Déclaration de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de communication, sur la production audiovisuelle française et la rémunération de la copie privée des oeuvres audiovisuelles, Paris le 29 novembre 2007.

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Circonstance : Remise du prix du producteur français de télévision 2007 à Paris le 29 novembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président de la Procirep, cher Alain Sussfeld,
Monsieur le Président de la commission Télévision, cher Olivier Mille,
Monsieur le Président de TV France International, cher Jean-Louis Guillaud,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureuse d'accueillir aujourd'hui rue de Valois les forces vives de la production française, nommées pour les Prix du producteur de télévision et pour le Prix export TV France International.
Ces Prix ont été imaginés par la commission Télévision de la Procirep, dans le cadre de sa mission de répartition du produit de la copie privée dont je voudrais rappeler devant vous l'importance et la légitimité. Cette importance a été réaffirmée par la loi DADVSI et je me battrai sans aucune ambiguïté au niveau communautaire pour en asseoir encore le principe. Le projet de communication de la Commission sur les « contenus en ligne » aborde ce sujet. La position française - officieuse à ce stade, puisque la communication n'est pas encore adoptée par la Commission - intègre pleinement cette préoccupation.
La rémunération pour copie privée est une ressource d'avenir, dont le produit doit être consolidé et, je le pense, connaître une croissance raisonnable. Tout comme la « rémunération équitable », récemment réévaluée, car les artistes et ceux qui les aident doivent pouvoir vivre de leur travail. Cela n'exclut pas, bien au contraire, de réfléchir à sa modernisation. J'entends mener celle-ci en pleine concertation avec vous, ainsi qu'avec les industries musicales.
Je tiens à féliciter la Procirep qui montre par ses actions à quel point la rémunération pour copie privée est importante et nécessaire pour tout le secteur. Par les aides qu'elle permet d'offrir à la production de documentaires de création, et pour le développement d'oeuvres de fiction TV et de programmes ou séries d'animation. Mais également par des projets d'intérêt collectif, dont ce Prix est une très belle illustration.
Ce dispositif de la copie privée participe pleinement de l'équilibre de la création, fondé sur la juste rémunération de tous les créateurs. Equilibre que nous devons maintenant défendre sur tous les supports, et bien sûr aussi sur l'Internet, là où il est le plus menacé. Vous le savez, les acteurs de l'Internet et de la création musicale, cinématographique et audiovisuelle étaient réunis vendredi dernier à l'Elysée pour signer un accord qu'on peut qualifier d'historique en faveur du développement de l'offre légale et de la lutte contre le piratage sur les nouveaux réseaux. Je me réjouis que votre profession ait été largement représentée à cette occasion et je sais que de nombreux signataires sont présents aujourd'hui. J'y vois une volonté bien réelle de saisir la chance que représentent ces nouveaux supports pour la diffusion des oeuvres, et d'aborder ce virage technologique avec ambition et confiance.
Si j'ai voulu vous rencontrer aujourd'hui, c'est justement pour vous dire toute ma confiance, à ce moment charnière pour votre profession. Le secteur de la production doit faire face en effet à de nouveaux enjeux. La concurrence des séries américaines n'est pas le moindre, tout comme la relative désaffection des téléspectateurs pour des programmes qui semblent avoir subi l'usure du temps.
Les téléspectateurs méritent mieux que des copies. Et ils nous le font entendre. On a trop souvent et trop longtemps justifié la facilité, le consensuel, le télégéniquement correct en disant que c'était le choix du téléspectateur. Ce que le téléspectateur nous dit aujourd'hui, c'est qu'il veut être surpris, dérouté, bousculé même parfois, il ne veut plus de programmes formatés, il veut des oeuvres, comme celles qui ont recueilli un grand succès et de belles récompenses au Festival de la Rochelle en septembre dernier. Je pense à « Maman est Folle », « Le lien ». Et à ces programmes aussi différents qu'Ali Baba et Guerre et Paix, qui ont rencontré de beaux succès d' audience ces dernières semaines. Qui a dit que la fiction française était en crise ? Elle doit certes trouver de nouvelles voies, se réinventer, mais je la pense pour ma part bien vivante !
Si vous êtes ici, si vous êtes nommés pour ces prix, c'est que vous avez fait le pari de l'audace, de la qualité, de l'intelligence, que vous êtes sortis des sentiers battus dans tous les genres, la fiction, comme le documentaire et l'animation. Que vous avez pris des risques. Je vous en félicite. Vous représentez à mes yeux l'avenir de la production française.
J'ai bien entendu vos inquiétudes sur cet avenir, vous me les avez exprimées au début du mois, lors de la réunion que j'ai tenue ici-même avec vos représentants et ceux des distributeurs du secteur audiovisuel français. J'ai entendu aussi beaucoup de propos injustifiés sur les objectifs, comme sur les résultats supposés, du chantier que j'ai ouvert récemment sur la production audiovisuelle. Des remarques sans fondement. J'ai l'impression que certains ont écrit le scénario d'une mauvaise fiction, auquel je préférerai pour ma part un documentaire bien argumenté. Sur cette controverse, ma réponse est claire :
- d'abord j'ai toujours annoncé mon souhait de mener conjointement la mise en oeuvre des mesures sur la production patrimoniale et la révision des décrets Tasca, car il s'agit de la même problématique. Je n'ai pas changé d'avis ni de stratégie sur ce point.
- Par ailleurs, à la mi-septembre a été lancée une consultation publique sur un projet de texte concernant les obligations patrimoniales des diffuseurs. A l'issue de cette consultation, les services du ministère qui avaient élaboré le projet de décret et mené la consultation m'ont recommandé de poursuivre et d'approfondir la réflexion au vu de son résultat qui révélait d'importantes divergences d'appréciation sur ce projet. Dans le même temps, les deux experts que j'avais pressentis pour la révision des décrets sur les relations producteurs/diffuseurs, m'ont exprimé leur souhait d'aborder aussi cette problématique. Je me suis rangée volontiers à ces deux avis que j'ai estimés sages et raisonnables. Et je ne pense pas que le fait de différer la rédaction d'un décret pour se donner le temps de la réflexion à laquelle, d'ailleurs, vous êtes pleinement associés constitue une quelconque menace dans un contexte où, globalement, l'investissement des diffuseurs dans la production patrimoniale est d'ores et déjà plus que « significatif ».
Cela étant, sachez que je mettrai tout en oeuvre pour renforcer le dynamisme de la production française et pour favoriser son exposition sur toutes les antennes.
J'ai confié à David Kessler et Dominique Richard la mission de réfléchir à une réforme des décrets qui règlementent les relations entre diffuseurs et producteurs, notamment sur la question de la détention des droits patrimoniaux. Cette réglementation est complexe et ne favorise plus vraiment aujourd'hui la circulation des oeuvres sur les services de télévision. Au moment où les écrans se multiplient, nous devons mettre en place des règles plus efficaces et plus simples.
David Kessler et Dominique Richard que j'ai rencontré hier me rendront part très prochainement de leurs premières recommandations. Il m'ont dit avoir auditionné de nombreux professionnels et ont insisté sur le fait que beaucoup de propositions novatrices leur ont été exprimées par tous les acteurs du secteur, sans exception.
Je n'ai donc pas d'inquiétude sur notre capacité collective à rénover la réglementation dans un sens conforme à vos attentes et à celles des diffuseurs et du public. Je serai toujours à l'écoute, et toujours prête à mieux mettre en valeur les succès de notre production télévisuelle à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières.
La réglementation doit structurer, encadrer, dynamiser et non entraver la production. Mais elle ne fait pas tout, nous en sommes tous conscients. Le ministère de la Culture et de la Communication doit aussi intervenir de manière plus qualitative en orientant mieux ses aides financières en particulier en amont de la production, en direction des auteurs. Je veux favoriser une véritable politique de recherche et développement dans ce secteur grâce à une augmentation des aides sélectives du CNC et une consolidation des aides à l'écriture et à l'innovation. Nous devons peut-être aussi penser à mieux aménager une place à ce type de dépense dans la contribution des diffuseurs à la production d'oeuvres.
Je vous annonce enfin le lancement du deuxième des quatre chantiers audiovisuels que j'ai fait connaître au MIPCOM : la poursuite de la modernisation de France Télévisions. Elle concernera les structures du groupe public, avec comme objectif de réaliser des synergies importantes au niveau des fonctions supports (ressources humaines, finances, technologies...). Je souhaite qu'elle s'attache aussi à la rénovation du cahier des charges de chacune des antennes de France Télévisions. C'est l'un des objectifs de la lettre de mission que le Président de la République m'a envoyée le 1er août. Plus précis en matière de programmes que le contrat d'objectifs et de moyens, le cahier des charges de France Télévisions mérite en effet d'être sérieusement remis à jour dans son ensemble, afin que soient définies précisément les missions des différentes antennes en faveur de la culture et de la création françaises sous toute ses formes.
Parce que je crois profondément que le documentaire, la fiction et l'animation sont l'avenir de nos écrans. Les défis à relever sont ambitieux, mais à la hauteur de l'importance que revêt le développement de notre patrimoine audiovisuel pour la démocratisation de notre culture, pour le dynamisme d'un pan entier de notre économie et pour le rayonnement de la France dans le monde. Ces défis, nous les relèverons ensemble.Source http://www.culture.gouv.fr, le 30 novembre 2007