Texte intégral
Monsieur le Directeur,
Chers amis,
Je souhaitais vous remercier très chaleureusement, Monsieur le Directeur de m'accueillir ici à l'IEP de Lille.
Je remercie les membres de « France point 9 », notamment Etienne DIOT, qui a eu l'idée saugrenue de m'inviter, sans doute pour que je parle au Premier Ministre, Président d'honneur de France.9, de son avenir.
Merci à vous d'avoir « envahi » cet amphi.
Voulant être un porte-parole de terrain, c'est naturellement que j'ai répondu, cher Etienne, à ton invitation.
Le thème retenu : « au coeur des réformes » ne pouvait que me conforter dans l'envie de débattre avec vous.
Si vous avez fait le choix, les uns et les autres, de rentrer à l'IEP de Lille c'est que vous aimez le débat et la réflexion sur les grands enjeux politiques, économiques et sociaux.
J'ai pu constater d'ailleurs que votre direction était particulièrement attentive à l'évolution de l'actualité de notre pays puisque les candidats à l'entrée en première année ont dû plancher, lors de leur épreuve de culture générale cette année, sur un sujet majeur de l'élection présidentielle : « Qu'est-ce qu'être français ? ».
Je vous rassure tout de suite : d'abord ce n'est pas moi qui ai proposé le sujet et deuxième bonne nouvelle je n'ai pas l'intention de vous faire un corrigé sur le sujet ce soir !
Mais je vous dirais simplement que le choix de ce thème est le reflet de ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays : on débat enfin sans tabou sur des sujets essentiels ! Non ! il n'est pas interdit de débattre sur l'identité quand on est à droite ( et même à gauche) ! Il y a quelques années, parler d'identité c'était tout simplement s'attirer la critique de faire le jeu du Front National. Ce qu'a apporté l'élection présidentielle dans le débat c'est que, pour la première fois, un candidat de l'UMP a brisé un tabou et ...que sa challenger de gauche a accepté aussi de rompre avec les vieux réflexes idéologiques de PS (enfin presque tous...)
Tout a changé, et en premier lieu, le rapport de notre génération à la politique
Nous avons vécu depuis dix ans une mutation profonde des rapports entre les français et la politique. Il y a dix sept ans Pierre NORA écrivait dans la revue le Débat, au lendemain de la chute du mur de Berlin, que le déclin des idéologies allait fatalement conduire à une forme de « désertion civique » des citoyens. Sans idéologie, pas de débats et sans débats pas de citoyenneté et sans citoyenneté pas de participation aux scrutins électoraux. Pourtant, la fin de l'affrontement des grandes idéologies, loin d'annihiler la discussion démocratique, a, au contraire, entraîner une nouvelle forme d'investissement de nos concitoyens dans la vie politique.
Cette nouvelle forme d'investissement est sans doute la « marque de fabrique de notre génération ». Enfin si vous êtes d'accord pour dire que nous appartenons à la même génération !
Comment l'expliquer ? Je crois que nous avons, les uns et les autres, conscience que nous changeons d'époque. Deux transformations majeures sont à l'oeuvre aujourd'hui :
D'une part, l'urgence des changements climatiques qui pousse chacune et chacun d'entre nous mais aussi chacun des gouvernements des Etats à l'action. Vous le savez, la démarche de la France en organisant le Grenelle de l'environnement est une première mondiale ! Nous arrivons bientôt au bout de la phase de discussion avec notamment l'achèvement, cette semaine, de la consultation nationale : 7 conférences régionales ouvertes au public se sont déroulées à travers la France et tous nos compatriotes ont pu s'exprimer par le biais d'Internet en déposant des contributions. La France ne résoudra pas, à elle seule, cette question mais nous avons été à l'avant garde des pays occidentaux dans l'amorce du débat sur ce sujet majeur. Le Gouvernement sait également parfaitement qu'il faudra rester exemplaire dans le suivi des résultats de ce Grenelle. Sur ce sujet vous savez peut être que le Président se verra remettre jeudi les premières conclusions du Grenelle de l'environnement.
Bref, notre génération sent bien qu'il lui appartiendra de changer radicalement son mode de vie, sa façon d'agir et l'éducation de ses propres enfants si elle souhaite assumer sa responsabilité face à ce changement majeur.
A côté de ce cette urgence environnementale, nous sommes également une génération plongée de « plein pied » dans les courants d'échanges issus du processus de mondialisation. La mondialisation ce n'est pas l'impuissance de la politique : c'est au contraire un levier d'action extraordinaire. Je crois qu'une majeure partie de notre génération pense qu'une expérience à l'étranger c'est une vraie opportunité : à la fois une chance individuelle mais aussi une chance pour notre pays. Mais nous devons naturellement regarder la réalité en face : le référendum pour l'adoption de la Constitution pour l'Europe perdu en 2005 traduit fondamentalement une hostilité d'une partie des Français à l'égard de la construction européenne mais également du processus de mondialisation. Une étape essentielle a été franchie la semaine dernière avec l'adoption du Traité européen simplifié : la France est de retour en Europe ; c'était un engagement de campagne du Président de la République, et cet engagement a été tenu - Le traité n'est pas une fin en soi, mais il permet de remettre l'Europe sur les rails ; de restaurer sa capacité d'initiatives et décision à 27 ; en bref, nous lui donnons les moyens de répondre aux vrais préoccupations de nos concitoyens, au premier rang desquels figurent l'emploi, la croissance économique, le changement climatique, et la sécurité. C'est la raison pour laquelle le traité doit être ratifié rapidement. Il incombe aussi très clairement à notre génération de porter cette avancée institutionnelle, et de la faire connaître à l'ensemble de nos concitoyens.
Nous vivons donc un changement d'époque.
Ce changement d'époque doit s'accompagner d'un changement de « braquet » dans l'action politique :
D'abord, il faut mettre la responsabilité au coeur de l'action politique :
S'il y a bien une leçon à tirer des résultats de l'élection présidentielle en France c'est bien celle d'un besoin d'une implication totale et immédiate du Président de la République. La méthode gouvernementale a connu depuis le 6 mai 2007 un changement radical avec un Président présent sur tous les fronts. Il y a un besoin de clarté démocratique dans notre pays.
Cette clarté du choix des Français c'est aussi le respect scrupuleux des engagements de campagnes.
C'est tout le sens des réformes engagées cet été : avec l'adoption de la loi Travail Emploi et Pouvoir d'Achat, avec le vote de la loi sur le service minimum, avec celle sur l'autonomie de l'Université, avec la mise en place du crédit logement, avec le vote de la loi sur les délinquants mutli-récidivistes, avec l'engagement de la réforme de la Carte judiciaire.
Ce dernier sujet me paraît d'ailleurs assez illustratif des vieux réflexes de notre société : tout le monde est d'accord pour dire que la situation de la Carte judicaire, qui n'a pas bougée depuis 1958, est intenable mais personne n'est d'accord lorsqu'on passe de la déclaration d'intention aux mesures concrètes. Quelle a été la méthode de Rachida DATI ? Non pas de plaquer un schéma préétabli, non pas de décider en un seul coup pour les 1 700 juridictions qui se trouvent disséminées sur notre territoire mais tout simplement d'engager le débat au niveau de chacun des ressorts des cours d'appel et de venir proposer un nouveau schéma aux principaux intéressés sur le terrain. En tant que porte parole du Gouvernement, je crois qu'il faut remettre les choses en perspective et c'est pour cela que je trouve vraiment injuste les critiques qui ont cours sur la méthode de la Garde des Sceaux !
En second lieu, on ne peut plus remettre à demain ce qu'on doit faire aujourd'hui.
Je ne citerai qu'un seul exemple : celui de la réforme des retraites. La réalité est relativement simple : aujourd'hui les régimes spéciaux de retraites comptent 500 000 cotisants pour 1 100 000 retraités. Certains régimes connaissant déjà un important déséquilibre démographique : c'est le cas de la SNCF où chaque cotisant a à sa charge 1,5 retraité. Qui peut penser un seul instant que l'immobilisme et le statu quo sont tenables encore dix ans ! Qui peut penser qu'il suffit d'augmenter les cotisations salariales et patronales pour résoudre le problème alors que beaucoup de nos voisins européens baissent le poids des charges sociales et que nous sommes en concurrence avec le reste du monde ? Qui peut prétendre que la baisse des pensions de retraite serait une solution à un moment où la consommation devient un moteur important de la croissance française ? En faisant le choix clair, net et précis de rallonger la durée de cotisation de ces régimes de 37,5 à 40 ans en 2012, Nicolas SARKOZY et François FILLON répondent à l'urgence d'une situation sur laquelle les gouvernements successifs avaient jeté un « voile pudique » depuis dix ans ! Mais pour autant vous le savez, la réforme des retraites ce n'est pas uniquement la question de l'allongement des cotisations c'est aussi celui de la réforme des carrières, de la fin de vie professionnelles des seniors, celui de la pénibilité. Sur tous ces sujets, il y a, comme on dit en matière syndicale « du grain à moudre » !
Une méthode inédite : le choix systématique d'ouvrir le débat sans tabou.
Que s'est-il passé depuis le mois de mai 2007 ? Nicolas SARKOZY élu avec un taux de participation record au second tour d'une élection présidentielle a fait un choix celui d'ouvrir sans tabou tous les débats importants dans notre pays. J'ai cité le Grenelle de l'Environnement mais c'est aussi le cas de la Commission ATTALI qui a travaillé sur les freins à la croissance et qui devrait aboutir au projet de loi sur la consommation et la concurrence présenté par Luc CHATEL dans les prochains mois mais également à l'élaboration de la loi de modernisation de l'économie présentée par Christine LAGARDE. C'est aussi le cas bien sûr en matière constitutionnelle avec la mise en place de la commission Balladur.
Jusqu'où peut-on aller ?
A mon avis très loin, il en va de notre capacité à réformer.
Certains esprits chagrins expliqueront que le débat sans tabou peut poser des difficultés lorsque des ministres d'ouverture, par exemple, ruent dans les brancards sur des projets ministériels.
Je vous répondrai bien une « private joke » en vous disant que ça complique surtout la vie du Porte parole du Gouvernement !
Plus sérieusement, je crois très profondément à l'ouverture. François Fillon a mille fois raisons lorsqu'il dit « Il n'y a pas de rupture sans ouverture ».
Ce n'est pas parce qu'on est de droite que l'on a forcément raison. Le manichéisme mène à l'immobilisme. Il a été le principal fléau de notre démocratie durant ces trente dernières années. Il a été le symbole des « trente piteuses » pour reprendre l'expression de Nicolas Bavarez. Dans ce gouvernement, c'est vrai qu'il y a du débat mais par contre, quand la décision est prise : il faut que cela avance. C'est je crois, très précisément, la façon dont le Président de la République conçoit le travail du Gouvernement.
Responsabilité, mise en oeuvre des engagements de campagne, ouverture à la fois aux hommes et aux idées : voilà en quelques mots la façon dont on pourrait résumer les premiers mois de la présidence de Nicolas SARKOZY.
Voilà comment nous concevons et organisons la réforme.
Elle est au coeur de notre action. Je vous propose qu'elle soit au centre de nos échanges.Source http://www.porte-parole.gouv.fr, le 8 novembre 2007