Déclaration de M. Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux sports, sur les axes d'une politique sportive pour les cinq prochaines années, à Marcoussis le 20 novembre 2007.

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Texte intégral

Monsieur le Président, cher Henri,
Mesdames, Messieurs les membres du CNOSF.
C'est pour moi, vous le comprendrez aisément, un honneur en tant qu'ancien sportif et sélectionneur d'une équipe nationale que de m'adresser à vous, représentants du mouvement sportif, pour vous présenter mes priorités pour le sport français. J'y prends d'autant plus de plaisir que je retrouve, à cette occasion, le centre de Marcoussis qui m'est cher.
J'entre en fonction dans un contexte favorable au sport même si les responsabilités qui sont les miennes, je dirais plutôt les nôtres, aujourd'hui, sont lourdes.
Pourquoi le contexte est-il favorable ? Il existe - me semble-t-il - une volonté politique forte. Le Président de la République a fait du développement de la pratique sportive l'un de ses engagements de campagne et a pris des engagements très précis. C'est une conviction profonde, je l'ai bien senti pour en avoir souvent parlé avec lui. Cet intérêt pour le sport explique aussi qu'il m'ait demandé de présenter la semaine dernière, en Conseil des Ministres, les principaux axes d'une politique sportive pour les cinq prochaines années. Les débats passionnés sur ce sujet montrent qu'il s'agit d'une conviction partagée par le Gouvernement.
Mais cette place toujours plus grande du sport dans notre société accroît d'autant nos responsabilités. Comment préserver l'équilibre du modèle sportif français, que nous cherchons par ailleurs à défendre et même à diffuser à l'étranger ?
Nous devons faire face à des risques nouveaux, parfois des dérives : le dopage, la violence, la corruption ... Il nous appartient de traiter ces problèmes. Nous devons aussi prendre en compte l'internationalisation du sport, sa très forte médiatisation et l'arrivée massive de ressources financières, principalement dans le secteur professionnel.
Préserver notre modèle sportif ne doit donc pas signifier nous replier sur des schémas qui seraient dépassés mais conserver des principes forts en adaptant et en modernisant le cadre dans lequel ils sont mis en oeuvre. Nous devrons aussi fixer des priorités, c'est-à-dire faire des choix et les assumer. Le mouvement sportif a toujours manifesté son désir d'aller de l'avant, comme le démontre sa récente contribution « La raison du plus sport ». Sachez que Roselyne Bachelot et moi-même, dans le respect des engagements présidentiels, partageons la même volonté.
Je vais évoquer ce soir les grands axes de mon action à venir, en privilégiant les centres d'intérêt, que je sais très nombreux, du mouvement sportif et du CNOSF.
1) La Gouvernance partagée du Sport est un souhait, voire une revendication, du mouvement sportif. Les représentants des élus locaux m'ont exprimé une position comparable lorsque je les ai rencontrés à Reims à l'occasion de l'assemblée générale de l'ANDES. Je sais la place du mouvement sportif comme des collectivités territoriales ; leur rôle et l'importance financière de leur apport suffisent à le démontrer.
Faut-il discuter à l'infini de concepts : de cogestion ou de gouvernance partagée du sport ? Ce n'est pas, à mes yeux, l'essentiel ! Ce qui m'importe, c'est que nous travaillions ensemble, concrètement, sur les problèmes immédiats du sport en France et ses principales évolutions. Nous ne l'avons peut-être pas suffisamment fait au cours des dernières années, d'où une certaine forme d'incompréhension entre nous. Je propose donc que nos équipes et nous-mêmes, cher Henri, nous rencontrions désormais mensuellement pour évoquer toutes les questions d'actualité et les sujets de fond concernant le sport. C'est de ce dialogue en amont que naîtront les bonnes décisions et, puisque le fair-play est de rigueur dans le sport et, sans nul doute, en politique, je propose que notre première réunion se tienne au CNOSF.
Puisque nous évoquons l'organisation du sport français, il me semble important d'évoquer la création de ce que l'on a appelé, pour le symbole qu'elle représente, « l'école de management sportif ». Il ne s'agit pas de créer une « ENA du sport », avec ses propres locaux, ses propres enseignants, mais plutôt de constituer un réseau cohérent à partir des formations qui existent déjà au sein des universités ou des grandes écoles. Mais quelle que soit sa forme définitive, l'objectif de cette école est clair : former ceux qui veulent exercer des responsabilités dans le secteur du sport. C'est un enjeu important pour les fédérations, en particulier pour leurs dirigeants-bénévoles qui exercent, en matière d'administration et de gestion, de lourdes responsabilités sans avoir été formés à cet effet. Roselyne Bachelot, Valérie Péqueresse et moi-même avons décidé de confier une mission d'inventaire et de proposition concernant l'Ecole de management du sport, ainsi qu'un travail plus général sur les formations, à Jean Berscht, universitaire bien connu dans le domaine du sport.
2) Après avoir évoqué la gouvernance et l'organisation du sport, je souhaiterais aborder la question du sport pour tous, et plus particulièrement ce qui constitue déjà l'une des mes priorités : le développement de la pratique du sport par les jeunes scolarisés.
A - Les mesures déjà prises par le Gouvernement, en particulier par Roselyne Bachelot et Xavier Darcos, vont dans le bon sens. Je pense notamment à l'augmentation d'une heure d'EPS pour les jeunes scolarisés dans le primaire. Il nous appartiendra de veiller à ce qu'elles soient effectivement effectuées et dans de bonnes conditions. Je pense aussi au dispositif d'accompagnement éducatif dans les collèges. Depuis novembre, il est mis en oeuvre dans un millier d'établissements situés en zone d'éducation prioritaire. Son déploiement dans les 6.000 autres collèges sera engagé à la rentrée 2008-2009.
Mais, il me semble que l'effort principal doit être réalisé à l'école primaire, dans le temps scolaire. C'est dans cette tranche d'âge que le corps se forme et que l'on commence à acquérir les valeurs indispensables à la vie en société. Le niveau actuel de pratique d'activités physiques et sportives reste trop faible : 3 heures prévues, 2 heures 10 réalisées en moyenne. Ce serait, me semble-t-il, une grande ambition pour notre pays que d'amener, sur la durée de la mandature, les élèves du primaire à pratiquer au moins une heure de sport par jour. J'ai engagé à cette fin un travail de réflexion et une collaboration étroite avec Xavier Darcos.
Je sais que le mouvement sportif est très favorable au développement du sport chez les jeunes. Il a tout à y gagner parce que le développement de la pratique sportive chez les jeunes est un moyen privilégié pour détecter les talents et attirer les jeunes vers les clubs sportifs. Plusieurs fédérations ont conçu, au cours des dernières années, des programmes de promotion de leur discipline auprès des jeunes, y compris au sein des établissements scolaires. Certaines ont signé des conventions avec le ministère de l'Education nationale.
Nous devons rapidement travailler ensemble sur ce dossier. Aussi je propose au CNOSF, à brève échéance, l'organisation d'un séminaire qui associerait les fédérations de sport scolaire et les fédérations sportives particulièrement impliquées dans des projets à l'école ou en périscolaire. L'objectif serait de dresser le bilan des actions déjà entreprises, en identifiant les éventuels obstacles, et de réfléchir à ce que nous pourrions réaliser, dès 2008, en collaboration avec l'Education nationale.
B - La politique du ministère en faveur des publics les plus éloignés du sport, notamment des personnes handicapées mais aussi aux femmes, doit être poursuivie et accentuée.
Le rôle du mouvement sportif en ce qui concerne les personnes handicapées est exemplaire, je pense en particulier au partenariat entre les fédérations sportives handisport et valides. Nos efforts conjoints dans le cadre du CNDS pour une meilleure accessibilité aux équipements sportifs sont réels. Mais il ne faut pas en rester là parce que, malgré ces efforts, la pratique du sport par les personnes handicapées reste très inférieure à celle des personnes valides.
En ce qui concerne l'accès des femmes aux fonctions de responsabilité, les résultats sont décevants : aucune femme n'est à la tête d'une fédération olympique ; nous comptons seulement deux femmes DTN. Le décret du 7 janvier 2004 n'a pas eu l'effet escompté même si je suis bien conscient que l'on ne peut pas immédiatement parvenir, à défaut de parité, à une juste représentation. Il faut faire beaucoup plus et je note, du reste, que vous avez inscrit ce sujet à l'ordre du jour de votre séminaire.
Le développement de la pratique sportive chez les seniors est un autre défi de taille pour notre société lorsque l'on sait qu'après 65 ans, seule une personne sur quatre a encore une activité physique ou sportive. Certains pays ont d'excellents résultats. On me rétorquera que ce sont des pays du Nord de l'Europe qui ont d'autres modes de vie et d'autres traditions que les nôtres. N'en restons pas à cette première réaction et voyons quels enseignements tirer de ces exemples. Je compte aussi sur votre perception de ce problème et vos propositions.
3) Je souhaiterais à présent aborder la deuxième priorité de mon action à venir : le sport de haut niveau.
A - Nous avons tous à l'esprit les prochains Jeux Olympique de Pékin, à l'été 2008. Notre objectif sera ambitieux mais réaliste au regard de la très forte concurrence des pays du continent asiatique. Les compétitions internationales des derniers mois me permettent de penser que nous devrions maintenir notre rang mondial, le 7ème, et obtenir un nombre de médailles comparable à celui obtenu lors des derniers Jeux d'Athènes. Je m'attacherai dans les prochains mois à motiver nos athlètes et résoudre, avec les fédérations et la préparation olympique et paralympique, leurs éventuels problèmes.
B - Mais l'objectif immédiat ne doit pas masquer notre véritable responsabilité qui est de préparer, dès à présent, les Jeux de Londres en 2012. Ce n'est que sur le long terme que se construisent les succès. Et sur la base de priorités clairement établies !
Jean-François Lamour a engagé la rénovation de l'INSEP, pépinière de tant de champions. Il nous appartient maintenant de mener à bien ce projet ambitieux et novateur que le mouvement sportif appelait de ses voeux depuis longtemps.
Il convient aussi d'engager rapidement une réflexion globale sur le haut niveau, avec le mouvement sportif et le directeur de la préparation olympique et paralympique, selon 3 axes : les filières d'accès au haut niveau, les CTS et le « statut » du sportif de haut niveau.
Les filières d'accès au haut niveau constituent l'un des piliers de la formation de nos sportifs d'élite. Le dispositif a obtenu des résultats brillants au cours des dernières olympiades mais il faut éviter un essoufflement dont on perçoit quelques signes. Un premier bilan va être présenté lors de la prochaine Commission Nationale du Sport de Haut Niveau, le 23 novembre ; une phase de concertation entre le ministère et le mouvement sportif suivra début décembre. Dans la perspective de l'élaboration de la filière 2009-2012, je vois plusieurs pistes d'améliorations :
- il faut d'abord éviter une dispersion de nos moyens en replaçant le « haut niveau » au coeur de la filière ;
- la place des clubs sportifs dans le dispositif doit aussi être revalorisée ;
- enfin, tout en préservant le principe du « double projet » qui est un des acquis de notre système, nous devrons résoudre, lorsqu'elles surviennent, certaines difficultés pratiques à concilier la préparation sportive et les études.
Le mouvement sportif est aussi très attaché à la présence des conseillers techniques sportifs (CTS) ; le CNOSF l'a clairement exprimé dans sa contribution « La raison du plus sport ». L'efficacité de ce dispositif n'est plus à démontrer mais une reconduction pure et simple, sans examen, de la répartition actuelle des CTS entre les fédérations serait une erreur. Leur mission a profondément évolué ; les moyens des fédérations sont variables. Le ministère a associé le CNOSF et les syndicats aux travaux menés dans ce domaine. Nous devons tous ensemble nous poser la question suivante pour chacun des 1676 CTS : un poste certes, mais pour quoi faire ? C'est en fonction de la réponse qui sera apportée que se fera la répartition.
Enfin, parce qu'un sportif de haut niveau n'est pas seulement un athlète, il importe de réfléchir à l'amélioration de son « statut », je pense notamment à ses ressources, sa couverture sociale et sa reconversion.
4) Du sport de haut niveau au sport professionnel, il n'y a qu'un pas que je franchis à présent, même si leurs préoccupations sont souvent différentes. Je viens d'un sport qui s'est ouvert au professionnalisme il y a une dizaine d'années. Je connais donc ses problèmes et ses attentes. Je ne tiens pas pour autant à devenir « le secrétaire d'Etat du sport professionnel ». Celui-ci est structuré et peut, plus facilement que d'autres secteurs du sport, trouver des financements.
Je poursuivrai dans ce secteur deux objectifs :
- d'abord aider nos clubs professionnels à être plus forts et plus compétitifs sur la scène internationale,
- ensuite, faire en sorte que le cadre dans lequel il se développe soit adapté et sain.
Les sujets ne manquent pas : le statut des agents sportifs, pour lequel les travaux engagés au cours des dernières années sont d'ores et déjà réactivés par mes collaborateurs, les conditions de mise à disposition des équipes nationales de joueurs sous contrat dans leur club, les liens entre sport amateur et professionnel. Vous serez bien sûr étroitement associés à ces réflexions.
5) J'évoquerais, pour achever mon propos, deux dimensions essentielles du sport français tel que nous l'envisageons : son financement et sa place dans le contexte européen.
A - Concernant le financement du sport, nous devrons développer la part des financements privés, qui sont reconnaissons-le marginaux en France. L'idée inquiète immédiatement, parce qu'un français ne raisonne pas comme un anglo-saxon. Et pourtant c'est une nécessité car nous sommes confrontés à une concurrence internationale dont nous voyons les effets, en particulier dans certains grands sports professionnels : nos clubs peinent à soutenir la comparaison ; nos grands équipements, je pense aux grands stades, ne sont plus au niveau de ceux que l'on trouve en Allemagne ou en Angleterre.
Je vois deux axes de travail pour les mois à venir :
- faire en sorte qu'un investissement dans le sport puisse être un investissement rentable ;
- placer le mécénat sportif à la hauteur de ce qu'il est dans d'autres secteurs comme la culture ou à l'étranger.
Pour rester sur les questions financières, la pérennité des ressources du CNDS, dont la majeure partie repose sur celles de la Française des Jeux, est une préoccupation légitime du mouvement sportif. L'impact de l'ouverture du marché des paris sportifs en ligne apparaît très limité à court terme, voire nul, si l'on se réfère à la place actuelle des paris sportifs en ligne dans les recettes de la Française des Jeux. Il est néanmoins indispensable que le monde du sport soit l'un des acteurs du dialogue qui sera engagé avec la Commission Européenne. C'est pour cette raison que je souhaite organiser en janvier une conférence sur la sécurisation du financement du sport, avec la participation de tous les acteurs français et étrangers.
B - Concernant la dimension européenne du sport, les autorités françaises, comme le mouvement sportif, ont accueilli avec satisfaction le livre blanc. Il constitue une avancée notable même s'il est, sur quelques points, en retrait par rapport aux positions que nous défendons. Il est également très heureux que le sport trouve sa place dans le prochain traité simplifié. Dans le cadre de la présidence du conseil de l'Union Européenne, au second semestre 2008, nous aurons des dossiers à faire avancer en matière de dopage, d'agents sportifs et de sécurisation du financement du sport mais aussi des idées à promouvoir comme le principe de la « double formation » ou l'instauration d'une « DNECG ». Sachez que le Gouvernement sera mobilisé pour prendre les initiatives permettant de faire valoir notre conception du sport.
Pour conclure cette intervention, je tiens à vous redire tout mon attachement à ce que nous construisions désormais des relations étroites et fructueuses pour le bien du sport français, qui est notre objectif commun.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 5 décembre 2007