Chat de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement, sur les sites porte-parole.gouv.fr et premier-ministre.gouv.fr le 7 novembre 2007, notamment sur la communication gouvernementale, le pouvoir d'achat, les franchises médicales et la réforme de la carte judiciaire.

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Texte intégral

Modérateur : Bonjour à tous, bienvenue.
Laurent Wauquiez : Bonsoir.
Modérateur : Vous lancez aujourd'hui votre nouveau site internet porte-parole.gouv.fr, qu'en attendez-vous ?
Laurent Wauquiez : C'est tout simple : je pense que les internautes en ont marre d'avoir juste un porte-parole qu'ils voient s'exprimer de loin sans pouvoir répondre et échanger. Quelque part, l'idée, c'est d'avoir une interface et d'avoir un échange. Je suis aussi le porte-parole du terrain et je suis comme une courroie de transmission. Ce n'est pas juste du flan ou une expression, je suis le porte-parole 2.0, interactif. On trouvera des forums, du chat sur le site, des actions en vidéo. Quand je m'exprime, ce n'est pas seulement avec les journalistes, mais permettre aux internautes de pouvoir me poser des questions. J'ai regardé la liste des questions depuis une semaine, je vois ce sur quoi l'opinion percute, sur quoi ils sont d'accord ou pas.
Philippe DEPABERT : Monsieur Wauquiez, dans un régime politique ayant tendance à se présidentialiser, comment définissez-vous votre rôle de porte-parole du Gouvernement ? Un porte-parole uniquement technique ou alors un porte-parole aussi politique ? Merci de votre réponse.
Laurent Wauquiez : C'est d'abord et même uniquement un porte-parole politique, pour que le citoyen comprenne ce qui se passe. Le but, c'est de faire comprendre comment les décisions se prennent. Je suis un élu, un politique, et je suis là pour faire en sorte que la parole politique soit comprise. Je suis là pour que chaque citoyen se fasse son idée.
DB : Pourquoi organisez-vous ce chat ? Est-ce par désoeuvrement et pour occuper votre temps libre ? N'est-ce pas surtout pour acquérir un peu de cette notoriété qui ne vient pas assez vite à votre goût ?
Laurent Wauquiez : Qu'il me suive pendant une semaine, il verra que c'est très sport, la vie d'un porte-parole ! Le point qui me désarçonne, c'est que sa remarque est un peu vieux jeu : on irait sur internet car on n'a pas d'autre chose à faire. Alors que là où on doit être, c'est sur internet. Quand on fait de la politique, la notoriété ne vient jamais assez vite. Je n'ai pas de problème là-dessus, je suis un peu trop invité sur les médias institutionnels. C'est pour cela que j'aime bien internet pour être un peu plus punchy dans mes réponses.
Javis43 : On entend beaucoup M. Martinon, porte-parole de l'Elysée, peu le porte-parole du Gouvernement. N'y a-t-il pas double emploi dans la communication à la tête de l'Etat ?
Laurent Wauquiez : Cela aurait pu être le cas. C'est une question à laquelle j'essaie de répondre souvent. Les choses se sont bien équilibrées. David est un technicien, il est là pour retranscrire la parole du président. Pour ma part, j'essaie d'expliquer le travail d'animation de l'ensemble de l'équipe gouvernementale. Il y a du job pour deux, pas de problème. Il suffit d'aller sur Google, grosso modo l'un ne prend pas le pas sur l'autre. On n'est pas en concurrence, on est plutôt complémentaires.
Gilbert de serres castet : Est-ce le rôle du chef du Gouvernement d'être toujours au front, en première ligne ? N'est ce pas le rôle des ministres qui sont alors obligés de travailler dans l'ombre du chef universellement médiatique, pour préparer les dossiers ?
Laurent Wauquiez : Avant, c'était très hypocrite, c'est-à-dire que le président faisait beaucoup, mais se cachait. Les choses sont plus claires désormais, il va sur le front. Les Français ont voté pour un président qui doit être sur le terrain. C'est ce qu'on essaie de faire.
JPO 973 : La VIe République verra-t-elle la suppression du Premier ministre pour l'élection d'un président + 1 vice-président ?
Laurent Wauquiez : La VIe République, on n'y est pas favorable pour l'instant. Cela suppose une culture institutionnelle et être capable pour la gauche et la droite de porter des projets avec plus de consensus. En France, on n'a pas cette culture. Il ne faut pas tripatouiller les institutions. La réforme institutionnelle... il y a déjà plein de trucs à moderniser et la commission Balladur a fait plusieurs propositions. C'est très intéressant. C'est accessible depuis le portail du Premier ministre. Le but est d'en parler fin février et de l'adopter dans le courant du printemps.
Eric : Pourquoi mobiliser 5 avions pour délocaliser le Conseil des ministres en Corse et annoncer un Conseil des ministres dans un DOM (le plus proche est à 6 000 km), alors que M. Borloo présente les conclusions du Grenelle de l'environnement et que Mme Lagarde demande aux Français de faire du vélo ?
Laurent Wauquiez : Personnellement, je fais du vélo ;-) Juste là-dessus, pour être simple : je n'habite pas Paris et il y a un truc qui m'a toujours choqué, c'était de me dire : le Conseil des ministres, c'est toujours à Paris ? C'est vrai que cela a un coût d'aller en région, mais la République doit être partout, pas seulement à Paris. Le deuxième point, pour le coût écologique, on a prévu de faire de l'investissement pour compenser ce qu'on a pollué en se déplaçant. On n'a jamais assez le temps d'aller voir le terrain. La dernière fois, en Corse, j'ai trouvé que c'était trop court. Mais le président est resté deux jours, c'est beaucoup dans l'emploi du temps d'un président. Un travail de fond a été fait pendant deux jours, il était accompagné par d'autres ministres.
gold31 : Le porte-parole que vous êtes peut-il faire remonter une info à notre président ?
Laurent Wauquiez : Pourquoi pas ? Je suis en lien direct avec lui, enfin surtout avec ses collaborateurs, je vois au minimum Claude Guéant une fois par semaine pour lui faire précisément ces remontées d'information.
gold31 : A quand un Conseil des ministres à Toulouse ?
Laurent Wauquiez : Pourquoi pas à Toulouse. Ce n'est pas dans les premiers prévus. On a notamment prévu quelque chose en outre-mer, et puis en Bretagne... J'ai de bons souvenirs à Toulouse.
Bilouze : Vous êtes-vous cassé le bras en Vélib ?
Laurent Wauquiez : Je me suis cassé le bras à vélo, mais avec un vieux vélo avec lequel je roule depuis longtemps. Ceci dit, le Vélib est une très bonne initiative !
Lilyazur : Est-il normal que le président s'augmente son salaire sans en parler à l'Assemblée et ne serait-il pas plus logique de baisser les salaires des ministres ?
Laurent Wauquiez : Il y a plein de questions là-dessus, il faut dire les choses clairement : le président fixait avant sa rémunération lui-même. Désormais, ce sera le Parlement qui le fera, sur la demande de M. Dosière. Pour répondre à cela, on aurait pu le faire en douce pendant l'été. On l'a fait pendant l'hiver politique, au moment où on parle des institutions. La troisième chose, c'est qu'avant il y avait pas mal de choses camouflées, notamment le fait de cumuler son traitement de président et ses retraites. Maintenant, on dit : un président est payé tant. Et ce n'est pas plus que les payes d'autres grands chefs de gouvernements. Allez voir sur le site d'Angela Merkel, le président est payé à peine moins qu'elle. Dans une démocratie, il faut aussi assumer. Un président de la République a aussi de grosses responsabilités, c'est normal qu'il soit bien rémunéré. Mais je comprends cette question.
X : Pensez-vous qu'il sera tenable longtemps de dire aux Français de vivre avec 1 000 euros par mois alors que le chef de l'Etat s'octroie une petite rallonge d'argent de poche de 126 % ? Soyez respectables et vous serez respectés. Merci de votre réponse.
Laurent Wauquiez : Le choix qui a été fait, c'est de précisément ne pas faire cela en douce sous un tapis mais de l'assumer en plein jour. Ce n'est pas une augmentation de 126 % des ressources perçues par le président de la République, c'est plutôt une baisse de 10 %. Et ce n'est pas plus que les grands chefs de gouvernements européens. Précisément, on essaie de redonner du pouvoir d'achat aux Français. Il faut bosser là-dessus. Vivre avec mille euros par mois, je suis d'accord, ce n'est pas satisfaisant. On essaie de travailler sur l'augmentation du pouvoir d'achat des Français.
pepito13500 : M. le Président a déclaré sans arrêt "travailler plus pour gagner plus", je suis fonctionnaire territorial et je suis toujours limité à 25 h supplémentaires par mois, rien ne change, à quand les heures supplémentaires défiscalisées dans la Fonction publique ?
Laurent Wauquiez : Je ne sais pas où bosse Pétito 13500, mais on va essayer de s'améliorer là-dessus. Dans la Fonction publique, on peut mettre en place des heures supplémentaires défiscalisées. Cela dépend de la collectivité locale dans laquelle il travaille. Ce n'est donc pas l'Etat qui décide. C'est à chaque collectivité de mettre en place son système. Les heures supplémentaires, c'est un gros boulot, on n'est pas sûr d'avoir calé notre travail. Tous les avis des internautes sont importants pour qu'on puisse suivre ce dossier.
chaville : Que compte faire M. Sarkozy face à l'augmentation de l'essence, sachant qu'il est très attaché au pouvoir d'achat des Français ? Pour ma part je suis obligé de prendre mon véhicule pour aller travailler et donc je subis une baisse de mon pouvoir d'achat.
Laurent Wauquiez : D'abord, c'est une situation qu'on connaît bien sur un certain nombre de territoires. Il y a des endroits où il y a des transports en commun et d'autres où il n'y en a pas. Le travail du Gouvernement est simple : il faut être lucide, il y a de moins en moins de pétrole, donc le prix est à la hausse, quoi qu'on fasse. D'abord, on souhaite travailler avec les exploitants pétroliers. Ensuite, on essaie de mettre en place une prime à la casse car les vieilles voitures polluent plus que les neuves. Cela peut permettre à chacun de baisser son coût énergétique. Ce qu'il faut régler aussi, c'est le coût du fioul quand on doit se chauffer. Il faut regarder de près, il y a des réductions d'impôts possibles. Il y a des aides très intéressantes, n'hésitez pas à vous renseigner.
Françoise : Les étudiants commencent à gagner la rue, les pêcheurs angoissent car ne vivent plus décemment, les cheminots trouvent raide d'avoir des petits salaires, tout va bien ?
Laurent Wauquiez : Non, tout ne va pas bien. Et on est là car il y a du boulot à faire. Pour les étudiants et l'enseignement supérieur, il faut être sérieux et voir ce qui se fait. C'est une des plus grosses augmentations de budget qui n'a jamais eu lieu depuis dix ans. Il y a des efforts qui sont faits sur les conditions de vie des étudiants, les bourses, les jobs d'étudiants. Valérie Pécresse avance sur cette question. Ensuite, les pêcheurs, Nicolas Sarkozy est allé à leur rencontre, il faut les accompagner, les conditions de vie sont dures pour eux. Le troisième sujet, les cheminots, sur les régimes spéciaux, je sais que c'est difficile de faire une réforme là-dessus, sur des avantages qu'on pouvait avoir, ce n'est pas facile. Cela dit, on a beaucoup de gens qui ont fait l'effort de basculer à 40 annuités, cela a été fait dans la Fonction publique. On souhaite que cela se passe le mieux possible, il faut que chacun fasse un bout de chemin.
rederienn : Trouvez-vous normal d'avoir toujours un budget pour les privilégiés (salaire de M. Sarkozy, plafond fiscal, non taxation des stock-options...) et de ne rien faire pour la "France d'en bas" : pas de budget pour baisser la TIPP, salaires qui stagnent (sauf celui du président), vous nous étouffez ! ! !
Laurent Wauquiez : Pour répondre à Rederienn, d'abord je pense qu'il ne faut pas, même si ce n'est pas très politiquement correct, opposer la France d'en haut et la France d'en bas. Je me méfie des caricatures. Le deuxième point, c'est de bosser pour la France d'en bas. C'est-à-dire quand dans un ménage vous arrivez à 1 500 euros par mois. C'est des gens qui se lèvent le matin et qui n'ont pas toujours l'impression d'être remboursés de leurs efforts.
Quand on souhaite acquérir son logement, cela coûte très cher, le fait d'avoir une aide pour les emprunts immobiliers, c'est surtout pour les revenus modestes. Pour les étudiants, c'est dur quand on doit payer les études, c'est pour cela qu'on augmente les bourses. Et puis les petits patrimoines, on essaie de diminuer les exonérations. Cela peut être transmis sans que l'Etat se sucre dessus. On n'oppose pas les petits revenus aux gros revenus. Celui qui travaille doit être récompensé de ses efforts. En ce qui concerne les stock-options, j'invite à aller voir sur le site de l'Assemblée, il y a un projet de loi en cours pour les taxer. Comme le président de la République en avait parlé. Donc on essaie bien de tenir les deux bouts de l'équité et quand on demande des efforts, on les demande à tout le monde.
jeannot73 : Pourquoi la pauvreté s'accroit-elle tant dans notre pays ?
Laurent Wauquiez : Il faut répondre très précisément. D'abord, la pauvreté n'augmente pas en France, elle est plutôt stationnaire. J'ai fait une présentation en Conseil des ministres il y a 15 jours en présentant une courbe : grande chute de la pauvreté jusqu'au début des années 80 et depuis c'est stationnaire. Qu'est-ce qui s'est passé ? Ce qui a changé, c'est que ce n'est plus la pauvreté des personnes âgées, mais des jeunes. On essaie de s'inspirer des Anglais, on se fixe un objectif de réduction de la pauvreté. Ce que fait Martin Hirsch avec le RSA. Le but, c'est de passer du RMI à un job, sans perdre d'argent en route. Et donc aider les gens à sortir de l'assistanat pour aller vers un travail.
gold31 : Le Gouvernement compte-t-il imposer un quota pour obliger les entreprises à embaucher des seniors laissés sur le carreau ?
Laurent Wauquiez : Grosse question. Dans ce pays, on a quand même une grosse particularité. On réussit à avoir un taux de chômage le plus élevé d'Europe, et le plus élevé chez les seniors. Les pays qui réussissent, ce sont ceux qui emploient beaucoup les seniors. Ce qu'on avait fait, c'est des aides quand on se séparait d'un senior dans une entreprise. Désormais, on taxe ces entreprises qui se séparent des seniors.
Olivier : Mon entreprise ne propose pas d'heures sup, comment faire ?
Laurent Wauquiez : Olivier travaille peut-être dans une entreprise qui fait partie des secteurs où il n'y a pas tout de suite beaucoup de demandes. Les secteurs qui explosent, c'est le BTP et la restauration. La meilleure manière, c'est d'inciter son chef d'entreprise à regarder les aides et voir que cela peut être intéressant pour lui de s'engager là-dedans. Il faudrait qu'il nous donne des détails pendant le chat. Il faut regarder entreprise par entreprise. On essaie de regarder quels sont les secteurs qui marchent bien et ceux qui marchent moins bien. On s'améliore en avançant.
Melek : Les bourses créent un système pervers : les + privilégiés sont souvent les + pauvres parce qu'ils ont + d'aides, et les classes moyennes passent à la trappe...
Laurent Wauquiez : Elle a complètement raison. Les étudiants les plus démunis, dans l'enseignement supérieur, c'est ceux dont les parents travaillent et qui sont juste au-dessus du seuil des bourses. Ce qu'on a essayé de faire, c'est d'élargir les bourses pour bénéficier à un peu plus de monde. Cela entrera en vigueur à la rentrée 2008.
Françoise : Maintenant on n'embauche pas les seniors (50 ans) puisque dans pas mal de branches on incite à prendre des - de 30 ans ; financièrement parlant les 50 ans coûtent "trop" cher.
Laurent Wauquiez : C'est une question, pas qui m'embarrasse, mais qui soulève beaucoup de difficultés. Le contrat senior n'a pas marché. Il y a des pays qui ont prévu que le salaire des seniors soit plus faible que le salaire des personnes de 40 ans. Moi, cela me choque. S'il faut brader l'emploi des seniors pour qu'ils soient employés, je ne suis pas où on va dans ce pays. Il faut donc enclencher une autre culture : les seniors, c'est l'expérience. Pour équilibrer les régimes de retraite, il faut travailler plus longtemps, tout le monde doit s'y mettre, tout le monde doit faire un effort.
celimene : Je suis fonctionnaire et je vous demande quand nous serons alignés sur le privé ? Augmentations de salaire, intéressement prévoyance, participation, retraite (et oui) rien n'est jamais dit en vérité car on compare retraite SS privé sans les complémentaires inexistantes en Fonction publique !
Laurent Wauquiez : Je ne veux pas dire de bêtises, mais il y a quand même une complémentaire très avantageuse au niveau des fonctionnaires. Sur France Info ils font beaucoup de pub car il y a un régime qui existe, qui est avantageux. Sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires, on veut enclencher un travail là-dessus. Cela renvoie à une question déjà posée : les heures supplémentaires doivent exister dans le secteur privé et le secteur public.
Tous les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés. Les grilles d'entrée, pour les premiers postes dans la Fonction publique, sont plus avantageuses que les premiers salaires dans le privé. Dans ce pays, faute de courage politique, on a laissé se mettre en place trop d'iniquité. Il y a des niches, chacun son avantage dans son coin, il faut un peu plus de transparence sur la façon dont fonctionne la société.
anton42 : Je suis pour la retraite aux mêmes conditions pour tous. Cependant, je connais des salariés qui ont travaillé 40 ans à temps complet sans arrêt maladie, pas de période de chômage, qui vont se retrouver avec une retraite de 600 euros, trouvez-vous cela normal ?
Laurent Wauquiez : Non, ce n'est pas normal. Les exemples que je connais, c'est surtout des retraites d'agriculteurs, qui sont des retraites de misère. Il y a aussi les pensions de reversion, notamment pour les veuves, qui peuvent être de misère. Un des engagements du président, c'est d'augmenter le minimum vieillesse.
angelo : Qu'allez-vous faire pour les petites retraites de la Fonction publique ? J'ai cotisé 43 années et j'aurais une retraite de misère de 875 euros, pensez-vous qu'un être humain peut vivre avec une somme aussi dérisoire ?
Laurent Wauquiez : Cela m'aurait intéressé de savoir dans quel secteur il a travaillé. Peut-être peut-il nous le préciser ?
jeannot73 : Est-ce que le monopole de la SNCF va cesser dans les prochaines années au nom de l'économie de marché ?
Laurent Wauquiez : Je n'y suis pas totalement favorable. Il y a des secteurs où on peut faire un peu de mise en concurrence, notamment le fret. A côté de ça, gérer des trains, ce n'est pas facile, c'est même très compliqué. Cela peut aboutir à des accidents. On a une SNCF performante sur un certain nombre de lignes. Les TER, cela peut encore s'améliorer, mais on est bons sur les TGV. Il faut être pragmatique dans la vie.
odile : Bonjour, jusqu'à présent on entend parler du bouclier fiscal, des aides aux plus défavorisés... Mais que fait-on pour les salaires moyens qui avec 5 enfants s'en sortent difficilement avec des crédits immo ? Ils n'ont pas droit à la prime rentrée scolaire, ont une augmentation d'impôt... Merci.
Laurent Wauquiez : Très bonne question d'Odile. D'abord, le bouclier fiscal, c'est très peu dans le paquet fiscal qu'on a fait, il y a à peine 600 millions d'euros pour le bouclier fiscal.
Par contre, on a mis le paquet sur les classes moyennes modestes. Aujourd'hui, en France, on a l'impression qu'on fait pour les plus aisés et les plus marginalisés. Ceux qui sont entre les deux, c'est le trou noir de la société française, c'est ceux qu'on n'entend jamais, vont bosser et ils ont l'impression que personne ne pense à eux. Les heures sups sont plafonnées pour eux. L'amélioration des bourses, c'est pour eux aussi. On essaie de mettre le paquet là-dessus car ce sont eux qui donnent de la cohérence au pays. Ce n'est pas eux qui crient le plus fort, c'est eux dont il faut s'occuper.
yu : Pourquoi les salaires du Premier ministre, secrétaires d'Etat... n'ont pas été revus à la baisse, égal à celui du président, plutôt que d'augmenter de 120 % le salaire de ce dernier ? !
Laurent Wauquiez : Il ne faut pas faire de démagogie. Pour répondre à Yu, la question est de savoir si les ministres en France sont d'horribles privilégiés mieux payés qu'ailleurs. Je lui propose d'aller voir sur les différents sites étrangers. Il peut aller voir ce qu'est payé un ministre américain, les ministres français ne sont pas dans une situation de privilégiés. Personnellement, je suis spécialiste en droit fiscal, je pouvais être embauché dans un cabinet d'avocats fiscalistes, j'aurais pu gagner trois à quatre fois plus que ce que je gagne actuellement. On n'est pas parfaits, mais on essaie de fonctionner en prenant des avions de ligne, en n'utilisant pas des grosses voitures. Je n'ai pas non plus de grosses responsabilités et c'est pas mal de faire comme ça. Il y a un exemple là-dessus, c'est Jean Monnet, le fondateur de l'Union européenne en France, on disait qu'il partait en dernier de son ministère et c'est lui qui éteignait les lumières. J'aime bien cet exemple.
Lilyazur : Est-il normal que le président soit toujours en voyage ?
Laurent Wauquiez : Oui. Car il n'y a rien de pire qu'un président enfermé à l'Elysée. Il ne fait pas de tourisme. Vraiment, imaginez son emploi du temps il dort 5 heures dans l'avion, il compulse ses dossiers, il ne s'arrête jamais. J'ai du mal à suivre le rythme dans ses déplacements, et pourtant je suis jeune et sportif. Il n'est pas là pour se tourner les pouces, mais pour bosser pour la France. Quant au coût écologique que cela représente... Pour aller aux Etats-Unis, c'est normal de prendre l'avion. Le temps, c'est de l'argent, il faut faire en sorte que son temps soit au maximum efficace. Si on prend la voiture pour aller au Maroc, cela ne marchera pas.
Fabienne : Puisque notre président séjourne aux USA, je reprendrais bien l'expression : avant de demander ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour lui : qu'attendez-vous des Français ?
Laurent Wauquiez : Typiquement ce que font les internautes aujourd'hui. Etre exigeants avec les politiques, être créatifs, avoir des projets dans son entreprise, dans une association. Dans ce pays, il y a des trésors d'énergie, il faut que les politiques ne cherchent pas trop la vedette pour que tout le monde avance.
Ricardo : Quid de l'indépendance de la presse, n'a-t-on pas peur de ces holdings tenues que par de rares personnes ? D'autre part, dans le classement sur la liberté de la presse, la France était classée 30e l'année dernière, cette année 35e, devrons-nous, pour chercher notre information, aller sur le Net ?
Laurent Wauquiez : D'abord, oui. Je pense qu'Internet est un énorme espace de liberté et qu'il faut miser à fond sur la revalorisation de la liberté. Pour autant, sur Internet on trouve un peu tout et n'importe quoi. Sur les holdings, il faut faire attention car la meilleure garantie de l'indépendance, c'est d'avoir des groupes de presse qui pèsent suffisamment pour ne pas être dépendants des financements publics. Le dernier point, c'est intéressant, c'est qu'en France on a toujours l'impression qu'on est les meilleurs, notamment en matière de liberté et de droits de l'homme. Mais à l'étranger il y a de bonnes idées. Le Premier ministre a dit qu'il sera très vigilant sur le fait que le changement d'actionnaires des Echos soit pris avec le maximum de garanties. Les Echos, c'est un journal que j'apprécie beaucoup, il est très sérieux et souvent, quand j'ai besoin d'éléments techniques précis, je m'y réfère car les articles sont bien faits. Question indépendance, c'est un très bon journal.
Pascal : Pensez-vous que l'instauration des franchises médicales soit un élément de justice sociale ? Merci.
Laurent Wauquiez : Je vais bien expliquer ce qu'est la franchise médicale prévue : faire payer par exemple 50 centimes d'euros par boîte de médicament, et qu'au maximum cela puisse représenter une cotisation de 50 euros par an. En sont exclues les personnes les plus démunies ou celles qui recherchent un emploi. On n'a pas les moyens de financer notamment les nouveaux défis qui sont la maladie d'Alzheimer, une maladie horrible et pour laquelle les structures d'accompagnement des familles ne sont pas suffisantes en France. Il ne faut pas se mentir, on a besoin de recettes nouvelles pour financer tout cela. Quand on finance par les déficits, cela se traduit sur l'impôt et la dette qu'on laisse à nos enfants et petits-enfants. Les franchises, c'est payé par tout le monde et les plus malades ne seront pas surtaxés et pénalisés. J'ai souvent entendu que ce sont les plus malades qui paient. Si vous faites le calcul... Je prends mon exemple : je suis rarement malade, j'ai fait mon calcul sur un an, j'atteindrai le seuil de la franchise avec ma propre consommation.
Donc les vrais malades ne paieront pas plus que les autres alors qu'ils consomment beaucoup au niveau de l'assurance maladie. Les très malades, ce n'est pas leur choix, la solidarité va donc jouer.
On a un effort à faire pour traquer les dépenses inutiles. On a besoin de mettre de l'argent sur le cancer, notamment du sein, et sur la maladie d'Alzheimer. Vendredi, vous aurez sur mon site le compte-rendu du Conseil des ministres où je parle des soins palliatifs.
antoinet2168 : A quand le Grenelle des personnes handicapées, avec eux ?
Laurent Wauquiez : Merci de cette question. Pour moi, c'est un gros sujet. J'ai notamment la chance de connaître Didier Asas, atteint de myopathie, qui m'aide à comprendre la réalité au quotidien d'une personne handicapée. Sortir de chez soi, prendre une voiture, se payer l'humiliation quand on prend le train d'avoir une fois sur deux un contrôleur qui dit : on ne vous prend pas en charge.
Il reste beaucoup à faire là-dessus, notamment sur l'emploi dans la Fonction publique. L'Etat dit à tout le monde : vous êtes obligé d'avoir un pourcentage minimal de travailleurs handicapés dans votre entreprise, mais l'Etat le premier ne le respecte pas. Si les administrations ne jouent pas le jeu de l'emploi des travailleurs handicapés, on supprimera des postes.
Anjou : Quelles dispositions seront prises pour le logement des "sans abris" ?
Laurent Wauquiez : Sur cette question, on a un travail qu'on doit essayer de vraiment faire le plus vite possible, c'est de rattraper les retards accumulés. Sur 1998- 2002, on a accumulé des retards sur la construction de logements sociaux et les hébergements d'urgence. On essaie de mettre en place toutes ces structures qui permettent pendant l'hiver de faire de l'accueil d'urgence.
Teddyleboucheunois : Les politiques d'aménagement du territoire ont encouragé la création de groupements intercommunaux, ne faudrait il pas penser à ce que leurs représentants aient une vraie représentativité, notamment par l'élection, car l'interco est l'avenir du monde rural !
Laurent Wauquiez : Monde rural que je connais bien. C'est vrai et c'est un problème car souvent aujourd'hui la personne la plus importante sur un territoire, c'est le président de la communauté de commune ou d'agglo, et qui prend des décisions très importantes. Le vote dans votre commune aura un impact sur la personne qui sera à la tête de la communauté de commune. Je l'ai vu sur ma ville du Puy, cela nous fait des dépenses en plus d'avoir une communauté d'agglomération alors que c'était supposé nous faire faire des économies. Il y a plus d'impôts, donc il ne faut pas ajouter une structure de plus sans faire des économies. Il faut clarifier le truc et empêcher d'augmenter les impôts locaux de manière exponentielle. Il n'y a rien qui justifie que d'une année à l'autre une région ajoute une facture de 30 à 50 % sur les impôts. Il faut plafonner la possibilité d'augmenter les impôts trop vite pour les collectivités. Si l'Etat fait des efforts d'un côté et que les collectivités n'en font pas, on n'avance pas.
Philippe de Clermont et Paris : En tant qu'Auvergnat, soutenez-vous le projet de TGV Paris-Clermont ? Comment appuyer le projet afin qu'il devienne enfin réalité après de nombreuses années de retard dans les infrastructures ferroviaires auvergnates où certaines lignes roulent à 30 km/h !
Laurent Wauquiez : C'est vrai, la moyenne de vitesse, c'est 30 km/h en vitesse. On a un projet pour faire descendre un TGV jusque-là. L'Auvergne, c'est une belle région, on doit pouvoir investir dessus. Une ligne TGV est à l'étude. Je sors d'une rencontre avec Brice Hortefeux qui a mis en avant ce projet, qui est de Clermont. On essaie de faire en sorte de faire avancer le projet très vite. Encore un peu de patience.
Fouquier-Tinville : Mme Dati ferme, à tour de bras, TI et TGI dans la France entière... sauf bien sûr ceux des amis (Arcachon, Bergerac...) ! Cette réforme est stupide, mal menée et inutile ! Quand aura lieu un vrai dialogue avec tous les acteurs du monde judiciaire ?
Laurent Wauquiez : Il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Je vais juste lui expliquer à quoi ça sert. On a une carte judiciaire qui date des années 50, Il y a des endroits où on a perdu de la population et d'autres endroits où on en a gagné. La carte judiciaire, c'est compliqué mais Rachida Dati a du courage. La justice doit être adaptée aux réalités du 21e siècle. Après, juste une remarque : la meilleure manière en France d'enterrer une réforme, c'est de dire : la réforme, j'en veux bien, mais la méthode n'est pas bonne. Regardez l'exemple des retraites, on a trop discuté et pas assez avancé. Le Grenelle de l'environnement est un modèle. C'est très intéressant à regarder car c'est une nouvelle méthode sur la façon de faire une réforme. Mme Dati fait deux déplacements par semaine, c'est bien. Elle a dit : "j'ajuste territoire par territoire", c'est pas si mal en termes de concertation.
malinois08 : Bonjour, au sujet de la loi sur les chiens dit dangereux, catégorisés et autres, ne pensez-vous pas que le problème ne vient pas du chien, qui ne fait que ce qu'on lui apprend, mais du maître qui doit avoir le respect de son chien ? Merci.
Laurent Wauquiez : Eh bien si, et cela fait partie d'une de mes convictions. Je l'ai acquise récemment en allant visiter la SPA de mon département. C'est un moment, je n'ai pas pourtant une sensibilité naturelle sur ces questions-là, mais je suis ressorti bouleversé de la visite de cet endroit. Cela respirait la tristesse, la détresse des animaux qui avaient été livrés à eux-mêmes et des propriétaires qui n'étaient pas responsables. C'était très poignant et c'est à ce moment-là qu'une responsable m'a pris entre quatre yeux, et qui m'a dit : "tu sais, le problème, ce n'est pas les chiens, car un chien n'est pas forcément dangereux, c'est le problème du maître". Il n'y a pas que les chiens qui posent problème, ce sont les maîtres aussi.
royarm47 : Originaire du Puy-en-Velay où je vais revenir pour ma retraite, je voudrais savoir si vous avez l'intention de briguer la mairie du Puy.
Laurent Wauquiez : Je garde cette info en exclusivité pour les journaux de Haute-Loire. C'est une très bonne idée de revenir vivre au Puy, c'est une ville magnifique. J'annoncerai ma décision quand je le souhaiterais. Cette question implique ma famille. Et puis ce n'est pas qu'un maire, il faut que j'aie une équipe derrière. J'adore cette ville. Il y a beaucoup de choses à y faire. Déjà notamment sur Internet, pourquoi pas du wi-fi en libre accès.
maryck : Monsieur, je ne pourrai malheureusement pas participer au chat ce soir, mais voici ma question. J'ai 15 ans, je suis passionné de politique et de diplomatie et j'aimerais avoir votre avis, un conseil sur la poursuite d'études à effectuer afin de pouvoir "vivre de ma passion". Très respectueusement.
Laurent Wauquiez : C'est une belle passion. D'abord, une des tâches que j'essaie de me fixer, c'est de dire notamment à la jeune génération : "engagez-vous, investissez-vous en politique". Il faut y croire, ne laissez pas la politique seulement aux aînés. Il faut des gens qui y croient. Le meilleur conseil, c'est de faire Sciences Po, c'est l'école qui forme le mieux. Et pourquoi pas venir me voir pour que je lui donne des conseils. Indépendamment de ses opinions politiques bien sûr...
mistigri : Est-ce que vous pensez que vous serez un jour candidat à la présidence de la République ? Vous y pensez en vous rasant le matin ?
Laurent Wauquiez : Ah... J'essaie de ne pas y penser. C'est une des plaies de la politique. Vous voulez avoir un parcours classique et vous pensez toujours à l'étage d'après sans passer au présent. J'ai l'ambition de bien réussir ce que je fais pour le moment.
fifi : Vous dites que vous voulez dialoguer "sans tabou", c'est pas un peu contradictoire avec la fonction de porte-parole, qui est forcément la voix de son maître ?
Laurent Wauquiez : Fifi a raison, c'est précisément ce qu'il y a de très dur dans mon job. J'ai eu du mal à le prendre au début. Quand on est porte-parole, ce qui intéresse, c'est si jamais je fais une bourde. Quelque chose qui n'est pas calé par rapport au discours des autres. Ce qu'on va retenir, ce sont mes bourdes. Ce n'est pas facile de changer cela. J'essaie de ne pas trop pratiquer la langue de bois. J'essaie en tout cas de le faire différemment et avec juste une idée, c'est de faire en sorte que chaque internaute ou chaque citoyen puisse se faire son propre avis. Que chacun se fasse son opinion. Un dialogue comme celui-là, cela m'aide beaucoup.
Olivier : Merci pour le le direct.
Laurent Wauquiez : N'hésitez pas à poursuivre ce dialogue sur les différents forums, et merci à tous d'avoir été présents et d'avoir pris le temps d'avoir dialogué avec moi. Au revoir.
Source http://www.porte-parole.gouv.fr, le 9 novembre 2007