Texte intégral
Monsieur le Président de la Communauté urbaine,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,
Au cours de cette visite en Saône-et-Loire, tout à l'heure au Creusot, maintenant à Montceau-les-Mines, j'aimerais tracer ce que pourrait être le sens de ma présence. Secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, j'ai bien eu le sentiment lors de ma nomination de ce que pouvait avoir de surprenant, peut-être d'incongru, un tel intitulé.
- Surprenant, car pour la première fois dans un organigramme gouvernemental apparaissait ce mot de " décentralisation " ;
- Incongru aussi car, pour la première fois, se trouvaient ainsi juxtaposées la notion de " patrimoine " et celle de " décentralisation culturelle ". Cette dernière n'avait pas attendu un remaniement ministériel pour exister et beaucoup me firent remarquer que le théâtre, les maisons des Jeunes et de la Culture, mais aussi les opéras régionaux et les orchestres en région étaient les exemples mêmes de la décentralisation culturelle telle que Malraux l'avait engagée, telle que Vitez, Planchon ou Landowski -pour ne citer que ceux-là- l'avaient incarnée.
Autrement dit, la décentralisation culturelle serait à la culture ce que la prose était pour monsieur Jourdain : une réalité ignorée
Quant au patrimoine ET décentralisation culturelle, voilà que l'on en vînt à penser que notre sujet était celui de la décentralisation culturelle appliquée au patrimoine. Force était dès lors de convenir aussi que s'il est un sujet , par nature pourrait-on dire, décentralisé c'est bien celui du patrimoine, par cet ancrage qui est le sien à l'histoire et au sol des territoires.
Tout ceci est vrai, le patrimoine est d'abord décentralisé et la décentralisation culturelle institutionnelle a eu lieu.
Ce n'est donc pas sur ces terrains déjà arpentés que se situe l'action du Secrétariat d'Etat auprès de la Ministre de la Culture, mais bien sur le sens d'une nécessaire relance de la décentralisation culturelle : celui d'une démocratie rapprochée, diverse en ses formes d'expression, multiple dans ses formes de pratique. Le Premier Ministre en a tracé les grandes lignes en Avignon, à Lille, lors du débat récent à l'Assemblée nationale le 17 janvier dernier.Le rapport Mauroy en a esquissé des pistes possibles.
La réalité de l'engagement des collectivités territoriales l'amorce et en dessine le tracé.
C'est de ce rendez-vous de la démocratie culturelle avec la réforme de l'Etat qu'est né le Secrétariat d'Etat et c'est le sens de mon action auprès de Catherine Tasca.
J'ai, vous le savez sans doute, entrepris " un tour de France " des régions depuis ma prise de fonctions. Il s'agissait pour moi d'aller à la rencontre de ce " pays culturel réel ", dont je peux affirmer aujourd'hui qu'il est aussi le fait de l'engagement des collectivités territoriales et d'un rapport nouveau, en voie d'émergence, avec la population. Ce que j'évoque là n'est pas seulement cette réalité budgétaire qui nous indique de façon très évidente que les dépenses culturelles des collectivités territoriales sont désormais 1,5 fois supérieures au budget du ministère de la Culture.
C'est une réalité.
C'est aussi la preuve que culture et territoires sont intimement liés, qu'ils tissent un lien durable qui situe la culture au cur des enjeux du développement social.
Je ne cesse d'être frappé, au cours de mes déplacements, par ce mouvement politique qui se dessine et qui, à partir d'une compétence culturelle prise par les différents niveaux de collectivités territoriales, appelle une politique culturelle devenant vecteur de l'aménagement durable du territoire. Un élu du Nord a dit que la culture était le moteur de l'action politique, il me semble que c'est en effet, le sens à donner à la compétence culturelle.
Et c'est bien ce dont il est question dans la Communauté Urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines. Il m'apparaît en effet que le territoire constitué par la communauté urbaine est le lieu réel déjà, potentiel aussi, de la convergence des initiatives des élus, de la population et des professionnels pour la mise en valeur d'un territoire. A partir de ses caractéristiques culturelles, le territoire s'érige non seulement en objet d'étude et de sauvegarde, mais aussi en facteur d'une politique de développement durable.
Ce que j'ai pu mesurer, monsieur le Président, c'est la pertinence du territoire communautaire comme échelle d'une politique culturelle qui ne serait pas conservatrice. C'est vrai s'agissant du patrimoine industriel, j'y reviendrai, c'est aussi vrai s'agissant du spectacle vivant et de la mise en valeur de ces équipements culturels que sont la Scène nationale Loisir, art, rencontre, culture " LARC ", le Centre d'animation et de rencontre " CAR " et l'Espace culturel Louis Aragon " ECLA " à Saint-Vallier.
Vous avez là l'ensemble des appuis qui fondent une politique, non pas circonscrite à une approche de stricte préservation patrimoniale ou de non moins stricte programmation d'une salle de spectacle isolée, mais bel et bien inscrite dans l'action culturelle, fédératrice, créatrice de lien social et d'ouverture.
C'est là, sur le lien social retrouvé, tissé entre mémoire sociale et projet culturel, que l'Etat a fait en sorte d'être à vos côtés. C'est au cur de ces partenariats que la DRAC a construit avec vous, que l'ensemble de vos initiatives prendra son plein essor avec l'appui explicite de la Communauté urbaine, dans la construction de liens durables.
Les structures culturelles ne manquent pas dans votre aire de responsabilité communautaire, qu'il s'agisse de la diffusion du spectacle vivant, des enseignements artistiques ou de la mise en valeur de votre histoire industrielle.
Je perçois très nettement que l'ensemble des collectivités territoriales rencontre un moment-clé de son rapport avec la Communauté urbaine, quand se perçoivent les limites d'un développement séparé et que se fait jour le besoin de mise en réseau. A grands traits, je crois pouvoir dire que la Scène nationale est à ce moment-charnière, au point que pourrait être étudiée la faisabilité de sa vocation communautaire, comme de pôle fédérateur, en relation avec l'ensemble des trois scènes existantes.
De même, vous avez créé le premier Ecomusée " de territoire ", volonté de seize communes qui regroupent 100 000 habitants, avec le concours de chercheurs bénévoles, d'enseignants, d'ouvriers actifs et retraités. Belle expérience pionnière ...
Autre lien que celui de cette convention signée avec l'université de Bourgogne qui a permis l'ouverture récente d'un DESS " gestion et préservation du patrimoine ". C'est aussi la collaboration engagée depuis quatre ans avec l'AFPA pour procéder à la réhabilitation de la tuilerie de Ciry-le-Noble.
C'est encore l'entreprise d'inventaire du patrimoine industriel qui me semble, elle aussi, passionnante quand elle associe le regard patrimonial et historique, au regard historique et ethnologique, au regard paysager, permettant d'éclairer les décisions publiques d'aménagement ?
Je me rendrai tout à l'heure au lavoir à charbon de Chavannes et je viens de visiter le château de la Verrerie, siège de l'Ecomusée. J'évoquais précédemment la bonne échelle ou la bonne mesure que constitue le territoire de la communauté urbaine pour l'élaboration d'une politique culturelle. Sans bien sûr préjuger de ce que seront les développements ultérieurs que vous entreprendrez, permettez-moi d'insister pour redire à quel point cet échelon territorial et administratif est pertinent si l'on vise d'abord la coopération et la solidarité. Elle est aussi le gage d'une bonne économie de la culture.
Ailleurs, on parlerait d'économie d'échelle, pour évoquer la seule maîtrise des coûts. J'ai la certitude, en ce qui me concerne, qu'il s'agit avant tout d'un rapport optimal entre investissement culturel et imprégnation sociale. Plus encore, l'ensemble des chantiers patrimoniaux mis en uvre avec l'Ecomusée, nous met en présence d'une vraie référence " patrimoine et culture " aux répercussions locales tangibles en termes de mobilisation sociale comme en termes de développement, d'un pôle de référence en émergence, ouvert sur l'Europe.
Autrement dit, la compétence culturelle à l'échelle d'un territoire, en le singularisant dans sa démarche, le projette dans la coopération internationale. Je crois profondément que le patrimoine se construit au présent. Il est l'une des voies à travers laquelle la modernité de la démocratie fraie son chemin, au plus près des citoyens, dans l'affirmation de son identité culturelle, en même temps que dans la prise au vent du grand large de la coopération.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 5 février 2001)
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,
Au cours de cette visite en Saône-et-Loire, tout à l'heure au Creusot, maintenant à Montceau-les-Mines, j'aimerais tracer ce que pourrait être le sens de ma présence. Secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, j'ai bien eu le sentiment lors de ma nomination de ce que pouvait avoir de surprenant, peut-être d'incongru, un tel intitulé.
- Surprenant, car pour la première fois dans un organigramme gouvernemental apparaissait ce mot de " décentralisation " ;
- Incongru aussi car, pour la première fois, se trouvaient ainsi juxtaposées la notion de " patrimoine " et celle de " décentralisation culturelle ". Cette dernière n'avait pas attendu un remaniement ministériel pour exister et beaucoup me firent remarquer que le théâtre, les maisons des Jeunes et de la Culture, mais aussi les opéras régionaux et les orchestres en région étaient les exemples mêmes de la décentralisation culturelle telle que Malraux l'avait engagée, telle que Vitez, Planchon ou Landowski -pour ne citer que ceux-là- l'avaient incarnée.
Autrement dit, la décentralisation culturelle serait à la culture ce que la prose était pour monsieur Jourdain : une réalité ignorée
Quant au patrimoine ET décentralisation culturelle, voilà que l'on en vînt à penser que notre sujet était celui de la décentralisation culturelle appliquée au patrimoine. Force était dès lors de convenir aussi que s'il est un sujet , par nature pourrait-on dire, décentralisé c'est bien celui du patrimoine, par cet ancrage qui est le sien à l'histoire et au sol des territoires.
Tout ceci est vrai, le patrimoine est d'abord décentralisé et la décentralisation culturelle institutionnelle a eu lieu.
Ce n'est donc pas sur ces terrains déjà arpentés que se situe l'action du Secrétariat d'Etat auprès de la Ministre de la Culture, mais bien sur le sens d'une nécessaire relance de la décentralisation culturelle : celui d'une démocratie rapprochée, diverse en ses formes d'expression, multiple dans ses formes de pratique. Le Premier Ministre en a tracé les grandes lignes en Avignon, à Lille, lors du débat récent à l'Assemblée nationale le 17 janvier dernier.Le rapport Mauroy en a esquissé des pistes possibles.
La réalité de l'engagement des collectivités territoriales l'amorce et en dessine le tracé.
C'est de ce rendez-vous de la démocratie culturelle avec la réforme de l'Etat qu'est né le Secrétariat d'Etat et c'est le sens de mon action auprès de Catherine Tasca.
J'ai, vous le savez sans doute, entrepris " un tour de France " des régions depuis ma prise de fonctions. Il s'agissait pour moi d'aller à la rencontre de ce " pays culturel réel ", dont je peux affirmer aujourd'hui qu'il est aussi le fait de l'engagement des collectivités territoriales et d'un rapport nouveau, en voie d'émergence, avec la population. Ce que j'évoque là n'est pas seulement cette réalité budgétaire qui nous indique de façon très évidente que les dépenses culturelles des collectivités territoriales sont désormais 1,5 fois supérieures au budget du ministère de la Culture.
C'est une réalité.
C'est aussi la preuve que culture et territoires sont intimement liés, qu'ils tissent un lien durable qui situe la culture au cur des enjeux du développement social.
Je ne cesse d'être frappé, au cours de mes déplacements, par ce mouvement politique qui se dessine et qui, à partir d'une compétence culturelle prise par les différents niveaux de collectivités territoriales, appelle une politique culturelle devenant vecteur de l'aménagement durable du territoire. Un élu du Nord a dit que la culture était le moteur de l'action politique, il me semble que c'est en effet, le sens à donner à la compétence culturelle.
Et c'est bien ce dont il est question dans la Communauté Urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines. Il m'apparaît en effet que le territoire constitué par la communauté urbaine est le lieu réel déjà, potentiel aussi, de la convergence des initiatives des élus, de la population et des professionnels pour la mise en valeur d'un territoire. A partir de ses caractéristiques culturelles, le territoire s'érige non seulement en objet d'étude et de sauvegarde, mais aussi en facteur d'une politique de développement durable.
Ce que j'ai pu mesurer, monsieur le Président, c'est la pertinence du territoire communautaire comme échelle d'une politique culturelle qui ne serait pas conservatrice. C'est vrai s'agissant du patrimoine industriel, j'y reviendrai, c'est aussi vrai s'agissant du spectacle vivant et de la mise en valeur de ces équipements culturels que sont la Scène nationale Loisir, art, rencontre, culture " LARC ", le Centre d'animation et de rencontre " CAR " et l'Espace culturel Louis Aragon " ECLA " à Saint-Vallier.
Vous avez là l'ensemble des appuis qui fondent une politique, non pas circonscrite à une approche de stricte préservation patrimoniale ou de non moins stricte programmation d'une salle de spectacle isolée, mais bel et bien inscrite dans l'action culturelle, fédératrice, créatrice de lien social et d'ouverture.
C'est là, sur le lien social retrouvé, tissé entre mémoire sociale et projet culturel, que l'Etat a fait en sorte d'être à vos côtés. C'est au cur de ces partenariats que la DRAC a construit avec vous, que l'ensemble de vos initiatives prendra son plein essor avec l'appui explicite de la Communauté urbaine, dans la construction de liens durables.
Les structures culturelles ne manquent pas dans votre aire de responsabilité communautaire, qu'il s'agisse de la diffusion du spectacle vivant, des enseignements artistiques ou de la mise en valeur de votre histoire industrielle.
Je perçois très nettement que l'ensemble des collectivités territoriales rencontre un moment-clé de son rapport avec la Communauté urbaine, quand se perçoivent les limites d'un développement séparé et que se fait jour le besoin de mise en réseau. A grands traits, je crois pouvoir dire que la Scène nationale est à ce moment-charnière, au point que pourrait être étudiée la faisabilité de sa vocation communautaire, comme de pôle fédérateur, en relation avec l'ensemble des trois scènes existantes.
De même, vous avez créé le premier Ecomusée " de territoire ", volonté de seize communes qui regroupent 100 000 habitants, avec le concours de chercheurs bénévoles, d'enseignants, d'ouvriers actifs et retraités. Belle expérience pionnière ...
Autre lien que celui de cette convention signée avec l'université de Bourgogne qui a permis l'ouverture récente d'un DESS " gestion et préservation du patrimoine ". C'est aussi la collaboration engagée depuis quatre ans avec l'AFPA pour procéder à la réhabilitation de la tuilerie de Ciry-le-Noble.
C'est encore l'entreprise d'inventaire du patrimoine industriel qui me semble, elle aussi, passionnante quand elle associe le regard patrimonial et historique, au regard historique et ethnologique, au regard paysager, permettant d'éclairer les décisions publiques d'aménagement ?
Je me rendrai tout à l'heure au lavoir à charbon de Chavannes et je viens de visiter le château de la Verrerie, siège de l'Ecomusée. J'évoquais précédemment la bonne échelle ou la bonne mesure que constitue le territoire de la communauté urbaine pour l'élaboration d'une politique culturelle. Sans bien sûr préjuger de ce que seront les développements ultérieurs que vous entreprendrez, permettez-moi d'insister pour redire à quel point cet échelon territorial et administratif est pertinent si l'on vise d'abord la coopération et la solidarité. Elle est aussi le gage d'une bonne économie de la culture.
Ailleurs, on parlerait d'économie d'échelle, pour évoquer la seule maîtrise des coûts. J'ai la certitude, en ce qui me concerne, qu'il s'agit avant tout d'un rapport optimal entre investissement culturel et imprégnation sociale. Plus encore, l'ensemble des chantiers patrimoniaux mis en uvre avec l'Ecomusée, nous met en présence d'une vraie référence " patrimoine et culture " aux répercussions locales tangibles en termes de mobilisation sociale comme en termes de développement, d'un pôle de référence en émergence, ouvert sur l'Europe.
Autrement dit, la compétence culturelle à l'échelle d'un territoire, en le singularisant dans sa démarche, le projette dans la coopération internationale. Je crois profondément que le patrimoine se construit au présent. Il est l'une des voies à travers laquelle la modernité de la démocratie fraie son chemin, au plus près des citoyens, dans l'affirmation de son identité culturelle, en même temps que dans la prise au vent du grand large de la coopération.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 5 février 2001)