Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, à France 2 le 7 février 2008, sur le moratoire sur la culture des OGM, la protection de la biodiversité en Guyane et le débat au sein du gouvernement et de la majorité sur les interventions de C. Guéant, conseiller du Président de la République.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour J.-L. Borloo... Vous défendez en ce moment au Sénat le projet de loi sur les OGM. Il s'agit de cadrer la culture des organismes génétiquement modifiés. Les associations, les écologistes sont vent debout contre le projet, Greenpeace parle...
 
R.- Non, non, non...
 
Q.- Si. Greenpeace parle de mise à sac du « Grenelle de l'environnement » ? Cela ne va pas être facile de les convaincre.
 
R.- Non, d'abord ça se passe très bien au Sénat. De quoi s'agit-il ? Parce qu'il y a une espèce de confusion générale. Il y a des OGM dans le monde entier, en France ; il y a de la recherche, il y a des problèmes de pharmacie, il y a des problèmes de médecine, et ça se passe globalement bien dans de bonnes considérations. Tout le monde souhaitait dans le Grenelle qu'on accentue la recherche. Et puis il y a un sujet, un produit qui s'appelle le Monsanto 810, qui est un produit qui est utilisé pour le maïs et il a cette caractéristique, il a son propre pesticide. Et donc il peut disséminer, c'est ça le véritable sujet. Les faucheurs volontaires, tout ça, c'est "attention au maïs parce qu'il peut contaminer d'autres formes de culture, la culture biologique, des gens qui investissent beaucoup, pour faire de la culture de haute qualité, et il y a un risque de dissémination". Le président de la République et le « Grenelle de l'environnement » avaient dit : là-dessus, nous on est très réservés et on a fait jouer la clause de sauvegarde...
 
Q.- Alors N. Sarkozy a décidé de suspendre.
 
R.-...C'est-à-dire, on est l'un des rares pays au monde qui dit : stop ! On a besoin d'expertise complémentaire. Puis c'est autorisé au plan européen mais la France dit : en France, on fait jouer la cause de sauvegarde. On l'a notifié à Bruxelles et je vous informe que formellement et juridiquement, elle sera envoyée demain à Bruxelles. Donc interdiction du Monsanto 810 en France. En attendant...
 
Q.- Mais alors ce qu'on ne comprend pas très bien...
 
R.- Attendez, en attendant qu'il y ait une nouvelle expertise européenne pour savoir si finalement ce produit - expertises plus approfondies, parce qu'il a été autorisé il y a dix ans, il y a dix ans, pour savoir si ce produit en faisant des expertises complémentaires - peut être à nouveau autorisé. Mais pour l'instant, la France applique le « Grenelle de l'environnement », la clause de sauvegarde. Par ailleurs, le Grenelle disait : augmenter la recherche - on multiplie par huit la recherche ; deuxièmement, une haute autorité avec des scientifiques et la société civile pour regarder les conditions de développement des biotechnologies. Il n'y a pas que le maïs, il y a dans des tas d'autres domaines où il y a des biotechnologies, des principes de transparence, de précaution, voilà.
 
Q.- Alors justement sur ce point, sur ce haut comité, les écologistes dissent : dans le Grenelle on parlait d'une Haute autorité et ce n'est pas la même chose, c'est moins bien ?
 
R.- Non, oui enfin, on est vraiment sur les mots, la question est la suivante : nous avons besoin que les informations ne soient pas données par une seule science, mais par plusieurs sciences, et plusieurs regards sur la société. C'est à la fois un sujet scientifique mais pas que scientifique. Et donc j'ai proposé dans le texte de loi, qu'il y ait une Haute autorité conformément au Grenelle. Les sénateurs disent : attendez ! Le mot « Haute autorité » veut dire que c'est cette instance qui décidera, ce que personne n'a demandé. C'est aux politiques d'assumer, la Haute autorité doit éclairer. Et donc pour éviter la confusion, le Sénat a proposé à l'unanimité de tous les sénateurs - ça a été voté à l'unanimité - qu'on transforme le mot « Haute autorité » en « Haut conseil des biotechnologies. »
 
Q.- Alors justement...
 
R.- C'est un sujet très sincèrement...
 
Q.- M. Barnier, le ministre de l'Agriculture, lui, a annoncé qu'il y aurait de nouvelles autorisations pour des cultures OGM. Est-ce qu'il ne fallait pas attendre la création de cette Haute autorité pour le faire ?
 
R.- Non, il y a une totale confusion. Non M. Barnier a simplement dit qu'en matière de stricte recherche, en matière de recherche, y compris confinée, la recherche continuait, voilà ce qu'a dit... Alors, il y a un problème juridique sur la commission qui autorise. Et il a souhaité qu'il y ait un organisme provisoire. En tout état de cause, la Haute autorité sera mise en place fin avril puisque le texte sera présenté à l'Assemblée fin avril. Enfin on est vraiment là sur des détails.
 
Q.- Le « Grenelle de l'environnement » on y revient...
 
R.- Oui, ça c'est formidable.
 
Q.-...On n'en parle plus beaucoup ?
 
R.- Eh bien, écoutez ! Je ne sais pas si vous voyez, chez vous tout à l'heure, il y avait de l'environnement, les...
 
Q.- Non mais le Grenelle lui-même, où est-ce que ça en est ?
 
R.- Le Grenelle c'est en pleine... Vous savez, il s'agit de faire la mutation de la société française. Hier, nous avons installé le groupe opérationnel Territoire d'Outre-Mer. Cela veut dire quoi ? Nous avons dans le territoire d'Outre-Mer, la plus belle biodiversité du monde. On veut faire des Territoires d'Outre-Mer - Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane notamment, Nouvelle-Calédonie - le plus bel exemple d'autonomie énergétique, d'énergies renouvelables, grâce au ciel, au soleil, à la biomasse, à la mer. On a des retards en matière de traitement des déchets. Vous avez vu, en matière de biodiversité, il y avait un problème en Guyane sur la montagne de Kaw, une espèce de grande mine qui devait se faire à ciel ouvert. Le président de la République qui va en Guyane dans trois jours m'a autorisé à décider qu'il n'y aurait pas cette mine pour préserver la biodiversité française.
 
Q.- A propos de N. Sarkozy, il y a du tangage dans la majorité, c'est ce qu'on lit un peu partout. Et on dit que N. Sarkozy a tapé du poing sur la table, parce qu'il trouve qu'il n'y a pas assez de solidarité dans son équipe. Est-ce que c'est vrai qu'hier au Conseil des ministres, il y a eu un rappel à l'ordre ?
 
R.- D'abord, le propre du Conseil des ministres, vous voyez c'est qu'il est confidentiel. Il s'agit de pouvoir parler entre nous. Non, le Président a simplement dit que dans des périodes, qui en plus sont un peu des périodes électorales, il faut afficher, continuer l'envie, enfin avoir l'envie de continuer des réformes et puis pas à commencer à s'inquiéter au moindre tangage. Il est d'ailleurs dans son rôle à le faire...
 
Q.- Mais il y en a qui s'inquiète dans la majorité ça c'est vrai ?
 
R.- Mais toute période électorale... Vous savez, quand vous êtes en période électorale, que vous êtes dans une ville que vous aimez, que vous êtes candidat sortant ou pas, vous croisez des gens, vous êtes inquiet, donc vous avez une inquiétude en période électorale qui est tout à fait classique. Alors j'ai vu que tout d'un coup, les conseillers du Président seraient mis en cause. Enfin...
 
Q.- Voilà C. Guéant est très critiqué.
 
R.- Enfin tout ça, C. Guéant...
 
Q.- Vous le défendez ?
 
R.- Mais c'est un homme exceptionnel, d'ailleurs personne dans la majorité ne dit le contraire. Alors, il est un peu en première ligne...
 
Q.- Si, il y en a qui disent le contraire.
 
R.- Non, non, sincèrement, je ne crois pas.
 
Q.- Il y en a qui disent qu'il parle trop.
 
R.- Oui, écoutez, que les conseillers du Président s'expriment, ça se fait dans tous les pays du monde. Mais ce n'est que l'expression d'une inquiétude. Nous avons à l'Elysée une équipe proche du Président de très haut niveau, c'est vrai en matière diplomatique, c'est vrai dans l'organisation générale et on voit bien la tentative de mise en scène, où il y aurait d'un côté Matignon, de l'autre côté l'Elysée, mais la vie elle est tellement plus simple, c'est déjà tellement difficile d'assumer l'exécutif de ce pays...
 
Q.- Hier, il y a eu des annonces qui ont été faites, dont le renoncement de la réforme des taxis, augmentation du minimum vieillesse. L'opposition dit : ça c'est des cadeaux ; après les municipales, il y aura la facture. Est-ce qu'il y aura ou pas des hausses de taxes après les municipales ?
 
R.- Écoutez à ma connaissance, il n'y en aura pas. C'est quand même extravagant ! Il y a quatre jours, l'opposition disait : le Président s'est engagé sur le minimum vieillesse, une augmentation sur 5 ans, il ne le fait pas. En réalité, le processus devait se faire normalement, il y avait la conférence sociale hier avec les partenaires sociaux. A l'issue de cette conférence sociale, le Président annonce comme prévu...
 
Q.- Ce n'est pas des cadeaux préélectoraux ?
 
R.- Mais attendez, c'était annoncé dans la campagne présidentielle ! Alors si sous prétexte qu'en période électorale, on ne pourrait rien annoncer qui ressemble aux engagements du président candidat, ça devient dramatique. Donc tout ceci avance normalement et le fait qu'il y ait un à-valoir, qui n'est pas le montant - c'est une juste un à-valoir sur la réforme - je trouve que c'est plutôt bien pour l'assurance vieillesse. Enfin c'est le minimum vieillesse dont on parle en l'occurrence et spécifiquement.
 
Q.- Merci J.-L. Borloo.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 février 2008