Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, à "RMC" le 6 novembre 2007, sur le rôle de l'armée dans le soutien logistique à l'opération d'évacuation d'enfants du Tchad vers la France, organisée par l'association "Arche de Zoé" et sur l'avenir de la gendarmerie.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Q- Vous n'êtes pas venu à vélo ?
R- Non, je suis venu en voiture.
Q- Je vous dis ça, parce que ça a l'air d'être la mode depuis ce que nous dit C. Lagarde...
R- Mais vous savez que - je ne devrais pas faire de la pub à la municipalité de Paris - mais j'ai eu l'occasion il y a quinze jours ou trois semaines avec mes enfants d'aller un dimanche matin faire un tour en Vélib', c'est assez sympathique.
Q- C'est assez sympathique, sauf que celui qui travaille à 30 km de
chez lui...
R- ...Non mais, j'évoque...
Q- Non, mais j'ai compris.
R- Je voulais simplement évoquer l'idée que de temps à autre je faisais du vélo, voilà.
Q- Très bien, H. Morin, soyons sérieux. Sur l'histoire de "l'Arche de Zoé", dites-moi, est-ce que le Quai d'Orsay a informé le ministre de la Défense et le ministère de la Défense des projets de l'association ?
R- Ce qu'on n'arrive pas à faire entendre, qui est une chose simple...
Q- ...Laquelle ?
R- C'est qu'il y a eu "Arche de Zoé" à Paris et il y a eu "Children Rescue" au Tchad, et que Arche de Zoé en juillet devient "Children Rescue" en septembre. Et c'est dommage, j'aurais dû vous amener les documents que je me suis fait récupérer, "Children Rescue" arrive en août, au Tchad, à N'Djamena, et indique qu'ils vont mener des opérations humanitaires au profit d'enfants réfugiés soudanais dans l'est du Tchad - opération humanitaire qui est un orphelinat, des soins, etc. Ils obtiennent une autorisation du ministère de l'Intérieur tchadien pour monter leur opération, comme 80 ONG sont aujourd'hui sur place dans l'est du Tchad. Cette association obtient l'accord du ministère de l'Intérieur tchadien pour mener des opérations comme en mènent près de 75 ou de 80, demande le concours des forces armées pour le transport des bénévoles, et pour du fret. Nous avons transporté du fret qui est du fret purement humanitaire. Ce fret humanitaire a été transporté, comme nous en transportons chaque semaine, au profit d'ONG puisque nous avons transporté pour tout vous dire plus de 200 tonnes de fret depuis le début de l'année.
Q- Donc, aucune méfiance vis-à-vis de cette association "Children Rescue".
R- Donc, l'armée française a vérifié qu'elle avait bien l'agrément d'un Etat souverain et indépendant qu'est le Tchad, et que les demandes et les opérations menées par "Children Rescue" faisaient l'objet des procédures habituelles que nous mettons en oeuvre. Je termine parce que c'est important pour que les choses soient bien claires. Pendant un mois, "Children Rescue" est abrité sous les tentes du HCR, du Haut commissariat aux réfugiés, organisation internationale dépendant de l'ONU, participe au briefing chaque semaine de l'ensemble des ONG présentes sur le terrain, et en quelque sorte fait les choses comme elle l'annonce, comme les papiers le montrent, c'est-à-dire menant des opérations au profit d'enfants. Et c'est tout d'un coup un avion qui débarque sur l'aéroport. Alors, après on va reprocher quoi ? J'ai vu que, peut-être que vous avez d'autres questions mais...
Q- Non, non, mais je vois A. Poniatowski qui est quand même président à l'UMP de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée, qui dit : « il y a eu un problème de dysfonctionnement entre le ministère des Affaires étrangères et de la Défense ».
R- Il ne connaît pas le dossier, voilà, bon c'est tout.
Q- Il ne connaît pas le dossier !
R- Non, c'est ce que je lui ai dit quand j'ai vu la dépêche, je l'ai appelé, je lui ai dit, « est-ce que tu connais l'histoire ? », voilà.
Q- Mais alors c'est vous qui assurez la surveillance de l'aéroport d'Abéché ?
R- Non.
Q- Non, pas du tout ? Ca aussi ça été dit...
R- Mais ça ce sont des histoires.
Q- Ah bon, d'accord !
R- On ne... j'allais dire ça, parce que j'ai vu dans les éléments : « On surveille l'aéroport d'Abéché ». Nous ne sommes jamais dans la cour de contrôle à une seule exception, nous sommes dans la tour de contrôle éventuellement quand nous avons des vols militaires au sens des vols menés par les Mirage qui sont placés à N'Djamena. Sinon, c'est un Etat souverain qui a son contrôle aérien souverain, nous ne visionnions jamais les plans de vol. Je ne sais pas, on a le sentiment tout d'un coup que le Tchad aurait...
Q- Mais est-ce que vous avez été suffisamment informé quand même par le ministère des Affaires étrangères, toujours ?
R- Je vais vous dire, quoi qu'il arrive, vous avez Arche de Zoé en juillet, le ministère des Affaires étrangères leur déconseille, vous avez une association qui arrive, "Children Rescue", j'ai vu les papiers de "Children Rescue". "Children Rescue" c'est, en dessous "Détachement international de pompiers volontaires".
Q- Oui, évidemment.
R- Le ministère des Affaires étrangères pouvait faire ce qu'il voulait, aurait pu annoncer tout ce qu'on veut, il y a des ONG qui interviennent dans l'est du Tchad, il y en a 80. Il aurait fallu qu'on aille voir l'organigramme de "Children Rescue" et d'Arche de Zoé et qu'on se dise, « ah, attention »...
Q- ...C'est le même homme qui dirige les deux associations.
R- C'est le même homme, vous imaginez que dans le flot et la multitude des informations, l'armée française ou même j'allais dire le Quai d'Orsay auraient pu...
Q- Bon, je passe à autre chose parce que ça me paraît plus important, il s'agit de la grogne des gendarmes. Vous l'entendez, elle est réelle. Vous la confirmez ?
R- J'ai des rapports de la Direction générale de la gendarmerie me disant, ce que j'entends aussi...
Q- Le moral est jugé très moyen à très mauvais, c'est ce que dit le commandant du groupement de gendarmerie du Finistère.
R- Oui, le Gers, vous avez aussi...
Q- Oui, j'ai aussi le commandant de la compagnie d'Auch qui parle de pessimisme, dégradation du moral des troupes.
R- Il y a deux points. Cela fait là aussi dix jours que M. Alliot-Marie et moi-même disons la même chose, mais on n'arrive pas à être entendus. Donc, je suis ravi d'être avec vous.
Q- Allez-y !
R- Le premier point, c'est est-ce que les gendarmes vont perdre leur statut militaire ? Première question.
Q- Oui ou non ?
R- Non. Les gendarmes font partie de l'armée, sont sous l'autorité du ministre de la Défense pour leur formation, pour leur statut militaire, pour leurs mesures disciplinaires. Bref, ils font partie des armées et d'ailleurs ils en font d'autant plus partie que nous en avons besoin à travers, je veux dire que la France a besoin de deux forces de sécurité, une civile et une militaire. Je pense que cette tradition-là est une tradition importante qu'il faut maintenir. Par ailleurs, les gendarmes, ce qu'on n'oublie toujours, participent aux opérations extérieures et donc la prévôté nous en avons besoin. Et troisième élément, il y a ce qu'on appelle les gendarmeries spécialisées, type gendarmerie aérienne, et là aussi ce sont des fonctions assurées par les gendarmes.
Q- J'ai des questions précises...
R- Donc, la gendarmerie va rester militaire, je le répète une première fois, une deuxième fois et une troisième fois, s'il le faut.
Q- D'accord. Qui paiera la solde des gendarmes ?
R- Attendez, je termine. Deuxième question : est-ce qu'on va fermer une brigade de gendarmerie sur deux ? Il s'agit d'un rapport fait par un groupe d'auditeurs, de hauts fonctionnaires et de corps d'audit indépendants dans le cadre de ce qu'on appelle "la révision générale des politiques publiques". Cette révision générale des politiques publiques, elle est dans chaque ministère et elle est chargée de travailler sur des hypothèses.
Q- Ce rapport envisage la suppression de 8.000 à 10.000 emplois dans la police et la gendarmerie à l'horizon 2011... C'est un rapport, simplement ?
R- C'est un rapport qui n'a aucun fondement politique, qui n'est pas une commande du ministère de l'Intérieur, qui n'est pas une commande du ministère de la Défense et qui sont des rapports comme en font tous les corps de contrôle et d'audits qui peuvent exister. Deuxième point.
Q- Attendez, sur ce deuxième point, il y a quand même 400 brigades de gendarmerie ont été fermées, ces derniers temps, sur 3.600 ; est-ce que d'autres brigades vont être fermées ou pas ?
R- Il est possible que ponctuellement, à tel ou tel endroit - je prends le département que je connais le mieux qui est le département de l'Eure -, j'ai donné mon accord pour la fermeture d'une petite brigade à quatre ou à cinq, parce que ça n'a pas de sens opérationnel, et ça les gendarmes ne s'y opposent pas. On ne peut pas non pus tout geler et tout congeler, la France évolue, les populations ne vivent plus au même endroit qu'elles vivaient il y a quelques années. Il vaut mieux mettre les gendarmes là où il y a de plus en plus de populations, etc. Mais l'idée de fermer une brigade sur deux ça n'a pas de sens. Troisième élément, on a eu ce qu'on appelé le rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire, ce rapport a été rendu en février 2007, montrant qu'il y avait un problème de parité de rémunération entre gendarmes et police. Ce rapport, M. Alliot-Marie, mon prédécesseur, s'est engagée à faire en sorte qu'il soit mis en oeuvre dans les années qui viennent. Nous mettons en oeuvre la première tranche de ces conclusions dans le budget 2008. Il y a un effort sans précédent pour les gendarmes, les militaires du rang et les sergents.
Q- Ils vont être augmentés ?
R- Ils vont être augmentés, c'est-à-dire qu'on va arriver, pour cette catégorie-là, on va arriver à une parité globale de rémunération entre policiers et gendarmes.
Q- Oui, mais de combien vont-ils être augmentés ?
R- Ils vont être augmentés en moyenne de l'équivalent d'un demi-mois. Et ce qui permettra, parce qu'on n'est pas non plus dans une échelle de perroquet, on continue à augmenter les gendarmes et qu'après les policiers disent, "mais il faut nous mettre au même niveau que les gendarmes". Donc, en fonction des conclusions de ce rapport, nous allons avoir une parité globale de rémunération entre seulement les gendarmes et les policiers. Pourquoi on ne peut pas faire les autres, c'est-à-dire les sous-officiers et les officiers ? Parce que, d'abord nous devons modifier ce qu'on appelle "les statuts particuliers". Pour modifier les statuts particuliers, il y a toute une procédure réglementaire à engager que le Gouvernement a engagé, ces textes doivent être examinés par le Conseil d'Etat et donc nous pourrons mettre en oeuvre à partir du 1er janvier 2009 la suite des conclusions de ce Haut comité, parce que d'abord nous devons modifier les textes réglementaires. Donc, un, sur la question de la rémunération, le Gouvernement, sur l'arbitrage du Premier ministre, fait un effort là où il pouvait le faire parce qu'il n'y avait pas besoin de modifier les textes réglementaires. Deux, la fermeture de la brigade, une sur deux, c'est un rapport d'un comité d'audit et ce n'est pas ...
Q- ... Donc, il n'y aura pas de fermeture ?
R- ... Il n'y aura pas la fermeture d'une brigade de gendarmerie sur deux. Trois, on nous dit, "les gendarmes ne seront plus militaires", les gendarmes resteront militaires.
Q- Et qui paiera la solde des gendarmes ?
R- On est toujours sur le même système depuis 2003, où les gendarmes sont pour emploi sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, et où le budget est déterminé conjointement par le ministre de la Défense et le ministre de l'Intérieur.
Q- Donc, la solde des gendarmes sera payée conjointement par le ministre, ça dépend... ?
R- Ils sont payés par le ministère de la Défense mais c'est dans le cadre d'une mission, un BOP, d'un budget sécurité où...
Q- ...Et les heures supplémentaires, pourquoi est-ce qu'il y a des heures supplémentaires payées dans la police et pas dans la gendarmerie ?
R- Parce que les gendarmes sont militaires et qu'il n'y a pas de temps de travail chez les militaires.
Q- Bien, très bien. Ces précisions sont importantes, vous le savez bien.
R- Non mais, vous comprenez bien, que on ne peut pas à la fois vouloir maintenir un statut militaire et souhaiter rester militaire et en même temps, tout d'un coup, être dégagé des mêmes obligations que les autres militaires de l'armée française.
Q- Est-ce que les gendarmes travaillent plus que les policiers, je vous pose la question ?
R- Non, mais je ne vais pas rentrer dans ce débat.
Q- Mais je vous pose la question !
R- Non, je ne rentrerai pas dans ce débat. Les militaires, je termine là-dessus...
Q- Pourtant c'est le fond du problème pour beaucoup de gendarmes qui n'ont plus de vie de famille ou qui ont une vie de famille écornée, vous le savez bien.
R- Oui, je connais les contraintes de la vie de la gendarmerie, je suis encore allé dans une brigade de gendarmerie la semaine dernière lorsque nous avons eu le Conseil des ministres en Corse. Je suis élu local, donc je sais très bien le boulot que font les gendarmes, je le sais parfaitement. Mais je voudrais insister sur une chose : les gendarmes souhaitent être militaires, la République française et le Gouvernement souhaitent que les gendarmes restent militaires, mais on ne peut à la fois souhaiter être militaire et en même temps être détaché des mêmes obligations que les autres militaires de la République française, c'est-àdire les militaires de l'armée de Terre, les militaires de l'armée de l'Air et les militaires de la Marine. Et donc, moi, je suis ministre de la Défense de l'ensemble de ces quatre composantes, et donc je dois faire en sorte que l'unité de ces quatre composantes soit maintenue pour que le ministère de la Défense se porte bien.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 novembre 2007