Conférence de presse conjointe de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères et de M.Lagumdzija, ministre des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine, sur la situation en Bosnie-Herzégovine et son rapprochement avec l'Union européenne, l'application des accords de Dayton et les incidents en Macédoine, Sarajevo le 9 mars 2001.

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Circonstance : Voyage de M. Hubert Védrine en Bosnie Herzégovine le 9 mars 2001

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

J'ai souhaité revenir à Sarajevo pour redire l'engagement de la France auprès de la Bosnie-Herzégovine. La Bosnie-Herzégovine est importante pour la France qui attache la plus grande importance à sa stabilité, son développement, la mise en oeuvre complète des Accords de Dayton, les réformes indispensables. Je voulais le redire dans le contexte nouveau marqué par l'existence d'un nouveau gouvernement qui s'est fixé comme politique de tourner le dos résolument aux tragiques erreurs nationalistes. Cela mérite un encouragement renouvelé et renforcé, j'ai donc voulu revenir pour me rendre compte sur place, à travers de nombreux contacts, de la situation actuelle et du potentiel de développement politique et économique pour les prochaines années.
C'est vrai sur un plan bilatéral entre la Bosnie-Herzégovine et la France, c'est vrai sur un plan européen. Vous connaissez l'intérêt de beaucoup d'Etats de l'Union européenne comme l'Allemagne, l'Italie et beaucoup d'autres pour la Bosnie-Herzégovine. Tous ensemble, à Zagreb, nous avons défini une perspective permettant aux pays de cette région de se rapprocher de l'Union européenne, chacun ayant à résoudre ses propres problèmes et à surmonter ses propres difficultés. Il m'apparaît, après les premiers entretiens que j'ai eus, mais je vais en avoir d'autres après, qu'il y a un état d'esprit nouveau qui n'a pas fait complètement disparaître les anciens états d'esprit, mais je suis encouragé par ce que j'ai entendu. D'autre part, il me paraît évident que la réussite dépendra largement de la création d'une économie moderne et dans ce cadre, les partenaires européens et occidentaux en général de la Bosnie-Herzégovine ont certainement un grand rôle à jouer.
Voilà dans quel esprit constructif je suis venu pour faire le point, pour écouter, pour en parler ensuite avec mes collègues de l'Union européenne avec une analyse plus fraîche. Naturellement, nous avons parlé tous les deux d'autres problèmes qui se posent en ce moment dans la région, mais ma journée ici est quand même concentrée sur la Bosnie-Herzégovine. Je voudrais dire devant le ministre qu'à travers lui, je remercie tous ceux qui m'ont si bien reçu depuis ce matin.

Q - Quel est votre commentaire sur les intentions sécessionnistes des bosno-croates et sur la destitution du président Yolovic ?
R - Je pense que les Accords de Dayton doivent être appliqués, je pense que la constitution de la Bosnie-Herzégovine doit être respectée ; par conséquent, il me semble que le haut représentant a pris la décision qui s'imposait.

Q - Quel est votre commentaire concernant la nouvelle proposition du gouvernement de Croatie concernant la réorganisation de la Bosnie-Herzégovine, la suppression des entités et sa transformation en cantons.
R - Je pense qu'il faut essayer de s'en tenir aux accords de Dayton, et je pense que si l'on commence à modifier tel ou tel élément, cela entraînera toutes sortes de demandes et la situation deviendra rapidement impossible. Il faut voir si derrière ces propositions, il y a de vrais problèmes qui peuvent peut-être être traités autrement.

Q - Vous avez mentionné que vous vous êtes entretenus aujourd'hui de l'adhésion de la Bosnie-Herzégovine dans l'intégration européenne. La Bosnie-Herzégovine en est-elle beaucoup plus proche avec son nouveau gouvernement ?
R - Je pense que ce nouveau gouvernement est beaucoup mieux orienté, il va dans la bonne direction. Ensuite, il y a beaucoup de problèmes réels à régler ce qui nous renvoie à la question des réformes économiques et de l'aide de l'Union européenne pour qu'elle soit le plus utile possible.
Ensuite, il y a un processus défini dans le cadre de l'accord de stabilisation et d'association. Je voudrais dire que nous avons décidé d'organiser à Paris, à une date qui n'est pas fixée mais qui pourrait être avant la fin de l'année, un forum économique qui permettrait aux autorités de Bosnie-Herzégovine de rencontrer les responsables des administrations concernées et surtout les investisseurs privés intéressés.

Q - Vous poursuivez votre déplacement en Macédoine
R - Je vais en effet demain à Skopje pour manifester l'attachement de la France à la stabilité et à l'intégrité territoriale de la Macédoine. La France estime que la communauté internationale doit reprendre le contrôle de la situation et cela suppose une bonne répartition et une coordination des tâches entre ce qui doit être fait par la KFOR, essentiellement d'ailleurs, et aussi par l'Union européenne d'une autre façon. Ce qui doit être fait par les différents gouvernements responsables c'est-à-dire le gouvernement de Macédoine mais aussi le gouvernement de Belgrade et il me semble que, face aux incidents des dernières semaines ou des derniers jours, à la fois à Presevo et sur la frontière de la Macédoine, la communauté internationale a eu une réaction cohérente et homogène. Le Premier ministre d'Albanie, de passage à Paris il y a quelques jours, a été lui-même très clair à ce sujet. Il faut donc arrêter les provocations qui sont le fait de quelques groupes extrémistes et il faut se réattaquer aux problèmes de fond, l'urgence étant le retour à la stabilité.

Q - La France soutiendra-t-elle la demande de la Macédoine pour que l'OTAN dispose toutes ses unités sur la frontière avec le Kosovo ?
R - C'est un sujet sur lequel il est prématuré de répondre et qui fait l'objet d'échanges au sein de l'OTAN. Toutes les formes d'actions de la KFOR notamment sont examinées. Vous avez d'ailleurs vu que des premières décisions ont été prises, de même que celle qui autorise l'armée de Belgrade à revenir dans une petite partie de la zone tampon. Faut-il aller au-delà et faire plus ? Nous en discutons entre nous. Il est prématuré de répondre à cette question.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mars 2001)