Déclaration de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur le "tout numérique", notamment la télévision numérique et l'aide à la création, Paris le 24 octobre 2007.

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Circonstance : Colloque Horizon 2012 quelles stratégies pour le tout numérique à Paris le 24 octobre 2007

Texte intégral



Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureuse d'être présente parmi vous aujourd'hui pour ce colloque qui rassemble de prestigieux acteurs de l'audiovisuel et des communications électroniques.
Quelles sont les stratégies gagnantes pour le tout numérique ? Je crois que nous les dessinons aujourd'hui de plus en plus précisément. Mais une chose est sûre : nous ne ferons plus jamais de la télévision ou de la radio comme avant.
La mobilité, l'interactivité, la rapidité, la personnalisation induites par l'avènement du numérique nous ont fait changer d'époque. Nous en avons tous pris conscience. Mais il ne suffit plus aujourd'hui de s'extasier devant cette « révolution ». Cela fait déjà des années que nous utilisons ce terme. De quelle révolution parlons-nous ? D'une révolution des moyens, des technologies, des « tuyaux ». Certes, ces outils, ces supports sont formidables et seront très prochainement - 2012, c'est demain - à la portée de tous nos concitoyens. Je détaillerai les étapes de ce développement dans quelques instants. Mais la vraie question est : que voulons-nous faire de ce progrès ? Quel sens voulons-nous donner à cette révolution du tout numérique ? La séparation entre les mondes de la culture et de la communication est de moins en moins pertinente. Pour donner sens et contenu à ce progrès technologique, nous avons plus que jamais besoin de talents créatifs. Cela tombe bien : nous n'en manquons pas.
Une relation étroite, solide, confiante, féconde, entre tous les acteurs de la création, de l'information et de la communication, voilà, à mes yeux, la seule stratégie gagnante pour le tout numérique.
A/ Etat des lieux et perspectives :
1/ Les avancées :
Et ce tout numérique sera en effet très bientôt notre quotidien. La télévision numérique terrestre, lancée il y a maintenant deux ans et demi, connaît déjà un très grand succès. On compte en effet désormais 11,4 millions d'équipements de réception de la TNT commercialisés dans notre pays, ce qui porte à 27 % la part des Français équipés.
Son déploiement se poursuit à un rythme soutenu : elle couvrira entre 80 % et 85 % de la population métropolitaine d'ici quelques semaines, grâce à l'ouverture de nouveaux émetteurs dans le Nord et l'Est de la France. [Je souhaite à cet égard saluer le travail effectué par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour la planification et la coordination de l'ensemble des travaux - lourds et complexes - permettant la réalisation de ce plan ambitieux de déploiement de la TNT.]
Je voudrais rappeler l'engagement du gouvernement pour que l'offre des chaînes numériques de la TNT soit accessible à tous. A cet effet, la loi du 5 mars 2007 garantit une couverture numérique de 95 % de la population par les chaînes historiques d'ici la fin de l'année 2011. Elle a prévu en outre un dispositif incitatif qui a pleinement porté ses fruits, puisque toutes les nouvelles chaînes de la TNT se sont engagées à couvrir également 95 % de la population. Enfin, conformément à la loi, la diffusion par satellite de l'ensemble des services nationaux gratuits de la TNT les rend disponibles en tout point de la métropole, sans aucun abonnement ni frais de location.
La qualité de l'image, grâce à la haute définition, constitue l'une des promesses fortes de la télévision numérique. Elle est très attendue par nos concitoyens, comme en témoigne leur engouement croissant pour les téléviseurs à haute définition. L'ensemble des études montre en effet que les foyers français s'équipent très rapidement, sous les effets conjugués d'un succès toujours croissant des écrans plats, de la baisse des prix des écrans HD, de la multiplication des offres de programmes HD et de l'apparition des DVD HD.
Les premiers appels à candidatures pour la haute définition ont été lancés en juin 2007, et permettront la délivrance d'autorisations par le CSA d'ici la fin d'année. Outre les deux services privés qui seront retenus, l'Etat a préempté un canal pour une chaîne publique dont j'annoncerai le choix très prochainement.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire devant certains d'entre vous : je suis convaincue que la haute définition deviendra le format de référence de la télévision, comme la couleur a naguère remplacé le noir et blanc. Ainsi, l'ensemble des services de la TNT ont, me semble-t-il, vocation à être diffusés à terme en haute définition.
Le passage des médias au numérique se fait donc dans de très bonnes conditions. Mais ce basculement n'est bien évidemment en rien une simple reproduction de l'offre dans une autre technologie. Les lignes bougent, le numérique fait émerger de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles pratiques, de nouvelles façons de recevoir les oeuvres, dont les développements présentent de forts enjeux en matière de compétitivité. Mais surtout de créativité.
2/ Les perspectives :
La radio en est un très bon exemple. J'ai reçu, il y a quelques jours, les dirigeants des entreprises membres du Groupement pour la Radio Numérique (GRN) qui représentent environ 98% de l'audience radio. C'est un chiffre très encourageant, qui montre combien l'engagement des entreprises pour cette nouvelle technologie est massif.
J'avais déjà eu l'occasion, lors d'une visite à Radio France au mois de juin, de constater combien les projets étaient avancés et ambitieux. En terme de services associés : des images, par exemple, une play list, des informations sur le trafic routier, sur l'occupation des parkings ou sur la météo. En terme aussi de confort d'écoute, avec de nouvelles fonctions : pause, retour en arrière, enregistrement, écoute différée. En terme enfin de qualité de son, avec notamment le multicanal 5.1. C'est notre façon même d'écouter la radio qui sera profondément modifiée.
Afin que ces projets deviennent rapidement des réalités, je veillerai à ce que les services de radio numérique puissent démarrer dès 2008. A cette fin, le gouvernement signera avant la fin de l'année les arrêtés techniques qui spécifieront la norme de diffusion de la radio numérique. Je sais que le CSA a prévu de lancer dans la foulée son appel à candidatures pour choisir les meilleurs projets. Nous souhaitons qu'il permette à la radio numérique de se déployer en France fin 2008.
Pour la télévision, les perspectives sont tout aussi formidables. Nouvelle mobilité - grâce au développement des terminaux personnels comme les téléphones mobiles ou les baladeurs - et personnalisation des usages : c'est une véritable liberté qui est offerte aux téléspectateurs.
Le nouveau cadre juridique posé par la loi du 5 mars 2007 permet le lancement de ces services innovants. Il est aussi souple que possible, pour laisser aux acteurs le soin de définir les modèles économiques et de nouer les partenariats qui permettront d'assurer le succès de ce nouveau média.
Le service public aura bien sûr sa place sur la télévision mobile personnelle dès son lancement l'an prochain. Je ferai connaître très bientôt au CSA le nombre de canaux TMP que l'Etat souhaite préempter pour les chaînes publiques.
Le coup d'envoi de la télévision mobile en France a été donné le 24 septembre dernier avec la signature de l'arrêté fixant les caractéristiques techniques de ces services. Le CSA peut désormais lancer les premiers appels aux candidatures puis procéder à la sélection des meilleurs projets. Je lui fais pleinement confiance pour faire le choix de la diversité, de la créativité et de l'innovation.
Car là réside bien la clé du succès de tous ces nouveaux services.
B/ Soutien à la création :
Nous devons encourager l'innovation. Nous devons soutenir nos auteurs, inciter les producteurs et les diffuseurs à s'engager sur le terrain de l'audace, qui n'est, je le sais, pas sans risques. C'est en stimulant l'intelligence et la créativité que nous gagnerons le pari du numérique. Nous devons réussir aussi sur ce terrain-là, qui épouse les mêmes enjeux en termes de compétitivité, de rayonnement et d'excellence pour notre pays. Sans cela, tous ces nouveaux supports ne seront que des coquilles vides, des merveilles de technologie, certes, mais des contenants vides de sens ou alors dédiés en grande partie à des programmes venant d'autres pays, pour ne pas dire d'Outre-Atlantique.
J'appelle à une alliance véritable entre les mondes de la culture, de l'information et de la communication, pour que cette « révolution » du numérique tienne toutes ses promesses. L'Etat s'engage résolument dans cette voie, en soutenant l'innovation en amont, dès le travail d'écriture.
En 2008, le soutien sélectif du CNC en faveur de la production audiovisuelle augmentera ainsi de 17,7%, avec une priorité pour les aides en amont de la production, tels que le fond d'innovation audiovisuelle et l'aide à la création audiovisuelle.
La télévision mobile personnelle, notamment, appellera de nouveaux formats d'écriture, pour des programmes plus courts. Ce sera un formidable tremplin pour nos jeunes créateurs, qui ne manquent ni de talents, ni d'idées, ni d'envies. Des séries, des fictions, des programmes d'animation, des reportages de quelques minutes : les pistes sont nombreuses, les perspectives infinies. La loi pour la télévision du futur prévoit justement un financement spécifique pour la production destinée à la TMP. Et ce, grâce aux nouvelles ressources générées, qu'elles soient directement issues de ces nouvelles exploitations ou qu'il s'agisse de ressources indirectes au travers du compte de soutien du CNC, par la majoration de 0,1% de la taxe venant l'alimenter.
Le CNC a d'ores et déjà lancé un appel à projets pour des oeuvres créées, dès l'origine, pour plusieurs supports de diffusion : la téléphonie mobile, Internet, le jeu vidéo, le cinéma, la télévision. 6Meuros seront affectés en 2008 au soutien à ces nouveaux programmes.
La télévision publique devra être un exemple de cette alliance avec les créateurs. Les contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et d'ARTE prévoient ainsi des efforts significatifs en termes d'investissements et d'exposition pour la création audiovisuelle. Elles accorderont également une attention particulière au renouvellement et à la modernisation des écritures et des formats, tout particulièrement pour la fiction.
Oui, j'appelle de mes voeux cette alliance entre tous les acteurs de cette nouvelle ère numérique. C'est la seule stratégie gagnante.
C/ L'univers numérique, risques et opportunités :
Le numérique est porteur, pour les contenus audiovisuels, d'une autre évolution fondamentale : celle de la disponibilité des contenus à la demande, hors de la grille traditionnelle de programmes de télévision ou de radio. Témoin, l'apparition d'offres de vidéo à la demande ou de « télévision de rattrapage ». Témoin également, la facilité avec laquelle les contenus audio ou vidéo peuvent désormais circuler, à la faveur notamment du développement des accès à Internet à haut débit.
Ces développements ouvrent d'immenses perspectives, pour les utilisateurs, en termes d'usages nouveaux, comme pour les ayant droit, pour la valorisation de leurs oeuvres. Mais ils posent également le problème du piratage des contenus.
Devant l'ampleur de ce phénomène, devant les débats passionnés qu'il suscite, les solutions simplistes ne sont pas de mise. Il faut, avant tout, que tous les acteurs de la création et de l'Internet s'entendent sur les conditions de l'émergence d'une offre légale qui puisse constituer une alternative crédible à la piraterie : une offre attractive, facile d'accès, bon marché, simple et diversifiée. Mais il faut aussi qu'ils s'entendent sur les mesures susceptibles de renforcer la lutte contre le piratage, en particulier les messages nominatifs d'avertissement et l'ensemble des techniques permettant d'identifier les oeuvres illégalement mises à disposition du public. Qu'il s'agisse d'empreintes, de filtrage, de « radars » ou autres solutions logicielles. Faire en sorte que tous les acteurs de la création et de l'Internet s'entendent, c'est le but de la mission que j'ai confiée, avec Christine Lagarde, à Denis Olivennes. Il nous rendra très prochainement ses conclusions.
J'invite les fournisseurs d'accès à Internet à se mobiliser en faveur de la création et contre le piratage. Sans cette alliance, c'est l'échec assuré, pour tous les acteurs. Pourquoi ? Parce que les artistes ont aujourd'hui besoin d'Internet, pour vendre leurs oeuvres mais aussi pour se faire connaître : de plus en plus de groupes de musique émergent grâce à ce média. Et réciproquement, je suis convaincue que l'offre légale de contenus représente l'avenir des fournisseurs d'accès à Internet.
Le monde audiovisuel est entré de plain pied dans la révolution numérique. Ce mouvement de l'histoire des technologies lui fait rencontrer le monde des communications électroniques. Au lieu de chercher à les opposer, je souhaite, en tant que ministre de la Culture et de la Communication, qu'ils se renforcent mutuellement, avec aussi, bien sûr, les créateurs, qui les nourrissent l'un l'autre.
Sans production de contenus de qualité, il n'y aura pas de marché industriel innovant ; et sans les nouveaux vecteurs de distribution, il n'y aura pas de programmes novateurs. Source http://www.culture.gouv.fr, le 24 octobre 2007