Interview de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, à RMC le 20 février 2008, sur la suppression de la publicité sur la télévision publique à partir de 2009 et sur les recherches de solutions alternatives de financement.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- C. Albanel est notre invitée ce matin, ministre de la Culture et de la Communication. C. Albanel, bonjour. Alors, on va évidemment parler de la télévision publique, de la suppression de la pub sur la télévision publique, mais j'ai deux questions d'actualité. X. Bertrand qui fait des révélations dans L'Express, qu'il dit : « je suis franc-maçon ». Est-ce que c'est compatible avec un poste ministériel, être franc-maçon ?
R.- Ah, écoutez, je crois que c'est absolument compatible, je crois que c'est de l'ordre de la vie privée, des convictions, et voilà, ça ne pose pas plus de problème que d'être catholique ou... voilà, protestant.
Q.- Bon ! C. Albanel, la pub, la suppression de la pub, donc sur les télévisions publiques. Le Président de la République s'est exprimé, hier, C. Albanel, on a besoin quand même de quelques précisions. Fin de la publicité programmée pour le 1er janvier 2009 ?
R.- Oui.
Q.- 1er janvier prochain.
R.- Oui, mais on ne sait pas encore avec ou suppression totale de la pub ou suppression éventuellement progressive en commençant, par exemple, par la soirée, si vous voulez, après 20 heures.
Q.- A partir de 20 heures.
R.- Ça, ça méritera d'être tranché.
Q.- Ça va être le rôle de la commission présidée par J.-F. Copé.
R.- Voilà.
Q.- Quelle est votre idée ? Vous préféreriez quoi, qu'on la supprime du jour au lendemain, totalement, ou qu'on aménage ?
R.- Vous savez, moi, spontanément, si vous voulez...
Q.-... oui, spontanément.
R.- Je pense que c'est une énorme réforme qui va tout changer. Hier, c'était très frappant avec le président de la République, on a reçu les responsables, bien sûr, ensuite l'intersyndicale, la commission après. Et l'on voit bien ce qui pousse N. Sarkozy, c'est vraiment l'idée qu'il va faire l'une des plus grandes réformes, une de celles qu'il va laisser justement, qui va rester de son quinquennat. Il a vraiment un rêve d'une télévision publique avec évidemment des horaires complètement différents, des possibilités de voir des programmes complètement différents.
Q. - « Des horaires différents », ça veut dire quoi ? Plus de journal à 20 heures, par exemple ?
R.- Non, non, ça veut dire commencer tout simplement, voir le film, la grande émission de variété, ou éventuellement la grande émission sur l'Europe que par exemple 23 heures, le voir en début de soirée, et puis commencer à 10 heures, 10 heures 15.
Q.- Vous mettez une grande émission sur l'Europe à 20 heures 30, je peux vous dire que vous n'allez pas faire un tabac en audience...
R.- Pas forcément à 20 heures 30, ou à 20 heures. Je veux dire avoir des programmes plus imaginatifs, une grande liberté de traiter les sujets, ne pas se dire sans arrêt - de toute façon, ce que vous dites - : « ça ne fera aucune audience, donc on va le pousser à 1 heure du matin ».
Q.- Il n'y a pas de liberté aujourd'hui de traiter les sujets ?
R.- Si, bien sûr, il y a une grande liberté de traiter les sujets, mais par contre...
Q.-... ben alors ?
R.-... il n'y a pas souvent de liberté de les programmer exactement comme on veut, parce qu'on sait que telle émission est intéressante mais on sait qu'elle a peu d'audience et à cause des contrats de la publicité, vous allez la programmer quand même vers minuit, 1 heure du matin. Regardez le nombre d'émissions, même sur le service public, qui sont là.
Q.- Vous pensez que si on la programme à 20 heures 30, elle aura beaucoup d'audience ?
R.- Non, mais peut-être qu'à 22 heures 15, elle aura beaucoup d'audience.
Q.- A 22 heures 15, alors !
R.- Et c'est la différence.
Q.- L'idée c'est ça.
R.- L'idée oui. L'idée, je crois que c'est d'avoir un autre style d'émission dans ce mouvement d'imagination qui vraiment l'habite, et vraiment, hier, dans la discussion, justement, même avec toutes les organisations syndicales, il y a eu le sentiment, une adhésion à ce projet qui est : la télévision publique fait déjà des choses très belles aujourd'hui, mais on peut continuer, on peut aller beaucoup plus loin, on peut inventer beaucoup, et ça c'est la première idée.
Q.- Donc, P. Sébastien a un avenir sur cette future télévision publique, par exemple.
R.- P. Sébastien fait une très bonne émission tout publique, vraiment.
Q.- Bon, bon, bon !
R.- Donc, réponse à votre question : si ça basculait entièrement le 1er janvier, je dirais que cela serait peut-être encore plus dans l'esprit de la loi ; ça serait peut-être plus spectaculaire. Mais il y a aussi de bonnes raisons...
Q.- Vous préfériez donc que cela bascule entièrement le 1er janvier ?
R.- Je pense que peut-être cela serait encore plus spectaculaire. Mais ceci dit, il peut être aussi intéressant. C'est ce que la commission nous dira.
Q.- C'est ce que la commission dira. Bien. Il va falloir le financer quand même ce manque à gagner ! On l'a dit 1,2 milliard d'euros. C'est cela C. Albanel ?
R.- C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de chiffres qui sont financés. Le fait est qu'en 2007, la publicité cela a été 700 millions d'euros et à peu près 80 millions d'euros de parrainage. Voilà les chiffres réels.
Q.- Plus, plus des heures de programmes en plus !
R.- Plus en effet, que France Télévisions a chiffré à peu près à 200 millions d'euros de programmes.
Q.- Cela fait 1 milliard. Mettons 1 milliard d'euros !
R.- Voilà à peu près.
Q.- Il va falloir les trouver !
R.- Oui, mais tout à fait. Mais là-dessus les engagements précis ont été pris. On sait, il y a peu près deux, trois pistes. Probablement pas celle de la taxation des équipements ménagers ne sera certainement pas suivie.
Q.- Donc, non c'est oublié... On ne taxera pas les postes de télévision ; on ne taxera pas les ordinateurs ; on ne taxera pas les téléphones mobiles.
R.- Attendez ! La vente d'équipements, c'est-à-dire quand vous allez acheter je ne sais pas où, telle marque, en effet, votre écran plat, ce n'est probablement pas vers là qu'on s'oriente. En revanche, les autres pistes évoquées - la taxation des ressources publicitaires sur les chaînes privées, la taxation à l'Internet, la téléphonie mobile - restent complètement d'actualité.
Q.- Cela, cela reste d'actualité : la taxation des chaînes privées. Vous êtes favorables à une taxation des chaînes privées pour financer cette télévision publique ?
R.- J'ai dit que dès l'instant qu'il y aurait un transfert de ressources bien sûr publicitaires, il n'était pas anormal qu'il y ait une contribution qui devrait être limitée, sachant que les ressources publicitaires sont déjà taxées naturellement sur les chaînes privées. Donc, il ne faut aller trop loin. Je crois que...
Q.- Taxation sur Internet, aussi ? Taxation sur la téléphonie mobile.
R.- Oui, la téléphonie mobile. On sait aussi quand même que les masses financières sont là. Elles sont considérables. Il y a des bénéfices évidemment considérables et qui sont en constant accroissement aujourd'hui. Tout le monde...
Q.- Ça peut être quoi cette taxation ? Sur le chiffre d'affaires ? Sur un abonnement ?
R.- Je crois que c'est trop tôt pour le dire. Et là aussi, je pense que la commission va travailler. Et va mettre en place un modèle économique. Parce qu'il va falloir réfléchir, c'est bien sûr les taxations éventuelles, comment les utiliser.
Q.- Mais c'est acquis, les taxations, l'idée est acquise ?
R.- De toute façon, qu'il y ait certaines taxations en plus, je ne vois pas comment on peut faire autrement. Mais après, il y a aussi un modèle économique nouveau. Par exemple, que fait-t-on des parrainages ? Comment aussi peut-être développer des ressources propres un peu plus importantes précisément dans l'épargne grâce à l'évolution des rapports TESCA (phon) ? Il peut y avoir un peu plus d'intéressement pour les télévisions à faire circuler les programmes. Il y a plusieurs possibilités et tout ceci va faire un ensemble.
Q.- C. Albanel, parlons de la redevance. Le président de la République a dit- vous vous engagez, vous aussi : "il n'y aura pas d'augmentation de la redevance". On est bien d'accord.
R.- Oui, absolument.
Q.- En revanche, il se murmure qu'on pourrait étendre la redevance aux résidences secondaires.
R.- C'est-à-dire que dans le rapport de F. Lefèvre, qui est à la tête d'un club de parlementaires sur l'audiovisuel, il y a une série...
Q.- C'est pour cela que je fais allusion à cela !
R.- Vous avez raison, il y a toute une série de propositions. Et parmi ces propositions, il y a les des deux : ne touchons pas au montant de la redevance mais éventuellement élargissons l'assiette. Autrefois, c'est qu'ils remarquent, les résidences secondaires étaient assujetties. Elles ont cessé l'être.
Q.- Etes-vous favorable ?
R.- Point d'interrogation. Je pense qu'un peu plus de ressources... Je crois que le montant de la redevance, c'est vrai que c'est sensible parce qu'il y a un vrai souci de pouvoir d'achat. Donc, c'est sensible. Maintenant, réfléchir à l'assiette, en tout cas cela va être sur la table des travaux de la commission. C'est sûr !
Q.- Réfléchir à l'assiette de la redevance. Donc, on pourrait l'étendre, la redevance, aux résidences secondaires ?
R.- Si on parle de l'assiette, c'est une possibilité. Extension de l'assiette.
Q.- Et vous y êtes favorable ?
R.- Je pense qu'un petit chouya de redevance, d'une façon ou d'une autre, surtout si elle n'est pas sensible directement sur le pouvoir d'achat des plus modestes, point d'interrogation.
Q.- Par poste de télévision la redevance ?
R.- Non, pas par poste de télévision. Cela me semble très... Je ne vais pas m'aventurer. Assurément, c'est cette commission qui va vraiment travailler là-dessus.
Q.- Bon d'accord. Eh bien, nous verrons ! Vous êtes un peu dépossédée du sujet. C. Albanel ; vous ne vous sentez pas dépossédée un peu du sujet avec toutes ces commissions ? Parce que le président de la République avance une grande idée et puis derrière, il faut se débrouiller ! Il ouvre le débat, et puis, hop ! Des commissions. Il y a des commissions partout d'ailleurs. On vit avec des commissions.
R.- Je peux vous dire que début janvier, on a beaucoup travaillé sur le sujet. On a commencé bien sûr à faire tous les schémas de financement etc. Il y a d'ailleurs... On a beaucoup, beaucoup d'éléments et qu'on va pouvoir donner justement à la commission, qui va pouvoir travailler justement plus vite dans beaucoup d'aspects. Ceci étant, pour le président de la République, c'est vraiment une réforme culturelle absolument structurante, à laquelle il est profondément attaché. C'est d'ailleurs la meilleure garantie de sa réussite, je pense. Après, il faut que cela passe au Parlement. C'est une loi.
Q.- Cela ne va pas jouer sur la télévision publique quand même !
R.- Non. Mais il sait que c'est un sujet qui intéresse quand même aussi les Français. Même si ce n'est pas bon. Il faut que cela passe au Parlement. Il faut que ce soit voté. Donc, l'idée aussi d'avoir une commission où il y a des experts qui vont s'exprimer, mais aussi des parlementaires, qui vont également porter cette réforme, c'est important. Parce qu'il y a avait bien un moment où de toute façon elle allait être votée par le Parlement.
Q.- Il est temps de donner la parole au Parlement ?
R.- Je pense que le Parlement a envie de s'exprimer sur la... Et donc c'est une très bonne idée d'avoir fait cette commission. Et on va travailler étroitement avec la commission, bien sûr !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 février 2008