Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à "RMC" le 7 décembre 2007, sur le taux de livret A, la taxe sur le poisson pour les grossistes, l'augmentation possible du prix du gaz, et le paiement des RTT.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Première question, le Livret A va augmenter, relèvement du taux du Livret A, 3,5 ; 3,75 % ?

R.- Je ne sais pas. Vous savez, c'est une formule...

Q.- C'est mécanique en fait.

R.- Oui, il y a une formule, parce que très souvent cela a été un instrument politique, donc c'était évidemment extrêmement sensible. Il y a quoi ? Il y a plus de 20 millions de gens, je crois, qui ont un Livret A. Donc il y a maintenant une formule : la Banque de France doit donner une opinion et puis le Gouvernement, C. Lagarde d'ailleurs, décide ou pas d'augmenter. Donc c'est tout à fait possible que le Livret A augmente.

Q.- Il y aura augmentation ?

R.- Je ne vais pas confirmer qu'il y aura ou qu'il n'y aura pas, ce n'est pas dans mon rôle de ministre du Budget, c'est dans celui du ministre de l'Economie...

Q.- Vous le savez quand même ?

R.- Non, je ne le sais pas parce que la Banque de France n'a pas donné encore son opinion, mais la formule, l'application de la formule peut conduire à une augmentation.

Q.- Vous souhaitez qu'il y ait une augmentation ?

R.- Je ne souhaite, ni ne souhaite pas. C'est plutôt une bonne chose, d'une certaine façon, parce que c'est beaucoup de monde, c'est aussi un signe positif, cela va dans le sens du pouvoir d'achat. Plus le taux d'intérêt augmente, plus les intérêts augmentent, plus cela constitue un patrimoine pour les Français, bien sûr.

Q.- Le prix du gaz va augmenter le 1er janvier, vous confirmez ?

R.- Le prix du gaz n'a pas augmenté depuis mai 2006, donc le Gouvernement n'a pas encore reçu de propositions de la part notamment de Gaz de France, donc on verra.

Q.- Ah bon ?!

R.- Non, il n'y a pas eu de propositions de Gaz de France sur l'augmentation...

Q.- Gaz de France souhaiterait une hausse des tarifs de 5 à 6 % ?

R.- On va regarder, parce que vous savez que le prix du gaz est évidemment très lié au prix du pétrole.

Q.- Oui, mais si Gaz de France vous demande, vous accepterez une hausse des tarifs ?

R.- D'abord, Gaz de France demandera à la ministre de l'Economie et des Finances, donc pas au ministre du Budget. Donc j'imagine que tout cela sera évidemment regardé mais Gaz de France ne l'a pas fait. Je voudrais quand même dire que le prix du gaz n'a pas augmenté depuis mai 2006 et que les cours ont beaucoup évolué et qu'il est lié au pétrole.

Q.- Donc, augmentation...

R.- Non, je ne confirme ni n'infirme. On verra selon les modèles, ce que souhaitera Gaz de France et dira Gaz de France.

Q.- Troisième sujet : le prix du poisson, + 2,6 %. C'est une taxe que vous imposez aux grossistes, c'est ça ?

R.- Oui. Vous savez que, quand le président de la République est allé au Guilvinec, vous connaissez les difficultés qu'ont les marins pêcheurs aujourd'hui, c'est, en France, quasiment le métier le plus dangereux, un accident sur dix chez les marins pêcheurs, donc ce n'est pas quelque chose de facile d'être marin pêcheur, donc d'aller chercher le poisson. Et le Président avait indiqué des exonérations de charges, etc., pour les marins pêcheurs. Donc il y a tout ce volet très important pour compenser la hausse du gasoil pour les marins-pêcheurs...

Q.- Donc vous confirmez 2,6 % la taxe ?

R.- Par ailleurs, on a considéré que le poisson devait aussi participer d'une certaine façon, au financement de cela, et donc il y a la création d'une taxe, on l'a créée dans le collectif budgétaire, hier ou avant-hier, devant l'Assemblée nationale, ce sera de 2,6 %, pas chez le poissonnier mais chez les intermédiaires, chez ceux qui font l'intermédiaire entre les marins pêcheurs et les poissonniers, les mareyeurs ou les négociants.

Q.- Vous pensez franchement qu'elle ne sera pas répercutée sur le consommateur ?

R.- Je ne peux pas vous dire cela. Franchement, je pense qu'il y a effectivement des marges chez les mareyeurs et chez les négociants. Quand on voit le prix du poisson chez le poissonnier et quand on voit à quel prix il est acheté aux marins pêcheurs, on se dit que dans cette cascade, il y a des gens qui doivent pouvoir prendre un peu sur leurs marges, sans nécessairement répercussion sur le prix du poisson. Donc j'espère qu'il n'y aura pas de répercussion sur le prix du poisson.

Q.- Donc 2,6 %... Ecopastille...

R.- 2,6 % sur une première livraison, parce que si un négociant vend à un autre négociant, ce n'est pas une cascade, c'est une fois, ce n'est pas plusieurs fois.

Q.- Il faut bien préciser...

R.- Oui, beaucoup ont imaginé le contraire.

Q.- Ecopastille : certains, les familles nombreuses par exemple, se plaignent en disant qu'il faut des dérogations parce que nous, on est obligés d'acheter de gros véhicules, de grands véhicules et parfois, qui polluent". Il y aura dérogation ou pas ?

R.- L'écopastille, ce sont des bonus et des malus en fonction du rejet en gaz carbonique dans l'atmosphère des véhicules. L'Assemblée a posé beaucoup cette question qui est la famille, les familles nombreuses...

Q.- Les handicapés aussi...

R.- Ou les handicapés. Plus le véhicule est important et grand, plus souvent il rejette du CO2. Donc on va en tenir compte au Sénat, on a une quinzaine de jours pour éventuellement bouger le texte, il y a plusieurs solutions possibles. Je voudrais aussi, quand même, qu'on peut être en famille et prendre un véhicule qui ne pollue pas. J'ai donné hier à l'Assemblée nationale toute une liste de véhicules de plus de cinq places ou de sept places même. Il y en a beaucoup, de plus de sept places, qui sont en dessous de la norme du malus. Ils ne sont pas dans le bonus, c'est-à-dire qu'on ne va pas donner de l'argent pour inciter, pour les acheter, mais il ne se passe rien, c'est-à-dire qu'il n'y a ni bonus ni malus. Ce sont tous les véhicules qui rejettent entre 130 et 160 grammes de CO2 dans l'atmosphère.

Q.- Pourquoi n'autorise-t-on pas l'utilisation d'huile végétale en France, alors que c'est autorisé en Allemagne par exemple ?

R.- D'abord parce que, de l'huile végétale pure, comme on dit, elle est très peu utilisée c'est vrai ; il y a des tests qui ne sont pas totalement positifs sur le sujet...

Q.- C'est faux ! Les utilisateurs disent que c'est faux !

R.- Oui, mais il y en a très peu qui sont utilisateurs...

Q.- Il y en a de plus en plus...

R.- Oui, mais attendez, on pousse beaucoup les biocarburants, donc l'éthanol, le diester, il y a toute une série de...

Q.- On pousse beaucoup, mais il n'y a pas de pompes !

R.- Mais c'est tout simplement parce que ce sont des additifs aux carburants, ils remplacent de plus en plus l'essence, ils sont mélangés à de l'essence, ils sont mélangés à hauteur de 7 ou 10 %. La France veut aller plus loin. Il y a une taxation, une bonne taxation, c'est-à-dire très incitative...

Q.- Donc l'huile végétale pure, on oublie ?

R.- Mais je pense que c'est un carburant qu'il faut...

Q.- Elle est toujours hors-la-loi ?

R.- Elle n'est pas hors-la-loi parce que je crois qu'il y a des agriculteurs qui l'utilisent, mais elle n'est pas incitée particulièrement. Il faut des tests là-dessus, il y a des problèmes de sécurité je crois.

Q.- Les 800.000 foyers modestes qui étaient exonérés de redevance télé paieront une redevance télé de 58 euros en 2008, vous confirmez, et de 116 euros les années suivantes ?

R.- Je ne présenterais pas cela comme ça, parce qu'il faut arrêter avec cette caricature. D'un côté, il y a trois ans, il y eu a une décision très importante, enfin, "très importante", il y a eu une bonne décision, parce que la France est trop compliquée, donc il y a eu une décision de faire en sorte que la redevance soit liée à la taxe d'habitation, mêmes conditions, relevées en même temps, etc. L'Etat économise beaucoup d'argent sur cela parce que c'est une façon plus efficace de gérer les choses. Il y a des conditions d'exonération de la taxe d'habitation, de dégrèvement, ce sont les mêmes maintenant pour la redevance. Il y avait 3 millions de gens qui étaient exonérés de la redevance, et dans l'ancienne formule, il y en 4,4 millions qui sont exonérés maintenant. Donc il y a beaucoup plus de gens qui sont exonérés que des gens qui l'étaient avant.

Q.- Ces 800.000 foyers...

R.- Il n'y a pas de recouvrement entre les deux.

Q.- Non, attendez, ces 800.000 foyers, ce sont des foyers modestes, ce sont des foyers...

R.- Je vais vous dire : il y a de tout, absolument de tout. On a regardé qui étaient les 750.000 foyers, qu'est-ce que c'est les 750.000 foyers ? Ce sont les gens qui remplissaient les conditions en 2004 et puis il y a eu une petite modification en 2005 et 2006, mais grosso modo, ce sont les gens qui en 2004 étaient exonérés et qui ne le seront plus. Donc c'est bien cela. Dans ces 750.000, sachant qu'il y en 1 million de plus qui sont exonérés, donc cela fait 3 à 400.000 personnes de plus, et qui sont des gens modestes, qui sont exonérés de la redevance, je tiens quand même à le dire. Et notamment, quand vous êtes retraité, quand vous êtes handicapé, quand vous êtes Rmiste - les Rmistes n'étaient pas exonérés avant de la redevance -, vous êtes exonéré de la redevance télé. C'est très important. Et donc c'est faux tout ce que j'ai entendu dire de la part de la gauche. Alors, dans les 750. 000, quand vous prenez la répartition des revenus français, que vous faites dix catégories, du plus modeste au plus élevé, le numéro 10 étant la plus élevée, vous avez exactement la même répartition de gens qui étaient exonérés de redevance. Les plus modestes étaient un peu moins exonérés et les plus riches étaient un peu plus exonérés. Pourquoi ? Et donc, vous avez beaucoup de gens qui sont très, très aisés, qui étaient exonérés de redevance. Pourquoi ? Parce que la redevance a été fondée sur le revenu, sur l'impôt que vous payez, et donc il y a des gens qui ont des niches fiscales, qui bénéficient de niches fiscales, quand vous investissez, vous pouvez déduire de vos impôts, donc il faut être relativement riches et déduire beaucoup de vos impôts.

Q.- Certains demandent à ce qu'on asseye la redevance sur le revenu ?

R.- La redevance, non, elle ne doit pas être assise sur le revenu, elle est aujourd'hui assise sur la taxe d'habitation, qui est un mécanisme dans lequel il y a beaucoup, beaucoup d'exonérations fondées sur la situation sociale des gens, c'est-à-dire, en réalité, sur leur revenu fiscal de référence. Et le revenu fiscal de référence c'est bien votre revenu, et en fonction de ce revenu, vous avez des dégrèvements ou pas, de taxe d'habitation et donc de redevance. Et pour éviter - puisqu'il y a 750.000 personnes qui étaient imposées, qui étaient exemptées de redevance et qui le seront dans le nouveau système et puis plein d'autres qui ne l'étaient pas et qui le seront -, pour éviter qu'il y ait un petit choc, l'Assemblée nationale nous a proposés, le Gouvernement l'a accepté, de répartir sur deux ans, donc l'année prochaine, ce sera une demi redevance pour ces personnes-là. Ce sont systématiquement des personnes âgées puisque c'étaient gens qui, à l'époque, avaient 65 ans, qui ont maintenant 68 ans, mais qui, par principe, souvent ont des revenus qui sont en réalité très supérieurs aux revenus qui leur permettraient d'être exonérés de taxe d'habitation. Donc les gens modestes, la plupart des gens modestes, les gens handicapés, les Rmistes, etc., ne payent pas et ne paieront pas la redevance.

Q.- Les RTT : j'ai des RTT aujourd'hui dans mon entreprise, j'ai en huit à ma disposition, est-ce que je peux aller voir mon patron et lui dire "payez-moi mes RTT" ?

R.- Oui, en 2008, puisque la mesure vaut pour 2008, un projet de loi va passer la semaine prochaine à l'Assemblée nationale.

Q.- J'oublie l'année 2007 ?

R.- Le projet de loi vaut à partir du 1er janvier 2008. Et donc, ce sera la possibilité, plafonnée de dix jours. Il y a un nombre de RTT, qui doit être de dix jours, on confirmera à l'Assemblée...

Q.- On ne peut se faire payer plus de dix jours de RTT ?

R.- C'est plafonné en nombre de jours, vous aurez la possibilité de les monétiser, c'était déjà le cas dans un certain nombre de branches, ce sera la possibilité, plus largement, de se les faire payer. Après, c'est un accord entre le patron et son employé. Ce sera aussi la possibilité d'augmenter le prix de 10 % de ces heures, qui seront payées à 110 %.

Q.- Donc c'est sur le stock de RTT 2007 ou les RTT 2008 ?

R.- C'est sur le stock 2008, c'est-à-dire que c'est une mesure qui vaut pour 2008, à partir de janvier.

Q.- Donc j'oublie 2007 ?

R.- Pour 2007, vous avez votre stock de RTT, il va vous suivre !

Q.- Donc j'ai intérêt à les garder aujourd'hui pour me les faire payer ?

R.- Cela dépend comment vous voulez organiser votre vie.

Q.- Est-ce que certains chefs d'entreprise ne vont pas préférer payer des RTT plutôt que d'augmenter le salaire ?

R.- Cela revient un peu à la même chose quand même, c'est que c'est quand même du revenu.

Q.- Ce n'est pas tout à fait pareil, c'est un jour de repos que l'on vend à son patron...

R.- Oui, cela veut dire qu'on va au-delà des 35 heures, cela veut dire que l'on travaille au-delà des 35 heures.

Q.- Ce n'est pas une augmentation de salaire.

R.- Non, c'est un paiement du jour de RTT. Derrière ce jour de RTT, il y a du travail.

Q.- Est-ce que cela comptera pour les retraites ?

R.- Oui, bien sûr

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 décembre 2007