Texte intégral
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs,
60 millions de Français dans un monde ouvert et chaotique de plus de 6 milliards d'habitants : c'est peu de reconnaître que notre nation a sa place en Europe. Elle y a son avenir, sa vocation et ses plus grands espoirs. La France a besoin de l'Europe pour prolonger son génie et l'Europe a besoin de la France pour approfondir sa singularité politique.
La carte du monde se couvre de défis nouveaux. Défi, l'exceptionnelle montée en puissance des continents asiatique et indien dont les forces bousculent nos héritages. Défi, la prédation écologique qui dérègle les équilibres naturels de la vie terrestre. Défi, le regard d'une Afrique qui se tourne vers les richesses du Nord. Défi, ce côtoiement des civilisations que le monde d'aujourd'hui s'ingénie, tout à la fois, à rapprocher et à opposer.
Dans ce monde fascinant et instable, la France n'est pas condamnée à se taire et à subir. Elle ne doit pas choisir la voie du repli, sous peine d'être écartée du chemin de l'Histoire. L'Europe lui prête sa richesse, ses Etats partenaires, ses cinq cents millions d'hommes et de femmes. Elle grandit les ambitions de notre pays aux dimensions d'un continent. Pour continuer de peser sur ce monde qui court sans repères, la France doit endosser sans réserve son rôle d'animateur européen.
Il y a deux ans, nous avons rejeté un texte qui donnait à l'aventure européenne un cadre constitutionnel. Ce fut le choix des Français. Il devait être respecté ! Mais nous ne pouvons pas ignorer que nous avons alors jeté une Europe qui espérait en nous dans l'étonnement et dans le trouble. Il n'y avait pas de plan "B". L'Union européenne s'est donc immobilisée et les regards étaient portés vers nous. En votant "non" au texte constitutionnel de 2005, nous avions contracté une double responsabilité vis-à-vis de nous-mêmes, et vis-à-vis de l'Europe : celle de relancer au plus vite l'élan que nous avions brisé.
Au fond, le référendum de 2005 nous donnait un avantage pour y parvenir : il nous montrait, en négatif, quelle Europe les Français voulaient.
Ce que les Français avaient refusé, c'était d'abord la nature constitutionnelle du texte, et l'ombre d'une Europe fédérale qu'elle projetait. Si les Français voulaient de l'Europe, ils demandaient qu'elle soit définie à son juste niveau : Dans le respect des Parlements nationaux. Dans le respect des différentes traditions sociales et publiques. Dans le respect finalement du principe de subsidiarité qui a toujours été, à mes yeux, la clé de voûte de la structure européenne.
La seconde perspective que les Français redoutaient, c'était l'installation d'une Europe impotente et impuissante. Dans la complexité du texte constitutionnel, une menace apparaissait. Celle d'une Europe incapable de mobiliser ses 27 membres autour d'un projet, paralysée par des mécanismes de décision inadaptés à son étendue nouvelle. Les Français ont craint son enlisement, et il n'est pas inconvenant de dire que le Traité de Nice les confortait dans leur défiance. La leçon est historique. Les Français n'ont pas peur de la réforme, pourvu qu'elle aille au coeur des choses. Les Français n'ont pas peur de l'Europe, pourvu qu'elle soit capable d'agir.
Sur ces deux points, Nicolas Sarkozy a répondu à leur volonté de manière résolue, constante et transparente. Ses engagements de campagne ont tracé la seule voie qui permettait de transcender les clivages :
- négocier avec tous nos partenaires européens un traité nouveau, opérant les évolutions institutionnelles indispensables ;
- tenir compte, dans ce traité, des craintes exprimées par le "non" majoritaire ;
- et enfin, faire adopter rapidement ce texte par le Parlement.
Personne ne peut contester la clarté de la stratégie du président de la République pour relancer l'Europe. Personne ne peut lui reprocher d'avoir précisément fait ce qu'il avait précisément dit. Personne, ne peut l'accuser de ne pas s'être efforcé de rassembler le camp du "oui" et celui du "non". Et à ceux qui, pour des raisons de forme, contestent les modalités d'adoption du Traité de Lisbonne par la voie parlementaire, et à ceux qui, pour des raisons de fond, s'opposent à ce Traité, je pose une question simple : Voulez-vous réellement relancer l'Europe ou préférez-vous son enlisement ?
La stratégie du président de la République a reçu le soutien des européens, après avoir reçu celui de la majorité des français. A son invitation, et à celle d'Angela Merkel, présidente de l'Union européenne, 27 pays sont venus inscrire dans un texte nouveau leurs espoirs de paix, de coopération et d'intégration. Le Traité de Lisbonne satisfait à nos responsabilités vis-à-vis de l'Europe. Il satisfait à nos devoirs vis-à-vis des Français. Au blocage, à l'opposition, il substitue la synthèse et l'initiative. En votant la révision constitutionnelle soumise aujourd'hui au Congrès, vous permettrez à la France de devenir le quatrième pays à ratifier le Traité de Lisbonne. Cette révision nous est commandée par la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre dernier, afin d'autoriser un certain nombre de transferts de compétences vers l'Union et d'élargir les pouvoirs de notre Parlement.
J'ai déjà eu l'occasion, à l'Assemblée nationale et au Sénat de vous en présenter le contenu et de décliner les dispositions du traité. Ce traité adapte et complète les traités précédents, sans se placer au-dessus d'eux, ce n'est donc pas une constitution. Il reconnaît, de manière explicite, le contrôle de subsidiarité dévolu aux Parlements nationaux vis-à-vis de la Commission. Il garantit la compétence exclusive de chaque Etat dans la définition de sa sécurité nationale ; le rôle déterminant de ses autorités dans l'organisation des services publics ; la mission des partenaires sociaux de chaque pays dans la défense de ses traditions et de ses ambitions sociales. Il préserve ainsi, partout où elles nous paraissent intangibles, nos exigences de liberté.
Mais surtout, le Traité de Lisbonne redonne corps au rêve français d'une Europe agissante et efficace. En prévoyant l'élection d'un président du Conseil européen, il offre à cette institution une force et une stabilité qui lui faisait défaut. A sa politique extérieure, il donne à son Haut représentant des moyens nécessaires. A son Parlement, il confère des pouvoirs renforcés. A ses procédures de décision, une souplesse accrue par l'extension du champ de la majorité qualifiée et une démocratie renforcée grâce à une meilleure prise en compte de la population de chaque Etat. A ses valeurs, il institue une charte des droits fondamentaux. A une Europe plus vaste, et plus nombreuse, il rend la capacité de se déterminer et je ne puis, en cet instant, ne pas avoir une pensée pour le général de Gaulle qui, il y a plus de 40 ans nous invitait à penser l'Europe élargie. Et voici que celle-ci est là, réalisée dans le cadre d'une Union qui, non contente d'avoir instauré la paix sur notre continent, a contribué à faire tomber le rideau de fer et à libérer nos frères européens. 27 nations volontairement et librement unies, sans un coup de feu, sans aucune contrainte, par la seule force d'un projet et d'un idéal commun.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Dans l'histoire humaine aucune autre entreprise n'est comparable à celle-ci. Mais cette entreprise ne peut pleinement prendre son sens que si elle s'inscrit dans un dessein politique. Cette conviction inspire la France depuis plus de cinquante ans. Ni l'intégration économique, ni l'intégration financière ne suffiront à affronter le monde complexe, parcouru de ruptures soudaines où l'Europe doit aujourd'hui choisir sa place. Ni sa richesse, ni sa population ne placeront l'Europe au-dessus de ces lignes de fractures que la démographie, la course aux matières premières, les affrontements ethniques, les tensions religieuses, les déséquilibres environnementaux referment actuellement sur le globe. Permettez-moi de redire ici une conviction personnelle ancienne. Plus ces fractures s'accuseront, plus la valeur d'un espace européen de stabilité, de concertation et de décision se fera sentir. Le futur de l'Union ne dépend plus que d'une chose : de sa capacité à définir et à projeter une vision politique originale.
L'Europe, Mesdames et Messieurs, a déjà touché du doigt les bénéfices qu'une volonté concertée pouvait lui valoir.
Au sortir de la deuxième guerre mondiale, elle a réussi le prodige de rompre avec mille ans de conflits armés, de mobilisation permanente, d'affrontements sanglants. Avons-nous pris toute la mesure de ce succès ? Grâce à l'Europe, nous jouissons tous les jours, depuis soixante ans, de ce qui reste, pour tant de régions du monde, une utopie encore bien lointaine. Partout encore, des hommes et des femmes meurent en rêvant de ce qui est pour nous un acquis, une garantie, une évidence.
Dès l'origine, l'Europe a voulu se prémunir contre les crises économiques et monétaires qui avaient scandé la première moitié du siècle. Elle a fondé sur ses politiques communes - agricole, industrielle et douanière sur une prospérité durable, largement partagée au sein de son espace continental.
Aujourd'hui, avec le Traité de Lisbonne, l'Europe retrouve ce "droit de vouloir". Elle retrouve le pouvoir de mettre sa puissance au service de ses politiques prioritaires. Politique commune de l'énergie et de l'environnement. Politique commune de politique étrangère et de défense. Politique commune de justice et de sécurité. Politique commune d'immigration et de co-développement, voilà les grands projets sur lesquels les Européens se rejoignent. Et le Traité de Lisbonne nous offre la possibilité de les concrétiser.
Ce qui se joue, c'est notre capacité à promouvoir un modèle de société.
Une société européenne existe - qu'on peut nommer culture, héritage, ou civilisation, qu'importe ! L'essentiel à mes yeux est d'en sentir la force et le prix. Elle donne à nos parentés européennes leur évidence. Elle s'enracine dans un passé d'expériences et de lectures communes. Elle se nourrit des contacts permanents de nos patrimoines artistiques, philosophiques et moraux. Oui, moraux aussi, car il y a dans la civilisation européenne plus que l'évocation sentimentale de quelques monuments, de quelques textes et symboles partagés : il y a un répertoire de valeurs qui, aux frontières de l'Union, signent notre différence. L'humanisme. La tolérance. La liberté de conscience. L'individu pris comme référence de toute justice. L'Etat de droit, seul fondement légitime du pouvoir. La reconnaissance du droit du travail et d'un droit au travail. La prise en charge publique de la solidarité. La considération accordée à la force du savoir et aux transmissions familiales et spirituelles. La confiance placée dans la science, l'innovation industrielle et le progrès. L'attachement au marché, cadre où se valorisent, par la libre concurrence, le capital et le talent. Ces traits disent où commence et s'épanouit l'Europe. Ils disent où l'expérience européenne rencontre les modèles concurrents, où elle s'en distingue.
Mesdames et Messieurs,
La Présidence française de l'Union européenne va donner à notre pays la responsabilité de conduire l'Europe. Nous l'assumerons avec la gravité et l'enthousiasme d'une nation dont la fierté nationale se conjugue avec celle de ses partenaires. A nous d'être les promoteurs et les ambassadeurs d'un modèle européen de développement.
Beaucoup de pays et de régions attendent de nous - de l'Europe, et en particulier de la France - qu'un partenaire, attentif, inventif, arbitre de son influence les équilibres du monde.
Le vote qui va avoir maintenant avoir lieu, Mesdames et Messieurs les Députés et sénateurs, n'est pas seulement un vote pour la France et pour l'Europe. C'est aussi un vote qui distingue les acteurs des spectateurs de l'Histoire.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 février 2008
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs,
60 millions de Français dans un monde ouvert et chaotique de plus de 6 milliards d'habitants : c'est peu de reconnaître que notre nation a sa place en Europe. Elle y a son avenir, sa vocation et ses plus grands espoirs. La France a besoin de l'Europe pour prolonger son génie et l'Europe a besoin de la France pour approfondir sa singularité politique.
La carte du monde se couvre de défis nouveaux. Défi, l'exceptionnelle montée en puissance des continents asiatique et indien dont les forces bousculent nos héritages. Défi, la prédation écologique qui dérègle les équilibres naturels de la vie terrestre. Défi, le regard d'une Afrique qui se tourne vers les richesses du Nord. Défi, ce côtoiement des civilisations que le monde d'aujourd'hui s'ingénie, tout à la fois, à rapprocher et à opposer.
Dans ce monde fascinant et instable, la France n'est pas condamnée à se taire et à subir. Elle ne doit pas choisir la voie du repli, sous peine d'être écartée du chemin de l'Histoire. L'Europe lui prête sa richesse, ses Etats partenaires, ses cinq cents millions d'hommes et de femmes. Elle grandit les ambitions de notre pays aux dimensions d'un continent. Pour continuer de peser sur ce monde qui court sans repères, la France doit endosser sans réserve son rôle d'animateur européen.
Il y a deux ans, nous avons rejeté un texte qui donnait à l'aventure européenne un cadre constitutionnel. Ce fut le choix des Français. Il devait être respecté ! Mais nous ne pouvons pas ignorer que nous avons alors jeté une Europe qui espérait en nous dans l'étonnement et dans le trouble. Il n'y avait pas de plan "B". L'Union européenne s'est donc immobilisée et les regards étaient portés vers nous. En votant "non" au texte constitutionnel de 2005, nous avions contracté une double responsabilité vis-à-vis de nous-mêmes, et vis-à-vis de l'Europe : celle de relancer au plus vite l'élan que nous avions brisé.
Au fond, le référendum de 2005 nous donnait un avantage pour y parvenir : il nous montrait, en négatif, quelle Europe les Français voulaient.
Ce que les Français avaient refusé, c'était d'abord la nature constitutionnelle du texte, et l'ombre d'une Europe fédérale qu'elle projetait. Si les Français voulaient de l'Europe, ils demandaient qu'elle soit définie à son juste niveau : Dans le respect des Parlements nationaux. Dans le respect des différentes traditions sociales et publiques. Dans le respect finalement du principe de subsidiarité qui a toujours été, à mes yeux, la clé de voûte de la structure européenne.
La seconde perspective que les Français redoutaient, c'était l'installation d'une Europe impotente et impuissante. Dans la complexité du texte constitutionnel, une menace apparaissait. Celle d'une Europe incapable de mobiliser ses 27 membres autour d'un projet, paralysée par des mécanismes de décision inadaptés à son étendue nouvelle. Les Français ont craint son enlisement, et il n'est pas inconvenant de dire que le Traité de Nice les confortait dans leur défiance. La leçon est historique. Les Français n'ont pas peur de la réforme, pourvu qu'elle aille au coeur des choses. Les Français n'ont pas peur de l'Europe, pourvu qu'elle soit capable d'agir.
Sur ces deux points, Nicolas Sarkozy a répondu à leur volonté de manière résolue, constante et transparente. Ses engagements de campagne ont tracé la seule voie qui permettait de transcender les clivages :
- négocier avec tous nos partenaires européens un traité nouveau, opérant les évolutions institutionnelles indispensables ;
- tenir compte, dans ce traité, des craintes exprimées par le "non" majoritaire ;
- et enfin, faire adopter rapidement ce texte par le Parlement.
Personne ne peut contester la clarté de la stratégie du président de la République pour relancer l'Europe. Personne ne peut lui reprocher d'avoir précisément fait ce qu'il avait précisément dit. Personne, ne peut l'accuser de ne pas s'être efforcé de rassembler le camp du "oui" et celui du "non". Et à ceux qui, pour des raisons de forme, contestent les modalités d'adoption du Traité de Lisbonne par la voie parlementaire, et à ceux qui, pour des raisons de fond, s'opposent à ce Traité, je pose une question simple : Voulez-vous réellement relancer l'Europe ou préférez-vous son enlisement ?
La stratégie du président de la République a reçu le soutien des européens, après avoir reçu celui de la majorité des français. A son invitation, et à celle d'Angela Merkel, présidente de l'Union européenne, 27 pays sont venus inscrire dans un texte nouveau leurs espoirs de paix, de coopération et d'intégration. Le Traité de Lisbonne satisfait à nos responsabilités vis-à-vis de l'Europe. Il satisfait à nos devoirs vis-à-vis des Français. Au blocage, à l'opposition, il substitue la synthèse et l'initiative. En votant la révision constitutionnelle soumise aujourd'hui au Congrès, vous permettrez à la France de devenir le quatrième pays à ratifier le Traité de Lisbonne. Cette révision nous est commandée par la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre dernier, afin d'autoriser un certain nombre de transferts de compétences vers l'Union et d'élargir les pouvoirs de notre Parlement.
J'ai déjà eu l'occasion, à l'Assemblée nationale et au Sénat de vous en présenter le contenu et de décliner les dispositions du traité. Ce traité adapte et complète les traités précédents, sans se placer au-dessus d'eux, ce n'est donc pas une constitution. Il reconnaît, de manière explicite, le contrôle de subsidiarité dévolu aux Parlements nationaux vis-à-vis de la Commission. Il garantit la compétence exclusive de chaque Etat dans la définition de sa sécurité nationale ; le rôle déterminant de ses autorités dans l'organisation des services publics ; la mission des partenaires sociaux de chaque pays dans la défense de ses traditions et de ses ambitions sociales. Il préserve ainsi, partout où elles nous paraissent intangibles, nos exigences de liberté.
Mais surtout, le Traité de Lisbonne redonne corps au rêve français d'une Europe agissante et efficace. En prévoyant l'élection d'un président du Conseil européen, il offre à cette institution une force et une stabilité qui lui faisait défaut. A sa politique extérieure, il donne à son Haut représentant des moyens nécessaires. A son Parlement, il confère des pouvoirs renforcés. A ses procédures de décision, une souplesse accrue par l'extension du champ de la majorité qualifiée et une démocratie renforcée grâce à une meilleure prise en compte de la population de chaque Etat. A ses valeurs, il institue une charte des droits fondamentaux. A une Europe plus vaste, et plus nombreuse, il rend la capacité de se déterminer et je ne puis, en cet instant, ne pas avoir une pensée pour le général de Gaulle qui, il y a plus de 40 ans nous invitait à penser l'Europe élargie. Et voici que celle-ci est là, réalisée dans le cadre d'une Union qui, non contente d'avoir instauré la paix sur notre continent, a contribué à faire tomber le rideau de fer et à libérer nos frères européens. 27 nations volontairement et librement unies, sans un coup de feu, sans aucune contrainte, par la seule force d'un projet et d'un idéal commun.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Dans l'histoire humaine aucune autre entreprise n'est comparable à celle-ci. Mais cette entreprise ne peut pleinement prendre son sens que si elle s'inscrit dans un dessein politique. Cette conviction inspire la France depuis plus de cinquante ans. Ni l'intégration économique, ni l'intégration financière ne suffiront à affronter le monde complexe, parcouru de ruptures soudaines où l'Europe doit aujourd'hui choisir sa place. Ni sa richesse, ni sa population ne placeront l'Europe au-dessus de ces lignes de fractures que la démographie, la course aux matières premières, les affrontements ethniques, les tensions religieuses, les déséquilibres environnementaux referment actuellement sur le globe. Permettez-moi de redire ici une conviction personnelle ancienne. Plus ces fractures s'accuseront, plus la valeur d'un espace européen de stabilité, de concertation et de décision se fera sentir. Le futur de l'Union ne dépend plus que d'une chose : de sa capacité à définir et à projeter une vision politique originale.
L'Europe, Mesdames et Messieurs, a déjà touché du doigt les bénéfices qu'une volonté concertée pouvait lui valoir.
Au sortir de la deuxième guerre mondiale, elle a réussi le prodige de rompre avec mille ans de conflits armés, de mobilisation permanente, d'affrontements sanglants. Avons-nous pris toute la mesure de ce succès ? Grâce à l'Europe, nous jouissons tous les jours, depuis soixante ans, de ce qui reste, pour tant de régions du monde, une utopie encore bien lointaine. Partout encore, des hommes et des femmes meurent en rêvant de ce qui est pour nous un acquis, une garantie, une évidence.
Dès l'origine, l'Europe a voulu se prémunir contre les crises économiques et monétaires qui avaient scandé la première moitié du siècle. Elle a fondé sur ses politiques communes - agricole, industrielle et douanière sur une prospérité durable, largement partagée au sein de son espace continental.
Aujourd'hui, avec le Traité de Lisbonne, l'Europe retrouve ce "droit de vouloir". Elle retrouve le pouvoir de mettre sa puissance au service de ses politiques prioritaires. Politique commune de l'énergie et de l'environnement. Politique commune de politique étrangère et de défense. Politique commune de justice et de sécurité. Politique commune d'immigration et de co-développement, voilà les grands projets sur lesquels les Européens se rejoignent. Et le Traité de Lisbonne nous offre la possibilité de les concrétiser.
Ce qui se joue, c'est notre capacité à promouvoir un modèle de société.
Une société européenne existe - qu'on peut nommer culture, héritage, ou civilisation, qu'importe ! L'essentiel à mes yeux est d'en sentir la force et le prix. Elle donne à nos parentés européennes leur évidence. Elle s'enracine dans un passé d'expériences et de lectures communes. Elle se nourrit des contacts permanents de nos patrimoines artistiques, philosophiques et moraux. Oui, moraux aussi, car il y a dans la civilisation européenne plus que l'évocation sentimentale de quelques monuments, de quelques textes et symboles partagés : il y a un répertoire de valeurs qui, aux frontières de l'Union, signent notre différence. L'humanisme. La tolérance. La liberté de conscience. L'individu pris comme référence de toute justice. L'Etat de droit, seul fondement légitime du pouvoir. La reconnaissance du droit du travail et d'un droit au travail. La prise en charge publique de la solidarité. La considération accordée à la force du savoir et aux transmissions familiales et spirituelles. La confiance placée dans la science, l'innovation industrielle et le progrès. L'attachement au marché, cadre où se valorisent, par la libre concurrence, le capital et le talent. Ces traits disent où commence et s'épanouit l'Europe. Ils disent où l'expérience européenne rencontre les modèles concurrents, où elle s'en distingue.
Mesdames et Messieurs,
La Présidence française de l'Union européenne va donner à notre pays la responsabilité de conduire l'Europe. Nous l'assumerons avec la gravité et l'enthousiasme d'une nation dont la fierté nationale se conjugue avec celle de ses partenaires. A nous d'être les promoteurs et les ambassadeurs d'un modèle européen de développement.
Beaucoup de pays et de régions attendent de nous - de l'Europe, et en particulier de la France - qu'un partenaire, attentif, inventif, arbitre de son influence les équilibres du monde.
Le vote qui va avoir maintenant avoir lieu, Mesdames et Messieurs les Députés et sénateurs, n'est pas seulement un vote pour la France et pour l'Europe. C'est aussi un vote qui distingue les acteurs des spectateurs de l'Histoire.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 février 2008