Texte intégral
Mesdames et Messieurs, je suis très heureux de recevoir, au ministère des Affaires étrangères et européennes, Mme Margaret Chan qui est la directrice générale de l'Organisation Mondiale de la Santé et, bien sûr, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, le ministre français de la Santé, de la Jeunesse et des Sports.
A notre satisfaction générale, nous avons signé un document important qui consacre les contributions de la France à l'OMS. Ces contributions sont constituées de deux parties.
Une contribution obligatoire d'environ 30 millions de dollars par an et les contributions volontaires qui sont de l'ordre de 29 millions de dollars, et 31 assistants techniques qui seront à la disposition de l'Organisation mondiale de la Santé.
C'est donc un effort considérable, mais c'est un effort que nous tentons de maintenir depuis de très nombreuses années, car les rapports entre les organisations internationales, les organisations de l'ONU en particulier - et singulièrement l'OMS -, et notre pays sont des relations de travail, de proximité. Nous contribuons, vraiment, le plus possible, car la France est à l'origine d'un certain nombre d'efforts, en particulier concernant le VIH sida. Par ailleurs, nous avons contribué au développement du Fonds global.
L'effort multilatéral de la France est très tourné vers la santé.
Je n'en dirai pas plus, c'est à Mme Chan et à Mme Bachelot de parler des domaines communs de travail pour l'année qui vient, sous la Présidence française de l'Union européenne en particulier. Il reste un domaine dont je suis très fier, c'est celui de l'éradication de la poliomyélite. Il reste quatre pays dans lesquels des efforts doivent être faits sous la direction de l'Organisation Mondiale de la Santé. Nous avons choisi de travailler à l'éradication de la poliomyélite en Afghanistan, avec la contribution de l'Agence française de Développement dont le directeur, M. Severino, est parmi nous. Il est évident que ce n'est pas facile, et d'autant plus en temps de guerre, dans un pays comme l'Afghanistan. Mais grâce à l'Agence française de Développement et aux volontaires, à la participation de la France ainsi qu'à la direction de l'OMS, nous nous efforcerons de le faire.
Mme Bachelot-Narquin - L'accord-cadre entre l'OMS et la France est un accord très important pour le ministère de la santé, vous l'imaginez. Les priorités qui ont été définies par l'Organisation Mondiale de la Santé recouvrent les priorités internationales du ministère de la santé, la sécurité sanitaire, l'amélioration des systèmes de santé, la santé environnementale, les maladies chroniques. Les restructurations qui ont été menées par l'OMS vont tout à fait dans le sens de la sécurité sanitaire internationale et dans l'application du règlement sanitaire international.
Nous sommes dans un partenariat actif avec l'OMS, d'autant plus actif qu'il y a de nombreux Français et de nombreux francophones au sein de l'OMS et que nous avons donc toutes les facilités pour développer ces partenariats actifs.
Bien évidemment, la Présidence française de l'Union européenne, au second semestre 2008, donnera une coloration encore plus accentuée à ces partenariats. On pense, en particulier, aux priorités de la Présidence française sur la sécurité sanitaire, sur les systèmes de santé, la maladie d'Alzheimer ainsi que les maladies dégénératives. Dans ce cadre, j'ai souhaité que les coopérations puissent être renforcées entre les agences techniques qui ont une grande capacité d'expertise et qui pourront véritablement développer des coopérations très pratiques entre l'Organisation Mondiale de la Santé et ces agences.
Je souhaite aussi, bien entendu, que dans le cadre de cette sécurité sanitaire, de la pandémie aviaire et de la question du partage des virus grippaux, qui est quelque chose de tout à fait nécessaire, la France puisse apporter son aide à l'OMS, sachant l'extrême délicatesse de cette question, pour que tout cela puise être résolu de la meilleure façon qui soit, pour une très grande compréhension de ces problèmes très délicats de propriété industrielle et de propriété intellectuelle.
Nous développerons ces coopérations. Nous les développerons très concrètement à travers une participation active de la France, du ministère de la Santé et de sa ministre dans un certain nombre de réunions internationales. Nous pensons à la réunion qui se tiendra à Tallinn dans le courant de l'année 2008. Je pensais par ailleurs à la réunion internationale qui se déroulera au Cap à propos du tabac, cette même année, et j'ai invité Mme Chan ou son représentant à participer à la réunion euro-Méditerranée qui sera consacré aux systèmes de santé en décembre 2008.
Je tiendrai en Maine-et-Loire un Conseil informel des ministres de la Santé de l'Union européenne et si Mme Chan pouvait nous faire le grand plaisir et le grand honneur d'y assister, elle y serait très bienvenue. Je lui renouvelle donc cette invitation.
M. Kouchner - J'ajoute qu'il se tiendra en avril, en France - et j'espère que Mme Chan sera également à nos côtés - la deuxième réunion sur l'assurance maladie et sur les problèmes de financements de la santé dans le monde. La question posée sera : "pourrons-nous nous contenter de la charité ?".
Vous savez qu'une réunion importante et à mon avis très utile a déjà eu lieu l'année dernière à Paris. Nous nous retrouverons à nouveau sur ce problème du financement de la santé, en avril 2008.
Q - J'ai plusieurs questions. D'abord sur le Kenya, je me demandais quelle préoccupation vous avez sur la situation au Kenya et quelle mesure vous comptez y prendre ? J'ai une autre question sur l'actualité pour vous, Monsieur le Ministre. D'abord sur l'audiovisuel français extérieur, le président a dit hier qu'il ne voyait pas l'utilité pour la France de s'exprimer dans une langue autre que le français, notamment sur France 24 ; cela semble aller à l'encontre de ce que vous avez dit. Troisièmement, je voudrais vous demander comment vous décrivez le comportement de l'Iran récemment dans le détroit d'Ormuz avec l'incident impliquant les Américains ?
R - Je décris le comportement de l'Iran comme très dangereux. Je les appelle à la retenue. Pour ce que j'en ai vu, comme vous d'ailleurs, des abeilles, des petites vedettes qui tentaient de piquer de gros bateaux, je trouve cela très dangereux. C'est évidemment une affaire entre les Etats-unis et l'Iran. Néanmoins, je crois qu'en cette période et qu'à cet endroit, le détroit d'Ormuz, chaque geste de provocation, de défense ou d'attaque me semble extrêmement périlleux. Nous appelons les uns et les autres à la modération.
Au Kenya, il y a une situation politique et une situation sanitaire qui sont difficiles. Entre le président élu - mal élu disent les uns, mais élu disent les autres-, et le chef de l'opposition, il y a deux propositions en particulier : refaire les élections comme le dit le chef de l'opposition ou faire un gouvernement d'unité nationale comme le demande le président élu. M. Odinga ne veut rien accepter pour l'heure. Une médiation africaine, avec des personnes réputées, comme le fondateur de la Zambie, M. Kenneth Kaunda, le président en exercice de l'Union africaine, M. John Agyekum Kufuor, a été mise en place. Les trois émissaires sont à pied d'oeuvre après le voyage de Mgr Desmond Tutu. Nous suivons la situation avec beaucoup d'attention, d'autant que la Présidence slovène est représentée par notre ambassadeur à Nairobi.
La situation sanitaire n'est pas bonne : 500.000 déplacés, réfugiés, ont été comptabilisés : 250.000 personnes à nourrir. Nous avons accentué notre effort et nous donnons près d'un million de dollars pour l'heure, soit 700 000 euros dont 150 000 euros pour Action Contre la Faim, qui travaille directement sur le terrain, 200 000 euros seront mis à la disposition de partenaires locaux afin de leur permettre d'apporter une assistance sanitaire et alimentaire aux habitants de bidonvilles de Nairobi et aux populations déplacées à l'Ouest du pays. Enfin, une aide alimentaire d'urgence de 350 000 euros est mise en place à travers d'autres ONG.
Le problème est que la nourriture n'arrive pas parce que le port de Mombasa est bloqué. Le transport de médicaments, mais également de carburant est rendu très difficile. Les chauffeurs ont peur, ils ont été attaqués sur les routes : la situation est donc chaotique. Pour l'heure, nous donnons cet argent à la communauté internationale et si nous pouvons faire autre chose, nous le ferons. Mais c'est évidemment le Royaume-Uni d'abord puis les Etats-Unis, qui sont les plus actifs dans cette région. Ils ont notre soutien et je m'entretiens quotidiennement par téléphone avec David Miliband, le ministre des Affaires étrangères britannique.
En ce qui concerne l'audiovisuel public, nous sommes au début du chemin. C'est un problème majeur, il ne faut choquer personne et réfléchir avec trois entités. Le président de la République l'a bien dit hier, très théoriquement. Il faudra, ensuite passer à la pratique avec les syndicats et avec les personnels, avec un but bien clair. Il y a TV5, France 24, RFI et le portail Internet que nous voulons bâtir. Savez-vous que France 24 est beaucoup plus vue sur Internet ? Tout cela constitue un projet merveilleux. Il est vrai que le président a dit qu'il lui semblait nécessaire que la chaîne française soit en français. Nous lui avons fait tout d'abord remarquer - votre serviteur en particulier - qu'il y a des sous-titres et des décrochages. Le président de la République a dit son opinion, qui est majeure, et c'est lui qui décidera. Mais la période de concertation est à peine entamée et celle de la conception n'est pas terminée ; nous avons tout à faire.
Q - Vous n'êtes donc pas complètement d'accord avec le président de la République ?
R - C'est soit une provocation de votre part pour me brouiller avec le président, soit une conception un peu curieuse de la politique. Nous ne sommes jamais complètement d'accord, nous discutons. Il faut évidemment que la concertation ait lieu et le président de la République a très fortement donné son point de vue. Concurrencer en anglais une chaîne d'informations comme CNN, Al Jazeera ou BBC World lui paraît inutile. Pour ma part, cela ne me paraît pas complètement inutile. Je pense qu'il y a une "french touch", qu'il va falloir élaborer, mais nous n'en sommes pas là. Le président de la République a dit très clairement hier ce qu'il souhaitait et nous nous efforcerons - pas moi seulement, il y a beaucoup de gens qui sont impliqués dans cette réflexion - de donner à la France un instrument audiovisuel extérieur performant et intéressant pour tout le monde : ce n'est pas si simple. Nous avons, par exemple, ce réseau de RFI tout à fait formidable. Nous essaierons de favoriser la reconversion des journalistes de la radio vers la télévision, avec leur accord, bien sûr, avec, évidemment, une période de formation. C'est un travail sur plusieurs années.
Q - Est-ce que la nomination de Mme Chan attire plus d'attention et aide mieux la Chine et les pays asiatiques au niveau des conditions de leur système de santé ?
R - C'est une excellente professionnelle. Elle est venue de Chine où elle avait une expérience considérable. Mme Chan est un médecin de santé publique que j'admire. Elle vient d'un pays où il y a beaucoup à faire en matière de lutte contre les maladies transmissibles, en termes d'éducation à la santé comme en termes de prise en charge et son expérience a beaucoup compté au moment de sa nomination.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 janvier 2008