Texte intégral
Monsieur le Professeur,
Mesdames et Messieurs,
France on the move !
On ne peut pas mieux décrire ce qui se passe en France depuis 8 mois. C'est la première fois qu'un chef du gouvernement français se déplace à Davos pour le World economic forum !
Ma présence, aujourd'hui, est un symbole : celui d'une France qui veut parler à tout le monde, d'une France qui veut participer à tous les forums internationaux, d'une France qui veut réoccuper toute sa place dans les grands débats sur l'avenir de l'économie mondiale. D'autant que cet avenir ne va pas de soi !
Les interrogations sont nombreuses sur le fonctionnement de l'économie mondialisée. La crise des "subprimes", le sérieux décrochage des marchés d'action en début de semaine font peser des menaces sur la croissance mondiale et altèrent la confiance. L'urgence commande de rétablir cette confiance. Comment ?
D'abord en faisant toute la transparence sur l'exposition aux "subprimes" des acteurs financiers. Ensuite en renforçant la coordination des autorités de régulation. Cette crise pose en effet la question de la régulation des marchés financiers. La liberté sans régulation c'est le désordre.
Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Gordon Brown avaient d'ailleurs, dès cet automne, fait des propositions dans ce sens. Il est temps que des mesures concrètes soient prises.
Il est vrai que l'Europe se trouve dans une situation conjoncturelle différente des Etats-Unis. Les fondamentaux de l'économie européenne sont globalement sains et cela vaut particulièrement pour la France. Chez nous, les ménages sont peu endettés, les résultats des entreprises sont bons, le marché immobilier résiste, la situation de l'emploi continue d'être bien orientée.
Mais la France n'est pas un pays isolé ! Et cette mauvaise passe conjoncturelle nous commande, plus que jamais, de faire en France les réformes structurelles dont nous avons besoin.
J'aime mon pays. Comme tous les Français je supporte mal qu'il soit décrié. Quand j'ai lu, en octobre 2006 le portrait qu'en faisait "The Economist" je me suis promis de tout mettre en oeuvre pour en rétablir l'image ! Que disait ce magazine britannique et néanmoins vénérable ? "Something seems very wrong with this country, (...) 'the sick man of Europe' appears beset now by political and economic instability and by civil unrest and disorder (...) Alarmist talk about France has become commonplace. Home-grown titles such as "France in Freefall", "Gallic Illusions" and "France's Malheur" crowd the bookshelves. (...) "Declinism" has become a school of thought. Pessimism prevails."
Si je rappelle les traits peu flatteurs sous lesquels la presse internationale peint parfois mon pays, ce n'est pas pour alimenter la caricature !
Ce que je suis venu vous dire, c'est que les clichés qui ont cours au sujet de la France appartiennent au passé.
La première idée reçue sur la France, ce serait sa soi-disant déprime chronique.
Ca, c'est la France d'hier. Nous sortons d'une longue période d'immobilisme et d'hésitations. Notre pays a connu une crise de confiance, due au fait que les majorités qui se sont succédées depuis un quart de siècle ne tenaient pas leurs engagements et appréhendaient de réformer en profondeur.
Eh bien, l'élection de 2007 a balayé cette situation. Les Français y ont massivement participé, alors même qu'ils se rendaient de moins en moins aux urnes. Ils ont manifesté une volonté de rupture et une adhésion à un projet réformiste clairement assumé. Ils ont donné le signal d'une évolution des mentalités en choisissant une équipe qui a réfuté toutes les vieilles idées qui sonnaient faux : non, l'entreprise n'est pas l'ennemie du salarié ; non, le travail n'est pas une aliénation mais une valeur émancipatrice ; non, la mondialisation n'est pas une option, mais un fait !
Le symbole de ce nouvel état d'esprit, c'est notre réforme des régimes spéciaux de retraites qui avait fait reculer tous les gouvernements. Pour la première fois depuis longtemps, le gouvernement n'a pas renoncé devant les grèves, qui ont duré 9 jours. Sa fermeté est allée de pair avec un dialogue permanent avec les syndicats.
Et pour la première fois depuis longtemps, près de 70 % des Français ont soutenu la réforme, alors même qu'ils étaient handicapés par la grève des transports publics.
Cette évolution des mentalités, c'est aussi le résultat d'un choix politique : celui de l'ouverture. L'affrontement binaire, camp contre camp, a fait perdre du temps à la France. Avec Nicolas Sarkozy, le gouvernement s'ouvre à toutes les compétences et à des personnalités de la gauche et du centre.
Pour beaucoup d'observateurs, la France serait aussi le pays qui hésiterait à voir la réalité économique telle qu'elle est.
Ca, c'est la France d'avant.
Notre pays est conscient de son décrochage et il n'esquive plus les faits. Nous avons grosso modo un point de croissance de moins et un point de chômage en plus que les meilleurs pays européens, et ceci depuis longtemps. Avec Nicolas Sarkozy, nous avons entrepris de réveiller l'économie française en valorisant le travail, le mérite et la prise du risque.
Dès notre arrivée au pouvoir, nous avons pris des mesures pour stimuler le recours aux heures supplémentaires. En l'espace de deux mois, la moitié des entreprises font profiter leurs salariés de cette possibilité de gagner plus en travaillant plus.
Nous avons allégé les droits de succession et de donation, ainsi que l'impôt sur la fortune en permettant qu'il soit réinvesti dans les PME.
Nous avons édicté une règle de bon sens : personne ne doit payer en impôts plus que la moitié de ce qu'il gagne. Et cette décision, dans le pays qui a connu un de ses débats économiques les plus polémiques lors de la création de l'impôt sur le revenu en 1913-1914, s'est appliquée sans bruit et sans fureur. Car tous les Français comprennent que la réussite des uns entraîne celle des autres.
Nous réformons pour libérer celui qui entreprend et pour mettre de la concurrence partout où elle est nécessaire pour stimuler la créativité et abaisser les prix au bénéfice des consommateurs.
Nous préparons une remise à plat complète de notre fiscalité, et notamment celle des entreprises pour la rendre à la fois moins complexe et moins lourde. Une commission présidée par Jacques Attali et dans laquelle siégeaient plusieurs personnalités étrangères comme Mario Monti, vient de faire 316 propositions pour lever les freins qui pèsent sur notre croissance, et, dès les prochains mois, la majorité d'entre-elles seront mises en oeuvre.
Autre cliché récurrent, la France serait le pays où "l'on fait grève avant de négocier".
Les choses changent comme le prouve le récent compromis élaboré entre le patronat et les syndicats sur la réforme du marché du travail. Contrairement à nos vieilles habitudes centralisatrices, nous avons donné aux organisations syndicales une feuille de route précise, avec des échéances claires afin de moderniser le marché du travail et bâtir une "flexsécurité à la française".
Les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités. Un accord vient d'être trouvé autour d'un contrat de mission pour les cadres, de l'allongement des périodes d'essai, et de la rupture par consentement mutuel du contrat de travail pour éviter les procédures judiciaires sans fin.
On parle désormais de flexibilité, alors que ce mot était quasiment tabou il y a à peine un an ! Une nouvelle négociation vient de s'ouvrir : elle concerne la représentativité des syndicats et les règles de validation des accords.
Mon ambition, c'est que grâce au renouveau du dialogue social, la France adopte pleinement la culture de la concertation et du compromis, et cela au plus près des entrepreneurs et des salariés : c'est-à-dire dans l'entreprise.
Ces réformes convergent vers l'effacement d'une autre image dont nous entendons nous libérer : celle du pays dans lequel le chômage de masse serait une fatalité.
Cette fatalité là, c'est celle de la France d'hier. Aujourd'hui, notre taux de chômage est historiquement bas, puisqu'il est au niveau de 1982, à 7,9 %. Malgré cette performance, nous sommes encore au 24ème rang des pays européens.
5 % de chômeurs en 2012 : c'est notre objectif ! Pour mieux encadrer les demandeurs d'emplois, nous avons lancé un processus de fusion entre l'organisme qui a la responsabilité d'indemniser les chômeurs et celui qui a pour mission de leur trouver un travail.
"Le travail doit payer plus que l'assistance !". Cette phrase, on l'a entendue dans tous les colloques depuis 15 ans en France. Nous sommes passés à l'acte avec la création d'un revenu de solidarité active et la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Enfin, nous voulons augmenter le taux d'emploi des salariés âgés, qui est chez nous extrêmement bas, et qui est une des causes de nos difficultés, aussi bien en termes de croissance que de déficit des comptes sociaux. Notre stratégie commence à obtenir des résultats : sur les quatre derniers trimestres, la France a créé 312 000 emplois dans le secteur concurrentiel, et elle a créé 321 000 entreprises en 2007, en progression de 18 % par rapport à 2006.
Si on vous demandait de citer un pays où la dépense publique est insuffisamment rationalisée, vous seriez tentés de répondre "la France".
Si la France d'hier était peu scrupuleuse sur ce sujet, celle d'aujourd'hui le prend très au sérieux. Notre endettement public n'a cessé de croître depuis 1974. Nous voulons mettre un terme à cette spirale. Notre objectif est simple : retrouver l'équilibre des finances publiques au terme du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Et pour cela, nous avons décidé de geler les dépenses de l'Etat et les concours aux collectivités territoriales.
Nous avons engagé une réforme profonde de notre organisation publique, en supprimant les organismes qui n'ont plus leur utilité, en fusionnant ceux qui sont redondants, en évaluant le coût et l'efficacité de toutes nos politiques publiques. Depuis que la France s'est dotée d'un Etat moderne après la Révolution, on peut dire que le nombre de ses agents n'a fait qu'augmenter.
En 2007, nous prenons un virage historique, en supprimant un poste de fonctionnaire sur deux partants à la retraite, et il en sera ainsi durant les quatre prochaines années.
L'assainissement des dépenses publiques est un projet de longue haleine. Je le mènerai sans faillir, et, au terme du quinquennat, nos finances publiques seront en ordre.
Au chapitre des clichés, il y a aussi les cartes postales : le patrimoine, les petits villages "so pittoresque", le grand siècle de Louis XIV.
Remarquez : cette image a du vrai et du bon ! Mais nous refusons de devenir un pays musée. Nous prenons le virage de l'économie de l'intelligence.
Nous avons, sans attendre, lancé la réforme de nos universités pour qu'elles aient davantage de souplesse de gestion.
Nous avons augmenté considérablement le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous allons le booster de 10 % tous les ans pendant les cinq années qui viennent, alors même que les autres dépenses de l'Etat sont stabilisées ou réduites.
Nous avons décidé de tripler les incitations fiscales en faveur de la recherche. Sachez que si vous vous implantez en France, vous avez un crédit d'impôt sur les bénéfices pour toutes vos dépenses de recherche et développement qui est de 50 % les deux premières années, puis 30 % en régime de croisière. A quoi s'ajoutent d'autres incitations spécifiques.
Pour améliorer la productivité des entreprises françaises, nous investissons à marche forcée dans les secteurs des technologies stratégiques. Le soutien aux petites et moyennes entreprises a été entièrement réformé pour aider les entreprises à forte croissance à grandir. Et puis, nous avons créé un statut fiscal très privilégié pour les jeunes entreprises innovantes : c'est à l'amorçage que c'est le plus dur ; c'est à ce moment-là qu'il faut concentrer les aides.
Comment se tourner vers l'avenir sans réconcilier l'économie et l'écologie ?
Sans comprendre que le développement durable n'est plus une option, mais une nécessité vitale ? Comme l'écrivait Léopold Senghor : "Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants".
Nous nous sommes livrés à un exercice original, le "Grenelle de l'environnement" qui a associé l'Etat, les collectivités locales, les organisations syndicales et les associations, pour définir un programme concret qui met la croissance au service du développement durable.
Et puis, il y a "La France, pays qui a dit non à l'Europe" lors du référendum de 2005.
Conscients de notre part de responsabilité dans cette impasse, nous avons tout mis en oeuvre pour aider l'Europe à en sortir. Nous l'avons fait en proposant le Traité de Lisbonne, qui donne à l'Europe des institutions qui vont lui permettre de repartir de l'avant.
En tant que présidente de l'Union européenne à partir de juillet, la France compte bien démontrer qu'elle est de retour dans l'Europe et pour l'Europe.
J'en terminerai avec une opinion communément admise sur la France et qui, cette fois-ci, est vraiment un préjugé.
On dit parfois que la France est un pays frileux face à l'ouverture des marchés, qui voit la mondialisation d'un mauvais oeil.
C'est une illusion d'optique ! Nous sommes le 5ème pays exportateur de biens (et le 3ème pour les services), la 1ère destination touristique mondiale, le 3ème pays d'accueil des investissements dans le monde.
En réalité, les Français n'ont pas peur de la mondialisation, mais ils veulent y être mieux préparés pour agir et pas subir.
Comme vous, nous pensons que l'ouverture des marchés est la clé de la prospérité et du développement. Mais cela n'exclut pas un langage de vérité quand les conditions de la concurrence sont faussées. Avec nos partenaires européens, nous voulons faire davantage pour lutter contre les obstacles aux échanges et aux investissements, contre les pratiques commerciales contraires aux règles de l'OMC, contre la violation des droits de propriété intellectuelle.
Nous ne devons pas non plus ignorer les immenses défis que la mondialisation engendre, notamment en matière sociale ou environnementale.
Nous devons définir des politiques d'accompagnement pour les plus vulnérables, des politiques publiques adaptées comme le trade adjustment act aux Etats-Unis ou le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.
Les développements récents nous rappellent tous les jours que la stabilité des marchés financiers est vitale pour nos économies. Elle n'est pas acquise ! Avec nos partenaires européens, nos alliés du G8, les institutions financières internationales, nous devons renforcer la transparence des marchés et assurer la plus grande responsabilité de tous les acteurs intervenant sur les marchés financiers.
Christine Lagarde a obtenu de ses homologues européens que nous réfléchissions sur le rôle des agences de notation, le développement de règles internationales sur la liquidité des banques et le renforcement du rôle du FMI.
Nous pensons aussi qu'il est temps d'améliorer la coopération entre les superviseurs des marchés financiers européens. C'est le message que portera le président Sarkozy à l'occasion de la réunion des Européens du G8 le 29 janvier prochain.
Ici, à Davos, nous ne sommes pas seulement les observateurs d'une mondialisation parée de toutes les vertus. Notre monde a besoin de régulation et d'équilibre.
Pour cela, il faut oeuvrer à la réforme des institutions multilatérales.
En particulier, la France mettra tout en oeuvre pour que le G8 devienne progressivement un G13 en intégrant la Chine, le Brésil, l'Inde, le Mexique et l'Afrique du Sud. Et elle continuera à se battre pour que l'Allemagne, le Japon, le Brésil, l'Inde deviennent membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, avec une représentation équitable du continent africain.
La Banque mondiale et le FMI doivent être repensés. Dominique Strauss-Kahn et Robert Zoellick ont pour mandat de renforcer la voix des pays en développement en échange d'une plus grande acceptation par ces derniers des disciplines collectives.
Mesdames et Messieurs,
La France change. Mon gouvernement a déjà réformé plus que tout autre gouvernement en huit mois.
Cette dynamique ne s'arrêtera pas. Elle enrichit des constantes, des traits de caractères permanents qui font que la France est... la France ! Il y a cette intelligence et cette créativité qui expliquent que nos salariés aient une productivité horaire si élevée.
Il y a aussi cet art de vivre, cette croyance en l'autorité de l'Etat, ce souci de la qualité du service public, cette conscience de n'être nous-mêmes que dans la grandeur.
La France change, mais les Français restent fidèles à eux-mêmes dans leur impatience, je veux dire dans leur esprit rebelle qui les pousse toujours à vouloir aller plus loin et plus haut.
C'est un défi que le Premier ministre que je suis doit relever tous les jours !source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 janvier 2008
Mesdames et Messieurs,
France on the move !
On ne peut pas mieux décrire ce qui se passe en France depuis 8 mois. C'est la première fois qu'un chef du gouvernement français se déplace à Davos pour le World economic forum !
Ma présence, aujourd'hui, est un symbole : celui d'une France qui veut parler à tout le monde, d'une France qui veut participer à tous les forums internationaux, d'une France qui veut réoccuper toute sa place dans les grands débats sur l'avenir de l'économie mondiale. D'autant que cet avenir ne va pas de soi !
Les interrogations sont nombreuses sur le fonctionnement de l'économie mondialisée. La crise des "subprimes", le sérieux décrochage des marchés d'action en début de semaine font peser des menaces sur la croissance mondiale et altèrent la confiance. L'urgence commande de rétablir cette confiance. Comment ?
D'abord en faisant toute la transparence sur l'exposition aux "subprimes" des acteurs financiers. Ensuite en renforçant la coordination des autorités de régulation. Cette crise pose en effet la question de la régulation des marchés financiers. La liberté sans régulation c'est le désordre.
Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Gordon Brown avaient d'ailleurs, dès cet automne, fait des propositions dans ce sens. Il est temps que des mesures concrètes soient prises.
Il est vrai que l'Europe se trouve dans une situation conjoncturelle différente des Etats-Unis. Les fondamentaux de l'économie européenne sont globalement sains et cela vaut particulièrement pour la France. Chez nous, les ménages sont peu endettés, les résultats des entreprises sont bons, le marché immobilier résiste, la situation de l'emploi continue d'être bien orientée.
Mais la France n'est pas un pays isolé ! Et cette mauvaise passe conjoncturelle nous commande, plus que jamais, de faire en France les réformes structurelles dont nous avons besoin.
J'aime mon pays. Comme tous les Français je supporte mal qu'il soit décrié. Quand j'ai lu, en octobre 2006 le portrait qu'en faisait "The Economist" je me suis promis de tout mettre en oeuvre pour en rétablir l'image ! Que disait ce magazine britannique et néanmoins vénérable ? "Something seems very wrong with this country, (...) 'the sick man of Europe' appears beset now by political and economic instability and by civil unrest and disorder (...) Alarmist talk about France has become commonplace. Home-grown titles such as "France in Freefall", "Gallic Illusions" and "France's Malheur" crowd the bookshelves. (...) "Declinism" has become a school of thought. Pessimism prevails."
Si je rappelle les traits peu flatteurs sous lesquels la presse internationale peint parfois mon pays, ce n'est pas pour alimenter la caricature !
Ce que je suis venu vous dire, c'est que les clichés qui ont cours au sujet de la France appartiennent au passé.
La première idée reçue sur la France, ce serait sa soi-disant déprime chronique.
Ca, c'est la France d'hier. Nous sortons d'une longue période d'immobilisme et d'hésitations. Notre pays a connu une crise de confiance, due au fait que les majorités qui se sont succédées depuis un quart de siècle ne tenaient pas leurs engagements et appréhendaient de réformer en profondeur.
Eh bien, l'élection de 2007 a balayé cette situation. Les Français y ont massivement participé, alors même qu'ils se rendaient de moins en moins aux urnes. Ils ont manifesté une volonté de rupture et une adhésion à un projet réformiste clairement assumé. Ils ont donné le signal d'une évolution des mentalités en choisissant une équipe qui a réfuté toutes les vieilles idées qui sonnaient faux : non, l'entreprise n'est pas l'ennemie du salarié ; non, le travail n'est pas une aliénation mais une valeur émancipatrice ; non, la mondialisation n'est pas une option, mais un fait !
Le symbole de ce nouvel état d'esprit, c'est notre réforme des régimes spéciaux de retraites qui avait fait reculer tous les gouvernements. Pour la première fois depuis longtemps, le gouvernement n'a pas renoncé devant les grèves, qui ont duré 9 jours. Sa fermeté est allée de pair avec un dialogue permanent avec les syndicats.
Et pour la première fois depuis longtemps, près de 70 % des Français ont soutenu la réforme, alors même qu'ils étaient handicapés par la grève des transports publics.
Cette évolution des mentalités, c'est aussi le résultat d'un choix politique : celui de l'ouverture. L'affrontement binaire, camp contre camp, a fait perdre du temps à la France. Avec Nicolas Sarkozy, le gouvernement s'ouvre à toutes les compétences et à des personnalités de la gauche et du centre.
Pour beaucoup d'observateurs, la France serait aussi le pays qui hésiterait à voir la réalité économique telle qu'elle est.
Ca, c'est la France d'avant.
Notre pays est conscient de son décrochage et il n'esquive plus les faits. Nous avons grosso modo un point de croissance de moins et un point de chômage en plus que les meilleurs pays européens, et ceci depuis longtemps. Avec Nicolas Sarkozy, nous avons entrepris de réveiller l'économie française en valorisant le travail, le mérite et la prise du risque.
Dès notre arrivée au pouvoir, nous avons pris des mesures pour stimuler le recours aux heures supplémentaires. En l'espace de deux mois, la moitié des entreprises font profiter leurs salariés de cette possibilité de gagner plus en travaillant plus.
Nous avons allégé les droits de succession et de donation, ainsi que l'impôt sur la fortune en permettant qu'il soit réinvesti dans les PME.
Nous avons édicté une règle de bon sens : personne ne doit payer en impôts plus que la moitié de ce qu'il gagne. Et cette décision, dans le pays qui a connu un de ses débats économiques les plus polémiques lors de la création de l'impôt sur le revenu en 1913-1914, s'est appliquée sans bruit et sans fureur. Car tous les Français comprennent que la réussite des uns entraîne celle des autres.
Nous réformons pour libérer celui qui entreprend et pour mettre de la concurrence partout où elle est nécessaire pour stimuler la créativité et abaisser les prix au bénéfice des consommateurs.
Nous préparons une remise à plat complète de notre fiscalité, et notamment celle des entreprises pour la rendre à la fois moins complexe et moins lourde. Une commission présidée par Jacques Attali et dans laquelle siégeaient plusieurs personnalités étrangères comme Mario Monti, vient de faire 316 propositions pour lever les freins qui pèsent sur notre croissance, et, dès les prochains mois, la majorité d'entre-elles seront mises en oeuvre.
Autre cliché récurrent, la France serait le pays où "l'on fait grève avant de négocier".
Les choses changent comme le prouve le récent compromis élaboré entre le patronat et les syndicats sur la réforme du marché du travail. Contrairement à nos vieilles habitudes centralisatrices, nous avons donné aux organisations syndicales une feuille de route précise, avec des échéances claires afin de moderniser le marché du travail et bâtir une "flexsécurité à la française".
Les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités. Un accord vient d'être trouvé autour d'un contrat de mission pour les cadres, de l'allongement des périodes d'essai, et de la rupture par consentement mutuel du contrat de travail pour éviter les procédures judiciaires sans fin.
On parle désormais de flexibilité, alors que ce mot était quasiment tabou il y a à peine un an ! Une nouvelle négociation vient de s'ouvrir : elle concerne la représentativité des syndicats et les règles de validation des accords.
Mon ambition, c'est que grâce au renouveau du dialogue social, la France adopte pleinement la culture de la concertation et du compromis, et cela au plus près des entrepreneurs et des salariés : c'est-à-dire dans l'entreprise.
Ces réformes convergent vers l'effacement d'une autre image dont nous entendons nous libérer : celle du pays dans lequel le chômage de masse serait une fatalité.
Cette fatalité là, c'est celle de la France d'hier. Aujourd'hui, notre taux de chômage est historiquement bas, puisqu'il est au niveau de 1982, à 7,9 %. Malgré cette performance, nous sommes encore au 24ème rang des pays européens.
5 % de chômeurs en 2012 : c'est notre objectif ! Pour mieux encadrer les demandeurs d'emplois, nous avons lancé un processus de fusion entre l'organisme qui a la responsabilité d'indemniser les chômeurs et celui qui a pour mission de leur trouver un travail.
"Le travail doit payer plus que l'assistance !". Cette phrase, on l'a entendue dans tous les colloques depuis 15 ans en France. Nous sommes passés à l'acte avec la création d'un revenu de solidarité active et la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Enfin, nous voulons augmenter le taux d'emploi des salariés âgés, qui est chez nous extrêmement bas, et qui est une des causes de nos difficultés, aussi bien en termes de croissance que de déficit des comptes sociaux. Notre stratégie commence à obtenir des résultats : sur les quatre derniers trimestres, la France a créé 312 000 emplois dans le secteur concurrentiel, et elle a créé 321 000 entreprises en 2007, en progression de 18 % par rapport à 2006.
Si on vous demandait de citer un pays où la dépense publique est insuffisamment rationalisée, vous seriez tentés de répondre "la France".
Si la France d'hier était peu scrupuleuse sur ce sujet, celle d'aujourd'hui le prend très au sérieux. Notre endettement public n'a cessé de croître depuis 1974. Nous voulons mettre un terme à cette spirale. Notre objectif est simple : retrouver l'équilibre des finances publiques au terme du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Et pour cela, nous avons décidé de geler les dépenses de l'Etat et les concours aux collectivités territoriales.
Nous avons engagé une réforme profonde de notre organisation publique, en supprimant les organismes qui n'ont plus leur utilité, en fusionnant ceux qui sont redondants, en évaluant le coût et l'efficacité de toutes nos politiques publiques. Depuis que la France s'est dotée d'un Etat moderne après la Révolution, on peut dire que le nombre de ses agents n'a fait qu'augmenter.
En 2007, nous prenons un virage historique, en supprimant un poste de fonctionnaire sur deux partants à la retraite, et il en sera ainsi durant les quatre prochaines années.
L'assainissement des dépenses publiques est un projet de longue haleine. Je le mènerai sans faillir, et, au terme du quinquennat, nos finances publiques seront en ordre.
Au chapitre des clichés, il y a aussi les cartes postales : le patrimoine, les petits villages "so pittoresque", le grand siècle de Louis XIV.
Remarquez : cette image a du vrai et du bon ! Mais nous refusons de devenir un pays musée. Nous prenons le virage de l'économie de l'intelligence.
Nous avons, sans attendre, lancé la réforme de nos universités pour qu'elles aient davantage de souplesse de gestion.
Nous avons augmenté considérablement le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous allons le booster de 10 % tous les ans pendant les cinq années qui viennent, alors même que les autres dépenses de l'Etat sont stabilisées ou réduites.
Nous avons décidé de tripler les incitations fiscales en faveur de la recherche. Sachez que si vous vous implantez en France, vous avez un crédit d'impôt sur les bénéfices pour toutes vos dépenses de recherche et développement qui est de 50 % les deux premières années, puis 30 % en régime de croisière. A quoi s'ajoutent d'autres incitations spécifiques.
Pour améliorer la productivité des entreprises françaises, nous investissons à marche forcée dans les secteurs des technologies stratégiques. Le soutien aux petites et moyennes entreprises a été entièrement réformé pour aider les entreprises à forte croissance à grandir. Et puis, nous avons créé un statut fiscal très privilégié pour les jeunes entreprises innovantes : c'est à l'amorçage que c'est le plus dur ; c'est à ce moment-là qu'il faut concentrer les aides.
Comment se tourner vers l'avenir sans réconcilier l'économie et l'écologie ?
Sans comprendre que le développement durable n'est plus une option, mais une nécessité vitale ? Comme l'écrivait Léopold Senghor : "Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants".
Nous nous sommes livrés à un exercice original, le "Grenelle de l'environnement" qui a associé l'Etat, les collectivités locales, les organisations syndicales et les associations, pour définir un programme concret qui met la croissance au service du développement durable.
Et puis, il y a "La France, pays qui a dit non à l'Europe" lors du référendum de 2005.
Conscients de notre part de responsabilité dans cette impasse, nous avons tout mis en oeuvre pour aider l'Europe à en sortir. Nous l'avons fait en proposant le Traité de Lisbonne, qui donne à l'Europe des institutions qui vont lui permettre de repartir de l'avant.
En tant que présidente de l'Union européenne à partir de juillet, la France compte bien démontrer qu'elle est de retour dans l'Europe et pour l'Europe.
J'en terminerai avec une opinion communément admise sur la France et qui, cette fois-ci, est vraiment un préjugé.
On dit parfois que la France est un pays frileux face à l'ouverture des marchés, qui voit la mondialisation d'un mauvais oeil.
C'est une illusion d'optique ! Nous sommes le 5ème pays exportateur de biens (et le 3ème pour les services), la 1ère destination touristique mondiale, le 3ème pays d'accueil des investissements dans le monde.
En réalité, les Français n'ont pas peur de la mondialisation, mais ils veulent y être mieux préparés pour agir et pas subir.
Comme vous, nous pensons que l'ouverture des marchés est la clé de la prospérité et du développement. Mais cela n'exclut pas un langage de vérité quand les conditions de la concurrence sont faussées. Avec nos partenaires européens, nous voulons faire davantage pour lutter contre les obstacles aux échanges et aux investissements, contre les pratiques commerciales contraires aux règles de l'OMC, contre la violation des droits de propriété intellectuelle.
Nous ne devons pas non plus ignorer les immenses défis que la mondialisation engendre, notamment en matière sociale ou environnementale.
Nous devons définir des politiques d'accompagnement pour les plus vulnérables, des politiques publiques adaptées comme le trade adjustment act aux Etats-Unis ou le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.
Les développements récents nous rappellent tous les jours que la stabilité des marchés financiers est vitale pour nos économies. Elle n'est pas acquise ! Avec nos partenaires européens, nos alliés du G8, les institutions financières internationales, nous devons renforcer la transparence des marchés et assurer la plus grande responsabilité de tous les acteurs intervenant sur les marchés financiers.
Christine Lagarde a obtenu de ses homologues européens que nous réfléchissions sur le rôle des agences de notation, le développement de règles internationales sur la liquidité des banques et le renforcement du rôle du FMI.
Nous pensons aussi qu'il est temps d'améliorer la coopération entre les superviseurs des marchés financiers européens. C'est le message que portera le président Sarkozy à l'occasion de la réunion des Européens du G8 le 29 janvier prochain.
Ici, à Davos, nous ne sommes pas seulement les observateurs d'une mondialisation parée de toutes les vertus. Notre monde a besoin de régulation et d'équilibre.
Pour cela, il faut oeuvrer à la réforme des institutions multilatérales.
En particulier, la France mettra tout en oeuvre pour que le G8 devienne progressivement un G13 en intégrant la Chine, le Brésil, l'Inde, le Mexique et l'Afrique du Sud. Et elle continuera à se battre pour que l'Allemagne, le Japon, le Brésil, l'Inde deviennent membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, avec une représentation équitable du continent africain.
La Banque mondiale et le FMI doivent être repensés. Dominique Strauss-Kahn et Robert Zoellick ont pour mandat de renforcer la voix des pays en développement en échange d'une plus grande acceptation par ces derniers des disciplines collectives.
Mesdames et Messieurs,
La France change. Mon gouvernement a déjà réformé plus que tout autre gouvernement en huit mois.
Cette dynamique ne s'arrêtera pas. Elle enrichit des constantes, des traits de caractères permanents qui font que la France est... la France ! Il y a cette intelligence et cette créativité qui expliquent que nos salariés aient une productivité horaire si élevée.
Il y a aussi cet art de vivre, cette croyance en l'autorité de l'Etat, ce souci de la qualité du service public, cette conscience de n'être nous-mêmes que dans la grandeur.
La France change, mais les Français restent fidèles à eux-mêmes dans leur impatience, je veux dire dans leur esprit rebelle qui les pousse toujours à vouloir aller plus loin et plus haut.
C'est un défi que le Premier ministre que je suis doit relever tous les jours !source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 janvier 2008