Texte intégral
J'ai reçu avec plaisir mon collègue Maxime Bernier, ministre des Affaires étrangères du Canada. Cette visite était prévue, nous l'attendions avec impatience.
Avec Maxime, nous nous rencontrons souvent dans les instances internationales. La dernière fois, c'était à New York, lors de l'Assemblée générale des Nations unies. Nous devions nous revoir. Je devais aller en Afghanistan et visiter ensuite le Canada. Je n'ai pas pu y aller car M. Karzaï était absent.
Cette visite est donc remise mais ces perspectives existent.
Nous avons tout d'abord parlé des relations entre la France et le Canada, relations qui sont tout à fait bonnes. Nous avons parlé de la perspective du 400ème anniversaire de la Province de Québec et nous avons parlé de tous les sujets d'intérêts communs, l'Afghanistan, bien sûr, avec, nous l'espérons, un renforcement de notre coopération sur place, ainsi que le Kosovo. Nous avons aussi évoqué ce qui va se passer de plus positif au Darfour, dont nous suivons la situation avec attention, comme d'ailleurs le Canada, qui participe à toutes les opérations de maintien de la paix des Nations unies et qui est un contributeur extrêmement important.
Nous avons également parlé de notre coopération au Tchad et de tous les problèmes pendants.
Par ailleurs, nous avons décidé, dans l'année qui s'ouvre, de constituer trois groupes de travail consacrés à la démographie, aux flux migratoires, au développement durable et au développement dans son ensemble.
Nous avons comparé nos systèmes d'aide publique au développement. C'est toujours une leçon que nous recevons des Canadiens concernant notre manière d'offrir le développement aux pays qui, comme leur nom l'indique, sont en développement.
Pour finir, un troisième sujet dont il serait temps de faire le bilan : la responsabilité de protéger. C'est un sujet que connaissent bien les Canadiens et que les Français ont initié, il y a bien longtemps. Il s'agit de faire le bilan des opérations internationales et ses perspectives, ce qui comprend le "Nation Building" et le maintien de la paix.
Tous ces sujets sont très vastes et nous répondrons volontiers à vos questions mais je remercie encore une fois Maxime et toute sa délégation, honorable, diverse et très inventive qui nous a permis d'avoir un déjeuner véritablement de travail. Cela fait très plaisir que l'on puisse aborder des problèmes graves entre amis en ayant une attitude plutôt optimiste par rapport à un certain nombre de défis du monde.
Q - Vous parlez d'un renforcement de votre coopération en Afghanistan. Mais, au-delà de ce qui a déjà été décidé, c'est-à-dire les OMLT et le déplacement des mirages à Kandahar, la France compte-t-elle envoyer plus de troupes en Afghanistan ?
Concernant le rapport de M. El Baradeï, quelle est votre réaction et y aura-t-il des conséquences au Conseil de sécurité selon vous ?
R - La position de la France vis-à-vis de l'Afghanistan a très clairement été indiquée par le président de la République à deux reprises et très récemment. Elle n'a pas changé.
En effet, nous augmenterons le nombre de nos soldats. Il est prévu trois groupes particuliers, constitués de centaines d'hommes, le chiffre est d'environ 200. Nous allons les placer dans un dispositif qui offrira un soutien à nos amis hollandais. Pour le reste, nous en discuterons très précisément avec l'Etat-major des armées. Il n'est en aucune manière question de quitter l'Afghanistan et il s'agit, hélas, nous le constatons, d'une opération de longue haleine qui se déroulera certainement sur plusieurs années. Je vous donnerai des renseignements plus précis après mon voyage en Afghanistan qui, je vous l'ai dit, a été reporté mais qui se fera dans les semaines qui viennent, au plus tard au mois de janvier.
Nous sommes convenus aussi avec M. Bernier que le durcissement, en tout cas l'état d'urgence, décidé par le général Musharraf au Pakistan, nous pose un certain nombre de problèmes par rapport à l'avenir.
Nous condamnons cet état d'urgence dans la mesure où il restreint les libertés. S'il a été établi au nom de la lutte contre l'extrémisme, moi je vois surtout, et Maxime aussi, les arrestations des militants des Droits de l'Homme et les entraves faites à la liberté de parole et de mouvement de Mme Benazir Bhutto qui pourtant était venue avec l'agrément du général Musharraf.
Nous avons beaucoup parlé de cette situation politique difficile.
Pour le reste, si vous me le permettez, nous n'avons pas abordé le dossier iranien, mais je peux vous dire que la position de la France est claire. Nous l'avons d'ailleurs exprimé ce matin. Le rapport de M. El Baradeï n'est pas insatisfaisant mais il n'est pas non plus suffisamment satisfaisant. C'est lui qui le dit, il reste des zones d'ombres dans le déroulement des opérations qui pendant très longtemps avaient été cachées par les Iraniens dans leur programme de développement nucléaire.
Nous attendons encore une fois, c'est l'AIEA qui le dit, des compléments d'enquêtes.
Avant d'éventuellement retourner devant le Conseil de sécurité des Nations unies, nous attendons un autre rapport, celui de Javier Solana, qui le présentera avant la fin novembre. Nous commençons déjà les contacts avec nos amis, les Six, c'est-à-dire la Chine, la Russie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. Nous sommes restés et nous devons rester unis sur ce dossier. Nous envisageons, je ne peux pas le dire moi-même, ce fut envisagé à New York en fonction des rapports qui nous parviennent, de retourner vers le Conseil de sécurité. Je ne peux pas en définir la démarche précise.
Nous travaillons sur des sanctions, nous souhaitons qu'elles passent par le Conseil de sécurité, c'est notre objectif. Nous avons travaillé avec nos partenaires européens, sur un certain nombre de sanctions. Mais les sanctions ne seraient efficaces que si elles sont accompagnées de paroles, de discussions, de dialogues. Le dialogue avec l'Iran, nous y sommes non seulement ouverts mais nous le pratiquons.
D'un côté le dialogue et, de l'autre, en effet, le maintien de la pression.
Q - Monsieur Kouchner, est-ce que, au cours de vos discussions avec M. Bernier, vous avez eu l'occasion d'exprimer quelques soucis de la France à propos du problème des prisonniers afghans qui ont subi des tortures, des mauvais traitements après avoir été remis par le Canada aux autorités afghanes ?
(...)
R - Je fais entièrement confiance à la manière dont nos amis canadiens s'assurent du respect des Droits de l'Homme et des conventions. Le CICR fait cela aussi et il faut nous en féliciter. Il est vrai qu'il est très difficile de supporter ce genre de nouvelles, parce que nous faisons les uns et les autres - et je sais quel prix paie le Canada pour que ces soldats soient présents et luttent contre l'extrémisme -, il est très difficile d'apprendre que, même si nous ne sommes pas naïfs, les traitements qui sont réservés aux prisonniers sont inacceptables dans un pays où nous sommes censés rétablir l'Etat de droit avec les autorités, avec le gouvernement, grâce à l'action particulièrement heureuse et déterminée de M. Karzaï.
Q - Je voudrais savoir si vous avez discuté ou comment vous réagissez à la perspective que les produits canadiens puissent être soumis à une taxe environnementale, une taxe spéciale qu'a évoquée Nicolas Sarkozy dans sa campagne électorale. Et, par la suite, M. Sarkozy a même demandé à l'Europe d'envisager d'amorcer en tout cas une discussion là-dessus. Je voudrais savoir si le Canada se sent menacé par une telle taxe et ce qu'en pense également le ministre des Affaires étrangères français.
R - Le Premier ministre français l'a dit, lors de la visite du Premier ministre Harper en France, en juin dernier : le projet de taxe européenne ne vise pas le Canada. Il a pour objectif de faire qu'aucune entreprise, nulle part, dans aucun pays, qui ne respecte pas le protocole, ne bénéficie d'avantages, qui sont des avantages comparatifs.
Je souhaite que le Canada s'engage résolument dans ce qui a été accepté à la réunion de Bali sur les objectifs contraignants de réduction de gaz à effet de serre. Je souhaite, en valeur absolue, que cela se fasse et l'effort canadien est essentiel, comme celui des autres pays du G8, pas seulement le Canada. Il y a un autre pays du G8 pas loin du Canada qui ferait bien de s'en inspirer.
Nous ne visons pas du tout le Canada, je pense que c'est une mesure qui devrait évidemment être respectée par tous les pays industriels. D'ailleurs, le problème se posera également dans les pays en développement, car les pays en développement polluent pour certains beaucoup plus encore que les pays industriels. Tout cela ne vise pas spécifiquement nos amis canadiens.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2007
Avec Maxime, nous nous rencontrons souvent dans les instances internationales. La dernière fois, c'était à New York, lors de l'Assemblée générale des Nations unies. Nous devions nous revoir. Je devais aller en Afghanistan et visiter ensuite le Canada. Je n'ai pas pu y aller car M. Karzaï était absent.
Cette visite est donc remise mais ces perspectives existent.
Nous avons tout d'abord parlé des relations entre la France et le Canada, relations qui sont tout à fait bonnes. Nous avons parlé de la perspective du 400ème anniversaire de la Province de Québec et nous avons parlé de tous les sujets d'intérêts communs, l'Afghanistan, bien sûr, avec, nous l'espérons, un renforcement de notre coopération sur place, ainsi que le Kosovo. Nous avons aussi évoqué ce qui va se passer de plus positif au Darfour, dont nous suivons la situation avec attention, comme d'ailleurs le Canada, qui participe à toutes les opérations de maintien de la paix des Nations unies et qui est un contributeur extrêmement important.
Nous avons également parlé de notre coopération au Tchad et de tous les problèmes pendants.
Par ailleurs, nous avons décidé, dans l'année qui s'ouvre, de constituer trois groupes de travail consacrés à la démographie, aux flux migratoires, au développement durable et au développement dans son ensemble.
Nous avons comparé nos systèmes d'aide publique au développement. C'est toujours une leçon que nous recevons des Canadiens concernant notre manière d'offrir le développement aux pays qui, comme leur nom l'indique, sont en développement.
Pour finir, un troisième sujet dont il serait temps de faire le bilan : la responsabilité de protéger. C'est un sujet que connaissent bien les Canadiens et que les Français ont initié, il y a bien longtemps. Il s'agit de faire le bilan des opérations internationales et ses perspectives, ce qui comprend le "Nation Building" et le maintien de la paix.
Tous ces sujets sont très vastes et nous répondrons volontiers à vos questions mais je remercie encore une fois Maxime et toute sa délégation, honorable, diverse et très inventive qui nous a permis d'avoir un déjeuner véritablement de travail. Cela fait très plaisir que l'on puisse aborder des problèmes graves entre amis en ayant une attitude plutôt optimiste par rapport à un certain nombre de défis du monde.
Q - Vous parlez d'un renforcement de votre coopération en Afghanistan. Mais, au-delà de ce qui a déjà été décidé, c'est-à-dire les OMLT et le déplacement des mirages à Kandahar, la France compte-t-elle envoyer plus de troupes en Afghanistan ?
Concernant le rapport de M. El Baradeï, quelle est votre réaction et y aura-t-il des conséquences au Conseil de sécurité selon vous ?
R - La position de la France vis-à-vis de l'Afghanistan a très clairement été indiquée par le président de la République à deux reprises et très récemment. Elle n'a pas changé.
En effet, nous augmenterons le nombre de nos soldats. Il est prévu trois groupes particuliers, constitués de centaines d'hommes, le chiffre est d'environ 200. Nous allons les placer dans un dispositif qui offrira un soutien à nos amis hollandais. Pour le reste, nous en discuterons très précisément avec l'Etat-major des armées. Il n'est en aucune manière question de quitter l'Afghanistan et il s'agit, hélas, nous le constatons, d'une opération de longue haleine qui se déroulera certainement sur plusieurs années. Je vous donnerai des renseignements plus précis après mon voyage en Afghanistan qui, je vous l'ai dit, a été reporté mais qui se fera dans les semaines qui viennent, au plus tard au mois de janvier.
Nous sommes convenus aussi avec M. Bernier que le durcissement, en tout cas l'état d'urgence, décidé par le général Musharraf au Pakistan, nous pose un certain nombre de problèmes par rapport à l'avenir.
Nous condamnons cet état d'urgence dans la mesure où il restreint les libertés. S'il a été établi au nom de la lutte contre l'extrémisme, moi je vois surtout, et Maxime aussi, les arrestations des militants des Droits de l'Homme et les entraves faites à la liberté de parole et de mouvement de Mme Benazir Bhutto qui pourtant était venue avec l'agrément du général Musharraf.
Nous avons beaucoup parlé de cette situation politique difficile.
Pour le reste, si vous me le permettez, nous n'avons pas abordé le dossier iranien, mais je peux vous dire que la position de la France est claire. Nous l'avons d'ailleurs exprimé ce matin. Le rapport de M. El Baradeï n'est pas insatisfaisant mais il n'est pas non plus suffisamment satisfaisant. C'est lui qui le dit, il reste des zones d'ombres dans le déroulement des opérations qui pendant très longtemps avaient été cachées par les Iraniens dans leur programme de développement nucléaire.
Nous attendons encore une fois, c'est l'AIEA qui le dit, des compléments d'enquêtes.
Avant d'éventuellement retourner devant le Conseil de sécurité des Nations unies, nous attendons un autre rapport, celui de Javier Solana, qui le présentera avant la fin novembre. Nous commençons déjà les contacts avec nos amis, les Six, c'est-à-dire la Chine, la Russie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. Nous sommes restés et nous devons rester unis sur ce dossier. Nous envisageons, je ne peux pas le dire moi-même, ce fut envisagé à New York en fonction des rapports qui nous parviennent, de retourner vers le Conseil de sécurité. Je ne peux pas en définir la démarche précise.
Nous travaillons sur des sanctions, nous souhaitons qu'elles passent par le Conseil de sécurité, c'est notre objectif. Nous avons travaillé avec nos partenaires européens, sur un certain nombre de sanctions. Mais les sanctions ne seraient efficaces que si elles sont accompagnées de paroles, de discussions, de dialogues. Le dialogue avec l'Iran, nous y sommes non seulement ouverts mais nous le pratiquons.
D'un côté le dialogue et, de l'autre, en effet, le maintien de la pression.
Q - Monsieur Kouchner, est-ce que, au cours de vos discussions avec M. Bernier, vous avez eu l'occasion d'exprimer quelques soucis de la France à propos du problème des prisonniers afghans qui ont subi des tortures, des mauvais traitements après avoir été remis par le Canada aux autorités afghanes ?
(...)
R - Je fais entièrement confiance à la manière dont nos amis canadiens s'assurent du respect des Droits de l'Homme et des conventions. Le CICR fait cela aussi et il faut nous en féliciter. Il est vrai qu'il est très difficile de supporter ce genre de nouvelles, parce que nous faisons les uns et les autres - et je sais quel prix paie le Canada pour que ces soldats soient présents et luttent contre l'extrémisme -, il est très difficile d'apprendre que, même si nous ne sommes pas naïfs, les traitements qui sont réservés aux prisonniers sont inacceptables dans un pays où nous sommes censés rétablir l'Etat de droit avec les autorités, avec le gouvernement, grâce à l'action particulièrement heureuse et déterminée de M. Karzaï.
Q - Je voudrais savoir si vous avez discuté ou comment vous réagissez à la perspective que les produits canadiens puissent être soumis à une taxe environnementale, une taxe spéciale qu'a évoquée Nicolas Sarkozy dans sa campagne électorale. Et, par la suite, M. Sarkozy a même demandé à l'Europe d'envisager d'amorcer en tout cas une discussion là-dessus. Je voudrais savoir si le Canada se sent menacé par une telle taxe et ce qu'en pense également le ministre des Affaires étrangères français.
R - Le Premier ministre français l'a dit, lors de la visite du Premier ministre Harper en France, en juin dernier : le projet de taxe européenne ne vise pas le Canada. Il a pour objectif de faire qu'aucune entreprise, nulle part, dans aucun pays, qui ne respecte pas le protocole, ne bénéficie d'avantages, qui sont des avantages comparatifs.
Je souhaite que le Canada s'engage résolument dans ce qui a été accepté à la réunion de Bali sur les objectifs contraignants de réduction de gaz à effet de serre. Je souhaite, en valeur absolue, que cela se fasse et l'effort canadien est essentiel, comme celui des autres pays du G8, pas seulement le Canada. Il y a un autre pays du G8 pas loin du Canada qui ferait bien de s'en inspirer.
Nous ne visons pas du tout le Canada, je pense que c'est une mesure qui devrait évidemment être respectée par tous les pays industriels. D'ailleurs, le problème se posera également dans les pays en développement, car les pays en développement polluent pour certains beaucoup plus encore que les pays industriels. Tout cela ne vise pas spécifiquement nos amis canadiens.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2007