Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à France 2 le 8 janvier 2008, sur la conjoncture économique et les mesures gouvernementales pour la relance du pouvoir d'achat.

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Média : France 2

Texte intégral

F. Laborde.- Avec le ministre du Budget, ce matin, nous allons forcément parler finances publiques et puis aussi, quand même, conjoncture économique. Alors, une question, justement, sur cette conjoncture : elle n'est pas terrible, sur le plan mondial ce n'est pas bien, le prix du pétrole n'arrête pas d'augmenter, l'inflation en France repart. Est-ce que vous allez pouvoir maintenir les prévisions du Budget telles que vous les aviez établies, que ce soit en terme de déficit ou en terme de croissance ?

R.- Juste un mot, quand même, pour ne pas complètement noircir les choses... La croissance mondiale se tient plutôt bien. Il y a des problèmes de croissance aux Etats-Unis, par exemple, mais la croissance mondiale se tient plutôt bien...

Q.- On y reviendra, parce que les banques françaises sont un peu touchées, quand même, aussi.

R.- Oui, mais la croissance mondiale est plutôt forte, dans un certain nombre de pays. Alors, c'est aussi une machine mondiale qui s'accélère et qui crée des tensions, donc des tensions inflationnistes. Par exemple, les marchés de matières premières, dont le pétrole ou les marchés alimentaires de produits alimentaires, augmentent...

Q.- Oui, les céréales.

R.-... et l'inflation est évidemment plus forte dans le monde qu'elle ne l'était auparavant. C'est une inflation, d'ailleurs, qui, en France, est plus maintenue que l'inflation européenne, par exemple, on est en dessous, donc la France n'est pas non plus la plus exposée de l'ensemble des pays, il faut le voir comme cela. Et puis en même temps, il y a quand même aussi des résultats sur le chômage. Souvenez-vous, il y a des années, on ne parlait que du chômage. En réalité, le chômage il diminue, et en France nous avons diminué de plus de 300.00 personnes le chômage en 2007, donc il y a aussi des éléments qui sont des éléments positifs dans ce tableau.

Q.- Alors, vous nous donnez les éléments positifs, mais concrètement, sur le budget, ça se traduit par quoi ?

R.- Sur le budget, nous maintenons évidemment les précisions de croissance et les prévisions d'inflation. Vous savez que l'on a construit le budget sur une prévision de croissance entre 2 et 2,5, on peut retenir la fourchette moyenne, donc, aux alentours de 2,25. Quand on voit que l'inflation, en réalité, elle dépend beaucoup de l'augmentation des prix de ces matières premières, quand on voit par exemple que le pétrole, il a, sur une journée, gagné 2 $ puis abandonné 3 $ le lendemain, et puis il y a quelques jours, il était à 10 $ de plus, donc on voit bine que c'est extrêmement volatile, donc c'est très difficile de faire des prévisions comme le pensent tous les économistes en ce moment, donc il n'y a pas de raison de revenir...

Q.- Donc, vous ne changez rien.

R.- Non, il n'y a pas de raison de revenir sur les prévisions de croissance et il n'y a pas de raison de revenir non plus sur les prévisions de l'inflation, elles sont dans le budget aux alentours de 1,6 % et je pense que c'est un chiffre qui, raisonnablement, peut être atteint.

Q.- J.-C. Trichet, le patron de la Banque centrale européenne, dit que s'il y a des tensions inflationnistes, il faudra regarder les taux d'intérêt. Si les taux d'intérêt augmentent, en France, nous on a une dette absolument considérable et elle va peser très très lourd, pour le coup.

R.- C'est vrai que l'on a beaucoup de dettes, mais l'un des enjeux majeurs pour les années à venir et maintenant, et c'est un enjeu, moi, qui m'est évidemment particulièrement chevillé au corps.

Q.- C'est votre mission qui vous a été donnée par l'audit Mars & CO : réduire la dette ?

R.- J'ai beaucoup de missions, et c'est une des missions qui m'est donnée, c'est de contribuer à rééquilibrer les finances publiques. Il faut revenir, et c'est mon credo personnel - et le président de la République me l'a évidemment demandé, c'est dans ma feuille de route - c'est qu'en 2012 la France revienne à l'équilibre financier. Les finances publiques de l'Etat...

Q.- On a vu passer ici - je ne veux pas doucher votre enthousiasme, cher E. Woerth, on a vu passer ici - beaucoup de ministres du Budget qui nous ont dit à chaque fois : en 2012, ne vous inquiétez pas, on arrivera à l'équilibre.

R.- Non, ils n'ont pas tous dit en 2012, parce qu'il n'était quand même très éloignés...

Q.- Non, ils n'ont pas tous dit en 2012, mais ils ont dit « dans quatre ans, dans cinq ans, on y arrivera ».

R.- Oui, oui, mais nous on a des objectifs très précis, on a une trajectoire, même, une route sur la finance publique, qui est très précise, et nous, nous diminuerons au fur et à mesure du temps, la dépense publique, il faut la diminuer de moitié, ce n'est pas uniquement sur l'Etat, ça concerne aussi évidemment la protection sociale. Les Français doivent bien comprendre que c'est un... aujourd'hui on dépense trop et donc il faut diminuer cette dépense publique, c'est la base, vraiment, de ce que nous faisons.

Q.- Alors, pour diminuer les dépenses publiques, il y a des trucs concrets, par exemple on rapproche l'Unedic des Assedic, c'est ce qui se met en place en ce moment ; on rapproche les services du Trésor public, on va avoir un seul guichet : tout cela c'est ce que l'on appelle la modernisation de l'Etat, mais ça veut dire que l'on supprime des postes, par définition, ce qui n'est pas bon pour l'emploi.

R.- Cela veut dire que l'on réforme l'Etat, bien évidemment, ça veut dire aussi que l'on fait plus que ça : on réforme le marché du travail, on se pose des questions sur le financement de la protection sociale, donc on se pose des questions de fond, que j'imagine le président de la République abordera au moment de sa conférence de presse tout à l'heure. Mais c'est une série de sujets de réformes de fond, et finalement, le pouvoir d'achat ou l'équilibre des finances publiques, c'est un résultat, c'est la résultante de la capacité pour un pays de se réformer, et donc, de ses gouvernants, à le réformer sur le fond. Et la réforme de l'Etat, c'est un sujet extrêmement important, c'est vrai, dont on parle depuis longtemps et que l'on est en train de faire. Lorsqu'on fusionne la Direction générale des impôts, la Direction générale de la comptabilité publique, cela veut dire que, au bout du compte, ce n'est pas une réforme administrative, c'est une réforme pour les gens. Donc, quand ils iront payer leur impôt personnel, ils auront plus qu'un seul service en face...

Q.- Oui, ils ont un seul guichet.

R.- Quand l'ANPE et l'Unedic, à un moment donné, opérationnellement, fusionnent... On est d'accord. ... c'est que l'emploi est mieux, enfin, a été traité de façon plus efficace pour un demandeur d'emploi, comme pour les entreprises.

Q.- On est d'accord. Mais pour l'instant, en terme de pouvoir d'achat, il y a une étude de l'Insee qui montre que le début 2008 c'est un peu molasson. Est-ce que les Français vont sentir sur leur feuille de salaire, à la fin du mois, que quelque chose a changé ? Parce que c'est ça qui fait la différence. Ce n'est pas les discours, c'est, concrètement...

R.- Le moins que l'on puisse dire, c'est que sur le sujet, comme sur d'autres, on n'est pas dans le discours, ni le Président, ni le Premier ministre, ni les ministres, ils ne sont pas dans le discours, ils sont dans l'action. Et d'ailleurs, il n'y aurait pas autant de débat si on était uniquement dans les discours. Quand on fait les heures supplémentaires, etc., qu'est-ce qu'on dit aux Français ? On dit : le pouvoir d'achat, il n'augmentera qu'en fonction du volume de travail. Voilà, ça c'est un point...

Q.- Oui, mais est-ce que ça marche, les heures supplémentaires ?

R.- Oui, ça marche. Eh bien oui, oui.

Q.- C'est très compliqué à mettre en place et l'Etat ne donne pas l'exemple, vous ne les payez pas, alors, franchement...

R.- Alors, un... pour un matin, c'est dur.

Q.- On est comme ça, à Télématin.

R.- Bien sûr que ça marche. 40 % des entreprises, notamment des PME, dont on peut... ça a commencé le 1er octobre, on est au 1er janvier, donc 40 % des entreprises ont déjà utilisé le système, donc ça marche bien et ça va évidemment continuer à bien marcher. Toutes les autres mesures ont évidemment bien marché, aussi. Les rachats de compte épargne temps, de RTT, etc., tout ça a bien fonctionné. Et en ce qui concerne...

Q.- Tout ça c'est le privé qui le fait, et le public, vous allez le faire ?

R.- Oui, eh bien le public il assume ses responsabilités...

Q.- Parce que, hier, on avait P. Pelloux, ici, qui nous a expliqué que c'était une escroquerie monumentale, après.

R.- Il faut faire attention aux mots. Le public, il assume ses responsabilités. R. Bachelot est en train de recevoir le monde hospitalier pour essayer de régler l'héritage des 35 heures, c'est de cela dont il s'agit. Quand j'entends le Parti socialiste crier...

Q.- C'est un peu un petit coup de patte à la gauche.

R.- Eh bien quand j'entends le Parti socialiste crier comme une vierge effarouchée, sur l'hôpital, c'est eux qui ont provoqué le problème de l'hôpital.

Q.- Oui, enfin, le PS, il dit en ce moment que de toute façon, votre budget il n'est pas crédible.

R.- Mais il a bien tort, c'est le PS qui n'est pas crédible. Donc, ce que je voudrais vraiment dire, c'est que, à la fois R. Bachelot, sur l'hôpital, est en train de régler ce problème d'heures sup et de compte épargne temps. Moi, j'avais proposé dès octobre, parce que je suis ministre de la Fonction publique, donc de la Fonction publique hospitalière aussi, de régler 12 heures supplémentaires, c'est-à-dire à peu près un tiers des heures supplémentaires. R. Bachelot est en train de mettre les modalités en oeuvre pour que cela soit fait et peut-être pour aller plus loin. Nous avons les moyens...

Q.- Vous dites qu'elle a perdu du temps, par rapport à ce que vous proposiez ?

R.- Ah non, elle n'a pas perdu de temps.

Q.- D'accord.

R.- On est dans le temps normal pour ça. Et puis, deuxième point, il y a d'autres administrations, je pense par exemple aux policiers, je pense par exemple parfois aussi aux enseignants qui font beaucoup appel aux heures supplémentaires, celles-ci elles ont été payées, il n'y a pas de reliquat, et aux policiers il y a un peu de reliquat, qui sera payé en trois fois. Ce qu'il faut, c'est que les fonctionnaires aient accès aux heures supplémentaires, comme les autres salariés, ce qui est le cas, et sur leur feuille de paie, c'est au bout du compte, quand vous faites une heure sup de plus, c'est au moins + 16 %, dû à l'exonération de cotisations sociales.

Q.- Une toute dernière question, à toute allure. Le bouclier fiscal à 50 % et les mises en oeuvre à partir du 1er janvier, est-ce que ça sert uniquement les riches ou est-ce que, par exemple, ceux qui ne sont pas imposables peuvent dire : « moi, je ne vois pas pourquoi je payerais mes impôts locaux, j'ai droit au bouclier fiscal ».

R.- Vous savez, c'est un faux procès, l'histoire des riches. On nous l'a beaucoup servi sur le projet de loi du travail, emploi et pouvoir d'achat, en réalité, ça sert tout le monde. Absolument tout le monde, et le bouclier fiscal c'est une approche de la fiscalité qui fait qu'il y a beaucoup de gens qui ne paient pas d'impôt et en même temps, ceux qui en paient, on dit : « on limite, en réalité, à 50 % de votre revenu, les impôts que vous allez payer, que vous soyez riche ou que vous soyez moins riche ». Evidemment, les impôts locaux entrant là-dedans, comme la CSG et la CRDS, ça touche beaucoup de gens aux revenus modestes. Bien évidemment.

Q.- Donc il faut qu'ils le sachent.

R.- Bien évidemment. Bien évidemment, ça touche tout le monde.

Q.- Voilà, si vous avez peu de revenus, allez voir votre Trésor public et profitez du bouclier fiscal.

R.- Mais vous avez la possibilité, par Internet, de calculer tout ça et de savoir si vous êtes éligible.

Q.- Sur le site : www...

R.- Sur le site impot.gouv.fr...

Q.- www, enfin, toute façon ce sera en ligne sur le site de Télématin.

W. Leymergie : Evidemment.

R.- Il y a une calculette.

Q.- C'est quand même plus simple.

W. Leymergie : Forcément !

R.- Calculons ensemble.

Q.- Calculons ensemble : "Avec E. Woerth, il vous calcule vos impôts", ce n'est pas beau ça ?

W. Leymergie : C'est chouette.

R.- Que des bonnes nouvelles.

W. Leymergie : Il va avoir du boulot le ministre, parce que là, si on lui donne toutes...

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 janvier 2008