Déclaration de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur les droits souverains de l'Etat français sur les 11 millions de km2 d'espaces maritimes et sur les missions de défense et de sécurisation de la marine nationale, Mayotte le 28 mars 2008.

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  • Yves Jégo - Secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer

Circonstance : Déplacement à La Réunion et à Mayotte du 27 au 29 mars 2008-discours à bord de la "Jeanne d'Arc" à Mayotte

Texte intégral

C'est pour moi un grand plaisir à l'occasion de mon premier déplacement à la rencontre des « îles de la France » et de nos concitoyens ultra-marins d'embarquer à bord de l'emblématique « Jeanne d'Arc », profitant de son escale à Mayotte.

1 - En charge de l'outre-mer, c'est à dire d'un vaste ensemble principalement constitué d'îles et de zones maritimes, je vous parlerai d'abord de la mer, d'autant plus que je suis chez les marins !
Le droit de la mer a consacré l'exercice par l'État français de droits souverains sur de vastes espaces maritimes, soit près de 11 millions de km2 de « zones économiques exclusives » (ZEE). Grâce à ses territoires et collectivités d'Outre-mer « la France des trois océans » est ainsi à la tête du deuxième plus grand domaine océanique du monde après les USA.
Cet atout incontestable lui permet de bénéficier d'une position privilégiée sur la scène internationale en siégeant dans la quasi-totalité des instances internationales de préservation de l'environnement et de négociation du droit maritime international ainsi que dans de nombreuses organisations régionales.
Les potentialités économiques de la mer sont considérables et exacerbent les convoitises. La conquête des espaces océaniques ne fait que commencer. Ainsi, les débats passionnés sur le programme d'extension des limites du plateau continental (EXTRAPLAC) suscitent espoirs pour les uns, craintes pour les autres. Par leur intensité, ils témoignent de la compétition qui s'exerce désormais sur les espaces maritimes.
Les « champs marins », au-delà de l'exploitation off shore du pétrole, du gaz et des granulats, et demain sans doute des nodules poly métalliques, permettent l'accès à des sources d'énergies renouvelables très prometteuses - énergie thermique des mers, énergies des courants et des marées - mais aussi aux ressources halieutiques si précieuses pour l'alimentation d'une population toujours plus nombreuse.
C'est aussi en mer que l'on trouvera les molécules qui permettront de lutter contre les maladies liées au vieillissement humain. Les espoirs des chercheurs en la matière sont considérables. Avec l'IFREMER, le SHOM et le CNRS, la France reste l'un des leaders des sciences de la mer, domaine dans lequel elle a été pionnière. Elle doit maintenir ses efforts de recherche maritime.
La mondialisation de l'économie se caractérise par une « maritimisation » accrue des flux de marchandises. Plus de 90% des échanges commerciaux intercontinentaux se font désormais par la mer. Il faut s'en réjouir car, rapporté à la tonne au kilomètre, le transport maritime et fluvial est sept fois moins polluant que le transport routier et dix fois moins polluant que le transport aérien !
Le commerce maritime représente pour la France une exceptionnelle occasion de se développer si elle se donne les moyens de capter ces flux de marchandises et de les redistribuer, en s'appuyant sur des réseaux maritimes, aériens, fluviaux, ferrés et routiers habilement connectés à des ports ouverts sur le « grand large ». Le port de la Pointe des Galets à La Réunion doit être l'un de ces ports, avec en relais celui de Mamoudzou ici à Mayotte.

2 - Au-delà de ce rappel des enjeux stratégiques de la mer et de l'outre-mer pour la France, ma présence aujourd'hui à bord d'un navire de la marine nationale et auprès de militaires des forces armées d'outre-mer, est pour moi l'occasion de rendre hommage à l'action de défense et de sécurité qui est la vôtre.
Si le commerce maritime représente une occasion de développement économique, il représente aussi pour la France une réelle opportunité de coopération en matière de sécurité régionale entre pays riverains des routes maritimes stratégiques du sud de l'océan Indien. La France doit affirmer sa volonté de sécuriser ces routes. Cette affirmation passe notamment par la présence régulière de forces navales et aériennes capables d'agir à bon niveau, en coopération étroite avec les armées des pays riverains Elle passe aussi, et je salue leur action, par la présence de détachements de légionnaires et de marsouins des forces terrestres sur nos îles éparses - Europa, Juan de Nova, Glorieuses et Tromelin -, sentinelles avancées de la route maritime stratégique du canal du Mozambique.
Stratégiques pour la sécurité des approvisionnements par voie maritime, les zones maritimes de l'outre-mer français sont aussi très poissonneuses et il faut absolument pouvoir y faire respecter des règles d'exploitation raisonnées. C'est ce qui conduit la France à être présente dans le sud de l'Océan indien, autour des Terres australes françaises. Pour ne pas porter seul le fardeau d'une telle surveillance, il faut privilégier une coopération étroite avec les Etats riverains en leur proposant un partage équitable de droits et de devoirs dans l'exploitation des ressources halieutiques. C'est ce que nous faisons, notamment avec nos amis Sud Africains, en partageant les zones et les périodes des patrouilles de surveillance maritimes et aériennes.
Au-delà, la « diplomatie navale » qui s'exprime à travers les 750 escales qu'effectuent chaque année les navires de la marine nationale partout dans le monde est l'un des facteurs clé du rayonnement politique et économique de notre pays et l'emblématique « Jeanne d'Arc », qui est l'un de ses plus grands acteurs, mériterait bien le titre « d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la France des trois océans» !
Enfin, le rôle des forces armées est essentiel pour garantir la stabilité régionale de la zone sud de l'océan Indien. Elles entretiennent des liens réguliers et confiants avec les armées des pays voisins dans le cadre d'accord de coopération et conduisent des entraînements réguliers pour être prêtes en cas de crise dans un ou plusieurs pays de la zone à conduire conjointement des opérations de rétablissement de la paix ou d'évacuation de ressortissants. Les populations des COM et des DOM est celles des pays voisins savent pouvoir compter sur le professionnalisme des armées françaises dans de telles situations et ne manquent jamais de leur rendre hommage.

3 - Cet hommage est d'autant plus fort que je sais ce que nos compatriotes des COM et DOM doivent à la coopération permanente des forces armées et des forces civiles de sécurité.
Force est de constater en effet que les espaces maritimes et insulaires d'outre-mer sont malheureusement utilisés par les trafiquants en tous genre. De la détestable exploitation de la détresse humaine par les passeurs d'immigrants clandestins aux pilleurs d'espèces marines protégées, en passant par les pollueurs ou les transporteurs de stupéfiants, la mer est hélas le théâtre d'un cruel spectacle.
Il faut pouvoir lutter contre tous ces trafics qui sont potentiellement très déstabilisants. Le recours à la force légale en haute mer est de plus en plus souvent nécessaire face à des trafiquants parfois lourdement armés et prêts à tout pour échapper aux contrôles et à la saisie. D'importants moyens maritimes et aériens sont ainsi mobilisés. Depuis le 1er janvier 2008, plus de 7 tonnes de drogues ont été saisies par la marine nationale en haute mer, en provenance de la zone des Antilles, sur un renseignement élaboré en liaison avec le service des Douanes et des Affaires maritimes, en coopération avec les américains et les néerlandais. Voilà un bel exemple de ce que permet la coopération.
Ici, dans les approches maritimes de Mayotte, plus de 850 immigrants et de 50 passeurs ont été interceptés par l'ensemble des moyens de l'Etat depuis le début de l'année 2008 dans les eaux où nous nous retrouvons aujourd'hui. Beau succès pour les services de l'Etat, police, gendarmerie et douanes, succès auquel les forces armées sont largement associées.
Au-delà de ces missions de sécurité générale, dans une zone sujette aux catastrophes naturelles et aux épidémies comme cela nous a été cruellement rappelé en 2006-2007 avec le Chicungunya et en 2007 avec les cyclones Gamède et Clovis , les forces armées jouent un rôle clé auprès des populations ultra-marines, aux côtés des forces civiles, en apportant un inestimable secours non seulement aux populations ultra-marines de nos COM et DOM mais également à celles des pays voisins. Je pense notamment à Madagascar si durement touché il y a quelques semaines. Je salue l'engagement et le dévouement des tous les militaires des forces armées de la zone sud de l'océan Indien dans l'accomplissement de ces missions civilo-militaire.
Je voudrai enfin saluer le très grand succès du service militaire adapté qui permet à de nombreux jeunes ultra marins - près de 200 chaque année ici à Mayotte - d'acquérir une formation professionnelle, civique et humaine qui les prépare à la vie active et à l'emploi tout en leur donnant la possibilité d'apporter leur énergie au service de la population dans le cadre de leur service militaire. Les armées participent ainsi activement à l'insertion, l'égalité des chances et la cohésion sociale.
Il est temps de conclure.
En tant que secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer français, je suis responsable et dépositaire temporaire du fantastique patrimoine qu'il représente. Je me dois de veiller à sa préservation et son développement durable, mais aussi à sa sécurité. Tous les services de l'Etat sont associés à ce défi et c'est à ce titre que je resterai très attentif au format des forces de défense et de sécurité dans nos territoires et collectivités d'outre-mer.
Les forces armées ont une fonction essentielle d'expression de la souveraineté française, souveraineté qui n'est pas de pur orgueil mais bien au contraire de pleine responsabilité à l'égard des générations futures pour qui l'Outre-mer français et ses espaces océaniques doivent être source de développement et de prospérité.
Voilà un beau défi pour vous, jeunes officiers de la marine française qui allez bientôt rejoindre les forces opérationnelles après une riche période de formation à l'école navale et sur les navires de combat du Groupe Ecole d'Application des Officiers de Marine. Je ne doute pas de votre plein engagement pour le relever avec honneur et fierté et, comme le veut la tradition maritime, permettez moi de souhaiter à chacune et chacun d'entre vous « bon vent et bonne mer sur les routes maritimes de la France des trois Océans ».

source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 31 mars 2008