Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les actions de l'AMO et sur la nouvelle mission de la direction de l'architecture et du patrimoine, Paris le 10 mars 1999.

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Circonstance : Remise des prix de l'AMO, à Paris le 10 mars 1999

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Préfet,
Maître,
Monsieur le Président de l'AMO,
Monsieur le Directeur de l'architecture et du patrimoine,
Mesdames et Messieurs,

C'est bien volontiers que jai répondu à la demande de Michel Macary, président de l'AMO, de remettre les prix du palmarès Architecture et lieux de travail 1998.
L'AMO concourt en effet de manière déterminante depuis sa création en 1983 à nouer, ou à renouer dans un certain nombre de cas, le dialogue et l'échange entre tous les acteurs du processus de fabrication de l'architecture et de son insertion urbaine, réunis pour défendre et susciter la qualité architecturale, qu'ils appartiennent à la maîtrise d'ouvrage publique ou privée, quils soient architectes ou ingénieurs, promoteurs ou entrepreneurs.
Tous participent à la grande chaîne de l'acte de bâtir, qui modèle nos villes et nos paysages, qui crée le cadre d'urbanité, où se fait mais aussi où peut se défaire le lien social, qui ajoute à la trame construite la trace contemporaine des activités humaines.
Que ce soit pour agréger la ville, implanter les grandes infrastructures, modeler les espaces publics, ou créer les lieux de travail et d'habitat, la tension organisée, exigeante, nourrie d'échanges et de confrontation, entre un maître d'ouvrage et un architecte est toujours fondatrice dune qualité offerte au regard de tous, donnée à tous ceux qui vivent dans le cadre ainsi créé ou recréé.
Les grandes réalisations, celles qui défient le temps et marquent les grands moments de l'histoire de l'architecture et de l'histoire de l'art, résultent toujours de la rencontre entre un commanditaire, un architecte et un entrepreneur. Les récentes recherches historiques sur les abbayes cisterciennes en témoignent, qui retrouvent la trace d'architectes chargés de mettre en uvre les contraintes fortes de l'esthétique et de l'organisation cisterciennes, à chaque fois retranscrites pour s'adapter au site choisi, aux caractéristiques du paysage, aux matériaux dune région : les moines cisterciens ont créé une oeuvre unique et reconnaissable entre toutes, inscrite au cur de chaque topographie, sur la base d'un programme dont la composition reste identique.
Plus près de nous, Emile Biasini et Michel Macary peuvent en porter le témoignage, la réalisation du Grand Louvre, portée sur 17 ans par un maître d'ouvrage et des architectes sur la trame programmatique et spatiale définie initialement, est exemplaire de l'alliance de compétences indispensables pour la réussite d'un projet.
Un grand commanditaire sait ce qu'il veut faire, connaît le point d'aboutissement de sa démarche, et organise avec l'architecte les conditions du dialogue et de l'échange.
Mais toute opération est singulière et, même si une opération réussie s'inscrit toujours sur ce fond d'échange et de confrontation, chaque projet est une alchimie particulière où les jeux de rôles s'organisent en fonction de facteurs humains, économiques et sociaux à chaque fois renouvelés dans un processus singulier : le prix décerné en 1998 à la Maison du Sidobre en témoigne, tant les architectes ont contribué à l'appropriation par le maître d'ouvrage de la transformation de sa commande initiale en une forme et une manière inattendues.
Aujourd'hui, dans les villes parfois meurtries et décomposées dans lesquelles vous intervenez, vous devez aussi répondre au souci de cohésion sociale et partant de démocratisation culturelle dont je fais une priorité de l'action de mon ministère.
La prise en compte du point de vue des utilisateurs, l'implication des habitants, l'appropriation par tous sont plus que jamais déterminants dans le processus long et complexe de l'élaboration dun projet. Si les règlements et les normes fixent des cadres, il faut à l'évidence de plus en plus tenir compte de facteurs environnementaux, économiques, sociaux.
Favoriser et valoriser la qualité architecturale, et donc le cadre de vie, en y sensibilisant le plus grand nombre de nos concitoyens est l'un des enjeux déterminants des années à venir ; je m'attache à ce que cette préoccupation soit prise en compte et traduite dans les faits et au quotidien par l'ensemble du ministère de la culture et de la communication, au niveau central comme aux niveaux déconcentrés, avec l'ensemble des acteurs garants de cette qualité.
Nous avons en France une tradition forte et souvent exemplaire de maîtrise d'ouvrage publique. Nous ne pouvons que nous en réjouir et persévérer dans cette voie. Mais nous ne saurions oublier l'importance et la qualité de la maîtrise d'ouvrage privée, trop souvent négligée par une culture architecturale oublieuse des réalités économiques et de ses acteurs. L'action de l'AMO vient légitimement et efficacement contrebalancer cette tendance : l'attention que vous portez à la maîtrise d'ouvrage privée est porteuse de qualité et d'efficacité nouvelles. Elle est un signe de modernité.
L'action et l'engagement de l'AMO depuis de longues années est donc à de nombreux égards exemplaire. Elle est indispensable et pour partie complémentaire de celle de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques.
A la direction de l'architecture et du patrimoine récemment constituée, la nouvelle mission de la qualité architecturale et urbaine s'attelle de son côté à un travail de fond et constituera un partenaire essentiel pour vous. Cette mission travaillera autant sur la ville, le projet urbain, la nature et l'impact des mutations urbaines à l'oeuvre, que sur le logement, neuf ou réhabilité, sur la qualité des constructions publiques et notamment celles relevant de financements du ministère de la culture et de la communication, enfin sur la qualité des constructions des entreprises en partenariat avec vous-même et plus globalement les grands investisseurs.
Elle travaillera en étroite relation avec la nouvelle sous direction des réseaux, de la diffusion et de l'action internationale, sous-direction stratégique là encore puisque chargée de développer des mode de partenariat constructifs et innovants permettant de sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux de l'architecture ; et je ne verrai que des avantages à ce que le réseau que vous avez su développer dans 6 régions puisse devenir un relais actif de certaines de ces actions de sensibilisation et de diffusion.
J'ai maintenant le plaisir de remettre le prix 1998 AMO architecture et lieux de travail, décerné par le jury présidé par Pierre Boulez, au SIVOM du Sidobre, représenté par son président Jean Richard, maire de Saint-Salvy de la Balme, et aux architectes Reine Sagnes et Jean-Marie Pettes, pour la réalisation de la Maison du Sidobre à Vialavert le Betz dans le Tarn.
Je remets la mention spéciale à EDF, représenté par Jean-Claude Jumelet et Philippe Scoubert, et à l'agence Tectoniques, de Alain Vargas, Jocelyne Duvert, Max Rolland et Pierre-Yves le Bouc, pour l'aménagement du site EDF-GDF à Saint-Claude dans le Jura.
Ont été également nominés par le jury Michel Lehalle, sous-directeur de l'immobilier au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et les architectes André Crespel et Bernard Ropa, pour la réalisation du service des archives du ministère à Savigny-le-Temple, François Ozanne, directeur général de la SAGEP, et les architectes Jacques Ferrier et François Gruson, pour l'Usine de traitement d'eau de Joinville, Jean-François Brand, directeur immobilier et des services généraux de la Banque de France, et les architectes Jérôme Brunet et Eric Saunier, pour le siège régional de la Banque de France à Montpellier, Jean-Marc Daniel, chef du service de l'équipement du ministère des affaires étrangères, et l'architecte Bernard Desmoulin, pour le restaurant administratif du ministère des affaires étrangères à Paris.
Je les salue tous chaleureusement.

(Source http://www.culture.gouv.fr, le 12 mars 1999)