Texte intégral
Ce jour est une première. Jamais jusqu'alors, un débat aussi large, ouvrant une réflexion aussi précise, sur notre système de soins n'avait eu dans notre pays l'occasion de se tenir.
Aujourd'hui, une première synthèse des états généraux sur l'organisation de la santé vous a été présentée. Inutile de vous dire la fierté que j'éprouve d'être avec vous, en cette circonstance exceptionnelle. Inutile de préciser l'importance toute particulière que j'accorde à cette synthèse qui est le fruit d'un travail remarquable, et qui fait suite aux deux journées d'échange, à Rennes et à Châlons-en-Champagne.
Je voudrais avant toute chose remercier Annie Podeur et Yvon Berland, et à travers eux l'ensemble des membres du groupe de concertation permanent, qui n'ont pas ménagé leur peine depuis le mois de novembre pour que puisse enfin voir le jour cette première synthèse.
Ce grand mouvement de réflexion collectif procède d'une prise de conscience partagée, née d'un constat : nos concitoyens ont de plus en plus de mal à trouver un médecin, généraliste ou spécialiste, près de chez eux, alors qu'il n'y en a jamais eu autant en France. Cette situation est de nature à remettre en cause le droit à la santé, principe ancré dans notre Constitution.
Si nous ne réagissons pas collectivement sans tarder, alors la puissance publique risque bien de n'être plus en mesure de garantir l'égalité de l'accès aux soins. Derrière des statistiques nationales rassurantes et des ratios de médecins pour 100.000 habitants plutôt conformes aux moyennes constatées dans les pays développés, se profile une réalité plus alarmante : près de 2,6 millions de personnes connaissent de sérieuses difficultés pour trouver un médecin. Ce constat doit nous interroger dans la mesure où nous sommes à un pic historique en termes de démographie médicale.
La situation, si nous ne faisons rien, ira en s'empirant, et de véritables déserts médicaux risquent de s'installer dans les zones rurales et périurbaines les moins favorisées. Les mesures prises ces dernières années pour augmenter le numerus clausus ne produiront leurs effets que dans 10 ans, compte tenu de la durée de formation des médecins.
J'ai souhaité, dès le mois d'octobre, proposer des mesures concrètes pour inverser la tendance, dans le cadre du débat devant la représentation nationale à l'occasion du PLFSS. Ces propositions ont suscité des inquiétudes, en particulier parmi les futurs médecins. A l'occasion de nos discussions, j'ai perçu un décalage entre la perception de la situation que pouvaient avoir les jeunes médecins et l'urgence de réformer le système, mise si souvent exprimée par les parlementaires.
J'ai donc souhaité ouvrir un débat permettant la libre confrontation de tous les points de vue, débat mené sous la conduite d'Annie Podeur et d'Yvon Berland. Nous devons ainsi pouvoir nous accorder sur le diagnostic et proposer des solutions concertées au problème de la répartition des médecins sur le territoire.
Ainsi que le groupe de concertation l'a souligné, les attentes de médecins ont changé.
Des journées régionales, je retiens la volonté des professionnels de travailler ensemble. Nul ne conçoit plus aujourd'hui d'exerce ces fonctions de manière isolée. J'ai noté aussi la volonté de faire évoluer les pratiques professionnelles. Ces profondes mutations culturelles doivent être prises en compte dans l'organisation future de notre offre de soins de premier recours.
Enfin, j'ai noté votre volonté de bénéficier d'un accès facilité à l'hôpital et à son plateau technique. La médecine ambulatoire ne peut s'exercer entre les seuls professionnels de ville.
La loi de modernisation de l'organisation de la santé, dont je porterai le projet devant la représentation nationale, devra permettre d'engager l'ensemble de ces changements. Cette première synthèse constitue une contribution essentielle. Cependant, les travaux concernant les autres professionnels de santé, notamment les spécialistes et les professionnels de santé paramédicaux, a vocation à se poursuivre dès la semaine prochaine, pour s'achever par une séance de restitution générale à la fin du mois de mars. L'organisation de l'offre de soins et la répartition des professionnels sur le territoire y sera bien évidemment abordée. Je souhaite, dans cette deuxième phase, qu'une réflexion approfondie soit menée sur la question cruciale du partage de compétences entre les professionnels. Plus généralement, je serai très attentive à ce que la dynamique initiée depuis novembre se poursuive.
Comment donc concilier les attentes légitimes des médecins, avec une offre de premier recours cohérente, tout en assurant l'égal accès aux soins ? C'est à cette délicate question que vous avez répondu, en proposant des pistes de réforme selon les trois axes qui ont structuré cette journée. Je tiens à reprendre devant vous les éléments qui me paraissent fondamentaux dans vos débats.
L'enjeu est ici de définir une offre de soins ambulatoire de premier recours organisée efficiente et accessible sans remettre en cause les principes fondamentaux de la médecine libérale qui ont forgé notre système.
Je souhaite revenir sur les 3 axes que vous avez développés :
Il faut en premier lieu adapter le dispositif de formation pour améliorer l'attractivité du métier de médecin généraliste de premier recours.
Le choix du métier de médecin généraliste ne saurait être un choix par défaut. Si c'est encore trop souvent le cas, c'est bien en raison d'une certaine méconnaissance du rôle et des missions du généraliste de premiers recours.
Comme vous le proposez, je souhaite que nous puissions mieux définir ce que nous attendons du médecin généraliste de premier recours dans notre société. Afin de s'assurer de la cohérence des missions, il me paraît essentiel que la définition soit inscrite dans le Code de la santé publique. A mon sens ; le médecin généraliste de premier recours doit notamment :
- Assurer la prise en charge médicale de premier recours, organisée sur ce territoire, y compris dans les hôpitaux locaux et dans les structures d'hospitalisation à domicile.
- Il doit également orienter le patient dans le parcours de soins coordonnés en fonction de son besoin de soins, faire de la prévention et participer à la permanence des soins du territoire de santé.
Pour attirer les plus jeunes vers la médecine générale, il conviendra d'assurer une meilleure formation initiale, une formation plus en rapport avec des missions clairement identifiées, et ce dès la première année.
J'appelle de mes voeux l'instauration effective d'une véritable filière de médecine générale renforcée. Beaucoup a déjà été fait, mais il est nécessaire d'aller plus loin, en améliorant la connaissance de cette filière et en revalorisant le diplôme d'études spécialisées.
Parallèlement, je souhaite promouvoir un recrutement plus interrégional, mieux adapté aux besoins de santé de nos concitoyens, des médecins. Chacun sait, en effet, qu'on s'installe souvent à proximité du lieu où l'on a été formé. Le numerus clausus devra donc être modulé en fonction des besoins des régions et de la démographie médicale, ainsi que je l'ai mis en place pour la première fois cette année. La modulation devra être associée à une stratégie pluriannuelle concernant les médecins admis en 2e année au niveau national.
Je crois ensuite nécessaire d'ACCOMPAGNER la rénovation de l'offre de soins de premier recours.
Tel est le deuxième axe de notre politique.
Le changement d'approche par rapport à l'offre de premier recours impose de favoriser le regroupement des professionnels de santé afin d'assurer une prise en charge globale de la population dans un bassin de vie. Ce regroupement doit être assorti des aménagements juridiques et déontologiques nécessaires, de manière à faciliter l'exercice regroupé, à assurer le respect du secret médical, à clarifier les responsabilités civiles et professionnelles. Je souhaite que soient également explicités les statuts de collaborateur libéral et collaborateur salarié.
Enfin, la rénovation de l'offre doit se traduire, comme vous l'avez si souvent souligné, par la création de maisons de santé pluridisciplinaires ou de toutes autres formes d'exercice regroupé, dans la mesure où celles-ci répondent à un cahier des charges minimum, agréé par les pouvoirs publics.
Nous l'avons vu, en la matière, les réalisations professionnelles sont déjà nombreuses et pertinentes. Nul doute que nous saurons accompagner le mouvement en cours.
Il convient aussi de développer une ingénierie au sein des missions régionales de santé, en partenariat avec les collectivités territoriales désireuses de s'engager, afin d'aider les promoteurs à monter leurs projets locaux de santé. Cette ingénierie pourrait s'accompagner d'un guichet unique régional d'information et d'aide à l'installation des professionnels de santé, guichet placé auprès des futures agences régionales de santé. Ce guichet pourra s'inspirer de l'accompagnement des professionnels de santé déjà mis en oeuvre par l'assurance maladie.
Au-delà de la création de structures nouvelles, il m'apparaît nécessaire de mieux faire fonctionner ce qui existe déjà. Ainsi, le travail des professionnels de santé de premier recours, au sein ou autour des maisons de santé pluridisciplinaires, gagnerait à être mieux coordonné. De même, le lien avec les médecins spécialistes pourrait être renforcé. Ce sujet devra être traité par le groupe permanent de concertation des autres professionnels de santé dont le travail doit démarrer dans les jours qui viennent.
Enfin, ainsi que je l'ai rappelé à maintes reprises, il est indispensable de proposer des mesures d'orientation de l'offre de soins sur le territoire. De telles mesures ont vocation à être discutées dans le cadre conventionnel avec l'assurance maladie, afin d'améliorer la répartition des professionnels sur le territoire.
Je tiens donc à vous livrer l'état de ma réflexion sur ce sujet, à la lecture de vos travaux et après avoir entendu tous les témoignages, ceux des élus, des associations de patients, mais aussi et surtout des acteurs de terrain, soignants ou non.
A mon sens, ces mesures doivent avoir pour objet principal d'inciter les professionnels, qu'ils soient jeunes ou déjà installés, à exercer leur métier sur l'ensemble du territoire, et en priorité dans les zones où les besoins de santé sont imparfaitement couverts.
Ainsi, je souhaite que nous puissions disposer d'outils incitatifs forts, pour les zones médicalement les plus défavorisées.
D'autres incitations en zones sous-dotées, ou très sous-dotées devront être étudiées avec la plus grande attention.
Il s'agirait pour les médecins :
* De disposer de la prise en charge de fonctions supports au sein des maisons de santé pluridisciplinaires,
* De bénéficier de contrats d'engagement entre les étudiants en médecine et les collectivités territoriales, notamment,
* De proposer un contrat territorial d'installation signé entre le professionnel de santé, l'assurance maladie et les collectivités territoriales récapitulant les aides financières, le soutien matériel à l'installation et des accompagnements,
* De faciliter et inciter à l'exercice en cabinet secondaires ou l'exercice à temps partiel le cas échéant en complément d'un temps partiel hospitalier.
Enfin, je crois que vos débats nous conduisent à ne pas exclure d'envisager, de manière ciblée, et dans des cas très spécifiques, des mesures de régulation respectueuses de la solidarité intergénérationnelle dans les zones très surdotées.
Notre volonté est de faire évoluer les pratiques des professionnels et de les valoriser.
Cette vision équilibrée permet à la fois de soutenir des mesures incitatives fortes valorisant l'organisation de l'offre de soins de premier recours, applicables et réalistes, et des mesures de régulation respectant la liberté d'installation. Celles-ci garantissent la qualité du service rendu à la population et favorisent une meilleure répartition des professionnels de premier recours sur le territoire. Il nous faut des mesures opérationnelles, comme le Président de la République nous y convie.
Pour atteindre ce but, je crois également à la nécessité d'établir une stratégie d'aménagement sur le territoire de l'offre de soins de premier recours qui soit plus cohérente avec l'ensemble des services rendus à la population.
A l'image des schémas d'organisation qui existent pour les structures hospitalières, pourquoi ne pas imaginer un jour, sous l'égide de l'ARS et en collaboration avec les professionnels, les élus et les patients, la définition d'un schéma régional d'aménagement de l'offre de soins de premier recours sur le territoire ? Etabli sur la base d'un zonage national, il tiendrait compte des équilibres régionaux, des flux de population et des besoins de santé. Il pourrait être établi sur la base de projets locaux de santé réalisés par les professionnels de santé et les élus au niveau des bassins de vie ou des pays.
Nos débats l'ont montré, la réforme de notre système de santé a de grandes chances de modifier les pratiques professionnelles de chacun.
Compte tenu de la portée de ce projet, je souhaite que le travail de concertation se poursuive et je renouvelle ma confiance à Annie Podeur et Yvon Berland pour avancer dans le dialogue, avec les professionnels, les élus et les patients, sur la rénovation de l'offre de soins de premier recours.
La partie sera gagnée quand nous aurons réussi, tout simplement, à redonner envie aux jeunes étudiants et internes de devenir médecin généraliste.
Mais ces projets ne doivent pas nous détourner de notre objectif immédiat qui, conformément à la LFSS 2008 est de conduire des négociations conventionnelles pour améliorer la répartition des professionnels de santé sur le territoire.
La synthèse générale des EGOS aura lieu le 2 avril à 2008 à Paris.
Cette journée est la toute première étape d'un travail de longue haleine. La réflexion doit désormais porter sur les autres professions de santé : les spécialistes, les professions paramédicales. La concertation et la dynamique engagées pour les médecins doivent se poursuivre. Il en va de notre avenir commun.
Fidèles à nos valeurs, attachés à nos principes, aux trois grands principes de liberté d'installation, de solidarité et de responsabilité consubstantiellement liés, soucieux de défendre un patrimoine commun, de transmettre aux générations futures un système de soins de qualité, nous devons aujourd'hui regarder loin devant.
Rien n'est jamais acquis. Les Français le savent, et ce savoir constitue leur histoire : le progrès est toujours le fruit d'une conquête. Ils savent que la solidarité ne saurait rester une pure clause de style sans qu'ils finissent par en souffrir au quotidien.
Ils savent qu'elle n'est pas de toute éternité établie par la seule grâce de l'incantation. Nous savons qu'il faut se battre pour la préserver, lui donner corps, la faire vivre.
C'est ce combat qu'il nous faut aujourd'hui mener, tous ensemble. Ces états généraux, engagés dans un esprit résolument prospectif, manifestation exemplaire d'une démocratie vivante, devraient permettre la mise en oeuvre des réformes nécessaires, des réformes attendues.
Le changement ne se décrète pas. Les réformes subies, préfabriquées, imposées de l'extérieur, ne sont jamais de bonnes réformes.
Aussi, j'ai bon espoir que la démarche innovante qui régit ces états généraux puisse nous permettre d'engager enfin dans notre pays une politique de santé ambitieuse et efficace.
Ainsi, le projet de loi sur la modernisation de l'organisation de la santé que je porterai cet été, nourri de vos débats et de tant de réflexions croisées, devrait constituer une des plus importantes réforme de notre système de santé depuis la loi de 1958.
Je vous remercie.Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 12 février 2008