Texte intégral
C. Pottier : Invité, ce soir, L. Wauquiez, avec un baptême réussi pour le Porte-parole du Gouvernement, qui a été élu dès hier, dès le premier tour, maire du Puy-en-Velay.
B. Thomasson : Bonsoir L. Wauquiez.
R - Bonsoir.
B. Thomasson : Dans un scrutin, tout le monde ne peut pas gagner. Or, aujourd'hui, depuis hier soir, la droite, la gauche crient chacune victoire. En ce qui concerne la droite, cela nous permet de parler de votre résultat d'hier soir, cette victoire proclamée est-elle seulement due à votre succès au Puy-en-Velay, et le succès de L. Chatel à Chaumont, les villes qui ont été volées à la gauche ?
R - Non, mais je pense que ce sont deux scrutins qui montrent deux choses toutes simples. La première, c'est que c'est une élection municipale, et qu'une élection municipale, cela veut dire qu'on s'occupe de la vie quotidienne des gens à l'échelle d'une ville. Et que, sur ces deux villes-là, très clairement, les électeurs ont montré qu'ils choisissaient de privilégier la dimension locale. Et puis, la deuxième chose, et je pense que, et pour Luc et pour moi, ça a été très fort, à l'inverse, les listes de gauche ont martelé le slogan "faites barrage au Gouvernement", "faites barrage au président de la République". Et là encore, les électeurs n'ont pas choisi de suivre cela. Donc, cette petite musique-là, on la retrouve aussi sur une ville comme Bordeaux, sur une ville comme Toulon, sur une comme le Havre, où ce n'est pas non plus tout à fait fait. Donc, je pense...
B. Thomasson : Villes qui sont restées à droite, Juppé, etc.
R - Donc, ce que je pense cela montre, c'est qu'en tout cas, enfin à mon avis, de façon, avec un tout petit peu plus de hauteur, dans une élection, il n'y a rien de pire que la bouillabaisse, dans laquelle on mélange tout, dans laquelle on mélange des enjeux nationaux, des enjeux locaux, une instrumentalisation politicienne, la volonté de faire un vote sanction.
B. Thomasson : Pardon, mais c'est quand même N. Sarkozy qui, il y a à peu près deux mois, avait dit : "c'est une élection à l'enjeu national, j'irai moi, sur le terrain soutenir les élus locaux". Position, qui est un peu revenue en arrière ces dernières semaines, non ?
R - Si vous me permettez, ce n'est pas tout à fait ce qu'il avait dit. Ce qu'il avait dit, c'est que c'était une élection locale, mais dont il faudrait qu'il tire des leçons en termes d'orientation de sa politique".
B. Thomasson : Va-t-il le faire, du coup ?
R - Prenons quelques exemples concrets. La gauche dit "vote sanction". Un vote sanction, ça sert à quoi ? Ça ne sert à rien, on ne fait pas de la politique en négatif. Essayons...
B. Thomasson : On fait passer un message. On dit : attention, tout ce qui se fait ne nous plaît pas forcément.
R - Oui, bien sûr, mais il y a peut-être une manière plus intelligente. C'est-à-dire, de se dire : bon, voilà, par rapport aux cadences des réformes qui sont menées par le Gouvernement, quels sont les chantiers où il faut peut-être qu'on aille plus loin ? Prenons un exemple simple : pendant cette campagne, j'ai été très frappé par le cri d'alarme et de détresse un petit peu au niveau des petites retraites. Je pense que, sur l'orientation qu'on veut mener, notamment la revalorisation des petites retraites, qui a été enclenchée par le Premier ministre, voulue par le président de la République, il faut que l'on fasse des choses et qu'on avance. Mais vous voyez...
B. Thomasson : 1,1 % ce n'est pas beaucoup quand même, par rapport à une inflation qui est au-delà !
R - Bien sûr, et c'est pour cela que le Premier ministre...
B. Thomasson : C'est la revalorisation que vous proposez pour les retraites ?
R - Non, c'est la revalorisation qui est prévue par la loi, et sur laquelle il y aura un rattrapage dès cette année, par rapport aux orientations de l'inflation. Donc, je pense juste que, à travers ce premier tour en tout cas, il y a deux choses qui me frappent. La première, c'est ne pas agglutiner, comme cela, des enjeux qui sont différents, parce que c'est la démocratie qui perd. La deuxième chose, c'est que, ce qui est intéressant dans notre mode de fonctionnement, ce ne sont pas les votes sanctions ce sont les leçons positives que l'on peut en tirer. Et je crois que ce sont ces deux idées-là, fortes, qui se détachent du premier tour.
B. Thomasson : Vous parlez de "bouillabaisse", alors pardonnez-moi la transition, mais Marseille est une ville un peu en danger, Toulouse, également. Comment réussir à mobiliser les électeurs de ces villes qui sont des villes importantes. Parce que, si Marseille et Toulouse restent à droite on pourra peut-être parler d'un rééquilibrage par rapport au succès de la droite en 2001, sur l'ensemble de la France. Mais si elles tombent à gauche, là, on pourra parler d'une défaite de la droite ?
R - Marseille, est un très bon exemple de ce qu'on est en train de dire. Marseille, c'est une ville qui est allée de l'avant, avec J.-C. Gaudin ; qui a un bon bilan local, sur lequel la situation de l'emploi s'est améliorée, sur lequel la revalorisation urbaine est allée de l'avant. Je pense que c'est cela qu'on doit mettre en avant. Et ce serait ridicule d'aller dire...et que tout d'un coup, vous ayez une ribambelle de ministres qui défilent à Marseille, pour dire "il faut à tout prix faire un vote dans tel sens".
B. Thomasson : J.-C. Gaudin publie une lettre que lui a envoyée N. Sarkozy annonçant, notamment, des renforcements d'effectifs de la police à Marseille.
R - Ça c'est du local, et c'est ce qui est intéressant. La ligne que j'essaie de défendre, c'est de dire : élection municipale, vous choisissez les gens qui vont vous représenter pendant 6 ans pour votre vie quotidienne, dans ce qui est le plus proche de vous. Ce n'est pas rien et ça mérite qu'on s'y penche sérieusement.
B. Thomasson : Pour le deuxième tour, l'UMP réclame avec le MoDem un engagement global, ce qui est paradoxal par rapport à cette idée de scrutin local que vous défendez. On ne peut pas négocier globalement si les enjeux sont très locaux. On négocie ville par ville, c'est que souhaite le MoDem.
R - En même temps, pour le MoDem, quel est le sens de leur engagement politique ? Si jamais cela consiste à dire : "voilà, au coup par coup, de façon opportuniste, un coup je vais là, un coup je vais là, en fonction de l'espace qui s'ouvre", est-ce que c'est vraiment porteur ? Ce qui est important, c'est dans quelle mesure est-ce que les projets, qui sont les projets du MoDem pour faire avancer des villes, sont conciliables ou non avec telle ou telle famille politique. Je pense, que ce soit à Pau, à Toulouse, aujourd'hui à Paris où Delanoë a plutôt relativement fermé la porte en disant : "moi, il n'y a que les Verts qui m'intéressent" ; je crois qu'il y a un espace pour essayer de construire quelque chose avec le MoDem. Le MoDem est une famille qui a quand même un certain héritage en matière de filiation politique. Je trouverais très décevant qu'on soit juste dans un discours qui consiste à faire perdre et pas à construire pour l'avenir.
B. Thomasson : A Paris, notamment, le MoDem n'est pas prêt à s'allier avec F. de Panafieu. M. de Sarnez l'a dit, "ce n'est pas la meilleure politique que je souhaite pour la ville de Paris". C'est-à-dire qu'il risque d'y avoir des triangulaires qui vont se maintenir, notamment dans le Vème arrondissement, il y a des menaces.
R - Oui, c'est vrai, il y a des menaces. C'est là où je voulais en venir. C'est-à-dire que je pense que, et c'est toujours la même idée, en politique, le plus important ce n'est pas d'être là pour détruire, c'est d'être là pour construire. Je pense que c'est sans doute une des alternatives face auxquelles est aujourd'hui le MoDem.
B. Thomasson : L. Wauquiez, est-ce que vous allez sauver, à l'UMP, le soldat Bayrou, à Pau, dans le cadre de ces négociations ?
R - Je crains que la destinée du soldat Bayrou ne repose pas sur mes épaules.
B. Thomasson : Sur celles de l'UMP quand même. C'est-à-dire que si le candidat qui a le soutien de l'UMP se retire, F. Bayou sera élu. Si le candidat se maintient, ce sera plus compliqué. Il y a des négociations pour des échanges de villes ? On le sauve à Pau et il nous permet de sauver Marseille par exemple ?
R - Non, je pense qu'il ne faut pas qu'on rentre dans ce genre de chantage qui est un peu du chantage politicien.
B. Thomasson : C'est comme ça que ça se passe, non ?
R - J'espère que ça ne se passe pas trop comme ça. En tout cas, mon souhait, c'est que ce soit sur la base de projets, une réflexion d'ensemble. On se dit : "dans quelle mesure est-ce que nos projets vont dans la même direction ? "
B. Thomasson : C. Estrosi démissionnera s'il est élu à Nice, il l'a annoncé. Dans les résultats d'hier, on voit que les maires qui sont à plein temps ont été très souvent réélus. Que feriez-vous, puisque vous êtes élu au Puy-en-Velay ? Vous restez au Gouvernement, c'est compatible ?
R - J'ai joué cartes sur table, c'est-à-dire que j'ai dit que si jamais j'étais élu maire, je garderais mon poste de ministre mais que, par contre, si on me demandait de choisir entre mon poste de ministre et de maire, je choisirais mon poste de maire. J'ai été très clair. Mais, cela étant, j'ai des petites responsabilités au niveau du Gouvernement, j'ai une ville qui est une ville qui n'est pas du tout à l'échelle de la taille de Nice.
B. Thomasson : 20 000 habitants, mais 50 000 habitants avec l'agglomération.
R - Oui, mais je ne fais pas non plus le tour de la planète comme ce que fait C. Estrosi tous les jours. Et puis vous savez, sur une ville comme la mienne, dans un département rural où il faut se battre tous les jours pour ramener des projets, avoir quelqu'un qui aide sa ville pour construire l'avenir, visiblement, les électeurs ont trouvé que c'était important.
B. Thomasson : Et, par exemple, F. Hollande peut rester maire de Tulle, président du Conseil général de Corrèze, premier secrétaire du PS, ça vous choquerait ?
R - Ca me choquerait dans le même temps où ils ont un discours qui est très offensif anti-cumul. Il y a un moment où il faut être cohérent dans la vie. On ne peut pas à la fois avoir un joli discours parce qu'on trouve que c'est présentable et politiquement correct, et derrière de ne pas se l'appliquer soi-même.
B. Thomasson : Un dernier mot, L. Wauquiez, que va faire N. Sarkozy à Toulon, demain ? Il va parler de l'immigration, est-ce que c'est une manière de montrer qu'il est un peu au-dessus de la mêlée, puisque Toulon, c'est déjà réglé, la réélection a eu lieu hier ?
R - Oui, je pense. En même temps, Toulon, pour moi, c'est un souvenir très fort de la campagne, où il a prononcé son discours sur l'Union méditerranéenne. C'est toujours la même logique, c'est-à-dire d'essayer de voir comment est-ce qu'à la fois on peut régler notre politique d'immigration mais essayer de le faire en portant des projets constructifs qui vont de l'avant. C'est un de mes souvenirs les plus forts, pendant la campagne, ce discours sur l'Union méditerranéenne.
B. Thomasson : Et donc à Toulon, c'est un symbole ?
R - Oui, je pense que c'est un symbole d'une très belle réussite aussi, et là pour le coup, au-delà des clans gauche/droite, il s'agit d'une très belle réussite de la démocratie. Ville tenue par le FN, avec un maire qui a fait un boulot gigantesque.
B. Thomasson : Il aurait pu aller à Marseille ? Dans la même lettre, il dit : "Marseille sera la capitale de cette Union méditerranéenne ". Il aurait pu donner un petit coup de pouce à J.-C. Gaudin ?
R - Oui, mais je pense que ce qui est intéressant, c'est, comme vous l'avez dit, de montrer que le Président, parallèlement aux enjeux municipaux, continue à filer le travail de fond qui est fait par le Gouvernement.
Source http://www.porte-parole.gouv.fr, le 12 mars 2008