Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, sur la qualité des soins, l'accès aux soins et l'information médicale des patients via internet, Paris le 17 décembre 2007.

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Circonstance : 1ères rencontres de la Haute autorité de santé à Paris le 17 décembre 2007

Texte intégral


Monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres du collège de la haute autorité de santé,
Mesdames, messieurs,
Comment aurais je pu manquer ces premières rencontres placées sous le signe de la « qualité », moi qui affirme sans relâche ma volonté d'être la ministre de la « qualité des soins » ! L'accès à des soins de qualité pour l'ensemble de nos concitoyens, sur l'ensemble du territoire et à toute heure est un objectif majeur de mon mandat.
Vous m'offrez un deuxième symbole en organisant vos rencontres HAS 2007 en cette cité du savoir scientifique et de sa diffusion.
L'objectif ambitieux qui est donné à la haute autorité n'est pas seulement celui de réaliser des analyses entre experts, mais bien de diffuser l'expertise scientifique et médicale à tous les acteurs de notre système de santé : aux professionnels de santé, aux directeurs d'établissements, mais aussi aux gestionnaires des caisses d'assurance maladie, et, bien entendu, aux patients. Car les patients ne sont pas seulement des consommateurs et des bénéficiaires de soins, ils doivent être des acteurs de leur santé.
Je sais que dans que vos commissions, les associations de patients sont consultées pour la confection des guides d'information grand public. Une démarche de consultation très large est actuellement en cours sur les affections de longue durée, sujet sur lequel vous vous êtes récemment exprimés. De même, votre travail sur les maladies rares, réalisé sous la houlette du président du collectif inter-associatif de la santé, illustre parfaitement le rôle positif des associations d'usagers.
Reconnaître la place des patients dans l'amélioration de la qualité du système de soins, c'est aussi contribuer à leur bonne information. C'est une mission à laquelle vous oeuvrez, en partenariat avec l'institut national d'éducation et de prévention en santé (INPES). La certification des sites Internet santé procède de cette volonté. Dans ce champ, les besoins sont considérables et les attentes très fortes.
Même si le rôle d'information du médecin reste fondamental et que je veux le valoriser, nous ne pouvons ignorer que les nouvelles technologies de communication bouleversent le rapport du patient au savoir médical.
Il est inutile de compter revenir en arrière, mais nous nous devons de travailler à ce que les informations diffusées sur tous les supports accessibles soient objectives et validées.
Je n'oublie pas que la qualité des soins repose d'abord sur les structures et les professionnels : la démarche qualité, au sein des établissements de santé, se décline désormais au travers de la certification.
Aujourd'hui l'ensemble des établissements français est certifié. Il vous appartient de poursuivre cette dynamique, d'une part pour qu'elle stimule les professionnels de santé autour d'une démarche qualité valorisante et, d'autre part, pour que les résultats soient suffisamment explicites pour entraîner chaque établissement dans la logique de l'amélioration continue des pratiques et de la qualité, logique que nous connaissons dans d'autres secteurs économiques.
Puisque nous avons mis cette rencontre sous le signe de la qualité, je voudrais évoquer plus longuement un sujet qui préoccupe tous les praticiens, celui de l'évaluation des pratiques professionnelles.
Il me semble que nous devons distinguer deux choses : l'indispensable qualité des soins que notre système de santé doit fournir à nos concitoyens sur l'ensemble du territoire et l'amélioration continue des pratiques professionnelles qui, bien sûr, peut dépasser cet objectif. Je souhaite que le dispositif EPP - FMC puisse garantir le socle minimal de qualité et de mise à jour des connaissances que nous nous devons d'assurer.
2008 sera l'année de lancement du nouveau dispositif de formation médicale continue et je m'apprête à signer dans les plus brefs délais les décrets de mise en oeuvre. Il faudra ensuite travailler à une clarification et une simplification de l'évaluation des pratiques professionnelles. Monsieur le Président Degos, vous l'avez annoncée, et il faudra le faire avec tous les partenaires concernés. Vous avez mon soutien.
Nous aurons ainsi à notre disposition, un dispositif FMC-EPP qui permettra de garantir un socle de qualité. Je souhaite pour autant que chaque praticien puisse aller au delà de cet objectif. La Haute autorité a un rôle essentiel à jouer pour accompagner ces professionnels dans les démarches innovantes qui ouvrent de nouveaux horizons pour les pratiques de demain.
Nous ne pourrons cependant construire cette médecine de demain sans nous être assurés des fondations de la médecine d'aujourd'hui.
L'innovation ne peut être pratiquée que par des équipes sûres de leurs savoirs prêtes, dans certains cas, à sortir des sentiers battus. Nous voyons bien que dans le domaine des bonnes pratiques professionnelles, la production n'est pas tout, il faut s'assurer de leur diffusion auprès de l'ensemble des professionnels de santé.
Votre mission n'est pas une mission de « purs esprits » qui pratiqueraient dans leur tour d'ivoire une médecine idéale et coupée des réalités. Vous êtes au service de tous les médecins de France pour leur permettre d'exercer une médecine moderne et de qualité.
Vous prenez l'exemple, dans vos journées d'études, de l'accident vasculaire cérébral. Ce sujet illustre bien la nécessité de prendre en compte et de partager entre tous les acteurs de la chaîne de soins les données scientifiques relatives au traitement des malades. La diffusion de vos conclusions est aussi nécessaire que sa production.
La qualité doit également guider nos choix d'organisation des soins. Nous devons sans cesse équilibrer la demande de proximité de nos concitoyens avec les impératifs de qualité et de sécurité.
La technicité de la médecine d'aujourd'hui, son coût et la complexité des pratiques médicales nous imposent une réflexion renouvelée sur l'organisation de l'offre de soins.
Nous devrons demain identifier quelques centres d'excellence, susceptibles, par exemple, de pratiquer des actes innovants.
Dans la continuité des travaux de l'ANAES et avec la participation active des sociétés savantes, la HAS a contribué par sa réflexion sur les bonnes pratiques à ces nouvelles orientations.
Notre système ne pourra s'améliorer qu'en répondant à la question de savoir « qui fait quoi et dans quelles conditions ». La réflexion que j'ai lancée pour le premier recours dans le cadre des états généraux de l'organisation de la santé va dans le sens d'une meilleure définition des rôles. Cette logique sera la mienne pour la rénovation de l'ensemble de notre système de santé.
Je souhaite que ces réflexions se poursuivent avec pour objectif de garantir à nos concitoyens que chaque acte médical est fait par une équipe à la fois experte dans ce qu'elle fait, expérimentée, et « en responsabilité ».
Je voudrais soumettre un sujet à votre sagacité de spécialiste. Comment passer d'un empilement de réglementations à une évaluation a posteriori fondée sur la performance sans prendre de risques pour les patients ? Les établissements de santé me disent crouler sous les normes diverses et variées, et y perdre leur liberté d'organisation.
Je souhaite que, pour le futur, nous cessions de nous rassurer sur nos responsabilités en rajoutant des couches réglementaires. Je souhaite que nous nous en remettions davantage à la liberté d'organisation de chaque établissement, dans un cadre d'évaluation rénové.
La date de vos rencontres me semble également nous imposer une lecture collective des dernières évolutions de notre système de santé issues de la loi de financement de la sécurité sociale 2008 en ce qu'elle contient de germes pour l'avenir. Je l'ai dit, j'ai voulu une LFSS de fondation.
Depuis mon arrivée, je suis intervenue sur de nombreux sujets financiers : plan de redressement, franchises, projet de loi de financement...
Mais je n'ai jamais oublié que les préoccupations financières ne servaient qu'un seul objectif : apporter aux français les soins dont ils ont besoin tout en rendant notre pacte social soutenable pour les finances publiques
Je l'ai dit à plusieurs reprises, notre système de santé est à la « croisée des chemins ». Nous devons faire des choix qui engagent véritablement l'avenir. Le rôle de la Haute Autorité de Santé est d'éclairer ces choix de par son expertise scientifique. J'attends d'elle une expertise de haut niveau, au service des français, dans le cadre des missions qui lui ont été confiées par la représentation nationale.
En ce qui concerne l'évaluation médico-économique, il me semble que les premiers travaux sont clairs sur les objectifs, même si je ne sous-estime pas leurs difficultés pratiques.
Lors des débats au parlement, il a été exprimé qu'il s'agissait de définir un véritable « parcours de soins efficient » permettant la prise en charge des maladies chroniques au meilleur rapport coût/efficacité possible.
L'enjeu est de taille vu le poids des dépenses nécessaires à la prise en charge de ces patients. Si l'éclairage scientifique dans le domaine médical ne peut constituer une réponse absolue qui s'imposerait dans tous les cas à tous les praticiens, tant l'art médical est riche et les traitements complexes, il est tout à fait possible d'améliorer significativement le recours des médecins aux « meilleures pratiques ». Il en est de même pour l'ensemble des professionnels de santé.
Ce n'est pas rationner les soins que choisir le mode d'intervention le plus efficace pour un coût donné, bien au contraire. Comment justifierons nous d'augmenter sans cesse les prélèvements obligatoires ou de ne plus rembourser certaines thérapies si nous n'avons pas fait collectivement les efforts élémentaires pour rationnaliser les prises en charge et l'usage des technologies nouvelles ?
Est-ce de la qualité que de mettre en oeuvre, voire de rembourser, des actes peu utiles ou coûteux, au seul prétexte qu'ils sont utilisés depuis longtemps ?
La Haute Autorité a la mission de séparer l'essentiel, de l'utile et de l'accessoire. Les techniques, les produits, les organisations doivent répondre à cette question : « est-ce que j'apporte suffisamment à la santé des français pour justifier de coûter plus cher ? »
Les méthodes médico-économiques ont été bien formalisées par les anglo-saxons. Elles constituent une science de plus en plus utilisée. Votre responsabilité est de les mettre en oeuvre.
D'importantes commissions seront renouvelées cette année à la haute autorité et je les invite à davantage de sélectivité dans la définition du panier de soins.
C'est avec une expertise claire que nous pourrons prendre les décisions qui s'imposent à chaque étape de la chaîne de soins, en visant non seulement la qualité, mais aussi l'efficience de notre système de soins.
En conclusion, nous voyons bien que les réflexions sur la qualité en santé seront encore riches dans les mois à venir. Je sais déjà que cette journée permettra des échanges fructueux et qu'elle sera fidèle à la mission de la haute autorité de santé de diffusion de l'état de l'art.
Je vous remercie.Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 18 décembre 2007