Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur la poursuite des procédures de gestion du patrimoine immobilier de l'Etat, à l'Assemblée nationale le 16 janvier 2008.

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Circonstance : Intervention à la Commission des finances de l'Assemblée nationale, à Paris le 16 janvier 2008

Texte intégral


Monsieur le président (de la commission),
Monsieur le rapporteur général,
Monsieur le rapporteur spécial (du CAS / Yves Deniaud),
Monsieur le président (du CIE),
Mesdames et messieurs les députés,
Je suis très heureux de venir aujourd'hui débattre avec vous des évolutions de notre politique immobilière et de reprendre ainsi le fil de la discussion que nous avions engagée lors de la commission élargie du 8 novembre dernier.
L'intérêt de votre commission pour la politique immobilière de l'Etat ne se dément pas et j'en suis heureux, car vous avez été une force motrice essentielle pour moderniser cette politique. Je souhaite que cette collaboration étroite se poursuive, ce qui est d'autant plus essentiel que nous sommes à une période charnière de notre politique immobilière.
Nous avons appris à connaître notre patrimoine et à le céder. Je souhaite que, désormais, nous soyons également capables de le gérer, dans l'optique que vous avez toujours défendue et à laquelle j'adhère tout à fait : celle d'un Etat propriétaire unique.
Revenons tout d'abord en arrière quelques instants, si vous le voulez bien. Même si la route devant nous est encore longue (j'y reviendrai tout à l'heure), il ne faut pas oublier d'où nous venons et le constat alarmant que dressait Georges Tron il y a seulement trois ans. Mesurons les progrès accomplis.
Souvenons-nous que l'Etat était incapable d'atteindre des objectifs de cessions immobilières de 100 Meuros par an que fixait le Parlement, alors que nous savions tous qu'il existait de très nombreux immeubles mal utilisés, mal entretenus, inutiles au service public. Or, comme je l'ai écrit à votre président, le résultat (provisoire) des cessions de l'année 2007 dépasse ainsi très largement l'objectif de 500 Meuros. A la date du 3 janvier 2008, le produit des cessions s'établissait à 808 Meuros, ce qui excède encore le produit de 2007 (799 Meuros), certes avec une opération exceptionnelle plus importante, avenue Kléber. Le résultat de la cession de la rue Monsieur (142 Meuros) a dépassé toutes les estimations et toutes les espérances. Pour 2007, comme pour 2006, les résultats de cession sont excellents et la contribution au désendettement s'est établie autour de 15 %, en conformité avec le taux estimé dans la LFI. L'intérêt financier de ces opérations pour l'Etat est donc établi.
Par ailleurs, nous pouvons maintenant gérer notre patrimoine immobilier avec des outils adaptés, dont nous ne disposions pas il y a quelques années : un tableau général des propriétés de l'Etat mis à jour et un droit domanial plus souple (qui permet de vendre des immeubles occupés et donc de réaliser les opérations de relogement en trésorerie positive, comme le font tous les opérateurs immobiliers privés). Nos procédures de cession sont efficaces, publiques et transparentes.
De la même manière, les administrations planifient leurs besoins, à travers des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI), dans le respect des normes immobilières (notamment le ratio de 12 m²/agent). Les premiers SPSI étaient imparfaits. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé aux ministères de représenter une nouvelle version, plus ambitieuse et plus adaptée aux réformes de leur organisation et de leurs missions, dans le cadre de la RGPP. Si une administration ne remplace pas un départ à la retraite sur deux, mutualise ses fonctions support et divise par deux le nombre de ses directions de centrale, elle a besoin de surfaces plus réduites. Il faut le quantifier, le planifier et accompagner le ministère dans cette réduction. C'est le travail que nous allons faire avec les ministères dans les semaines à venir, avec l'aide des équipes d'expertise de la RGPP et sous le contrôle du CIE, qui entendra chaque ministère et sur les observations duquel j'ai appelé l'attention de chacun de mes collègues.
Nous avons une évaluation des biens, des outils, des procédures, une planification. Nous avons pu constater que le marché répond présent quand nous faisons appel à lui. Il faut poursuivre la professionnalisation de la fonction immobilière.
Parlons maintenant des nouveautés, car nous sommes à un moment charnière. Pour en rester un instant aux cessions, l'année 2008 va être l'occasion de faire très significativement évoluer nos procédures. J'ai souhaité introduire plusieurs innovations, pour améliorer encore cette gestion patrimoniale et répondre aux justes critiques, qui ont pu être formulées :
1/ l'insertion d'une clause d'intéressement aux plus-values ultérieures, qui a été rédigée par des spécialistes du secteur (notamment notariaux). Elle permettra de garantir que l'Etat réalise bien la cession à la valeur de marché, puisqu'une telle clause dissuade le spéculateur, mais pas l'acquéreur prêt à payer le vrai prix. Ainsi, la mise en vente de l'immeuble de la rue Amelot (dont la première publicité a été publiée dans le Figaro le 10 janvier dernier) comporte une telle clause.
2/ l'expérimentation de la location longue durée en lieu et place de la cession définitive, que je souhaite entamer avec la cession de l'hôtel de Seignelay, un bâtiment historique affecté à Bercy et qui abritait le ministère des PME, rue de Lille. Pour des biens de ce type, nous avons intérêt à ce qu'ils puissent revenir dans le patrimoine de l'Etat, à terme et après un bon entretien. Ce sera la meilleure réponse aux critiques de ceux qui pensent que la bonne gestion du patrimoine immobilier de l'Etat revient à dilapider les « bijoux de famille ». Afin d'étudier le bénéfice comparé d'une telle opération avec la cession définitive, nous ferons appel à une banque conseil.
3/ l'utilisation du portage pour un bien ayant vocation à être utilisé durablement par l'Etat, comme nous y incitait l'amendement Marini adopté au Sénat en décembre dernier lors du débat sur la LFI 2008. La SOVAFIM, foncière publique, étudie en ce moment la possibilité de réaliser un tel portage pour l'immeuble de l'avenue Bosquet, qui devrait être mis à disposition de l'OIF, comme vient de vous le confirmer le Premier ministre par lettre, en lieu et place de la solution envisagée auparavant avenue de Ségur, que vous aviez critiquée à juste titre.
Enfin et surtout, j'ai souhaité ne pas attendre son inscription dans les textes pour mettre en oeuvre la procédure d'avis préalable du CIE, que je vous avais annoncée le 25 septembre dernier. Cette nouvelle procédure est très importante, car je souhaite pouvoir prendre des décisions de manière éclairée sur les opérations immobilières les plus importantes proposées par les administrations. En outre, elle amène France Domaine et les ministères concernés à venir expliquer leurs opérations devant les professionnels du CIE, ce qui a un grand intérêt pédagogique. Ca me semble au coeur du rôle de conseil de surveillance que je souhaite faire jouer au CIE et aux professionnels qui le composent.
Mais les principales évolutions sont encore à venir et vont modifier le rôle même du Domaine. Comme je vous l'avais annoncé lors de mon audition par le CIE, j'ai proposé en tant que rapporteur général de la RGPP le passage définitif à l'Etat propriétaire. Le conseil de la modernisation des politiques publiques l'a accepté le 12 décembre dernier.
Je souhaite donc vous faire part des premières pistes de réforme que nous étudions pour améliorer cette gestion. Je serai heureux de connaître votre avis sur des changements de procédure qui constitueront une petite révolution vis-à-vis des ministères occupants.
S'agissant du CAS et du retour sur cessions, que vous avez souvent mis en exergue comme le symptôme de l'éclatement entre des quasi-propriétaires, j'avais dit lors de la réunion du CIE du 25 septembre dernier que cette règle de 85 % n'était pas inscrite dans le marbre.
J'observe tout d'abord qu'elle est moins favorable aux quasi-propriétaires qu'on ne le dit. S'agissant des produits de cession de plus de 2 ME, il n'existe aujourd'hui aucun « droit » des administrations à bénéficier d'un retour. Nous regardons chaque dossier de remploi avec un oeil critique, en vue de promouvoir un meilleur respect de nos orientations : le ratio de 12 m²/agent, la réduction des surfaces. Il y a d'ailleurs un solde important sur le CAS. Il est du pour partie au décalage résultant des opérations de relogement, mais aussi au fait que des opérations de remploi ne consomment pas la totalité des produits de cession. A titre d'exemple, le relogement de la Douane a coûté 45 % du produit de cession, ce qui est tout à fait dans la norme de la réalisation de ce type d'opérations pour des bureaux privés. Le gain pour les finances publiques est donc très supérieur à la contribution au désendettement (environ 15 %) qui est affectée automatiquement. Tout produit qui n'est pas réemployé, provisoirement ou définitivement, est un apport en trésorerie, qui contribue de fait à réduire le besoin de financement de l'Etat. Le contribuable est donc gagnant dans ce dispositif, dans une proportion bien supérieure à 15 % des cessions.
Cependant, vous avez raison : nous devons également en ce domaine tirer les conséquences du passage à l'Etat propriétaire et conjuguer trois objectifs dans l'utilisation des produits de cession :
1/ l'incitation des administrations à réduire les surfaces et les coûts, en finançant le relogement quand elles permettent à l'Etat de réaliser une bonne opération.
2/ une meilleure mutualisation des produits immobiliers. Nous devons mettre fin à cette situation, où certaines administrations sont logées dans des bâtiments trop grands, alors que d'autres ont des besoins mais restent sont locataires. Il ne faut plus que les cessions servent à pérenniser les inégalités de répartition issues des affectations.
3/ la contribution à l'effort de désendettement.
C'est pourquoi je vais demander à la DB et à France Domaine de modifier les règles d'intéressement. La contribution de 15 % doit être maintenue. Le montant du retour doit être abaissé, dans une proportion à définir. La marge nouvelle ainsi dégagée devra permettre de financer la mutualisation de ces produits, c'est-à-dire qu'elle devra pouvoir être utilisée au profit de toute opération intéressante du point de vue de l'efficience immobilière, même et surtout pour une administration dépourvue de produits de cessions.
S'agissant des prises à bail, les opérateurs immobiliers importants ont professionnalisé la négociation et la gestion des baux, comme c'est le cas de Poste Immo, qui gère ainsi 10 000 baux communaux de bureaux de poste. Nous devons suivre le même chemin, en commençant par les baux les plus importants en valeur.
Je propose donc une procédure de négociation par France Domaine, après détermination d'un cahier des charges avec le futur occupant. Cela aura un double avantage. Tout d'abord, cela améliorera le professionnalisme de la négociation, assis sur la connaissance du marché. Ensuite, cela évitera la situation actuelle, où les administrations négocient et ne font appel au Domaine que pour l'avis domanial, dont elles ne comprennent pas qu'il puisse être négatif, ce qui les pousse à demander des arbitrages.
S'agissant de la meilleure gestion des immeubles occupés, un pas très important a été franchi par la généralisation progressive de loyers budgétaires. J'ai d'ailleurs demandé au CIE, le 25 septembre dernier, de me fournir une expertise sur plusieurs points pour affiner encore le dispositif, alors qu'il est en cours d'extension géographique. L'immobilier domanial a un coût : c'est du capital immobilisé et cela doit être bien entretenu. C'est ce dont les administrations ont commencé à prendre conscience.
Le CMPP a annoncé la fin du régime juridique de l'affectation des immeubles domaniaux. Un décret en Conseil d'Etat est en préparation. Cependant, il ne suffit pas de modifier le support juridique pour dynamiser vraiment la gestion vis-à-vis des occupants. Il faut surtout adapter les outils pour qu'ils contribuent à une gestion plus dynamique. Les conventions d'occupation, conclues entre l'Etat propriétaire et les administrations occupantes, seront de véritables baux, qui préciseront les obligations des deux parties (en matière de loyer ou d'entretien). Nous étudions trois modalités de gestion de relations avec les occupants, pour les inciter à une meilleure utilisation des bâtiments domaniaux :
1/ une administration qui accepte de réduire les surfaces occupées pourrait se voir garantir, pour une période déterminée, le maintien de sa dotation de fonctionnement antérieure. La différence entre l'ancien loyer budgétaire et le nouveau (plus faible) constitue une incitation.
2/ les clauses du bail pourraient être adaptées en fonction des conditions d'occupation, notamment par le loyer ou par des clauses de pénalité, pour inciter à un départ à l'issue du bail.
3/ les dotations budgétaires pourraient être ajustées, non plus en fonction des surfaces occupées, mais des surfaces nécessaires (par exemple par une stricte application du ratio de 12 m²/agent). La différence entre la ressource (en baisse) et le coût (inchangé) du loyer budgétaire lui fera assumer le coût de son choix d'inefficience immobilière.
S'agissant de l'entretien, les carences des quasi-propriétaires sont connues. Une bonne organisation de l'entretien lourd (celui du propriétaire) est indispensable, car elle est le corollaire des plus fortes contraintes que le propriétaire fera peser sur le locataire. Au plan technique, j'attends les conclusions du CIE sur deux sujets essentiels :
- quelle contribution de l'occupant est-elle nécessaire pour financer cette fonction d'entretien du propriétaire ? cette question devient particulièrement importante dans le contexte du Grenelle de l'environnement, qui veut promouvoir un « Etat exemplaire » sur les bâtiments domaniaux ;
- comment faut-il organiser les services techniques en charge de l'entretien, en lien avec le propriétaire. L'expérimentation en cours en Rhône Alpes, que je souhaite relancer, devra nous éclairer. Je vais demander au préfet de venir m'en rendre compte.
Au plan budgétaire, comme je l'ai dit au Sénat en réponse à l'amendement Girod, je souhaite donc être éclairé sur ces éléments de contexte avant de décider la création d'un programme entretien, vraisemblablement sur le budget général.
Les cessions ont été une composante essentielle de la politique de dynamisation immobilière, mais elles n'en sont, bien sûr, pas la seule. L'étape suivante, que nous lançons aujourd'hui et qui résulte très largement de vos observations, c'est une amélioration de la gestion du patrimoine utilisé et détenu par l'Etat, qui doit agir comme un propriétaire unique. Qu'il s'agisse des opérations en capital, de la gestion du parc domanial et des baux, de l'entretien, nous étions restés au milieu du gué. Je vous propose d'en sortir et de rejoindre la rive d'une gestion professionnelle, aussi semblable que possible avec celle d'un propriétaire privé. Nous atteindrons ainsi nos objectifs, cohérents avec le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux : moins de surfaces, plus fonctionnelles, moins chères, mieux entretenues.
Source http://www.comptes-publics.gouv.fr, le 17 janvier 2008