Texte intégral
Monsieur le Maire,
Monsieur le Vice-Maire de Dalian,
Monsieur le Vice-Ministre du Commerce,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C'est un plaisir et un honneur pour moi de me trouver parmi vous, comme l'année passée, pour l'inauguration de la convention China-Europa.
J'aimerais commencer par vous raconter une histoire, que beaucoup d'entre vous doivent connaître. Cette histoire se passe au XVème siècle, en Chine, sous la glorieuse dynastie Ming. Cheng Ho, un colosse de deux mètres de haut, ancien chef des Eunuques impériaux devenu amiral, quitte en 1405 le port de Nankin à la tête d'une gigantesque expédition de 60 jonques, avec pas moins de 28 000 hommes à bord. Ses voyages le mènent aux Indes, en Arabie, à Madagascar, en Australie... L'historien anglais Gavin Menzies prétend même que Cheng Ho découvrit l'Amérique, près d'un siècle avant Christophe Colomb. La Chine semble prête à poser son emprise sur le monde entier. Mais voilà qu'en 1450, un nouvel empereur interdit la navigation de haute mer et proscrit la construction de nouvelles jonques. Brusquement, la Chine se referme sur elle-même et laisse pendant quelques siècles les Européens régner sur la culture et le commerce mondiaux.
Aujourd'hui, la Chine s'éveille. Les jonques de Cheng Ho ont repris la mer sous forme de porte-conteneurs. Ce que je voudrais vous dire aujourd'hui, c'est d'abord que nous devons mettre en place les infrastructures portuaires pour accueillir ces nouvelles jonques. Mais c'est aussi que nous devons cesser de considérer la Chine comme un pays émergent. La Chine est désormais émergée. Il faut la traiter sur un pied d'égalité, comme un partenaire loyal, mais aussi comme un concurrent sérieux.
J'aimerais revenir brièvement sur chacun de ces points.
Le Havre constitue pour la France une véritable tête de pont pour le commerce franco-chinois
Devant la Chambre de commerce et d'industrie franco-chinoise à Pékin, dimanche 25 novembre, le président de la République a demandé : "pourquoi les ports français n'ont-ils pas su profiter de l'incroyable développement du trafic qui part de Shanghai ou Hong-Kong ?"
Tout le génie du Havre, précisément, c'est d'avoir compris avant les autres ports de France la nécessité de pouvoir accueillir dans des conditions optimales les immenses porte-conteneurs en provenance de Chine. Pour avoir connu le port du Havre durant mon enfance, je sais quelle énergie il a fallu pour construire ces 4,2 kilomètres de quais équipés des installations les plus modernes, et de 12 postes de déchargement. En assistant à l'inauguration de Port 2000, en mars 2006, en tant que ministre délégué au Commerce extérieur, je me suis dit que notre pays se donnait enfin les moyens de relever le défi de la mondialisation. La Chine va entrer en France par la Porte Océane.
Ces efforts d'infrastructure seraient vains s'ils ne se doublaient pas d'une volonté d'intensifier sans relâche les relations avec la Chine. La présence de Xing Liangzhong parmi nous aujourd'hui en témoigne, puisque Le Havre est jumelé avec Dalian depuis plus de 20 ans, et a récemment signé une convention identique avec Shanghai. La manifestation China Europa permet de susciter des contacts entre acteurs privés : les discours s'oublient, mais les contrats restent. Cette deuxième édition a pour objectif d'accueillir 5 000 rendez-vous d'affaires, presque le double de l'année précédente. Je lui souhaite tout le succès possible.
Je le disais, la Chine est pour nous un partenaire commercial de premier plan.
Je n'ignore pas que nous devons à la Chine notre premier déficit bilatéral, déficit qui ne cesse de se creuser, pour atteindre aujourd'hui près de 14 milliards d'euros.
Mais un chiffre peut en cacher un autre. Derrière ces 14 milliards d'euros de perte pour notre économie se trouvent beaucoup de dynamiques positives. Nos exportations ne ralentissent pas, au contraire, elles ont progressé de près de 12 % l'année dernière, un chiffre comparable à ceux de la croissance chinoise ! La Chine représente désormais notre huitième partenaire commercial, notre huitième client, et notre septième fournisseur. La France, deuxième exportateur européen vers la Chine, y compte aussi plus de 1 800 implantations, employant près de 250.000 personnes, et totalisant sur place un chiffre d'affaires de 20 milliards d'euros.
Le problème, c'est que si nos exportations augmentent vite, nos importations augmentent encore plus vite, de l'ordre de 18 % par an. Et notre part de marché en Chine a plutôt tendance à décliner, puisqu'elle se chiffrait encore à 1,43 % en 2006,et qu'elle n'était plus en juin qu'à 1,35 %.
Que faire ? Limiter les importations serait techniquement difficile, politiquement impossible, culturellement désastreux. Il nous faut donc, inlassablement, encourager nos entreprises, et particulièrement nos PME, à exporter et à s'implanter directement en Chine. Le politique a un rôle important à jouer en ce domaine.
Lors du voyage du président de la République la semaine dernière en Chine, où j'ai eu l'honneur de l'accompagner, nous avons pu signer, vous le savez, près de 20 milliards d'euros de contrats, notamment dans les domaines du nucléaire civil et de l'aéronautique. Mais il y a plus important à mes yeux : derrières les gros contrats médiatisés se profile une myriade de petits contrats. Les représentants de 150 PME françaises étaient du voyage, et plus de 2 000 rendez-vous d'affaires ont été organisés lors d'un grand Forum d'entreprises, que j'ai eu le bonheur d'inaugurer. Et ce sont tous ces petits - ou moins petits - contrats à venir qui construiront au jour le jour les relations économiques entre nos deux pays.
Si la Chine est pour nous un véritable partenaire, un partenaire que nous considérons sur un pied d'égalité, elle doit aussi en assumer toutes les responsabilités. C'est pourquoi nous avons profité de ce voyage pour signer un accord bilatéral important de protection des investissements, plus protecteur que celui qui nous liait depuis 1984. Nous avons également engagé une coopération importante avec l'administration chinoise de la quarantaine sur la sécurité des produits, qui représente un impératif absolu pour les consommateurs français. Nous avons enfin évoqué sans tabous la question du taux de change du yuan, qui s'est apprécié par rapport au dollar, mais continue de se déprécier face à l'euro, déséquilibrant artificiellement nos échanges commerciaux. Je suis heureuse que s'ouvre ainsi, après l'effet de surprise dû à la croissance vertigineuse de la Chine, le temps du dialogue.
Si la Chine est un partenaire, c'est aussi un concurrent.
C'est respecter la Chine que de la considérer comme un sérieux concurrent économique. Car la Chine n'est pas seulement un pays à faible coût de main-d'oeuvre, c'est aussi un pays qui forme chaque année des centaines de milliers de chercheurs, d'ingénieurs, de techniciens de haut niveau.
J'ai donc décidé d'axer ma politique économique sur l'amélioration de la compétitivité de la France. Cela passe en grande partie par la promotion de l'innovation et de la R&D. Nous sommes entrés dans une économie de l'intelligence, où ce qui compte plus que tout, c'est d'avoir des idées avant les autres, et de s'en servir avant qu'elles ne se diffusent.
Aussi avons-nous proposé, dans le projet de loi de finances pour 2008, d'alléger la fiscalité sur les brevets, et surtout d'augmenter le taux du crédit d'impôt-recherche, qui passe de 10 % à 50 % la première année, puis 40 % la deuxième, et enfin 30 % en régime de croisière, jusqu'à 100 millions d'euros d'investissements dans la R&D (et 5 % au-delà). Cette réforme fera de la France un des pays les plus attractifs au monde pour les investissements en R&D : en France, l'Etat rembourse désormais aux entreprises près d'un tiers de leurs dépenses de recherche.
Comment encourager l'innovation, si l'on ne défend pas la propriété intellectuelle ? Comment encourager nos chercheurs à travailler sur de nouveaux brevets, si d'autres en récoltent les fruits ? J'ai donc présenté devant le Parlement une loi pour renforcer les moyens de lutte contre la contrefaçon, qui a été votée le 29 octobre dernier. Elle permet de rendre plus efficace la saisie-contrefaçon, met en place des mesures provisoires de saisie contre les intermédiaires et autorise le juge à calculer les dommages et intérêts en prenant en compte, en plus du préjudice causé, les bénéfices réalisés par le contrefacteur.
Sur le plan international, la France plaide pour la création d'un véritable GAFI de la contrefaçon. Je sais que la Chine, où les droits de propriété intellectuelle de nos entreprises ne sont pas toujours bien respectés, déploie des moyens importants pour lutter contre ce fléau. Nous attendons des résultats. Ce combat est dans l'intérêt de tous : si chacun peut copier, il arrivera un jour où plus personne ne voudra créer.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, la France aussi s'éveille. Nous sommes heureux que la Chine rejoigne le cortège historique des grandes nations. Ce cortège ressemble bien souvent à une course de fond, et c'est en coopérant les uns avec les autres que nous pourrons donner le meilleur de nous-mêmes. Je vous remercie./.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 18 décembre 2007
Monsieur le Vice-Maire de Dalian,
Monsieur le Vice-Ministre du Commerce,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C'est un plaisir et un honneur pour moi de me trouver parmi vous, comme l'année passée, pour l'inauguration de la convention China-Europa.
J'aimerais commencer par vous raconter une histoire, que beaucoup d'entre vous doivent connaître. Cette histoire se passe au XVème siècle, en Chine, sous la glorieuse dynastie Ming. Cheng Ho, un colosse de deux mètres de haut, ancien chef des Eunuques impériaux devenu amiral, quitte en 1405 le port de Nankin à la tête d'une gigantesque expédition de 60 jonques, avec pas moins de 28 000 hommes à bord. Ses voyages le mènent aux Indes, en Arabie, à Madagascar, en Australie... L'historien anglais Gavin Menzies prétend même que Cheng Ho découvrit l'Amérique, près d'un siècle avant Christophe Colomb. La Chine semble prête à poser son emprise sur le monde entier. Mais voilà qu'en 1450, un nouvel empereur interdit la navigation de haute mer et proscrit la construction de nouvelles jonques. Brusquement, la Chine se referme sur elle-même et laisse pendant quelques siècles les Européens régner sur la culture et le commerce mondiaux.
Aujourd'hui, la Chine s'éveille. Les jonques de Cheng Ho ont repris la mer sous forme de porte-conteneurs. Ce que je voudrais vous dire aujourd'hui, c'est d'abord que nous devons mettre en place les infrastructures portuaires pour accueillir ces nouvelles jonques. Mais c'est aussi que nous devons cesser de considérer la Chine comme un pays émergent. La Chine est désormais émergée. Il faut la traiter sur un pied d'égalité, comme un partenaire loyal, mais aussi comme un concurrent sérieux.
J'aimerais revenir brièvement sur chacun de ces points.
Le Havre constitue pour la France une véritable tête de pont pour le commerce franco-chinois
Devant la Chambre de commerce et d'industrie franco-chinoise à Pékin, dimanche 25 novembre, le président de la République a demandé : "pourquoi les ports français n'ont-ils pas su profiter de l'incroyable développement du trafic qui part de Shanghai ou Hong-Kong ?"
Tout le génie du Havre, précisément, c'est d'avoir compris avant les autres ports de France la nécessité de pouvoir accueillir dans des conditions optimales les immenses porte-conteneurs en provenance de Chine. Pour avoir connu le port du Havre durant mon enfance, je sais quelle énergie il a fallu pour construire ces 4,2 kilomètres de quais équipés des installations les plus modernes, et de 12 postes de déchargement. En assistant à l'inauguration de Port 2000, en mars 2006, en tant que ministre délégué au Commerce extérieur, je me suis dit que notre pays se donnait enfin les moyens de relever le défi de la mondialisation. La Chine va entrer en France par la Porte Océane.
Ces efforts d'infrastructure seraient vains s'ils ne se doublaient pas d'une volonté d'intensifier sans relâche les relations avec la Chine. La présence de Xing Liangzhong parmi nous aujourd'hui en témoigne, puisque Le Havre est jumelé avec Dalian depuis plus de 20 ans, et a récemment signé une convention identique avec Shanghai. La manifestation China Europa permet de susciter des contacts entre acteurs privés : les discours s'oublient, mais les contrats restent. Cette deuxième édition a pour objectif d'accueillir 5 000 rendez-vous d'affaires, presque le double de l'année précédente. Je lui souhaite tout le succès possible.
Je le disais, la Chine est pour nous un partenaire commercial de premier plan.
Je n'ignore pas que nous devons à la Chine notre premier déficit bilatéral, déficit qui ne cesse de se creuser, pour atteindre aujourd'hui près de 14 milliards d'euros.
Mais un chiffre peut en cacher un autre. Derrière ces 14 milliards d'euros de perte pour notre économie se trouvent beaucoup de dynamiques positives. Nos exportations ne ralentissent pas, au contraire, elles ont progressé de près de 12 % l'année dernière, un chiffre comparable à ceux de la croissance chinoise ! La Chine représente désormais notre huitième partenaire commercial, notre huitième client, et notre septième fournisseur. La France, deuxième exportateur européen vers la Chine, y compte aussi plus de 1 800 implantations, employant près de 250.000 personnes, et totalisant sur place un chiffre d'affaires de 20 milliards d'euros.
Le problème, c'est que si nos exportations augmentent vite, nos importations augmentent encore plus vite, de l'ordre de 18 % par an. Et notre part de marché en Chine a plutôt tendance à décliner, puisqu'elle se chiffrait encore à 1,43 % en 2006,et qu'elle n'était plus en juin qu'à 1,35 %.
Que faire ? Limiter les importations serait techniquement difficile, politiquement impossible, culturellement désastreux. Il nous faut donc, inlassablement, encourager nos entreprises, et particulièrement nos PME, à exporter et à s'implanter directement en Chine. Le politique a un rôle important à jouer en ce domaine.
Lors du voyage du président de la République la semaine dernière en Chine, où j'ai eu l'honneur de l'accompagner, nous avons pu signer, vous le savez, près de 20 milliards d'euros de contrats, notamment dans les domaines du nucléaire civil et de l'aéronautique. Mais il y a plus important à mes yeux : derrières les gros contrats médiatisés se profile une myriade de petits contrats. Les représentants de 150 PME françaises étaient du voyage, et plus de 2 000 rendez-vous d'affaires ont été organisés lors d'un grand Forum d'entreprises, que j'ai eu le bonheur d'inaugurer. Et ce sont tous ces petits - ou moins petits - contrats à venir qui construiront au jour le jour les relations économiques entre nos deux pays.
Si la Chine est pour nous un véritable partenaire, un partenaire que nous considérons sur un pied d'égalité, elle doit aussi en assumer toutes les responsabilités. C'est pourquoi nous avons profité de ce voyage pour signer un accord bilatéral important de protection des investissements, plus protecteur que celui qui nous liait depuis 1984. Nous avons également engagé une coopération importante avec l'administration chinoise de la quarantaine sur la sécurité des produits, qui représente un impératif absolu pour les consommateurs français. Nous avons enfin évoqué sans tabous la question du taux de change du yuan, qui s'est apprécié par rapport au dollar, mais continue de se déprécier face à l'euro, déséquilibrant artificiellement nos échanges commerciaux. Je suis heureuse que s'ouvre ainsi, après l'effet de surprise dû à la croissance vertigineuse de la Chine, le temps du dialogue.
Si la Chine est un partenaire, c'est aussi un concurrent.
C'est respecter la Chine que de la considérer comme un sérieux concurrent économique. Car la Chine n'est pas seulement un pays à faible coût de main-d'oeuvre, c'est aussi un pays qui forme chaque année des centaines de milliers de chercheurs, d'ingénieurs, de techniciens de haut niveau.
J'ai donc décidé d'axer ma politique économique sur l'amélioration de la compétitivité de la France. Cela passe en grande partie par la promotion de l'innovation et de la R&D. Nous sommes entrés dans une économie de l'intelligence, où ce qui compte plus que tout, c'est d'avoir des idées avant les autres, et de s'en servir avant qu'elles ne se diffusent.
Aussi avons-nous proposé, dans le projet de loi de finances pour 2008, d'alléger la fiscalité sur les brevets, et surtout d'augmenter le taux du crédit d'impôt-recherche, qui passe de 10 % à 50 % la première année, puis 40 % la deuxième, et enfin 30 % en régime de croisière, jusqu'à 100 millions d'euros d'investissements dans la R&D (et 5 % au-delà). Cette réforme fera de la France un des pays les plus attractifs au monde pour les investissements en R&D : en France, l'Etat rembourse désormais aux entreprises près d'un tiers de leurs dépenses de recherche.
Comment encourager l'innovation, si l'on ne défend pas la propriété intellectuelle ? Comment encourager nos chercheurs à travailler sur de nouveaux brevets, si d'autres en récoltent les fruits ? J'ai donc présenté devant le Parlement une loi pour renforcer les moyens de lutte contre la contrefaçon, qui a été votée le 29 octobre dernier. Elle permet de rendre plus efficace la saisie-contrefaçon, met en place des mesures provisoires de saisie contre les intermédiaires et autorise le juge à calculer les dommages et intérêts en prenant en compte, en plus du préjudice causé, les bénéfices réalisés par le contrefacteur.
Sur le plan international, la France plaide pour la création d'un véritable GAFI de la contrefaçon. Je sais que la Chine, où les droits de propriété intellectuelle de nos entreprises ne sont pas toujours bien respectés, déploie des moyens importants pour lutter contre ce fléau. Nous attendons des résultats. Ce combat est dans l'intérêt de tous : si chacun peut copier, il arrivera un jour où plus personne ne voudra créer.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, la France aussi s'éveille. Nous sommes heureux que la Chine rejoigne le cortège historique des grandes nations. Ce cortège ressemble bien souvent à une course de fond, et c'est en coopérant les uns avec les autres que nous pourrons donner le meilleur de nous-mêmes. Je vous remercie./.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 18 décembre 2007