Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs
Merci, Philippe MANGIN de me donner l'occasion de m'exprimer devant des entreprises d'un secteur stratégique pour notre économie avec 40 % de l'agroalimentaire français. A cet égard, j'ai bien noté votre mutation : COOP de France entend désormais être un syndicat d'entreprises et un syndicat d'entreprises coopératives. Vous êtes au coeur des défis que nous devrons ensemble relever : le défi alimentaire, le défi de la croissance, le défi du développement durable, le défi de la cohésion territoriale. Et, votre statut coopératif vous donne des atouts dans un environnement en profonde mutation avec un contexte économique totalement renouvelé, une réforme de la PAC sur la table et la mise en oeuvre des décisions du Grenelle de l'Environnement.
1. Vous êtes le fer de lance de l'économie agricole
Vos entreprises, sont le fer de lance de l'économie agricole :
- tout d'abord, parce que vous constituez une spécialisation solide de notre appareil productif. Vos résultats en témoignent. Le secteur agroalimentaire, dont vous représentez une pièce maitresse avec plus de 80 milliards de chiffres d'affaires avec vos filiales, est essentiel par la valeur qu'il crée et qu'il localise, par les emplois qu'il génère dans les territoires, par l'image dont il est porteur, par les performances qu'il dégage à l'exportation.
- deuxièmement, parce que non seulement vous êtes des entreprises en prise avec le marché, mais parce que vous êtes aussi des entreprises coopératives. Les valeurs que vous portez de responsabilité, de solidarité et de proximité, je les partage et elles ne sont pas pour moi marquées du sceau du passé. Au contraire, vous incarnez l'ancrage local à dimension européenne et internationale. Le chantier que vous avez ouvert sur la révision témoigne de votre volonté de faire vivre votre statut avec son temps. J'ai entendu votre inquiétude après la plainte à Bruxelles de la Confédération française du commerce de gros contre votre régime fiscal. Ma conviction est faite : vos contraintes justifient pleinement votre dispositif. Vous pouvez compter à la fois sur ma vigilance et ma détermination.
- troisièmement, parce que vous donnez le pouvoir économique aux agriculteurs. Plus de 7 agriculteurs sur 10 adhèrent à une coopérative. Vous transformez, commercialisez plus de la moitié de la production agricole française. Sans coopérative performante dans les territoires, les bassins de production déménageront.
Je l'ai déjà dit et je vous le redis, je veux être le Ministre qui porte l'agriculture, l'agroalimentaire et l'agro-industrie.
* C'est la raison pour laquelle j'ai reconduit la Délégation interministérielle aux IAA et à l'agro-industrie. J'ai donc demandé au Délégué de tirer, avec vous, le bilan du Partenariat National pour le développement des IAA d'ici la fin de l'année et d'identifier, au regard de ses réussites et de ses échecs, les axes prioritaires pour le développement de vos entreprises. Une priorité me paraît s'imposer, c'est l'investissement de vos entreprises dans la recherche. L'innovation est, et sera, encore davantage demain la clé de la compétitivité de vos entreprises. Et le secteur agro-alimentaire, vous le savez est en retard par rapport aux autres secteurs de note économie.
* C'est la raison pour laquelle j'ai décidé également d'accompagner la montée en puissance du Haut Conseil de la Coopération Agricole en reconduisant en 2008 les moyens mis à sa disposition. J'attends qu'il réponde à la mission qui lui a été confiée par la loi et qui me paraît essentielle : faciliter l'anticipation des mutations, favoriser les stratégies d'alliance, concilier efficacité économique, développement territorial et exigences du statut coopératif. Je sais que des travaux approfondis ont été engagés sur quelques filières prioritaires : sachez que vous pourrez compter, chaque fois que nécessaire, sur l'appui de mes services. Et je suis sûr qu'en Xavier BEULIN et Philippe VASSEUR vous avez les hommes pour réussir.
Les entreprises agro-alimentaires, vos entreprises sont le maillon fort de ma stratégie. Le pouvoir d'achat, c'est aussi de l'emploi et l'emploi, vous le portez dans les territoires. Vous avez été le meilleur de mes arguments pour défendre, au sein du gouvernement, une vision équilibrée pour réformer la loi GALLAND : faire baisser les prix aux consommateurs grâce au triple net et préserver les acquis de la loi de 2005. Grâce à Michel RAISON, rapporteur du projet à l'Assemblée Nationale, nous avons pu aller un peu plus loin en assouplissant les modalités de mise en oeuvre de l'interdiction des enchères inversées et en faisant reconnaître la situation de fortes variations de prix des matières premières agricoles. Je verrai les marges au Sénat pour améliorer les dispositions qui viennent d'être votées. Je connais vos craintes pour l'avenir. Le Président de la République a reconnu la spécificité du secteur agricole. Vous pouvez, en ce domaine, compter sur ma détermination pour la défendre et je sais que je peux compter sur vous.
Mais, un Ministre de l'Agriculture ne peut faire à votre place. C'est vous qui avez le monopole de l'initiative. Votre performance, c'est vous. C'est le résultat de la qualité de vos stratégies, du bon positionnement de vos produits, des compétences de vos équipes. Ces résultats, je le sais, vous allez les chercher sur des marchés plus ouverts, plus concurrentiels. Vous l'avez souligné, l'année qui se termine a été globalement faste pour votre secteur. Mais, j'ai bien entendu vos craintes pour l'avenir de nos filières animales du fait du renchérissement du coût de l'alimentation animale. Et nous devrons travailler ensemble pour consolider leur position. Dans ce contexte porteur, vous avez su bouger les lignes, vous restructurer, augmenter vos opérations avec des entreprises non coopératives, poursuivre les rachats à l'étranger, renforcer votre place dans plusieurs filières. A cet égard, je peux vous annoncer que le décret relatif aux fusions et aux scissions de vos entreprises va être transmis au Conseil d' Etat. Bravo pour ce dynamisme. Et, je voudrai particulièrement saluer quelques unes de vos réalisations : la constitution d'une véritable coopérative laitière à dimension nationale avec SODIAAL, l'opération Prestor, Cecab et Gad dans la filière porcine ou encore Blason de Bourgogne qui a su mettre en commun la commercialisation des vins de 5 coopératives avec la grande distribution à travers une Union. Mais, les efforts doivent être poursuivis : vous le savez plus que quiconque parce que notre environnement change et il change vite.
2. Notre environnement change
Nous sommes dans un monde qui bouge, dans une Europe qui est à la veille d'importantes échéances et dans un environnement national qui se réforme. Notre horizon c'est une planète plus peuplée, des comportements alimentaires qui se modifient, ce sont des prix des matières premières, dont les matières premières agricoles, à la hausse, ce sont des risques sanitaires plus fréquents, c'est une nouvelle donne économique qui fait de l'écologie une des composantes de notre développement.
C'est pour anticiper, pour ne pas être en défensive que j'ai ouvert les Assises de l'Agriculture et que j'ai plaidé une attitude proactive dans le cadre du Grenelle de l'Environnement.
Tout d'abord, les Assises de l'agriculture
J'ai depuis longtemps une conviction : l'agriculture est au coeur des multiples défis de nos sociétés. L'équation est simple : pour relever le défi alimentaire, il faudra produire plus. Pour préserver nos ressources naturelles, il faudra produire mieux. Ce double objectif ne pourra être atteint que si notre agriculture produit, est performante, durable et contractualisée avec son aval. Cette ambition est portée par les plus hautes autorités de l'Etat. Mais cette ambition doit s'inscrire dans le cadre communautaire. J'ouvrirai, donc, dès le Conseil Informel des Ministres de l'agriculture des 21-22 et 23 septembre prochains à Annecy, un débat d'orientation sur les perspectives de la PAC de l'après 2013 avec nos partenaires européens. Le calendrier communautaire nous laisse du temps avant les rendez-vous budgétaires. Mais, nous devons l'ouvrir dès à présent : en effet, l'année 2009 sera largement neutralisée avec les élections européennes et le renouvellement de la Commission européenne. Et il faut du temps pour construire une vision partagée à 27. Mon expérience de Commissaire européen me l'a enseignée et j'ai pu mesurer la vertu du dialogue pour préserver la politique régionale que certains souhaitaient abandonner . Les travaux que nous avons engagés dans le cadre des Assises, auxquelles vous participez activement, nous ont permis de construire un cadre consensuel. Ce cadre, nous allons l'utiliser pour arrêter notre position sur le bilan de santé de la PAC qui sera conclu sous présidence française. Dès la publication des propositions de la Commission, j'ai dit que j'aborderai cet exercice avec ouverture et exigence :
- ouverture, parce que le contexte économique nous permet d'envisager avec sérénité certaines évolutions, parce que le cadre budgétaire est garanti jusqu'en 2013, parce que l'immobilisme en 2008 condamnera la PAC en 2013, parce que les organisations professionnelles sont dans le mouvement,
- exigence, parce que les propositions de la Commission ne permettront pas d'assurer l'indépendance et la sécurité alimentaire de l'Union européenne, parce que les aides directes ne sont pas la réponse à tous les défis que doit relever notre agriculture, et parce que le second pilier n'est pas l'avenir de la politique agricole commune.
La France sera offensive : pendant trop longtemps, elle a cru qu'elle pourrait tout bloquer et au dernier moment imposer son point de vue. Cette stratégie est dépassée. Je vais ouvrir la concertation avec le monde agricole dès cet après-midi, je vais intensifier les contacts bilatéraux avec nos partenaires européens que j'ai entamés dès mon arrivée, rue de Varenne. J'aurai rencontré, avant le début de la présidence française dans leurs pays tous les Ministres de l'Agriculture. Mais, dès à présent, je peux vous dire que j'ai l'ambition et la volonté de faire évoluer sans attendre notre politique agricole. C'est par le changement que l'on pérennisera la PAC en 2013. Notre politique agricole doit être plus équitable, plus solidaire, préventive, plus responsabilisante. Elle doit, aussi et avant tout, rester économique.
Ma première priorité est de conserver des instruments efficaces pour réguler les marchés qui sont par nature instables. Sur ce point, je suis en désaccord avec la Commission qui estime que les agriculteurs peuvent avec des aides découplées répondre aux signaux des marchés et que les prix élevés sont la marque de la réussite de sa politique. Des prix élevés ne font pas une politique. Je me battrai pour qu'au sein du premier piIier de la PAC, on dispose de dispositifs prenant en compte la volatilité des prix. C'est cette vision d'une économie agricole régulée que je défends dans le cadre de la réforme de l'OCM vin. C'est toujours une logique de régulation des marchés que j'ai mise en avant pour les restitutions à l'exportation dans le secteur du porc, que le Conseil vient de décider, Au-delà des outils, il faut aussi donner aux acteurs économiques la possibilité de s'organiser sans tomber sous l'interdiction des ententes. Je souhaite, après le dépôt auprès de la Commission du mémorandum sur le droit de la concurrence dès la fin de l'année, profiter du bilan de santé pour avancer. La structuration de nos filières est le meilleur rempart à une plus grande ouverture de nos marchés. Le renforcement de la relation entre l'agriculture et son aval pour sécuriser les débouchés est essentiel. Je pourrai en donner une seule illustration : l'après quota laitier. Et vous avez un rôle majeur à jouer. Je compte sur vous dans le cadre des Assises pour être force de propositions.
Ma deuxième priorité, c'est de consolider les bassins de production menacés par une libéralisation sans règles. Nous devons soutenir les productions liées aux territoires : la production laitière en zones de montagne, la production ovine ou l'agriculture biologique. Je souhaite le faire dans le cadre du premier pilier.
Ma troisième priorité, c'est une plus grande équité. La Commission propose le plafonnement. Chacun sait que notre dispositif calé exclusivement sur des références historiques n'est pas tenable dans la perspective 2013. Nous avons le secteur des fruits et légumes dont les hectares vont devenir admissibles aux DPU mais sans DPU. Je souhaite ouvrir le débat avec la profession sur l'ensemble de ces questions.
Quant au développement rural, nous en avons besoin. En France, il est indispensable à la cohésion de nos territoires : il finance la politique de la montagne, la politique de l'installation, l'accompagnement de l'adaptation des pratiques agricoles. Mais je le redis : mon projet, ce n'est pas de transformer la PAC en politique de développement rural.
Ce bilan de santé, nous le réussirons qu'à une double condition :
- d'une préférence communautaire forte La détermination de la France à l'OMC sera en ce domaine indéfectible,
- d'un budget à la hauteur des services que rend l'agriculture et des défis auxquels elle répond.
L'absence de PAC aurait un coût économique, social, environnemental plus élevé que le 0, 4 % du PIB européen qui lui est aujourd'hui consacré.
Deuxième signe du changement : le Grenelle de l'Environnement
Je sais, Monsieur le Président, que vous partagez mon analyse sur le grenelle de l'Environnement : l'agriculture n'est pas restée dans son coin comme elle aurait pu être tentée de le faire. Elle a tenu toute sa place et vous y avez contribué avec les autres acteurs du monde agricole. Ce Grenelle aurait pu se conclure sans ou contre les agriculteurs. Au contraire, nous avons su nouer des accords parfois improbables et sortir sur des propositions réalistes. Nous avons fait reconnaître un principe auquel vos entreprises doivent être particulièrement sensibles : la prise en compte de la compétitivité et de la viabilité des entreprises.
Le cadre est désormais fixé, il nous faut le décliner dans le même esprit de concertation. Plusieurs des conclusions concernent directement vos entreprises, et je sais que, sur certaines d'entre elles, vous avez des craintes.
Je vais commencer par les OGM : le débat, vous en conviendrez, a été approfondi, les points de vue se sont exprimés. Et je tiens à souligner la position d'ouverture et de responsabilité de la profession agricole. Il faut maintenant des propositions concrètes. Je suis d'accord avec vous quand vous affirmez que la performance de notre économie agricole, comme celle de tout secteur d'activités, passe par l'intégration des innovations technologiques. La loi portée par Jean-Louis BORLOO et à laquelle nous travaillons doit permettre la mise en place d'une haute autorité indépendante d'évaluation, elle précisera les questions de responsabilité, de coexistence et de transparence. Elle est déjà au Conseil d' Etat et sera débattue au Parlement avant le 9 février. Dans l'intervalle, un décret va mettre en place de manière transitoire une Haute Autorité, préfigurant celle créée par la loi et qui aura pour mission de rendre un rapport sur le MON 810 pour la fin janvier.
Deuxième sujet phare : les phytosanitaires. La feuille de route est claire : le Président de la république l'a donnée. Et il appartient au comité d'orientation que j'ai mis en place le 15 novembre dernier d'élaborer, pour le mois de juin, le plan de réduction de l'usage des pesticides de 50% dans un délai de 10 ans. Il s'appuiera sur les propositions d'ungroupe d'experts, dont j'ai confié la présidence à Guy PAILLOTIN et auquel vous serez associé.
Le nouveau défi que nous devrons relever avec la recherche, c'est mettre à disposition des agriculteurs des systèmes de production économes en pesticides qui ne remettent pas en cause l'équilibre économique des entreprises agricoles et qui ne créent pas de distorsion de concurrence sur des marchés largement ouverts. Nous ne réussirons que si les pratiques des agriculteurs, qui ont déjà largement évolué changent. Et vos entreprises sont des acteurs essentiels pour aller plus loin et atteindre l'objectif fixé par le Président de la république. Mais, les métiers de la distribution et du conseil phytosanitaire devront être professionnalisés. Je sais que vous n'êtes pas favorables à la séparation du conseil et de la vente des intrants. Mais, la situation actuelle, malgré les efforts que vous avez engagés, n'est pas totalement satisfaisante. Et vous le savez. Je souhaite que vous alliez plus loin et que vos coopératives et donc vos salariés sur le terrain, s'engagent sur des résultats de diminution des intrants. Cela signifie que la rémunération doit être liée à la réalisation de cet objectif et non aux volumes de produits vendus. La balle est dans votre camp pour faire des propositions concrètes. A cet égard, je salue votre engagement sur la certification des exploitations agricoles que j'ai proposée dans le cadre du Grenelle. Je souhaite un dispositif simple qui ne se traduise pas, Monsieur le Président, par une liste à la Prévert. Nous valoriserons toutes les démarches existantes.
Troisième sujet qui a mobilisé les débats du Grenelle : les biocarburants. Depuis, vous vous êtes inquiétés de l'évolution du dispositif de défiscalisation. Je peux vous dire que je me suis battu .Les montants de défiscalisation accordés aux biocarburants, qui représenteront un effort budgétaire proche de 800 millions d'euros en 2008, ne remettent pas en cause la viabilité des investissements en cours. Ces filières en phase de démarrage s'inscrivent dans une stratégie industrielle nationale, avec des effets positifs sur l'emploi, l'indépendance énergétique, et la réduction du déficit commercial pétrolier.
Mais l'avenir, ce sera les carburants de seconde génération. Je soutiendrai tous les projets qui permettront rapidement de gagner du temps pour leur développement. Notre effort vous le voyez, ne se relâche pas, il s'inscrit dans la durée et anticipe.
Vos entreprises sont au coeur des mutations de notre agriculture et des enjeux de notre société. Vous êtes sur les marchés, vous êtes dans les territoires, vous êtes auprès des agriculteurs. J'ai besoin de vous pour concrétiser une ambition que je sais partagée d'une agriculture performante et durable. Je sais que vous répondrez présent.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 3 décembre 2007