ces temps-ci sera bien difficile après tout ce que j'ai dit des puissances émergentes, des religions et des Droits de l'Homme affrontés qui devraient un jour devenir complémentaires.
Notre diplomatie doit fixer des points de repères. Nos intérêts inspirés par une vision du monde, la façon de se demander à chaque fois, pourquoi nous agissons, l'illustration de la construction européenne, même si rien n'est acquis, c'est quand même un modèle et un exemple de règlement des conflits, au moins, et de compréhension de l'autre. La façon dont nous pouvons dire "nous", par exemple, parlant en fait des Allemands et des Français ensemble. Ceci n'était pas évident il y a 50 ans. Tout cela, ce sont des atouts, des acquis formidables de notre pays ; proposer d'ailleurs que les visites soient assurées pendant la présidence française car nous penserons beaucoup aux personnes qui nous visitent et pas seulement aux officiels, aux politiques. Et puisque nous sommes les recordmen du monde du tourisme, un tourisme qui deviendrait un peu plus explicatif, un peu politique au moment de cette présidence, nous sommes actuellement en train d'y travailler et nous vous donnerons des documents à ce propos.
Concernant l'Union méditerranéenne, je vous en ai déjà parlé et d'ici là, nous serons plus sûr de nous-mêmes et nous devrons, comme point de repère essentiel, réfléchir, ajuster ce que nous appelons le multilatéralisme, ce qui est une très jolie formule que j'approuve complètement, mais il faut maintenant parler d'un multilatéralisme efficace. Il faut l'ajuster aux préoccupations du monde et à ce sujet, j'ai bien apprécié ce qu'a dit mon ami Luis Amado : "Il y a trois temps, dans le monde moderne, d'explications contemporaines : la chute du mur de Berlin, la fin du communisme, c'était très important, le 11 septembre, c'était également très important et la guerre d'Irak aussi". Il y a un avant et un après la guerre d'Irak. Il faudra gérer cela, pas contre nos amis américains mais avec eux, sinon nous n'arriverons à rien. Cette explication nous est nécessaire, votre talent, votre appréciation sur la gestion de l'après-Irak nous est indispensable et là aussi, cela fera partie des chapitres nécessaires au Livre blanc.
Enfin, ces points de repères doivent être mis en commun dans une France appelée à se dépasser. En particulier, l'Europe, l'ONU et la Francophonie sont les valeurs sûres de notre politique.
Les moyens et les méthodes : il y a surtout une conviction, malgré peut-être et même en fonction des ajustements nécessaires, nous devons nous persuader, et nous le sommes d'ailleurs, que nous restons indispensables. Nous persuader que la vision de la France ne se dilue pas dans l'Europe, ni dans le reste du monde, ni dans le monde occidental. Elle s'affirme, elle peut s'imposer et s'ajuster, les deux à la fois. Mais elle reste indispensable. Il faut, pour le reste du monde, une vision souple, adaptée, je dirai tendre de temps et temps, une vision qui vient de la France. En Afrique, c'est évident, lorsque l'on nous pose la question de savoir s'il faut modifier les rapports avec l'Afrique de " papa ". Est-ce une rupture ? C'est, on peut le dire, une vision simpliste. Il y a entre la France et l'Afrique, des rapports sentimentaux et politiques mêlés, des rapports historiques et humains qui sont absolument exceptionnels. Je parle de l'Afrique mais aussi avec d'autres pays du monde comme le Vietnam, avec l'Asie, avec des tas d'endroits.
C'est un aspect indispensable à maintenir, une compréhension indispensable et cela, il ne faut pas la changer, il ne faut pas en faire la rupture, il ne faut pas faire comme si on ne se connaissait plus. Il ne faut pas faire semblant qu'il n'existe pas d'amitié, ce n'est pas vrai et ce serait très nocif. Je parle de l'Afrique mais il y a à bien d'autres pays à travers le monde, bien d'autres continents pour lesquels cette réflexion est tout à fait exacte. Nous devons donc rester nous-mêmes, tout en changeant ; rester nous-mêmes car nous sommes indispensables au monde. Vous êtes indispensable à la planète, avec d'autres bien sûr. Il y a des mondes émergents et un monde anglo-saxon, d'accord, mais nous devons rester nous-mêmes. Notre réseau est de grande qualité, il faut le modifier, bien sûr, il faut composer et être complémentaire, mais notre réseau est de grande qualité. Lorsqu'un ambassadeur disait que nous nous renvoyons la balle avec les Anglais, nous sommes en effet, pas si mauvais que cela. Et moi qui depuis longtemps ait le devoir de lire un plus grand nombre de télégrammes diplomatiques que je le faisais avant - il est difficile d'en faire le tri, parce qu'ils sont de qualité -, j'apprends des choses essentielles. Rien ne remplace le travail de terrain, notre réseau est de très grande qualité. Faisons des efforts pour le maintenir. Il doit être transformé en un outil performant. On me prouvera bientôt que l'électronique vient à notre secours, j'en suis content. Dépassons la contradiction entre le temps diplomatique qui est forcément long, le temps de la réflexion et le temps de l'action. Il faut que tout cela vienne ensemble.
Nous aurons le Livre blanc, c'est très important et nous aurons aussi l'aide du Conseil des Affaires étrangères puisque c'est ce Conseil qui est à l'origine de ce Livre. Nous aurons notre lettre de mission. Elle a été beaucoup inspirée pour nous-mêmes, comme c'est la règle dans une administration bien faite. Ce Livre blanc sera votre livre. Un grand ambassadeur, un grand ordonnateur sera nommé, entouré d'une équipe, pas seulement diplomatique, une équipe avec des intellectuels, des sociologues, avec des gens qui réfléchiront avec nous et surtout qui seront entourés par vous. Vous serez consultés par le système électronique dont on me promet grand bien, que vous pourrez alimenter. Ainsi, vous pourrez consulter nos remarques, tout cela se fera entre vous et nous et rien n'empêchera de faire, à mi-parcourt par exemple, des réunions avec vous pour vous demander votre avis sur cette bible de la diplomatie et donc de la politique internationale française.
Le réseau devra se transformer. J'ai beaucoup aimé la manière dont cela a été dit par l'un d'entre vous : "le réseau doit aussi être constitué de cabinets-conseil de la France". C'est une jolie expression, elle n'est pas péjorative, elle n'est pas commerciale comme on peut le croire. Il nous faut trouver, dans toutes nos ambassades, la manière de consulter l'annuaire de la France, pas seulement pour les téléphones, mais pour les entreprises et pour les initiatives et pour les idées.
Sur les personnels, il a beaucoup été dit, il faut absolument recruter localement de manière différente, avoir des expertises plus rapides, pouvoir se faire aider sans que cela constitue une espèce d'impossibilité bureaucratique ou un parcours du combattant administratif. Ce n'est pas possible, il faut que cela change très vite. Il est évident que nous devons pouvoir bénéficier de conseils. Il faut qu'un réservoir de talents soit créé chez les personnes qui ne sont pas en poste, ceux qui l'étaient ou bien encore ceux qui sont dans le privé. Il faut que l'on puisse partir pour un temps très court ou pour un temps moyen pour aider un poste dans une situation ou une autre. Il faut absolument que ce système soit mis en place, il est déjà d'ailleurs pratiqué dans de nombreux pays.
Il faut moderniser les services aux Français à l'étranger, bien sûr, et il faut se comporter comme si nous avions, la mission de renforcer chacun de nos postes avec des moyens légitimes, pas seulement avec de l'argent mais avec de l'invention, avec un contact permanent avec le privé, comme si chacun des postes rendait des services indispensables, ce qui d'ailleurs est le cas. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas nous déployer différemment. Mais, pour l'heure, il nous faut être performant et fier d'appartenir à ce réseau irremplaçable qu'est celui de l'approche française des problèmes internationaux, des problèmes de politique extérieure et des problèmes de notre pays en essayant de rendre plus attractive les carrières que l'on propose aux Français, ailleurs, hors de nos frontières. Pas seulement à Londres parce que l'on y réussit financièrement, ailleurs.
En espérant que ce mouvement qui a porté des centaines de milliers, des millions de Français à travailler à l'extérieur n'était pas seulement un mouvement aventureux - ce mot, aventure, me plaît beaucoup, entamer l'aventure de soi-même, aller se chercher ailleurs, cela me plaît beaucoup. L'aventure économique, pourquoi pas ? L'aventure économique est belle et pourquoi pas développer ailleurs, en effet, des entreprises parce que c'est plus facile et parce qu'on en a le goût. Parce que ce que l'on appelle l'exotisme, c'est très beau aussi. Tout cela procure de beaux romans et de belles satisfactions. Tout cela n'a rien de péjoratif, au contraire et "l'ailleurs", c'est ce qui manque souvent à nos concitoyens. Alors, donnez leur ce goût, faites en sorte qu'il soit plus facile de consulter nos postes consulaires ou ambassades. Que l'on ne vienne pas seulement vous voir quand ça va mal, lorsque l'on a perdu son passeport ou que l'on s'est fait voler quelque argent, mais pour vous demander votre avis, pas forcément sur le pays que l'on visite, mais sur votre vision de notre pays à partir du pays que vous connaissez, les circuits, les pensées et les difficultés.
Ce fut trois jours de bonheur, cela me changeait un peu des rendez-vous toutes les demi-heures, d'avoir un temps de pause, de rencontre et de réflexion avec vous. Nous essaierons de nous revoir de manière encore plus ouverte, l'année prochaine, et de nous rencontrer entre temps. Je viendrai vous voir, si vous le souhaitez et si vous me le permettez. Nous devons réfléchir sur ce métier, ce très noble et ce très beau métier que vous avez servi pour certains d'entre vous, que vous servez pour les autres, avec passion et avec grandeur, comme il le mérite.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 août 2007