Interview de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, à "LCI" le 21 décembre 2007, notamment sur le procès par la justice tchadienne des six Français de l'association "Arche de Zoé" accusés de transfert illégal d'enfants du Tchad vers la France.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Le procès des six Français de l'Arche de Zoé s'ouvre aujourd'hui, au Tchad. La France a-t-elle, d'ores et déjà, négocié leur extradition après leur éventuelle condamnation, comme une convention nous y autorise avec le Tchad ?
 
R.- Vous imaginez bien que les discussions sont en cours. Vous savez que nous avons été constamment et jour après jour, aux côtés de nos ressortissants ; il y a eu les autorités consulaires qui sont allées les visiter, qui les ont aidés, dans tous les domaines. Nous sommes, y compris au plus haut niveau, en discussion permanente avec les autorités tchadiennes. Il y a, à la fois, le respect de la souveraineté de ce pays, de la justice tchadienne, puisque le procès est en cours, et bien sûr, vous vous en doutez bien, des discussions pour que les choses ensuite aillent le mieux et le plus vite possible.
 
Q.- Quand vous dites "au plus haut niveau", vous sous-entendez que N. Sarkozy lui-même s'est personnellement occupé de voir si cette extradition pouvait être négociée après le verdict ?
 
R.- Quand je dis "au plus haut niveau", je dis qu'il y a eu constamment des contacts, y compris il y a quelques jours, à Paris, au plus haut niveau, c'est-à-dire, au niveau des Présidents, sur différents sujets. Mais vous vous doutez bien que cette question a été évoquée. Vous comprenez aussi que, sur ce sujet, à la fois, nous montrons notre engagement, extrêmement fort auprès de nos ressortissants, et en même temps, nous ne nous exprimons pas d'une manière qui pourrait créer des susceptibilités, des incompréhensions par rapport à cette question importante de la souveraineté, et qui seraient de nature à compliquer les choses. Donc, je crois qu'à un moment donné, quand on vous dit, et quand on dit à nos concitoyens, aux familles, aux gens qui, légitimement, ont le souci de ces personnes, qu'on s'en occupe vraiment, jour après jour, il faut en quelque sorte nous faire confiance.
 
Q.- Appelez-vous néanmoins, comme R. Yade, la justice tchadienne à la clémence dans cette affaire ?
 
R.- Mais bien entendu, je suis tout à fait en phase avec ce qu'a pu dire, encore hier soir, R. Yade, sur ce dossier. Bien sûr que nous souhaitons que la justice prononce des peines appropriées ! Mais encore une fois, nous respectons, bien sûr, l'indépendance et le professionnalisme de la justice de ce pays, et les choses suivront leur cours, et après que les peines aient été prononcées il y aura d'autres étapes que nous allons évidemment gérer avec les autorités tchadiennes, dans l'esprit de ces accords que vous avez évoqués tout à l'heure, de manière à ce que ces personnes puissent venir en France très rapidement.
 
Q.- L'une des étapes possibles, c'était un déplacement du président de la République, il avait déclaré qu'"[il irait] chercher les Français restés là-bas". Ne devez-vous pas en tant que ministre, lui déconseiller une telle expédition, compte tenu du côté un peu sulfureux qu'on a découvert sur l'Arche de Zoé ?
 
R.- Non, mais je pense que le président de la République est parfaitement au fait, est parfaitement conscient... D'ailleurs, personne n'excuse ce qui passé, la question n'est pas là, la justice doit passer. Mais tout le monde souhaite ensuite que nos ressortissants, quelles qu'aient pu être leurs fautes et leurs erreurs puissent revenir ; c'est une situation dont le Président est parfaitement conscient, et la raison pour laquelle il agit actuellement comme il agit et comme nous agissons, voilà.
 
Q.- "La loi est l'intime conviction", c'est la justice de la devise tchadienne. Votre intime conviction c'est que, ces Français ont été abusés par des intermédiaires locaux sur l'origine géographique des enfants et leur statut familial ?
 
R.- Mon intime conviction, c'est qu'il y a parmi ces personnes, différents niveaux de connaissance et de compréhension, différents types de motivations, tout cela a été dit et écrit à plusieurs reprises. On ne peut même pas exclure qu'au sein du groupe certains avaient prise sur d'autres. Et donc, aujourd'hui, je dirais que la question essentielle, raconter exactement cette histoire, ses tenants et ses aboutissants, n'est pas la question urgente du moment. Et aujourd'hui, si je devais m'engager dans une analyse et dans une exégèse de ce qui s'est passé alors que la justice tchadienne siège, je ne pense que pas que je rendrais service à nos ressortissants, si vous voyez ce que je veux dire...
 
Q.- E. Breteau, le président de l'Arche de Zoé, a déclaré qu'il profiterait du procès pour prouver que les autorités françaises, diplomatiques et militaires, étaient parfaitement au courant de cette opération. Ne craignez-vous pas que ce procès soit aussi celui des diplomates français, des militaires français sur place ?
 
R.- Vous avez la démonstration que nous sommes et que nous serons aux côtés de nos ressortissants, y compris lui, quelle que puissent être leurs attitudes, leurs comportements, leurs maladresses. S'agissant des autorités françaises et des autorités militaires françaises, nous avons, avec mes collègues du Gouvernement, l'intime conviction que, lorsqu'elles ont transporté un certain nombre d'ONG, y compris celle derrière laquelle s'abritait l'Arche de Zoé, pour des activités au demeurant parfaitement légales, eh bien les autorités militaires françaises ne faisaient que leur devoir et n'avaient pas du tout conscience à ce moment-là d'être victimes de - peut-être - manipulations, ou en tout cas, de dissimulations plus exactement. Donc, je pense que, franchement, et j'ai souvent rencontré évidemment nos autorités militaires lorsque j'étais de passage à N'Djamena, et en l'occurrence, je suis tout à fait convaincu que, là-dessus, ce qui est dit, ce qui peut être dit, ne correspond pas à la réalité. C'est leur histoire qu'ils se racontent à eux-mêmes.
 
Q.- Un climat anti-français s'est néanmoins développé au Tchad, ces derniers mois. Ce climat anti-français vous inquiète-t-il, est-il de nature notamment à repousser le déploiement de l'EUFOR, la Force du Darfour, qui a déjà pris du retard ?
 
R.- Je ne crois absolument pas à cette thèse du climat anti-français. Il peut y avoir, ici ou là, comme on l'observe dans d'autres pays parfois, en Afrique, des...- comment dirais-je ? -, des manipulations à des fins diverses, de quelques dizaines, de quelques centaines de personnes. Tout cela ne correspond pas du tout à l'état d'esprit de l'opinion. Les gens qui sont en permanence au Tchad, qui y vont régulièrement, se rendent bien compte que ce n'est pas la réalité, c'est superficiel. L'image de la France, des Français au Tchad est une bonne image. S'agissant de la force Eufor, les discussions se poursuivent avec les autorités tchadiennes, y compris au plus haut niveau. Les Présidents se sont rencontrés à plusieurs reprises, que ce soit à Lisbonne, que ce soit lors du passage du président Deby, après Lisbonne, à Paris. Et je peux vous dire que les discussions, et vraiment je peux vous l'affirmer, les discussions se passent, concernant l'installation de cette Force, dans un très bon climat. Il y a eu, certes, il y a quelques jours, fin novembre, de violents combats dans ces régions, où les forces tchadiennes ont été très fortement attaquées par des forces rebelles. Et naturellement, ceci a été le souci principal des autorités tchadiennes pendant quelques semaines. Aujourd'hui, nous sommes tout à fait dans l'état d'esprit, côté tchadien, ils sont tout à fait dans l'état d'esprit que leurs engagements d'accueil de ces forces soient respectés.
 
Q.- Les mesures sur le pouvoir d'achat ont été adoptées par l'Assemblée nationale. Vous satisfont-elles, faut-il aller plus loin, votre parti, Gauche Moderne, veut-il aller plus loin et faire d'autres propositions au Président ?
 
R.- Ces mesures sont satisfaisantes, il faut en effet aller plus loin. Nous réfléchissons, au niveau de Gauche Moderne, depuis quelque temps déjà à cette question du pouvoir d'achat qui est pour nous extrêmement importante. Et on se rend bien compte, y compris moi dans ma ville de Mulhouse, où je suis en ce moment, en train de vous parler, nous nous rendons bien compte qu'il y a là une attente forte. Je vais vous donner quelques exemples. L'idée, par exemple, que des entreprises, y compris des PME, et je sais qu'elles y sont prêtes, puissent prendre en charge par exemple, la part salariale du chèque restaurant ou de la cotisation mutuelle, à condition que cela doit défiscalisé, c'est une piste... (interruption de la liaison avec Mulhouse)
 
Q.- Nous avons perdu le contact avec J.-M. Bockel. Si le contact est rétabli, on va reprendre. Sinon, on va lui donner rendez-vous en 2008 pour nous parler plus avant des mesures pouvoir d'achat proposées par Gauche Moderne, et sur la vie politique, l'ouverture.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 décembre 2007