Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec France 2 le 18 février 2008 à Bruxelles, sur la reconnaissance par la France de l'indépendance du Kosovo et les réserves de certains pays européens en raison des risques de précédent pour l'unité nationale.

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Média : France 2

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Q - Bonsoir Bernard Kouchner, en duplex de Bruxelles, ministre des Affaires étrangères. Vous connaissez parfaitement la question. Vous avez été, notamment, administrateur du Kosovo pendant près de deux ans. Première question simple, la France est en train de reconnaître le Kosovo, est-ce par enthousiasme, avec enthousiasme ou avec résignation ?
R - Non, c'est par sagesse, et avec un certain enthousiasme, oui. Mais vous savez, qui pensait que nous allions faire autrement ? Des siècles de cohabitation, d'indifférence, d'incompréhension, vingt ans d'oppression, de souffrance, et dix ans de présence internationale, près de dix ans. Il fallait bien que ça finisse, et ça n'est pas une victoire de l'un contre l'autre. C'est un nouvel élan pour les Serbes, auxquels je pense d'abord, et puis pour les Kosovars, qui attendaient ça et qui s'étaient battus pour cela.
Q - Est ce que vous ne craignez pas des risques d'affrontements voire un nouveau conflit ?
R - Je ne le crois pas. Tout est possible. Mais les affrontements ont déjà eu lieu. Les Balkans, cela voulait dire le malheur. Les Balkans, cela voulait dire l'oppression et la guerre, et bien c'est fini. Ce qui est formidable, c'est une parabole formidable, c'est la Slovénie, le premier pays qui a quitté les Balkans de la Fédération yougoslave, souvenez-vous, qui accueille le dernier pan de cette fédération, c'est-à-dire le Kosovo. C'est très symbolique et c'est la Présidence slovène, la bonne Présidence slovène, qui accueille le Kosovo.
Q - Bernard Kouchner, il n'y pas eu de clash cet après midi à Bruxelles mais on sait qu'il y a certains pays d'Europe, qui sont six à peu près et qui sont très réservés sur cette indépendance. Est-ce que vous ne craignez pas en reconnaissant le Kosovo d'ouvrir la boite de Pandore et d'encourager d'autres nationalismes à réclamer leur indépendance, on pense évidemment, on vient de le voir, au Pays basque ou aux Flamands ou d'autres ?
R - Non, je crois, et je sais, que les histoires sont différentes. Les nationalismes et les violences n'ont pas besoin de la sagesse européenne pour se déclencher. Il faut, à un moment donné, terminer une guerre pour que revienne un élan nouveau, pour les jeunesses serbes d'abord. Je pense à cette jeunesse qui a voté en faveur de M. Tadic et à la jeunesse kosovare. Vous allez voir : ils iront ensemble vers quelque chose qui ressemblera à l'aventure européenne et qui sera peut être l'aventure européenne.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 février 2008