Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la rationalisation des champs de compétence des collectivités locales et sur la réforme de la fiscalité locale, Paris le 6 février 2008.

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Circonstance : Déjeuner offert en l'honneur des Présidents de Conseil général au Sénat le 6 février 2008

Texte intégral

Mes chers collègues,
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui, à la Présidence du Sénat, pour cette rencontre que je souhaite placée sous le triple signe de l'échange, de l'amitié et de la convivialité.
Je tiens d'emblée à vous remercier très chaleureusement d'avoir bien voulu accepter mon invitation.
Votre présence est d'autant plus méritoire - et j'en suis d'autant plus sensible - qu'à cette période de l'année 2008, nombreux sont ceux d'entre vous - d'entre nous - qui ont l'esprit légitimement tourné vers leurs cantons et totalement consacré à l'action locale.
En accord avec le président de l'Assemblée des départements de France, Claudy LEBRETON - qui n'a malheureusement pas pu se joindre à nous - j'ai pris l'initiative de ce rendez-vous, à l'heure à laquelle s'ouvrent d'importants chantiers qui concernent directement les collectivités territoriales.
Je pense ainsi à la révision générale des politiques publiques, à la revue générale des prélèvements obligatoires et au « Grenelle de la fiscalité locale » qu'a souhaité engager le Président de la République.
Mes chers amis, comme vous l'aurez compris, ce n'est pas la proposition formulée par la « Commission Attali » de supprimer les départements - proposition aussitôt balayée d'un juste et précis « revers de la main » par le Président de la République et par le Premier ministre- qui conduira mon propos. Et je ne m'attarderai donc pas sur ce sujet.
Mais je ne résiste pas à l'envie de vous en faire un bref commentaire, juste pour vous dire combien cette proposition témoigne, à mon sens, d'une profonde méconnaissance des réalités locales.
Car un seul regard - à condition qu'il soit lucide et responsable - suffit à se rendre compte que le département constitue tout à la fois un repère identitaire pour nos concitoyens, un espace d'expression des solidarités garantes de la préservation du pacte républicain, et le lieu de conception des grands projets d'aménagement structurants dont notre pays a besoin.
Je n'en dirai pas davantage, sauf à citer Talleyrand : « tout ce qui est excessif est insignifiant » !
Alors, quels sont concrètement ces « grands chantiers » en cours, qui justifient et qui commandent - me semble-t-il - que nous leur consacrions aujourd'hui ce temps de débat ?
- Le premier chantier, c'est celui de la revue générale des politiques publiques qui devrait conduire, au plan local, à rationaliser le champ des compétences et à supprimer les doublons.
Dans cette perspective, notre collègue, Alain LAMBERT, a ouvert de précieuses pistes de réflexion dans son rapport consacré aux relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Certaines de ses propositions sont de nature, si elles étaient mises en oeuvre, à modifier en profondeur les « règles du jeu ».
Je pense notamment à la possibilité de confier l'intégralité d'une mission, d'un domaine de compétence, à un seul échelon local afin d'en finir avec « l'enchevêtrement » des compétences entre niveaux de collectivités.
Dans ce cadre, la simple logique devrait conduire à supprimer les dispositifs d'État redondants, en transférant toutes les compétences résiduelles à la collectivité titulaire de la compétence principale.
A mon sens, cette solution devrait, à terme, renforcer l'efficacité de la gestion locale.
Par ailleurs, nos concitoyens seraient davantage en mesure d'identifier la collectivité responsable et, en d'autres termes, de savoir « qui fait quoi ? ».
En revanche, l'idée de substituer à la clause générale de compétence des régions et des départements, une clause de « compétence spéciale, obligatoire et exclusive », me semble davantage sujette à débat.
- Le second chantier concerne la préparation du « Grenelle de la fiscalité locale » que nous a annoncé le Président de la République lors du Congrès de l'Association des maires de France, en novembre dernier.
A mes yeux, et je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, l'objectif consiste à confier aux collectivités locales - et à nos départements en particulier - des ressources fiscales pérennes et dynamiques.
Pour ma part, je suis assez favorable à une spécialisation des impôts par niveau de collectivités.
Pourquoi ? Tout simplement parce que la spécialisation présente l'avantage de renforcer la lisibilité de notre système fiscal. Or, il s'agit là, à mon sens, d'une exigence démocratique.
Bien sûr, sa mise en oeuvre devrait veiller à la « mixité » de la ressource fiscale.
Il convient, en effet, - me semble-t-il - de garantir, pour chaque niveau de collectivités, la faculté de lever un impôt assis sur l'activité économique en plus de l'impôt à la charge des ménages.
A défaut, la spécialisation des impôts locaux présenterait l'inconvénient structurel de rompre le lien entre entreprises et territoires.
Quels que soient les choix qui seront opérés, la réforme de la fiscalité locale devra se faire - c'est une exigence - à périmètre fiscal constant et à niveau de prélèvement identique.
Voilà, mes chers amis, ce que je voulais vous dire à l'occasion de ce déjeuner.
Comme vous l'avez compris, nous avons encore du « pain sur la planche » !
Je compte sur vous et sur l'Assemblée des départements de France pour alimenter le débat comme vous pouvez compter sur le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, pour défendre et promouvoir avec détermination nos Institutions locales.
Pour conclure, je tiens, à quelques semaines des élections cantonales, à vous souhaiter tout simplement « bonne chance » !source http://www.senat.fr, le 13 février 2008