Déclaration de M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, sur le rôle des PME dans la croissance économique française, la fiscalité des entreprises et les PME face à la mondialisation, Paris le 23 octobre 2007.

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Circonstance : Salon Planète PME à Paris les 23 et 24 octobre 2007

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
C'est tout à la fois un plaisir et un honneur de vous accueillir à PLANETE PME.
C'est bien là la preuve que vous êtes interchangeable avec le Président de la République qui devait être des nôtres et a finalement du se rendre en visite d'Etat au Maroc.
Nicolas SARKOZY a tenu néanmoins à nous recevoir, jeudi dernier, pour prendre connaissance de nos propositions.
Vous avez devant vous, Monsieur le Premier Ministre, plus de 3 000 patrons de PME. Venus de toute la France, ils dirigent des entreprises de toutes tailles et de tous les secteurs d'activité. Ils ont un point commun : tous ont pris, et continuent à prendre, des risques pour faire vivre leur projet. Ils incarnent ces créateurs, chers au Président de la République, ceux dont notre Pays a tant besoin !
Pour eux, Monsieur le Premier Ministre, vous incarnez l'espoir. L'espoir que le travail soit remis à l'honneur, que la réussite soit enfin reconnue pour ce qu'elle est : le fruit du travail.
Nos succès, et ils sont nombreux, nous n'en avons pas honte. Nous les bâtissons au quotidien avec nos salariés qui nous voient à l'oeuvre. Eux savent les risques que nous prenons, les blocages et lourdeurs administratives auxquels nous nous heurtons, le poids sans cesse grandissant de la fiscalité et des charges de tous ordres.
Alors je vous le dis, si nous faisons énormément pour la croissance et l'emploi de la France, nous pourrions faire bien davantage !
Les premières mesures prises par votre Gouvernement sont encourageantes. Inciter ceux qui paient l'ISF à investir dans les PME, c'est faire le choix de l'économie réelle qui irrigue notre Pays. Encourager le recours aux heures supplémentaires c'est tourner enfin le dos à ces 35 heures qui nous ont fait tant de mal. Ratifier les accords de Londres, c'est nous donner les armes pour nous prémunir de la contrefaçon ! Redéfinir le périmètre du Crédit Impôt Recherche, c'est joindre enfin le geste à la parole.
Revenir sur les régimes spéciaux pour rétablir un minimum d'équité entre les salariés protégés et les autres, c'est faire preuve de courage ! Ce courage ne doit pas faiblir en face de ceux qui n'hésitent pas à nous prendre en otage. Tenez bon, nous sommes avec vous !
Pour tout cela, Monsieur le Premier Ministre, merci.
Mais, de grâce, n'oubliez jamais que cette réactivité, cette inventivité, cette souplesse qui font la force de nos entreprises, méritent qu'on tienne compte de leur spécificité.
S'il est utile que les heures supplémentaires soient, quelle que soit la taille de l'entreprise, désormais rémunérée à + 25 %, pourquoi diable avoir bâti un système faisant des entreprises de moins de 21 salariés les seules perdantes ?
Vous le savez, les chefs d'entreprises réclament avant tout davantage de liberté. Liberté d'entreprendre sans être immédiatement perçus comme des fraudeurs. Liberté d'innover sans être accusés de vouloir la mort de la Planète. Liberté d'embaucher sans être enfermés dans un carcan de règles décourageantes. Liberté de dialoguer directement avec leur personnel sans être étouffés par un Code du Travail qui s'épaissit chaque année !
Les chefs d'entreprises que vous avez devant vous, sont prêts à faire gagner la France. Ils ont confiance en vous. Ils attendent qu'on cesse enfin d'appuyer sur les freins qui bloquent leur développement.
Certaines mesures peuvent être prises rapidement et qui plus est sans que cela ne coûte un centime au contribuable. Nous prônons la mise en place d'un « rescrit administratif » qui signifierait pour nos PME la fin de l'attente d'une réponse administrative qui bloque un projet. De même, pourquoi avoir offert la possibilité de télécharger la plupart des formulaires administratifs et ne pas nous laisser la possibilité de les renvoyer complétés par la même voie ?
Savez-vous par ailleurs qu'il y a 2 fois plus d'entreprises de 9 que de 10 salariés et que la proportion est encore plus marquante de 49 à 50 salariés ?
Ce n'est pas un hasard. Le Président de la République avait promis de suspendre les seuils sociaux pendant 2 ans. Il y a urgence. Voila un véritable levier pour la croissance et l'emploi !
Le Président de la République avait également promis de supprimer l'impôt forfaitaire annuel (IFA) perçu par un grand nombre d'entre nous, comme un impôt supplémentaire. Je ne vous cache pas notre déception de ne pas voir cette mesure figurer dans le PLF 2008 !
Comme vous nous n'ignorons pas la situation des finances publiques. Mais il est parfois bon de réaffirmer des vérités. Nous savons, nous, qu'une entreprise qui présente chaque année des budgets en déficit coure à sa perte. Le terme « faillite » a choqué. Tant mieux. Notre Pays ne peut continuer à tirer des traites sur les générations futures. Mais faire le choix de l'entreprise, c'est faire le choix de l'avenir. Le choix du mouvement contre celui de l'inaction !
Quant à nous, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour gagner des parts de marché, prendre le virage de l'innovation, miser sur l'embauche de jeunes et la formation de nos salariés.
La formation n'est pas, pour nous, une dépense, elle est un investissement. Et ce n'est pas un hasard si nous nous sommes engagés sans réserve en faveur de la professionnalisation. Les chiffres nous donnent raison. Les PME s'approprient les nouveaux dispositifs : 143 320 contrats de professionnalisation ont été signés en 2006 contre 114 950 en 2005. De même, 240 000 salariés ont exercé leur DIF en 2006 contre 190 000 en 2005. Cela prouve, s'il en était besoin, que nos entreprises ont besoin de stabilité juridique. Comment nous demander d'appliquer des textes, s'ils changent sans arrêt !
En tant que partenaire social, signataire des accords interprofessionnels sur la formation et gestionnaire de l'AGEFOS PME, nous avons pris nos responsabilités.
Nous continuerons.
La CGPME s'est d'ailleurs engagée dans des négociations interprofessionnelles sur le contrat de travail. Notre objectif est simple : obtenir davantage de lisibilité pour nos entreprises. Nous n'opposons pas, nous, sécurité et flexibilité, pas plus que nous opposons social et économie. Mais, il n'y a en la matière qu'une seule vérité : dans une PME, l'intérêt du salarié et de l'employeur se rejoignent. On ne peut sécuriser l'un au détriment de l'autre. Nous tendrons la main à tous ceux qui voudront s'inscrire dans cette voie.
Je tiens à cet égard à réaffirmer devant vous notre attachement au paritarisme qui permet d'établir un dialogue dans le respect des convictions et des valeurs de chacun. La logique du « tous pourris » n'est pas la nôtre !
Alors oui, lorsque des affaires récentes qui, je l'ai dit et je le répète, sont pour nous inexplicables, donnent lieu à tous les amalgames, nous ne réjouissons pas ! Les scandales qui éclaboussent régulièrement les grandes entreprises ne nous font pas plaisir non plus. C'est l'image même des entreprises et de leurs représentants qui est atteinte. Le terme « patronat réel » qu'on disait ringard mériterait sans doute de reprendre des couleurs !
Le patronat réel, il est là, aujourd'hui, dans cette salle !
Ce patronat il est prêt à relever tous les défis y compris celui du développement durable à condition que cela ne se termine pas par une simple hausse des prélèvements obligatoires. A prélèvement constant, pourquoi ne pas imaginer une taxation progressive gratifiant les résultats écologiques des entreprises atteignant leurs objectifs ?
Les PME sont confrontées à la mondialisation. Elles ont compris que l'adaptation est la clé non seulement de la réussite mais de leur survie même. La qualité et l'avancée technologique de nos produits sont la seule réponse possible au décalage entre les coûts de production. Mais ceux qui prétendraient alourdir encore nos charges de manière directe, ou de manière indirecte en revenant sur des allègements, seraient les fossoyeurs d'une partie de notre industrie !
Pour pouvoir continuer à être les moteurs de la croissance et de l'emploi, nous avons besoin d'un environnement économique et social qui corrige les déséquilibres du seul marché.
Pour nous la liberté doit rimer avec la responsabilité et la concurrence avec la transparence. Des relations commerciales saines ne peuvent reposer que sur un équilibre entre les différents acteurs. La libéralisation totale des règles commerciales, que prônent certains beaux esprits, se traduirait par une hécatombe chez les commerçants de proximité !
L'économie de proximité est pour nous un choix de société. Face à la « démagogie du caddie » nous avons besoin de vous.
Qui peut sérieusement penser que la France manque d'hypermarchés sur son territoire ? Pas nous . Qui peut réellement croire que ce sont les fournisseurs de la grande distribution qui les empêche de baisser leurs prix ? Pas nous.
Nous tenons donc, Monsieur le Premier Ministre, à vous alerter. Un hypothétique gain de pouvoir d'achat risque, dans la Sarthe comme ailleurs, de désertifier davantage encore nos bourgs et nos villages ruraux et fragiliser ceux d'entre nous qui vendons nos produits à la grande distribution.
Vous le voyez, Monsieur le Premier Ministre, notre espoir est immense, nos attentes sont fortes et notre ambition intacte.
Ambition pour l'emploi, pour la croissance, au service de la Nation tout entière.
Le Philosophe ALAIN disait que « le pessimisme est d'humeur et l'optimisme de volonté ».
Cette volonté nous l'avons !Source http://www.cgpme.fr, le 25 octobre 2007