Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Puisque le président de la République doit intervenir ce soir sur la crise du pouvoir d'achat qui nous occupe aujourd'hui, à travers vous, Monsieur le ministre, à travers votre majorité, c'est le président de la République que j'interpelle au nom des parlementaires socialistes.
Que reste-t-il de votre printemps présidentiel ?
Que reste-t-il de vos hymnes au travail, au mérite, à l'effort ?
Sept mois ont passé et la France a retrouvé sa tête des mauvais jours. Le renouveau s'est enfui dans la stagnation économique et les réformes s'enlisent dans les conflits et la confusion.
« Il n'y aura pas d'austérité » nous avez-vous juré. Mais l'austérité, elle est déjà là, elle s'est déjà installée au domicile des Français. Elle assèche les tuyaux des pompes à essence. Elle vide les caddies des supermarchés. Elle augmente les quittances de loyer. Dans la France de M. Sarkozy, les dépenses contraintes (loyer, nourriture, déplacements) représentent 70% du revenu moyen. Un quart des salariés n'ont plus rien pour boucler la dernière semaine du mois. Et des centaines de milliers de personnes qui travaillent, qui perçoivent un salaire, n'ont plus assez pour se loger.
Alors comment prêter foi à ces statistiques officielles qui claironnent une augmentation de 3% du pouvoir d'achat cette année. Comment accepter la défausse de votre gouvernement qui invoque tour à tour la conjoncture internationale, les trente cinq heures ou l'insuffisance de croissance.
L'austérité c'est aussi hélas votre enfant ! C'est vous qui avez refusé de réunir un Grenelle salarial avec les partenaires sociaux au prétexte que c'était une conception soixante huitarde et archaïque. C'est vous qui avez refusé d'augmenter le SMIC et la prime pour l'emploi au motif qu'ils écrasent la pyramide salariale, moyennant quoi personne n'a rien eu. C'est vous qui avez décrété une nouvelle taxe sur les malades avec les franchises médicales. Et c'est votre gouvernement qui a désindexé les pensions de retraites, les allocations familiales et les aides au logement, de l'inflation. C'est ce que j'appellerai une politique low cost. Une politique de rabais.
« On ne peut distribuer que les richesses que l'on produit » s'est défendu le Premier ministre ici même. La belle affaire ! Votre premier acte de gouvernement a été de distribuer 15 milliards d'euros aux fortunés, aux rentiers et aux héritiers. J'avoue ne pas comprendre, et les économistes avec moi, comment on peut produire des richesses en dilapidant l'argent public dans l'économie dormante. D'ailleurs cet argent, qui vous manque si cruellement quand la bise est venue, n'a produit ni richesses ni rebond de croissance. Et que dire de la défiscalisation des heures supplémentaires qui, de l'aveu même des chefs d'entreprise, ne marche pas. Elle ne concerne qu'une infime minorité de salariés et ne leur rapportera en moyenne qu'une cinquantaine d'euros.
Où est l'équité ? Où est l'exemplarité ? Où sont passées les valeurs du travail, du mérite que vous prétendiez réhabiliter ? Votre discours de l'effort a été supporté intégralement par la France qui se lève tôt, qui travaille dur et qui gagne peu. Tout le haut de la pyramide sociale s'en est dispensé. Les fortunés s'abritent sous le bouclier fiscal pour ne plus payer d'impôt ; les compagnies pétrolières engrangent des profits record sans consentir le moindre rabais sur le prix de l'essence. Et le président donne le mauvais exemple en s'octroyant 170% d'augmentation.
« Je serai le président du pouvoir d'achat » a-t-on entendu pendant la campagne. Aujourd'hui vous détenez la présidence, mais personne n'a vu que le pouvoir d'achat soit arrivé au pouvoir. On nous annonce ce soir un grand oral de rattrapage. Mieux vaut tard que jamais. Pour vous aider nous vous avons remis notre proposition de loi. Peut-être y trouverez-vous l'inspiration qui vous a manqué ces derniers mois sur cette question cruciale. Le Premier ministre a ainsi laissé entendre que notre idée de conditionner les aides aux entreprises à la négociation de revalorisation salariale, aurait fait son chemin jusqu'à l'Elysée. A la condition que cette exonération ne soit pas limitée à une négociation de salon mais à une réelle augmentation des salaires Voilà au moins une dépense de 25 milliards qui pourrait redevenir productive.
Mais notre interpellation va au-delà d'un catalogue de mesures.
Ce que nous demandons, c'est la réhabilitation du Contrat social. C'est un nouveau partage, juste et équilibré, des gains et des efforts. C'est un donnant-donnant entre l'Etat, les entreprises et les citoyens.
Ce donnant-donnant, il commence par la reconnaissance du travail et de sa rémunération. Trouvez-vous normal que la part des salaires dans la richesse nationale diminue chaque année ? Trouvez-vous acceptable qu'aucune négociation salariale sérieuse n'ait eu lieu, ni dans le privé ni dans le public ? Trouvez-vous justifié que les salariés français soient les plus productifs d'Europe, les plus attachés à leur entreprise, et n'en touchent pas les dividendes ?
Comme pour l'environnement et l'insertion, nous demandons l'organisation d'un Grenelle des revenus où tout sera mis sur la table : l'augmentation du SMIC et des salaires, le déroulement des carrières, le paiement des RTT, les heures supplémentaires, les aides publiques aux entreprises. Nous demandons que la prime pour l'emploi soit augmentée de 50% dès cette année, mesure qui sera financée par l'abrogation du bouclier fiscal. On ne pourra jamais sortir de la stagnation économique sans un compromis historique entre l'Etat et les partenaires sociaux. Il nous faut des nouvelles règles du jeu qui concilie la compétitivité et la répartition.
C'est le même esprit de justice et d'efficacité qui s'attache à notre proposition d'un bouclier logement. Trouvez-vous normal que 5 millions de Français soient mal logés parce que des communes violent leurs obligations en matière de construction sociale ? Nous demandons que l'Etat se substitue aux communes défaillantes. Trouvez-vous justifié que les Français qui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires soient obligés de consacrer plus d'un tiers de leurs revenus au paiement de leur loyer ? Nous demandons l'encadrement pendant un an des loyers au niveau de l'inflation pour négocier avec les bailleurs et les locataires un bouclier logement qui limite la part du loyer et des charges au quart des revenus du ménage. Ce sont là deux propositions simples qui coûteront peu à l'Etat mais qui apporteront beaucoup à nos concitoyens.
Mais le plus choquant dans cette crise du pouvoir d'achat, c'est l'inégalité que creuse l'augmentation des prix. Ce sont les classes populaires et les classes moyennes qui subissent de plein fouet l'inflation des produits de première nécessité, des services et des tarifs de l'énergie. Ce sont les PME qui sont les premières victimes des pratiques déloyales des banques et de la grande distribution. Notre priorité de socialistes, c'est de protéger ces Français des excès du marché. C'est de rendre à l'Etat son rôle régulateur. C'est de donner un vrai droit de contrôle aux consommateurs sur la formation des prix et des services. Qu'est ce qui est le plus archaïque aujourd'hui ? La taxation des profits pétroliers pour financer un chèque transport obligatoire ou la privatisation du gaz qui fera flamber les tarifs ? La création d'une action de groupe qui permettra aux consommateurs de se défendre des abus commerciaux ou la libéralisation complète des règles commerciales que recommande la commission Attali ?
Je veux conclure en m'adressant directement à vous Monsieur le président de la République.
Ces propositions des parlementaires socialistes sont entre vos mains. La grandeur d'un président c'est de savoir entendre non seulement son peuple mais aussi son opposition. Notre démarche est guidée par la seule recherche de l'intérêt général, par la seule volonté de renouveler le Contrat social entre les Français. Vous pouvez les écarter d'un revers de main, comme je le crains. Ce serait votre droit. Ce serait, hélas, votre droite !
Source http://www.deputessocialistes.fr, le 30 novembre 2007
Mesdames, Messieurs,
Puisque le président de la République doit intervenir ce soir sur la crise du pouvoir d'achat qui nous occupe aujourd'hui, à travers vous, Monsieur le ministre, à travers votre majorité, c'est le président de la République que j'interpelle au nom des parlementaires socialistes.
Que reste-t-il de votre printemps présidentiel ?
Que reste-t-il de vos hymnes au travail, au mérite, à l'effort ?
Sept mois ont passé et la France a retrouvé sa tête des mauvais jours. Le renouveau s'est enfui dans la stagnation économique et les réformes s'enlisent dans les conflits et la confusion.
« Il n'y aura pas d'austérité » nous avez-vous juré. Mais l'austérité, elle est déjà là, elle s'est déjà installée au domicile des Français. Elle assèche les tuyaux des pompes à essence. Elle vide les caddies des supermarchés. Elle augmente les quittances de loyer. Dans la France de M. Sarkozy, les dépenses contraintes (loyer, nourriture, déplacements) représentent 70% du revenu moyen. Un quart des salariés n'ont plus rien pour boucler la dernière semaine du mois. Et des centaines de milliers de personnes qui travaillent, qui perçoivent un salaire, n'ont plus assez pour se loger.
Alors comment prêter foi à ces statistiques officielles qui claironnent une augmentation de 3% du pouvoir d'achat cette année. Comment accepter la défausse de votre gouvernement qui invoque tour à tour la conjoncture internationale, les trente cinq heures ou l'insuffisance de croissance.
L'austérité c'est aussi hélas votre enfant ! C'est vous qui avez refusé de réunir un Grenelle salarial avec les partenaires sociaux au prétexte que c'était une conception soixante huitarde et archaïque. C'est vous qui avez refusé d'augmenter le SMIC et la prime pour l'emploi au motif qu'ils écrasent la pyramide salariale, moyennant quoi personne n'a rien eu. C'est vous qui avez décrété une nouvelle taxe sur les malades avec les franchises médicales. Et c'est votre gouvernement qui a désindexé les pensions de retraites, les allocations familiales et les aides au logement, de l'inflation. C'est ce que j'appellerai une politique low cost. Une politique de rabais.
« On ne peut distribuer que les richesses que l'on produit » s'est défendu le Premier ministre ici même. La belle affaire ! Votre premier acte de gouvernement a été de distribuer 15 milliards d'euros aux fortunés, aux rentiers et aux héritiers. J'avoue ne pas comprendre, et les économistes avec moi, comment on peut produire des richesses en dilapidant l'argent public dans l'économie dormante. D'ailleurs cet argent, qui vous manque si cruellement quand la bise est venue, n'a produit ni richesses ni rebond de croissance. Et que dire de la défiscalisation des heures supplémentaires qui, de l'aveu même des chefs d'entreprise, ne marche pas. Elle ne concerne qu'une infime minorité de salariés et ne leur rapportera en moyenne qu'une cinquantaine d'euros.
Où est l'équité ? Où est l'exemplarité ? Où sont passées les valeurs du travail, du mérite que vous prétendiez réhabiliter ? Votre discours de l'effort a été supporté intégralement par la France qui se lève tôt, qui travaille dur et qui gagne peu. Tout le haut de la pyramide sociale s'en est dispensé. Les fortunés s'abritent sous le bouclier fiscal pour ne plus payer d'impôt ; les compagnies pétrolières engrangent des profits record sans consentir le moindre rabais sur le prix de l'essence. Et le président donne le mauvais exemple en s'octroyant 170% d'augmentation.
« Je serai le président du pouvoir d'achat » a-t-on entendu pendant la campagne. Aujourd'hui vous détenez la présidence, mais personne n'a vu que le pouvoir d'achat soit arrivé au pouvoir. On nous annonce ce soir un grand oral de rattrapage. Mieux vaut tard que jamais. Pour vous aider nous vous avons remis notre proposition de loi. Peut-être y trouverez-vous l'inspiration qui vous a manqué ces derniers mois sur cette question cruciale. Le Premier ministre a ainsi laissé entendre que notre idée de conditionner les aides aux entreprises à la négociation de revalorisation salariale, aurait fait son chemin jusqu'à l'Elysée. A la condition que cette exonération ne soit pas limitée à une négociation de salon mais à une réelle augmentation des salaires Voilà au moins une dépense de 25 milliards qui pourrait redevenir productive.
Mais notre interpellation va au-delà d'un catalogue de mesures.
Ce que nous demandons, c'est la réhabilitation du Contrat social. C'est un nouveau partage, juste et équilibré, des gains et des efforts. C'est un donnant-donnant entre l'Etat, les entreprises et les citoyens.
Ce donnant-donnant, il commence par la reconnaissance du travail et de sa rémunération. Trouvez-vous normal que la part des salaires dans la richesse nationale diminue chaque année ? Trouvez-vous acceptable qu'aucune négociation salariale sérieuse n'ait eu lieu, ni dans le privé ni dans le public ? Trouvez-vous justifié que les salariés français soient les plus productifs d'Europe, les plus attachés à leur entreprise, et n'en touchent pas les dividendes ?
Comme pour l'environnement et l'insertion, nous demandons l'organisation d'un Grenelle des revenus où tout sera mis sur la table : l'augmentation du SMIC et des salaires, le déroulement des carrières, le paiement des RTT, les heures supplémentaires, les aides publiques aux entreprises. Nous demandons que la prime pour l'emploi soit augmentée de 50% dès cette année, mesure qui sera financée par l'abrogation du bouclier fiscal. On ne pourra jamais sortir de la stagnation économique sans un compromis historique entre l'Etat et les partenaires sociaux. Il nous faut des nouvelles règles du jeu qui concilie la compétitivité et la répartition.
C'est le même esprit de justice et d'efficacité qui s'attache à notre proposition d'un bouclier logement. Trouvez-vous normal que 5 millions de Français soient mal logés parce que des communes violent leurs obligations en matière de construction sociale ? Nous demandons que l'Etat se substitue aux communes défaillantes. Trouvez-vous justifié que les Français qui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires soient obligés de consacrer plus d'un tiers de leurs revenus au paiement de leur loyer ? Nous demandons l'encadrement pendant un an des loyers au niveau de l'inflation pour négocier avec les bailleurs et les locataires un bouclier logement qui limite la part du loyer et des charges au quart des revenus du ménage. Ce sont là deux propositions simples qui coûteront peu à l'Etat mais qui apporteront beaucoup à nos concitoyens.
Mais le plus choquant dans cette crise du pouvoir d'achat, c'est l'inégalité que creuse l'augmentation des prix. Ce sont les classes populaires et les classes moyennes qui subissent de plein fouet l'inflation des produits de première nécessité, des services et des tarifs de l'énergie. Ce sont les PME qui sont les premières victimes des pratiques déloyales des banques et de la grande distribution. Notre priorité de socialistes, c'est de protéger ces Français des excès du marché. C'est de rendre à l'Etat son rôle régulateur. C'est de donner un vrai droit de contrôle aux consommateurs sur la formation des prix et des services. Qu'est ce qui est le plus archaïque aujourd'hui ? La taxation des profits pétroliers pour financer un chèque transport obligatoire ou la privatisation du gaz qui fera flamber les tarifs ? La création d'une action de groupe qui permettra aux consommateurs de se défendre des abus commerciaux ou la libéralisation complète des règles commerciales que recommande la commission Attali ?
Je veux conclure en m'adressant directement à vous Monsieur le président de la République.
Ces propositions des parlementaires socialistes sont entre vos mains. La grandeur d'un président c'est de savoir entendre non seulement son peuple mais aussi son opposition. Notre démarche est guidée par la seule recherche de l'intérêt général, par la seule volonté de renouveler le Contrat social entre les Français. Vous pouvez les écarter d'un revers de main, comme je le crains. Ce serait votre droit. Ce serait, hélas, votre droite !
Source http://www.deputessocialistes.fr, le 30 novembre 2007