Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur l'aide à l'accession des jeunes diplomés issus de l'émigration au marché du travail, Paris le 27 novembre 2007.

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Circonstance : Lancement du club des parrains de l'association "Nos quartiers ont du talent" à Paris le 27 novembre 2007

Texte intégral

Madame la Ministre (Fadela Amara),
Madame la Présidente (du MEDEF, Laurence Parisot),
Monsieur le Président (de l'association « Nos quartiers ont des talents », M. Yazid Chir)
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,

Je suis heureuse d'assister ce soir au lancement du Club des parrains de « Nos quartiers ont du talents ».
Cette cérémonie de lancement intervient alors que, de nouveau, certains quartiers de nos villes sont confrontés à des phénomènes de violence. C'est la ville de Villiers-le-Bel dans le Val d'Oise, qui est aujourd'hui plus particulièrement touchée. Ma première pensée va aux familles des deux jeunes qui ont perdu la vie, à leurs amis. Je leur dis toute mon émotion et ma tristesse. Je pense également aux policiers et au pompiers blessés : je les assure de mon soutien. L'important est maintenant que les enquêtes se déroulent sereinement, pour que les causes réelles de ce qui s'est passé soient connues. Il revient à la justice de déterminer les responsabilités.
Derrière les manifestations de violence, c'est bien un sentiment de désespérance qui s'exprime pour ceux qui pensent qu'ils n'ont rien à perdre. Quand on n'a pas l'espoir de s'en sortir, de s'élever socialement, on pratique bien souvent la politique du pire.
Des initiatives comme celles que nous mettons à l'honneur ce soir, sont justement une réponse à la désespérance, parce qu'elles tracent un chemin personnel pour des jeunes issus des quartiers fragiles. Elles contribuent à dessiner le lien manquant entre les habitants des quartiers « ou ça va bien » et ceux qui vivent dans des quartiers qui vont mal. Elles sont un pas en avant pour en finir avec les ghettos.
Pour saluer le lancement de ce « Club des parrains », c'est à un enfant de Saint-Ouen, Yazid Chir, que je veux avant tout rendre hommage ce soir, puisque c'est grâce à lui que cette initiative a vu le jour.
Je veux aussi saluer l'engagement des présidents d'honneur de l'association : Laurence Parisot (Présidente du MEDEF), Claude Bébéar (Président du Conseil de Surveillance du groupe AXA), Christian Charpy (président de l'ANPE), qui ont toujours soutenu ce concept de parrainage comme outil concret et efficace en faveur de la diversité dans l'entreprise.
Beaucoup de choses se font en France pour que le fatalisme ne s'installe pas dans les quartiers. C'est le cas de cette opération qui a été lancée en faveur des jeunes diplômés. Elle ne concernait au départ que les jeunes de la Seine-Saint-Denis. Ce département présente en effet malheureusement le taux de chômage le plus élevé d'Ile-de-France.
Je rappelle que la France, notamment la France masculine des villes, bénéficie d'une évolution positive sur le marché de l'emploi. Des pans entiers de notre économie sont aujourd'hui en tension et se rapprochent du plein emploi. Mais pour autant, la situation reste très préoccupante dans les "ZUS", les « zones urbaines sensibles » - que je préfère d'ailleurs appeler « quartiers fragiles » - où le taux de chômage peut parfois dépasser les 40 %, pour certaines catégories de la population.
C'est d'ailleurs au vu de cet état de fait, que le Président de la République a lancé l'idée d'un Plan pour les jeunes des banlieues, que Mme Fadela AMARA, Secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, ici présente, est actuellement chargée d'élaborer. Ce plan « Respect égalité des chances » comptera justement, parmi ses grandes priorités, la préparation à l'emploi, l'accompagnement dans l'emploi et l'aide à la création d'entreprise, pour ces jeunes.
Alors, tout d'abord, le constat que l'on peut faire, est que cet écart de taux de chômage entre les jeunes des quartiers en difficulté et les autres, s'explique par la ségrégation urbaine et sociale.
Il est parfaitement inadmissible que tant de personnes diplômées rencontrent encore de si grandes difficultés à trouver leur place sur le marché du travail. Il est anormal que toutes ces femmes et ses hommes qui veulent mettre leur intelligence et leur énergie au service de notre pays, soient privés de le faire, alors même que des centaines de milliers de postes restent non pourvus en France.
Je sais que pour l'essentiel, il n'y a pas de rejet a priori de la part des entreprises. D'ailleurs, les entreprises qui le feraient porteraient en elles leur propre mort, car l'endogamie entraîne toujours la dégénérescence.
Elles sont de plus en plus nombreuses, les entreprises qui ont compris tout l'intérêt qu'il y a, à recruter ces jeunes spécialement motivés et dont l'équation « pluriculturelle » représente un atout pour traiter avec les clients dans leur diversité, pour conquérir de nouveaux marchés, inexplorés jusqu'ici.
Les parents de ces jeunes sont souvent arrivés comme migrants dans notre pays. Ils ont eu le goût du risque, ils ont eu de l'audace et du courage. Ils ont osé tenter la difficile aventure de l'émigration et du déracinement. Leurs enfants ont intériorisé cet esprit d'audace, ce goût d'aller de l'avant, cette envie de créer. C'est une chance pour notre pays de pouvoir compter sur eux aujourd'hui.
Ainsi, les choses bougent, les choses avancent. De plus en plus d'entreprises sont « partantes » pour mobiliser cet extraordinaire potentiel humain qui fait l'objet, aujourd'hui encore, d'un gâchis évident.
Mais je sais aussi que certaines entreprises ont besoin de quelqu'un qui puisse faire la passerelle entre les jeunes et elles. Et c'est toute l'utilité du parrainage des jeunes diplômés.
Nos Quartiers ont des Talents apporte précisément ce coup de pouce aux jeunes en les faisant entrer dans la boucle du recrutement et trouver plus facilement un emploi à la hauteur de leurs compétences et leurs aspirations. En partenariat avec le MEDEF, l'Etat et l'ANPE, votre association dispose de trois outils : une structure ressources humaines pour accompagner les jeunes dans leurs démarches, des séances de coaching collectives et enfin, le parrainage. Vous comptez à ce-jour 400 parrains, tous chefs d'entreprises ou cadres supérieurs de grands groupes en activité. Vous voulez en compter 1 000.
Vous apportez donc à ces jeunes ce qui leur manque le plus : l'expérience et le réseau. Je crois au pouvoir de la relation, de l'accompagnement personnel. Je suis d'ailleurs persuadée qu'au bout d'un an de parrainage, le parrain autant que le filleul, est étonné de tout ce qu'il a retiré de l'échange.
Vous êtes l'illustration vivante que notre vieux pays est toujours irrigué par une élite étonnante avec des personnes heureuses d'agir pour le bien commun et soucieuses d'aller jusqu'au bout de leur engagement. Vous apportez en outre la preuve - et je veux insister là-dessus - que lorsque quelqu'un a une bonne idée en France, il y a toujours des personnes de grande qualité pour la soutenir et la faire prospérer.
Ce type de relation interpersonnelle, c'est justement ce que je souhaite promouvoir dans une conception renouvelée de la ville. C'est à dire la ville comme cité d'échanges, où les habitants ne sont plus étiquetés comme de tel ou tel quartier, de telle ou telle origine, mais comme des citoyens constamment reliés les uns aux autres, dans un ensemble qui leur soit commun, avec des projets communs.
Je suis donc très favorable à ce que des plates formes pour jeunes diplômés puissent être implantées sur l'ensemble de notre territoire national, portés par des structures associatives, le service public de l'emploi, mais aussi des partenaires privés. Je crois que là aussi, dans ce domaine, il faut innover en ayant recours à des coopérations étroites entre public et privé.
Je souhaite qu'à terme, il n'y ait plus de quartier où les jeunes ne trouvent pas conseil, pas d'appui pour développer leur projet professionnel. Et je compte pour cela, sur l'impulsion que donnera le « Plan respect égalité des chances » tout début 2008.
Ce que je suis venue particulièrement mettre à l'honneur ce soir c'est le fait qu'on ne se limite plus aujourd'hui au seul traitement social des quartiers fragilisés. Cette initiative prouve que l'on considère enfin les habitants qui y vivent, comme des personnes dont les ressources sont essentielles à l'économie de notre pays.
Il y a une percée évidente des enfants des cités dans l'élite de la société française, une élite brillante et une classe moyenne dont notre pays a toutes les raisons de s'enorgueillir. Car les quartiers fragiles, ce sont aussi des lieux d'avenir et d'innovation. Rien d'étonnant à cela d'ailleurs, car ces territoires ont pour eux leur jeunesse, c'est à dire l'énergie, l'enthousiasme et l'imagination.
J'ajoute que l'exemple de parcours de réussites visible, au coeur même d'un quartier, est très important, car c'est un moteur très puissant d'encouragement pour la population environnante.
On sait en effet combien les jeunes doutent de l'utilité d'aller à l'école, quand ils voient leurs aînés diplômés rester au chômage !
L'avenir d'un pays, j'en suis convaincue, dépend de sa capacité à fédérer tous les talents. Les habitants des zones sensibles n'ont pas besoin qu'on les plaigne. Ils ont juste besoin qu'on leur donne leur chance.
Je vous souhaite donc à tous, jeunes et parrains, de continuer à avancer ensemble côte à côte, pour arriver au but que vous vous êtes fixé !
Je vous remercie.

Source http://www.ville.gouv.fr, le 28 novembre 2007