Texte intégral
J.-M. Aphatie.- La nuit a été plus calme, après ces deux nuits d'émeutes qui ont rappelé à tout le monde celles de l'automne 2005. L'idée s'est installée qu'entre ces deux événements, automne 2005 - automne 2007, la politique n'avait pas fait grand-chose pour soulager la misère de ceux qui vivent en banlieue. C'est une idée vraie ou une idée fausse ?
R.- C'est une idée fausse car, à la limite, je préférerais vous répondre différemment parce que les efforts ont été faits, poursuivis, et je pourrai vous donner les chiffres, ils sont très éloquents. Il y a vraiment beaucoup d'argent qui a été développé depuis 2005, mais même avant. Ce n'est pas un problème de moyens, et en ce qui concerne Villiers-le- Bel, en particulier, c'est une commune qui a tous les éléments, toutes les mesures de la politique de la ville. La politique de la ville a été très importante à Villiers-le-Bel.
Q.- Beaucoup d'argent investi dans les banlieues ?
R.- Beaucoup. Beaucoup d'argent, oui, absolument.
Q.- Et peu de résultats visibles peut-être ? Peu de changements concrets dans la vie des gens ?
R.- C'est vrai, quand on interroge les habitants, que je veux saluer, naturellement, parce que je pense que ce n'est pas facile à vivre ce qu'ils ont vécu, ils disent qu'ils n'ont pas le sentiment que les choses ont changé alors que beaucoup d'argent a été dégagé pour répondre à cette politique de la ville. Et je crois que cela nous met tous devant nos responsabilités.
Q.- Comment vous évoqueriez ces responsabilités ? Qu'est-ce que vous voulez dire ?
R.- Je crois que les difficultés, l'explosion qu'il y a eue il y a 48 heures, heureusement que les choses se sont calmées. Vous me permettrez d'avoir une pensée particulière pour les parents des deux jeunes qui se sont tués parce que naturellement, j'imagine leur douleur et leur souffrance. Mais ce qui s'est passé à Villiers-le-Bel nous interpelle tous, politiques, et qui que nous soyons. Le temps n'est pas là de nous opposer les uns aux autres, le temps est de regarder la situation dans sa gravité. Je pense que ces villes dans lesquelles on dit il existe des quartiers difficiles, et que moi j'appelle "fragiles", sont des villes qui sont, au contraire, une chance pour notre pays car c'est là que se concentre la jeunesse de ce pays. Nous sommes un pays qui vieillit et c'est là où il y a le plus de jeunes, et la jeunesse, c'est le dynamisme d'un pays. Il faut leur faire confiance, il faut rétablir la confiance.
Q.- Mais le temps est peut-être aussi venu d'interroger les responsables politiques. La Cour des comptes, récemment, rappelait l'inefficacité de tous ces milliards dépensés. Toutes les zones classées en "zone urbaine sensible" depuis 1996, disait la Cour des comptes, le sont encore en 2007, alors que des milliards ont été déversés. Le décrochage des banlieues, on le constate aujourd'hui comme on le constatait il y a quinze ans, malgré l'argent investi. Donc c'est inefficace l'action de la politique ?
R.- Je ne pense pas que ce soit inefficace, parce qu'on ne peut pas savoir ce qui se serait passé si rien n'avait été fait. Donc je crois que l'on voit qu'il y a les limites des financements, des limites de l'action et du résultat par rapport au financement. Je ne suis pas en train de dire qu'il faut diminuer les financements, je pense qu'il faut poursuivre l'effort et nous avons tout à fait l'intention de poursuivre l'effort ; mais je crois qu'il y a une réalité humaine qui manque dans nos villes. Je pense qu'il faut que l'ordre soit rétabli, c'est ce qui a été fait cette nuit et je tiens à féliciter les policiers, naturellement. Je pense qu'il faut que l'ordre soit visible dans les villes mais il faut également qu'il y ait une proximité humaine qui s'est beaucoup dégradée. Par exemple, dans beaucoup d'immeubles, on a supprimé les gardiens. Eh bien, figurez-vous que cette présence humaine était très importante. Moi, je suis convaincue qu'il faut rétablir la confiance entre les uns et les autres et qu'il faut qu'il y ait une présence et des relations. Il faut que nous créions du lien. Ce n'est pas le tout de dépenser de l'argent, ce qu'il est nécessaire de faire, je ne suis pas en train de vous dire qu'on va arrêter, mais je pense que nous sommes arrivés aux limites. La réponse n'est pas uniquement une réponse d'argent.
Q.- La Cour des comptes mentionnait aussi dix-neuf ministres de la Ville en dix-sept ans. Chaque ministre de la Ville fait son plan et vous-même, avec F. Amara, vous préparez un énième plan. Pourquoi ne pas se contenter d'appliquer le plan Borloo : c'était 42 milliards d'euros ? Pourquoi ne pas se contenter de veiller à son application ?
R.- Mais il n'est pas du tout remis en cause le plan Borloo, le plan Borloo n'est pas du tout mis en cause. Le président de la République qui, du reste, je tiens à saluer sa décision qui a été de lancer ce plan pendant la campagne, alors qu'il n'y avait pas de crise, il a anticipé la difficulté et je ne sais pas si nous serons géniales toutes les deux, Fadela et moi, mais en tous les cas...
Q.- Mais encore un plan, c'est un peu désolant !
R.- Non. Ce que je peux vous dire c'est qu'effectivement dans la question que vous avez posée, il y a quelque chose d'important. Il y a eu dix-sept ministres en dix-neuf ans...
Q.- J'avais dit dix-neuf en dix-sept ans mais c'est dix-sept en dix-neuf !
R.- Peu importe !
Q.- On vérifiera mais il y en a trop.
R.- Il y en a beaucoup. Comment voulez-vous qu'il y ait une continuité ?
Q.- Pas beaucoup : trop !
R.- Comment voulez-vous qu'il n'y ait pas un problème par rapport à cela ? Nous avons à régler, comme l'a dit A. Duhamel, l'immédiateté et nous devons prévoir dans la durée. Or ces gestions du temps sont difficilement compatibles avec le temps politique car le temps politique est par lui-même court et il faut qu'il donne des résultats immédiatement. Moi, personnellement, je plaiderai tout à l'heure à la réunion que nous allons avoir avec le président de la République, pour que nous introduisions davantage la présence humaine dans ces villes et dans ces quartiers. Et moi, je tiens à vous dire que je crois dans ces quartiers. Vous parlez de la stigmatisation et effectivement, la Halde fait un travail remarquable. Hier, j'étais à "Talents des cités", qui est une opération lancée par L. Parisot : les chefs d'entreprise font un travail formidable avec C. Bebéar pour rentrer dans ces quartiers. C'est vrai que ce n'est pas simple, A. Duhamel, vous avez raison de le dire mais ils le font. Et je veux valoriser toutes ces actions.
Q.- Vous serez à l'Elysée tout à l'heure à la réunion ? Oui, absolument. Parce que que vous n'étiez pas annoncée. On annonçait F. Fillon, M. Alliot-Marie, R. Dati et F. Amara.
R.- C'est ma secrétaire d'Etat, donc il est normal que le ministre soit présent.
Q.- Dix-neuf ministres de la Ville en dix-sept ans, c'est dans cet ordrelà qu'il faut dire les choses. On parle aussi beaucoup du pouvoir d'achat, puisque vous êtes ministre du Logement, le logement occupe une part de plus en plus importante dans les budgets des ménages. Dans les mesures qui vont être annoncées par le président de la République, il y en aura qui concerneront le logement ?
R.- Je pense qu'il y en aura mais je peux faire un lien avec la question précédente. Je crois qu'il est indispensable aussi que les élus, qui, je dois dire, font un travail remarquable, il faut que nous apprenions le partage des logements sociaux. L'article 55 de la Loi SRU doit être appliquée et je la ferai appliquer.
Q.- Partout ? A Neuilly, au Raincy... A Neuilly aussi ?
R.- Partout, partout, partout ! Mais pourquoi voulez-vous que l'on parle de Neuilly !
Q.- Pourquoi pas Neuilly ?
R.- Mais Neuilly fait des efforts. Mais bien sûr, qu'on peut parler de Neuilly. J'appliquerai la loi SRU parce qu'il faut le partage sur tout le territoire des logements sociaux. On ne peut pas continuer comme ça, ce n'est plus possible.
Q.- On parle : gel de loyers, blocage de loyers. Cela pourrait exister comme mesure ?
R.- Vous savez, ce n'est pas obligatoirement une bonne mesure. En général, cela a plutôt empêché le développement de constructions et d'offres de logements alors qu'on en a besoin énormément puisque nous n'arrivons pas à loger tous les hommes, les femmes et les enfants dans ce pays.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 novembre 2007
R.- C'est une idée fausse car, à la limite, je préférerais vous répondre différemment parce que les efforts ont été faits, poursuivis, et je pourrai vous donner les chiffres, ils sont très éloquents. Il y a vraiment beaucoup d'argent qui a été développé depuis 2005, mais même avant. Ce n'est pas un problème de moyens, et en ce qui concerne Villiers-le- Bel, en particulier, c'est une commune qui a tous les éléments, toutes les mesures de la politique de la ville. La politique de la ville a été très importante à Villiers-le-Bel.
Q.- Beaucoup d'argent investi dans les banlieues ?
R.- Beaucoup. Beaucoup d'argent, oui, absolument.
Q.- Et peu de résultats visibles peut-être ? Peu de changements concrets dans la vie des gens ?
R.- C'est vrai, quand on interroge les habitants, que je veux saluer, naturellement, parce que je pense que ce n'est pas facile à vivre ce qu'ils ont vécu, ils disent qu'ils n'ont pas le sentiment que les choses ont changé alors que beaucoup d'argent a été dégagé pour répondre à cette politique de la ville. Et je crois que cela nous met tous devant nos responsabilités.
Q.- Comment vous évoqueriez ces responsabilités ? Qu'est-ce que vous voulez dire ?
R.- Je crois que les difficultés, l'explosion qu'il y a eue il y a 48 heures, heureusement que les choses se sont calmées. Vous me permettrez d'avoir une pensée particulière pour les parents des deux jeunes qui se sont tués parce que naturellement, j'imagine leur douleur et leur souffrance. Mais ce qui s'est passé à Villiers-le-Bel nous interpelle tous, politiques, et qui que nous soyons. Le temps n'est pas là de nous opposer les uns aux autres, le temps est de regarder la situation dans sa gravité. Je pense que ces villes dans lesquelles on dit il existe des quartiers difficiles, et que moi j'appelle "fragiles", sont des villes qui sont, au contraire, une chance pour notre pays car c'est là que se concentre la jeunesse de ce pays. Nous sommes un pays qui vieillit et c'est là où il y a le plus de jeunes, et la jeunesse, c'est le dynamisme d'un pays. Il faut leur faire confiance, il faut rétablir la confiance.
Q.- Mais le temps est peut-être aussi venu d'interroger les responsables politiques. La Cour des comptes, récemment, rappelait l'inefficacité de tous ces milliards dépensés. Toutes les zones classées en "zone urbaine sensible" depuis 1996, disait la Cour des comptes, le sont encore en 2007, alors que des milliards ont été déversés. Le décrochage des banlieues, on le constate aujourd'hui comme on le constatait il y a quinze ans, malgré l'argent investi. Donc c'est inefficace l'action de la politique ?
R.- Je ne pense pas que ce soit inefficace, parce qu'on ne peut pas savoir ce qui se serait passé si rien n'avait été fait. Donc je crois que l'on voit qu'il y a les limites des financements, des limites de l'action et du résultat par rapport au financement. Je ne suis pas en train de dire qu'il faut diminuer les financements, je pense qu'il faut poursuivre l'effort et nous avons tout à fait l'intention de poursuivre l'effort ; mais je crois qu'il y a une réalité humaine qui manque dans nos villes. Je pense qu'il faut que l'ordre soit rétabli, c'est ce qui a été fait cette nuit et je tiens à féliciter les policiers, naturellement. Je pense qu'il faut que l'ordre soit visible dans les villes mais il faut également qu'il y ait une proximité humaine qui s'est beaucoup dégradée. Par exemple, dans beaucoup d'immeubles, on a supprimé les gardiens. Eh bien, figurez-vous que cette présence humaine était très importante. Moi, je suis convaincue qu'il faut rétablir la confiance entre les uns et les autres et qu'il faut qu'il y ait une présence et des relations. Il faut que nous créions du lien. Ce n'est pas le tout de dépenser de l'argent, ce qu'il est nécessaire de faire, je ne suis pas en train de vous dire qu'on va arrêter, mais je pense que nous sommes arrivés aux limites. La réponse n'est pas uniquement une réponse d'argent.
Q.- La Cour des comptes mentionnait aussi dix-neuf ministres de la Ville en dix-sept ans. Chaque ministre de la Ville fait son plan et vous-même, avec F. Amara, vous préparez un énième plan. Pourquoi ne pas se contenter d'appliquer le plan Borloo : c'était 42 milliards d'euros ? Pourquoi ne pas se contenter de veiller à son application ?
R.- Mais il n'est pas du tout remis en cause le plan Borloo, le plan Borloo n'est pas du tout mis en cause. Le président de la République qui, du reste, je tiens à saluer sa décision qui a été de lancer ce plan pendant la campagne, alors qu'il n'y avait pas de crise, il a anticipé la difficulté et je ne sais pas si nous serons géniales toutes les deux, Fadela et moi, mais en tous les cas...
Q.- Mais encore un plan, c'est un peu désolant !
R.- Non. Ce que je peux vous dire c'est qu'effectivement dans la question que vous avez posée, il y a quelque chose d'important. Il y a eu dix-sept ministres en dix-neuf ans...
Q.- J'avais dit dix-neuf en dix-sept ans mais c'est dix-sept en dix-neuf !
R.- Peu importe !
Q.- On vérifiera mais il y en a trop.
R.- Il y en a beaucoup. Comment voulez-vous qu'il y ait une continuité ?
Q.- Pas beaucoup : trop !
R.- Comment voulez-vous qu'il n'y ait pas un problème par rapport à cela ? Nous avons à régler, comme l'a dit A. Duhamel, l'immédiateté et nous devons prévoir dans la durée. Or ces gestions du temps sont difficilement compatibles avec le temps politique car le temps politique est par lui-même court et il faut qu'il donne des résultats immédiatement. Moi, personnellement, je plaiderai tout à l'heure à la réunion que nous allons avoir avec le président de la République, pour que nous introduisions davantage la présence humaine dans ces villes et dans ces quartiers. Et moi, je tiens à vous dire que je crois dans ces quartiers. Vous parlez de la stigmatisation et effectivement, la Halde fait un travail remarquable. Hier, j'étais à "Talents des cités", qui est une opération lancée par L. Parisot : les chefs d'entreprise font un travail formidable avec C. Bebéar pour rentrer dans ces quartiers. C'est vrai que ce n'est pas simple, A. Duhamel, vous avez raison de le dire mais ils le font. Et je veux valoriser toutes ces actions.
Q.- Vous serez à l'Elysée tout à l'heure à la réunion ? Oui, absolument. Parce que que vous n'étiez pas annoncée. On annonçait F. Fillon, M. Alliot-Marie, R. Dati et F. Amara.
R.- C'est ma secrétaire d'Etat, donc il est normal que le ministre soit présent.
Q.- Dix-neuf ministres de la Ville en dix-sept ans, c'est dans cet ordrelà qu'il faut dire les choses. On parle aussi beaucoup du pouvoir d'achat, puisque vous êtes ministre du Logement, le logement occupe une part de plus en plus importante dans les budgets des ménages. Dans les mesures qui vont être annoncées par le président de la République, il y en aura qui concerneront le logement ?
R.- Je pense qu'il y en aura mais je peux faire un lien avec la question précédente. Je crois qu'il est indispensable aussi que les élus, qui, je dois dire, font un travail remarquable, il faut que nous apprenions le partage des logements sociaux. L'article 55 de la Loi SRU doit être appliquée et je la ferai appliquer.
Q.- Partout ? A Neuilly, au Raincy... A Neuilly aussi ?
R.- Partout, partout, partout ! Mais pourquoi voulez-vous que l'on parle de Neuilly !
Q.- Pourquoi pas Neuilly ?
R.- Mais Neuilly fait des efforts. Mais bien sûr, qu'on peut parler de Neuilly. J'appliquerai la loi SRU parce qu'il faut le partage sur tout le territoire des logements sociaux. On ne peut pas continuer comme ça, ce n'est plus possible.
Q.- On parle : gel de loyers, blocage de loyers. Cela pourrait exister comme mesure ?
R.- Vous savez, ce n'est pas obligatoirement une bonne mesure. En général, cela a plutôt empêché le développement de constructions et d'offres de logements alors qu'on en a besoin énormément puisque nous n'arrivons pas à loger tous les hommes, les femmes et les enfants dans ce pays.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 novembre 2007