Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, à RMC le 15 janvier 2008, sur les règles de commercialisation des médicaments et le paiement des heures supplémentaires des personnels hospitaliers.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Hier matin, à votre place, nous avions M.-E. Leclerc, qui affirmait qu'il allait bientôt pouvoir vendre des médicaments en grandes surfaces. Alors, oui ou non, va-t-on bientôt pouvoir acheter des médicaments, des médicaments non prescrits et non remboursés, en grandes surfaces ?
 
R.- Non.
 
Q.- Non ?
 
R.- Parce que ce n'est pas parce qu'un médicament n'est pas remboursé que ce n'est pas un médicament efficace. Il n'est pas question de banaliser le médicament, on ne va pas vendre des médicaments entre une boîte de petits pois et une boîte de carottes. En plus, il faut...
 
Q.- Il dit : "j'ai embauché 160 pharmaciens" !!
 
R.- Oui, non, mais attendez, ce qui est important, c'est que le titulaire de l'officine soit un pharmacien responsable. Il y a aussi une question de responsabilité. Un pharmacien salarié est évidemment sous la responsabilité, il est l'employé de quelqu'un qui n'est pas pharmacien, qui ne connaît donc rien à la pharmacie, rien aux effets secondaires d'un médicament et il est évidemment sous la coupe, si j'ose dire, de quelqu'un qui n'exerce pas une responsabilité pharmaceutique. C'est donc une question de santé publique et de protection du consommateur que le médicament qui, je le répète, n'est pas un produit banal - regardez l'aspirine, par exemple, qui est un produit qui est vendu sans ordonnance, c'est un produit avec des indications, des contre-indications, des effets secondaires. Il s'agit que le médicament soit vendu dans un environnement sécurisé.
 
Q.- Donc, vous dites "non" ?
 
R.- Non !
 
Q.-...même si la commission Attali le recommande ?
 
R.- Oui, la commission Attali se base sur des... j'allais dire, des présupposés purement économiques, et nous sommes dans une question de santé publique.
 
Q.- Regardons maintenant le paiement des heures supplémentaires et des journées de RTT accumulées dans les hôpitaux. Commençons avec les heures supplémentaires : 23 millions d'heures supplémentaires accumulées vont-elles êtres payées ?
 
R.- Oui, ces heures supplémentaires vont être payées. Nous sommes en ce moment en négociation avec les personnels - cela concerne surtout les heures surtout les heures supplémentaires des personnels non médicaux, puisque les praticiens hospitaliers, qui n'ont pas d'heures supplémentaires, sont surtout concernés par les comptes épargne-temps.
 
Q.- Voilà, les fameux CET.
 
R.- Donc, nous avons commencé les négociations avec les personnels non médicaux, ces négociations vont se terminer le 22 janvier...vont se terminer, la dernière réunion est prévue le 22 janvier, et j'ai bon espoir que nous arrivions à un accord puisqu'il y a un certain nombre de modalités à faire.
 
Q.- Donc, les heures supplémentaires seront payées, et à quel taux ?
 
R.- Justement, c'est l'objet de la négociation avec les huit organisations représentatives de la fonction publique hospitalière.
 
Q.- Taux supérieur au taux horaire habituel ?
 
R.- Nous sommes en discussion. Vous me permettrez donc, J.-J. Bourdin, de ne pas préempter, quel que soit le désir que vous en ayez, de ne pas préempter sur les discussions.
 
Q.- Et payées quand ?
 
R.- Alors, ce que j'espère, si nous arrivons à un accord le 22 janvier, ce qui est tout à fait possible, et ce que j'espère donc, nous pourrions avoir un paiement au plus tard avec le mois d'avril, mais pourquoi pas en mars, si nous arrivons assez vite.
 
Q.- Sur la feuille de paye de mars ou sur la feuille de paye d'avril ?
 
R.- Voilà.
 
Q.- En ce qui concerne maintenant...
 
R.- Et pas échelonné en plusieurs fois, comme cela a été souvent le cas. En une seule fois.
 
Q.- En ce qui concerne maintenant le compte épargne-temps, le fameux CET accumulé par le personnel soignant, les médecins, notamment...
 
R.- Les médecins, c'est-à-dire que ce sont les médecins qui ont comparativement, en moyenne, 42 jours de compte épargne-temps stockés sur ce compte ; les personnels non médical, environ trois jours.
 
Q.- Trois jours et demi par agent hospitalier, infirmières, aides-soignantes. Cela va-t-il être payé ?
 
R.- Alors, le compte épargne-temps au départ n'avait pas vocation à être payé. Au départ, il sert à prendre des jours de repos.
 
Q.- Non, au départ, non, mais, pardonnez-moi, mais le président de la République a changé les choses, changé la donne.
 
R.- Je vais y arriver. Donc, effectivement, il avait vocation... les personnels avaient vocation, à être remplacés, c'est pour cela d'ailleurs que les hôpitaux avaient provisionné de l'argent pour payer des remplaçants. On ne trouve pas, hélas ! de remplaçants. Donc, ce que le président de la République a proposé c'est qu'une partie de ces comptes épargne-temps soient monétarisés, transformés en argent. C'est l'objet de notre négociation : à quel taux va-t-on payer ces comptes épargne-temps aux praticiens hospitaliers et aux personnels non médical ?
 
Q.- Mais vous allez donc payer une partie de...
 
R.- Une partie...
 
Q.- Une partie seulement ?
 
R.- Mais oui, parce que les praticiens hospitaliers, le personnel, souhaitent garder ces congés. Ils souhaitent les prendre soit au fil de l'eau, soit les prendre...
 
Q.- Combien, la moitié, un tiers ?
 
R.- C'est aussi un des buts de la négociation. Les enveloppes...
 
Q.- Que souhaitez-vous ?
 
R.-...les enveloppes ne sont pas extensibles. Ecoutez, je ne vais pas... Là aussi, permettez-moi, J.-J. Bourdin, de ne pas préempter sur le débat, surtout que la prochaine réunion commence, là, quand je vais vous quitter...
 
Q.- Je sais, à 9h30.
 
R.-...à 9h30, voilà. Donc, les personnels souhaitent pouvoir garder une partie de ces comptes épargne-temps. Et puis, troisième point, certains souhaitent transformer - et cela c'est une négociation que nous menons avec E. Woerth - une partie de ces comptes épargne-temps pour avoir des points de retraite, donc cela c'est important. Et d'ores et déjà...
 
Q.- Vous êtes favorable à cela ?
 
R.- Oui, je trouve que c'est une bonne idée. D'ores et déjà, il y a quelque chose de très important qui a été acté, c'est que les comptes épargne-temps seront transmis, sont transmissibles aux ayants-droit, aux héritiers. Il y a un décès, vous êtes titulaire d'un compte épargne-temps sur lequel est stocké un certain nombre de jours, dans l'état actuel de la législation, ce n'était pas transmissible à vos héritiers. Donc, cela, c'est un point qui a été arbitré en ma faveur, et en la faveur des personnels par le Premier ministre. Et au prochain Conseil supérieur de la fonction publique, le décret sera examiné.
 
Q.- Certains parlent aussi d'exonération d'impôt sur le revenu ?
 
R.- Oui, non...Là aussi, c'est une négociation qui ne relève pas...
 
Q.- Les syndicats, certains syndicats qui demandent cela...
 
R.-...ne relève pas du ministère de la santé. Ce dont je m'occupe c'est : j'ai l'argent pour payer les heures supplémentaires et pour monétariser une partie des comptes épargne-temps, nous sommes en négociation, et ces négociations avancent bien.
 
Q.- Vous avez entendu les urgentistes, qui ont le blues ?
 
R.- Oui mais ce qui est important, c'est de se dire que la négociation ne s'arrête pas avec le paiement des comptes épargne-temps et le paiement des heures supplémentaires. C'est très important parce qu'il faut restaurer la confiance. J'ai décidé de créer un Conseil supérieur de l'urgence et de la permanence des soins pour traiter toutes les questions des urgentistes : les conditions de travail, les salaires, l'attractivité des métiers. Je suis rentrée dans une grande période de réforme.
 
Q.- J'ai reçu le témoignage d'un urgentiste, qui me dit, et qui m'écrit : "On s'aperçoit auprès des plus jeunes que l'hôpital public n'est pas attractif et que la vie de famille est de plus en plus un critère de choix par rapport à ce qui se passait il y a 20 ans, par exemple. Je suis entrée dans l'hôpital public par conviction, mais sur le plan personnel, c'est dur aujourd'hui, on fait des heures supplémentaires que l'on ne peut même pas récupérer pour vivre une vie de famille correcte. Avant tout, je voudrais ne pas divorcer. Quant à mes enfants, je n'en parle même pas, je n'ai pas assez de temps pour voir tout".
 
R.- Ce n'est pas seulement la question des urgentistes, parce que la question de l'attractivité des métiers de l'hôpital est une question globale...
 
Q.- Essentielle...
 
R.- Et c'est dans les trois axes d'action que je veux définir pour l'hôpital, c'est-à-dire, la gouvernance de l'hôpital, les coopérations territoire, l'attractivité des métiers de l'hôpital. Et mon troisième chantier, c'est un chantier tout à fait considérable, qui demande un dialogue social tout à fait fourni, parce que les urgentistes plaident, ils ont raison, ils ont très souvent la possibilité d'accès...
 
Q.- Oui, ils ne sont pas les seuls...
 
R.-...aux métiers. Mais il y a les infirmières, il y a les aides-soignantes...
 
Q.- Bien sûr, on est d'accord.
 
R.- ...il y a tout le personnel hospitalier. On a un problème d'attractivité des métiers de l'hôpital, et qui n'est pas seulement un problème de salaire, parce que la rémunération des urgentistes, ils le reconnaissent eux-mêmes, est un rémunération qu'ils qualifient eux-mêmes de convenables. C'est vrai, les conditions ont changé, on souhaite concilier vie familiale et vie professionnelle dans un environnement qui s'est aussi beaucoup féminisé dans ces professions de l'hôpital, et c'est tout à fait heureux d'ailleurs. Donc, ce travail nous sommes en train de le mener avec eux et avec elles. [...]
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 janvier 2008