Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de votre accueil à cette conférence de l'Association française des investisseurs en capital, rendez-vous annuel d'une profession en pleine expansion.
Pour vous, le capital investissement est une activité professionnelle, parfois une passion, mais également, et c'est naturel, une source de profit. Pour nous, au gouvernement, c'est avant tout un formidable outil de financement des PME ; un outil de marché qui a fait ses preuves et qui témoigne de la capacité de la sphère financière à se mettre au service de l'économie réelle. En ces temps troublés sur les marchés mondiaux, vous êtes la preuve concrète que la finance n'est pas toujours folle, et qu'elle peut accomplir avec succès et efficacité son rôle d'intermédiaire entre des investisseurs, particuliers ou institutionnels, et des entreprises en développement.
J''aimerais avant toute chose aborder rapidement la crise financière, qui nous préoccupe tous aujourd'hui, et les réformes qui sont en cours en France dans les domaines économique et financier (I). Puis j'évoquerai plus précisément le secteur du capital investissement, pour retracer les grandes lignes de mon action dans ce domaine (II).
I. Les réponses à apporter à la crise financière et les réformes en cours
Après une accalmie relative depuis le début de l'année, les tensions observées sur les marchés financiers depuis l'été dernier se sont à nouveau aggravées au début du mois de mars. Vous le savez, ces turbulences trouvent leur origine aux Etats-Unis. Une politique de prêt immobilier peu responsable à des ménages américains peu ou pas solvables a déclenché deux réactions des marchés :
- les investisseurs réévaluent leur appréciation des risques : cette réévaluation conduit à des corrections importantes sur les prix de certains actifs ;
- la confiance des investisseurs dans certains produits structurés est ébranlée.
Cette réaction des marchés est à l'origine de la tempête qui secoue le système financier américain et nous en ressentons les turbulences jusqu'en Europe.
Ces turbulences appellent deux types de réponses. Sur le plan domestique, la priorité est à la coopération entre les pouvoirs publics et les autorités de supervision pour le suivi, la surveillance et le contrôle du secteur financier. C'est la qualité de notre système de supervision et la solidité du système financier français qui nous permettent de bien résister aux tensions actuelles. C'est là une priorité de mon action.
Au-delà de la gestion des tensions actuelles, les dysfonctionnements identifiés sur les marchés financiers appellent des changements dans leur régulation. Notre gestion des turbulences doit être irréprochable, cela va sans dire, mais la détermination de la communauté internationale à s'attaquer à ces dysfonctionnements est également essentielle pour rétablir la confiance des investisseurs dans les marchés et normaliser la situation.
Dès octobre dernier, sous l'impulsion du président de la République, j'ai proposé aux partenaires de la France un diagnostic et des propositions pour résoudre les dysfonctionnements. Un article que j'ai publié en octobre dans le Financial Times résume ces propositions. Après de nombreux travaux avec nos partenaires européens et du G7, l'analyse que j'avais développée dans cet article fait aujourd'hui consensus. La communauté internationale a identifié un certain nombre de réformes à adopter. Avec la Présidence française de l'Union européenne, c'est le temps de la mise en oeuvre qui arrive :
- je souhaite que l'Europe soit, avec la France, à l'initiative dans le débat international sur la réforme des marchés financiers ;
- il s'agira également de renforcer la régulation des marchés financiers européens, notamment par la révision de la directive bancaire pour améliorer la transparence sur les engagements hors-bilan, les activités de titrisation multiple et la gestion des risques de liquidité ;
- nous travaillerons également à réformer le système européen de supervision financière : les tensions actuelles soulignent à quel point la coopération des autorités de supervision est nécessaire à une régulation efficace du secteur financier.
Malgré un contexte international moins porteur, le ralentissement est moins sensible dans la zone euro qu'aux Etats-Unis, avec un climat des affaires proche de ses plus hauts niveaux historiques, et largement au-dessus de celui des Etats-Unis. La France résiste particulièrement bien : les entrepreneurs gardent le moral ! Non seulement la France résiste, mais son économie réelle demeure solide. L'année 2007 a été celle de trois records historiques : le taux de chômage a été ramené à son plus bas niveau depuis 1983 (7,5 % au quatrième trimestre) ; le rythme des créations d'emplois est inégalé depuis l'an 2000 (328 000) ; les créations d'entreprise n'ont jamais été aussi nombreuses (321 000). La production automobile est vigoureuse (+3,6 % en décembre, après + 1,8 % en janvier). Le moral des industriels s'est redressé significativement en mars, comme l'indiquent les données publiées la semaine dernière par l'Insee. Et je me réjouis de la nouvelle baisse du nombre de demandeurs d'emploi en février (-13 700) rendue publique jeudi dernier.
Cette résistance de l'économie française s'explique en partie par les effets de nos premières réformes.
Je pense bien sûr à la première grande loi économique du quinquennat, qui portait sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Mais il y a aussi des réformes dont on parle moins mais qui sont néanmoins fondamentales. Je pense en particulier au crédit impôt recherche, qui vous concerne au premier chef, puisque nombre d'entreprises dans lesquelles vous investissez en bénéficient. C'est particulièrement vrai pour les gestionnaires de fonds communs de placement dans l'innovation et de fonds communs de placement à risques, qui sont présents nombreux aujourd'hui.
En triplant le crédit d'impôt-recherche, nous avons créé le système de soutien à la recherche privée le plus incitatif des pays de l'OCDE. Déjà, de nombreuses entreprises internationales me parlent de leurs projets d'investissement en France pour bénéficier de ce dispositif, en vigueur depuis le 1er janvier 2008.
La réforme du crédit impôt-recherche s'accompagne de mesures vigoureuses pour développer l'innovation : montée en puissance des 71 pôles de compétitivité ; fusion d'Oséo et de l'Agence de l'innovation industrielle pour simplifier le dispositif ; mais également protection renforcée des brevets grâce la loi de lutte contre la contrefaçon, votée en octobre dernier. J'en suis convaincue : l'innovation, dans un univers mondialisé où il n'est pas question pour nous de rivaliser avec les coûts de production des pays émergents, constitue la botte secrète de nos économies. Notre objectif est que notre effort privé et public de R&D atteigne 3 % de notre PIB.
La cohérence de la stratégie du gouvernement français est simple : elle consiste à maîtriser et réduire la dépense publique en stimulant l'offre productive. Cette démarche correspond aux recommandations des organisations internationales et de la plupart des économistes. C'est bien une gestion rigoureuse des finances publiques qui nous permettra d'atteindre une croissance vigoureuse.
Le bilan des réformes déjà accomplies est très significatif. Mais nous allons bien sûr aller plus loin : la loi de modernisation de l'économie que je soutiendrai au Parlement en mai nous permettra de sonner la mobilisation générale pour les entreprises et la concurrence, et de faire souffler un vent de liberté sur notre économie. Elle contiendra un volet important en faveur des entrepreneurs, des mesures en faveur de la concurrence, et d'autres en faveur de l'attractivité du territoire. Elle permettra également d'améliorer le financement de l'économie. La généralisation de la distribution du livret A, outre qu'elle facilitera la vie quotidienne des Français, bénéficiera à la construction de logements sociaux, et la modernisation de la place de Paris, qui vous concerne au premier chef, permettra de mobiliser le secteur financier : je vais y revenir dans un instant.
(II) L'action du gouvernement en matière de capital risque
Mais permettez-moi d'évoquer maintenant plus particulièrement les grandes lignes de l'action que mène le gouvernement pour développer le capital investissement en France. Car le soutien au capital risque est un élément de notre politique plus générale en faveur du développement des PME.
Si je vous parle des PME, c'est qu'elles apportent une contribution essentielle à notre pays, avec plus de 2,5 millions d'entreprises représentant 60 % des effectifs salariés. C'est beaucoup, mais la France compte aussi deux fois moins d'entreprises de taille moyenne, proportionnellement, qu'en Allemagne ou aux Etats-Unis. La France doit donc miser sur l'expansion de ses PME pour améliorer sa R&D, ses exportations, et gagner le point de croissance qui lui manque : notre objectif est de parvenir, d'ici la fin du quinquennat, à ce que 2 000 entreprises supplémentaires franchissent le seuil des 500 salariés.
Le capital investissement va nous aider à atteindre cet objectif. Avec un montant record de 12,6 milliards euros d'investissement en 2007 dans plus de 1 500 entreprises, c'est un secteur sur lequel nous pouvons compter. Cependant, ces bons résultats ne doivent pas cacher les faiblesses de certains segments du capital investissement. Je pense particulièrement au capital risque dont les montants en France restent proches de 0,1 % de notre Produit intérieur brut (PIB), alors que dans les pays les plus dynamiques ce montant dépasse les 0,2 % de PIB, voire les 0,3 %. Les pouvoirs publics ont, là comme ailleurs, un rôle à jouer pour optimiser les circuits de financement.
Trois dispositifs importants sont aujourd'hui soit à l'oeuvre soit en cours d'élaboration pour encourager les acteurs économiques à alimenter les fonds d'investissement. Ils concernent (A) les particuliers, à travers la mesure ISF/PME ; (B) les acteurs publics eux-mêmes, via la Caisse des dépôts et consignations ; et (C) tous les investisseurs, publics comme étrangers, grâce à la modernisation prochaine de la place financière de Paris.
(A) Pour les particuliers, la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat doit permettre un véritable transfert de richesses vers les PME, via les fonds d'investissement
Les dispositifs fiscaux visant à drainer l'épargne des ménages vers les fonds de capital risque tels que les Fonds communs de placement dans l'innovation fonctionnaient déjà bien : en 2007, les FCPI ont levé 779 millions d'euros pour 40 véhicules et les Fonds d'investissement de proximité ont levé 374 millions d'euros pour 28 véhicules, soit près d'1,2 milliard d'euros en tout.
Afin de renforcer l'utilisation de ce type d'outil de développement du capital risque en France, nous avons ouvert la possibilité pour les redevables de l'ISF de déduire une partie de leur impôt en l'investissant dans le capital de nos PME. Nous étions cependant conscients des limites de la "love money", malgré son utilité, et de l'effet potentiel limité de cette décision pourtant audacieuse si nous attendions des particuliers qu'ils trouvent eux-mêmes les entreprises : tout le monde ne peut pas s'improviser financier.
C'est pourquoi, à l'occasion des lois de finances du 25 décembre 2007, j'ai souhaité étendre la possibilité d'intermédiation, déjà accordée aux Fonds d'investissement de proximité, aux Fonds communs de placement à risques et aux Fonds communs de placement dans l'innovation. Cet élargissement est particulièrement destiné aux PME en phase d'amorçage, et vise à développer l'activité de business angels.
Ce dispositif était jusqu'à présent limité dans sa portée car soumis à la réglementation communautaire dite "de minimis", qui limitait le montant des investissements à 200 000 euros par entreprise sur 3 ans. J'ai personnellement défendu ce dossier devant les instances européennes, à l'occasion de mes nombreux déplacements à Bruxelles. Après des discussions nourries, la Commission européenne a finalement donné son accord à un relèvement du plafond d'investissement, qui sera désormais de 1,5 millions d'euros par an et par entreprise. Je vous annonce que la publication du décret d'application de cette décision interviendra dans les tout prochains jours.
Le gouvernement a donc déployé de nombreux efforts, devant les parlementaires comme devant la Commission, pour que les fonds aient toute leur place dans le dispositif ISF/PME. Aujourd'hui, la balle est dans votre camp. Nous vous faisons confiance pour jouer à plein votre rôle d'intermédiaire, et pour éviter tout abus, en présentant clairement à vos clients les spécificités de cette formule et les risques qu'ils encourent.
Voilà le principal message que je voulais vous passer aujourd'hui : il vous appartient de faire en sorte que ce dispositif soit une réussite, et ce pour tous les acteurs concernés :
- du point de vue des PME tout d'abord et avant tout, en mettant à disposition du plus grand nombre d'entre elles les capitaux nécessaires à leur développement ;
- du point de vue des redevables de l'ISF ensuite, en leur proposant des produits adaptés à leurs besoins et en accompagnant cette commercialisation d'une pédagogie particulière notamment quant aux risques inhérents à ces placements, à sa durée de blocage et au calcul de l'avantage fiscal ;
- et enfin du point de vue de la gestion de ces fonds, en appliquant les meilleures pratiques de déontologie. A ce titre, à l'occasion de la commercialisation, les frais de gestion, notamment, devront faire l'objet d'une transparence exemplaire.
(B) Les pouvoirs publics eux aussi s'impliquent directement pour financer les PME, à travers le programme France Investissement.
Ce dispositif orienté vers le capital-risque et le capital-développement doit permettre d'injecter, de 2006 à 2012, 3 milliards d'euros, soit 500 millions par an, dans des PME à fort potentiel de croissance. Ces 3 milliards se partagent entre un apport de deux milliards d'euros par la Caisse des Dépôts, et un complément d'au moins un milliard d'euros apporté par les partenaires privés, à savoir, dès à présent, AGF, le groupe Caisse d'Epargne, Groupama, Natixis et la Société générale, que je souhaite saluer ici.
Les résultats obtenus pour la première année du programme France Investissement sont très satisfaisants et montrent la forte mobilisation des acteurs : les cinq fonds de fonds mis en place par les partenaires privés sont opérationnels depuis plusieurs mois ; au 31 décembre 2007, les engagements des partenaires privés, soit au total 230 millions d'euros, ajoutés à ceux de la Caisse des Dépôts, soit 587 millions d'euros, représentent 817 millions d'euros.
Au niveau des fonds, quarante-quatre fonds de capital investissement ont levé des capitaux auprès des partenaires de France Investissement pour un montant total de 537 millions d'euros, ce qui représente environ 30 % du marché français du capital risque et du capital développement. Ces fonds, qui ont déjà investi dans une centaine d'entreprises, ont la capacité d'investir dans plus de 800 entreprises à fort potentiel de croissance dans les années qui viennent.
A mes yeux, la seule faiblesse de ce programme France Investissement réside dans l'amorçage des entreprises. A l'heure où la loi de modernisation de l'économie vise à promouvoir l'esprit d'entreprise et à simplifier le statut de l'entrepreneur individuel, il faut que ceux qui lancent leur activité puissent avoir accès plus facilement aux capitaux. Je sais que 13 % des montants qui sont apportés aux fonds par France Investissement devraient être cette année affectés à des opérations d'amorçage : cela constitue un net progrès, et je serai particulièrement attentive à ce que la place de l'amorçage dans France Investissement demeure suffisante.
Que pouvons-nous souhaiter de plus ? Peut-être de voir de nouveaux partenaires privés se joindre à cette grande ambition collective dans les mois à venir et créer de nouveaux fonds de fonds publics-privés.
(C) Pour tous les investisseurs, publics comme étrangers, nous allons renforcer l'attractivité de la place financière de Paris à travers la loi de modernisation de l'économie.
Cette loi de modernisation contiendra un article spécifique regroupant des mesures en faveur du capital risque. En particulier, la loi créera un nouveau véhicule très compétitif, le fonds commun de placement à risques contractuel, qui doit nous permettre de concurrencer efficacement les places de Londres et de Luxembourg. Une consultation a été lancée auprès de vous. Pour moi, les choses sont claires : pour que ce FCPR contractuel soit un succès, il doit laisser le plus de part possible au choix des parties, et être soumis à une réglementation limitée à l'essentiel, sans fixation de ratio quantitatif ou d'encadrement réglementaire des conditions d'investissement ou de rachat.
S'agissant plus généralement de la gestion d'actifs, nous poursuivons trois objectifs dans cette loi :
- renforcer la compétitivité des véhicules d'investissement de droit français dans le domaine de la gestion alternative (OPCVM à règles d'investissement allégées et contractuels) en pariant sur l'effet d'entraînement en matière de relocalisation sur l'activité de gestion à haute valeur ajoutée ;
- favoriser la capacité exportatrice des fonds de droit français en permettant aux OPCVM destinés à l'exportation ou aux investisseurs qualifiés d'élaborer leur prospectus dans une langue autre que le français ;
- tirer les conséquences des évènements de marché récents, en renforçant les outils dont disposent les fonds de droit français pour gérer leur liquidité actif-passif.
J'aimerais pour finir m'adresser à ceux d'entre vous qui viennent de loin aujourd'hui, pour leur dire que notre loi de modernisation de l'économie comportera d'importantes dispositions en faveur de l'attractivité économique de son territoire. La France est déjà le troisième pays au monde pour les Investissements directs étrangers et compte sur son territoire 20 000 filiales d'entreprises étrangères : 1 salarié français sur 7 y travaille aujourd'hui. Mais nous pouvons et nous devons faire encore mieux : notre loi devrait réserver aux impatriés et à ceux qui décident de rentrer en France pour y exercer leur activité quelques heureuses surprises, y compris fiscales... et ce n'est pas un poisson d'avril !
Mesdames et Messieurs, l'esprit d'entreprise renaît en France, tandis que les investisseurs, échaudés par la crise qui nous vient des Etats-Unis, cherchent à diversifier leurs placements. Vous vous trouvez au carrefour de ces deux phénomènes : c'est l'occasion pour vous d'étendre vos activités, pour les PME françaises de grandir en taille, et pour la France de gagner quelques dixièmes de point de croissance. Le gouvernement compte sur vous !
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 avril 2008
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de votre accueil à cette conférence de l'Association française des investisseurs en capital, rendez-vous annuel d'une profession en pleine expansion.
Pour vous, le capital investissement est une activité professionnelle, parfois une passion, mais également, et c'est naturel, une source de profit. Pour nous, au gouvernement, c'est avant tout un formidable outil de financement des PME ; un outil de marché qui a fait ses preuves et qui témoigne de la capacité de la sphère financière à se mettre au service de l'économie réelle. En ces temps troublés sur les marchés mondiaux, vous êtes la preuve concrète que la finance n'est pas toujours folle, et qu'elle peut accomplir avec succès et efficacité son rôle d'intermédiaire entre des investisseurs, particuliers ou institutionnels, et des entreprises en développement.
J''aimerais avant toute chose aborder rapidement la crise financière, qui nous préoccupe tous aujourd'hui, et les réformes qui sont en cours en France dans les domaines économique et financier (I). Puis j'évoquerai plus précisément le secteur du capital investissement, pour retracer les grandes lignes de mon action dans ce domaine (II).
I. Les réponses à apporter à la crise financière et les réformes en cours
Après une accalmie relative depuis le début de l'année, les tensions observées sur les marchés financiers depuis l'été dernier se sont à nouveau aggravées au début du mois de mars. Vous le savez, ces turbulences trouvent leur origine aux Etats-Unis. Une politique de prêt immobilier peu responsable à des ménages américains peu ou pas solvables a déclenché deux réactions des marchés :
- les investisseurs réévaluent leur appréciation des risques : cette réévaluation conduit à des corrections importantes sur les prix de certains actifs ;
- la confiance des investisseurs dans certains produits structurés est ébranlée.
Cette réaction des marchés est à l'origine de la tempête qui secoue le système financier américain et nous en ressentons les turbulences jusqu'en Europe.
Ces turbulences appellent deux types de réponses. Sur le plan domestique, la priorité est à la coopération entre les pouvoirs publics et les autorités de supervision pour le suivi, la surveillance et le contrôle du secteur financier. C'est la qualité de notre système de supervision et la solidité du système financier français qui nous permettent de bien résister aux tensions actuelles. C'est là une priorité de mon action.
Au-delà de la gestion des tensions actuelles, les dysfonctionnements identifiés sur les marchés financiers appellent des changements dans leur régulation. Notre gestion des turbulences doit être irréprochable, cela va sans dire, mais la détermination de la communauté internationale à s'attaquer à ces dysfonctionnements est également essentielle pour rétablir la confiance des investisseurs dans les marchés et normaliser la situation.
Dès octobre dernier, sous l'impulsion du président de la République, j'ai proposé aux partenaires de la France un diagnostic et des propositions pour résoudre les dysfonctionnements. Un article que j'ai publié en octobre dans le Financial Times résume ces propositions. Après de nombreux travaux avec nos partenaires européens et du G7, l'analyse que j'avais développée dans cet article fait aujourd'hui consensus. La communauté internationale a identifié un certain nombre de réformes à adopter. Avec la Présidence française de l'Union européenne, c'est le temps de la mise en oeuvre qui arrive :
- je souhaite que l'Europe soit, avec la France, à l'initiative dans le débat international sur la réforme des marchés financiers ;
- il s'agira également de renforcer la régulation des marchés financiers européens, notamment par la révision de la directive bancaire pour améliorer la transparence sur les engagements hors-bilan, les activités de titrisation multiple et la gestion des risques de liquidité ;
- nous travaillerons également à réformer le système européen de supervision financière : les tensions actuelles soulignent à quel point la coopération des autorités de supervision est nécessaire à une régulation efficace du secteur financier.
Malgré un contexte international moins porteur, le ralentissement est moins sensible dans la zone euro qu'aux Etats-Unis, avec un climat des affaires proche de ses plus hauts niveaux historiques, et largement au-dessus de celui des Etats-Unis. La France résiste particulièrement bien : les entrepreneurs gardent le moral ! Non seulement la France résiste, mais son économie réelle demeure solide. L'année 2007 a été celle de trois records historiques : le taux de chômage a été ramené à son plus bas niveau depuis 1983 (7,5 % au quatrième trimestre) ; le rythme des créations d'emplois est inégalé depuis l'an 2000 (328 000) ; les créations d'entreprise n'ont jamais été aussi nombreuses (321 000). La production automobile est vigoureuse (+3,6 % en décembre, après + 1,8 % en janvier). Le moral des industriels s'est redressé significativement en mars, comme l'indiquent les données publiées la semaine dernière par l'Insee. Et je me réjouis de la nouvelle baisse du nombre de demandeurs d'emploi en février (-13 700) rendue publique jeudi dernier.
Cette résistance de l'économie française s'explique en partie par les effets de nos premières réformes.
Je pense bien sûr à la première grande loi économique du quinquennat, qui portait sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Mais il y a aussi des réformes dont on parle moins mais qui sont néanmoins fondamentales. Je pense en particulier au crédit impôt recherche, qui vous concerne au premier chef, puisque nombre d'entreprises dans lesquelles vous investissez en bénéficient. C'est particulièrement vrai pour les gestionnaires de fonds communs de placement dans l'innovation et de fonds communs de placement à risques, qui sont présents nombreux aujourd'hui.
En triplant le crédit d'impôt-recherche, nous avons créé le système de soutien à la recherche privée le plus incitatif des pays de l'OCDE. Déjà, de nombreuses entreprises internationales me parlent de leurs projets d'investissement en France pour bénéficier de ce dispositif, en vigueur depuis le 1er janvier 2008.
La réforme du crédit impôt-recherche s'accompagne de mesures vigoureuses pour développer l'innovation : montée en puissance des 71 pôles de compétitivité ; fusion d'Oséo et de l'Agence de l'innovation industrielle pour simplifier le dispositif ; mais également protection renforcée des brevets grâce la loi de lutte contre la contrefaçon, votée en octobre dernier. J'en suis convaincue : l'innovation, dans un univers mondialisé où il n'est pas question pour nous de rivaliser avec les coûts de production des pays émergents, constitue la botte secrète de nos économies. Notre objectif est que notre effort privé et public de R&D atteigne 3 % de notre PIB.
La cohérence de la stratégie du gouvernement français est simple : elle consiste à maîtriser et réduire la dépense publique en stimulant l'offre productive. Cette démarche correspond aux recommandations des organisations internationales et de la plupart des économistes. C'est bien une gestion rigoureuse des finances publiques qui nous permettra d'atteindre une croissance vigoureuse.
Le bilan des réformes déjà accomplies est très significatif. Mais nous allons bien sûr aller plus loin : la loi de modernisation de l'économie que je soutiendrai au Parlement en mai nous permettra de sonner la mobilisation générale pour les entreprises et la concurrence, et de faire souffler un vent de liberté sur notre économie. Elle contiendra un volet important en faveur des entrepreneurs, des mesures en faveur de la concurrence, et d'autres en faveur de l'attractivité du territoire. Elle permettra également d'améliorer le financement de l'économie. La généralisation de la distribution du livret A, outre qu'elle facilitera la vie quotidienne des Français, bénéficiera à la construction de logements sociaux, et la modernisation de la place de Paris, qui vous concerne au premier chef, permettra de mobiliser le secteur financier : je vais y revenir dans un instant.
(II) L'action du gouvernement en matière de capital risque
Mais permettez-moi d'évoquer maintenant plus particulièrement les grandes lignes de l'action que mène le gouvernement pour développer le capital investissement en France. Car le soutien au capital risque est un élément de notre politique plus générale en faveur du développement des PME.
Si je vous parle des PME, c'est qu'elles apportent une contribution essentielle à notre pays, avec plus de 2,5 millions d'entreprises représentant 60 % des effectifs salariés. C'est beaucoup, mais la France compte aussi deux fois moins d'entreprises de taille moyenne, proportionnellement, qu'en Allemagne ou aux Etats-Unis. La France doit donc miser sur l'expansion de ses PME pour améliorer sa R&D, ses exportations, et gagner le point de croissance qui lui manque : notre objectif est de parvenir, d'ici la fin du quinquennat, à ce que 2 000 entreprises supplémentaires franchissent le seuil des 500 salariés.
Le capital investissement va nous aider à atteindre cet objectif. Avec un montant record de 12,6 milliards euros d'investissement en 2007 dans plus de 1 500 entreprises, c'est un secteur sur lequel nous pouvons compter. Cependant, ces bons résultats ne doivent pas cacher les faiblesses de certains segments du capital investissement. Je pense particulièrement au capital risque dont les montants en France restent proches de 0,1 % de notre Produit intérieur brut (PIB), alors que dans les pays les plus dynamiques ce montant dépasse les 0,2 % de PIB, voire les 0,3 %. Les pouvoirs publics ont, là comme ailleurs, un rôle à jouer pour optimiser les circuits de financement.
Trois dispositifs importants sont aujourd'hui soit à l'oeuvre soit en cours d'élaboration pour encourager les acteurs économiques à alimenter les fonds d'investissement. Ils concernent (A) les particuliers, à travers la mesure ISF/PME ; (B) les acteurs publics eux-mêmes, via la Caisse des dépôts et consignations ; et (C) tous les investisseurs, publics comme étrangers, grâce à la modernisation prochaine de la place financière de Paris.
(A) Pour les particuliers, la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat doit permettre un véritable transfert de richesses vers les PME, via les fonds d'investissement
Les dispositifs fiscaux visant à drainer l'épargne des ménages vers les fonds de capital risque tels que les Fonds communs de placement dans l'innovation fonctionnaient déjà bien : en 2007, les FCPI ont levé 779 millions d'euros pour 40 véhicules et les Fonds d'investissement de proximité ont levé 374 millions d'euros pour 28 véhicules, soit près d'1,2 milliard d'euros en tout.
Afin de renforcer l'utilisation de ce type d'outil de développement du capital risque en France, nous avons ouvert la possibilité pour les redevables de l'ISF de déduire une partie de leur impôt en l'investissant dans le capital de nos PME. Nous étions cependant conscients des limites de la "love money", malgré son utilité, et de l'effet potentiel limité de cette décision pourtant audacieuse si nous attendions des particuliers qu'ils trouvent eux-mêmes les entreprises : tout le monde ne peut pas s'improviser financier.
C'est pourquoi, à l'occasion des lois de finances du 25 décembre 2007, j'ai souhaité étendre la possibilité d'intermédiation, déjà accordée aux Fonds d'investissement de proximité, aux Fonds communs de placement à risques et aux Fonds communs de placement dans l'innovation. Cet élargissement est particulièrement destiné aux PME en phase d'amorçage, et vise à développer l'activité de business angels.
Ce dispositif était jusqu'à présent limité dans sa portée car soumis à la réglementation communautaire dite "de minimis", qui limitait le montant des investissements à 200 000 euros par entreprise sur 3 ans. J'ai personnellement défendu ce dossier devant les instances européennes, à l'occasion de mes nombreux déplacements à Bruxelles. Après des discussions nourries, la Commission européenne a finalement donné son accord à un relèvement du plafond d'investissement, qui sera désormais de 1,5 millions d'euros par an et par entreprise. Je vous annonce que la publication du décret d'application de cette décision interviendra dans les tout prochains jours.
Le gouvernement a donc déployé de nombreux efforts, devant les parlementaires comme devant la Commission, pour que les fonds aient toute leur place dans le dispositif ISF/PME. Aujourd'hui, la balle est dans votre camp. Nous vous faisons confiance pour jouer à plein votre rôle d'intermédiaire, et pour éviter tout abus, en présentant clairement à vos clients les spécificités de cette formule et les risques qu'ils encourent.
Voilà le principal message que je voulais vous passer aujourd'hui : il vous appartient de faire en sorte que ce dispositif soit une réussite, et ce pour tous les acteurs concernés :
- du point de vue des PME tout d'abord et avant tout, en mettant à disposition du plus grand nombre d'entre elles les capitaux nécessaires à leur développement ;
- du point de vue des redevables de l'ISF ensuite, en leur proposant des produits adaptés à leurs besoins et en accompagnant cette commercialisation d'une pédagogie particulière notamment quant aux risques inhérents à ces placements, à sa durée de blocage et au calcul de l'avantage fiscal ;
- et enfin du point de vue de la gestion de ces fonds, en appliquant les meilleures pratiques de déontologie. A ce titre, à l'occasion de la commercialisation, les frais de gestion, notamment, devront faire l'objet d'une transparence exemplaire.
(B) Les pouvoirs publics eux aussi s'impliquent directement pour financer les PME, à travers le programme France Investissement.
Ce dispositif orienté vers le capital-risque et le capital-développement doit permettre d'injecter, de 2006 à 2012, 3 milliards d'euros, soit 500 millions par an, dans des PME à fort potentiel de croissance. Ces 3 milliards se partagent entre un apport de deux milliards d'euros par la Caisse des Dépôts, et un complément d'au moins un milliard d'euros apporté par les partenaires privés, à savoir, dès à présent, AGF, le groupe Caisse d'Epargne, Groupama, Natixis et la Société générale, que je souhaite saluer ici.
Les résultats obtenus pour la première année du programme France Investissement sont très satisfaisants et montrent la forte mobilisation des acteurs : les cinq fonds de fonds mis en place par les partenaires privés sont opérationnels depuis plusieurs mois ; au 31 décembre 2007, les engagements des partenaires privés, soit au total 230 millions d'euros, ajoutés à ceux de la Caisse des Dépôts, soit 587 millions d'euros, représentent 817 millions d'euros.
Au niveau des fonds, quarante-quatre fonds de capital investissement ont levé des capitaux auprès des partenaires de France Investissement pour un montant total de 537 millions d'euros, ce qui représente environ 30 % du marché français du capital risque et du capital développement. Ces fonds, qui ont déjà investi dans une centaine d'entreprises, ont la capacité d'investir dans plus de 800 entreprises à fort potentiel de croissance dans les années qui viennent.
A mes yeux, la seule faiblesse de ce programme France Investissement réside dans l'amorçage des entreprises. A l'heure où la loi de modernisation de l'économie vise à promouvoir l'esprit d'entreprise et à simplifier le statut de l'entrepreneur individuel, il faut que ceux qui lancent leur activité puissent avoir accès plus facilement aux capitaux. Je sais que 13 % des montants qui sont apportés aux fonds par France Investissement devraient être cette année affectés à des opérations d'amorçage : cela constitue un net progrès, et je serai particulièrement attentive à ce que la place de l'amorçage dans France Investissement demeure suffisante.
Que pouvons-nous souhaiter de plus ? Peut-être de voir de nouveaux partenaires privés se joindre à cette grande ambition collective dans les mois à venir et créer de nouveaux fonds de fonds publics-privés.
(C) Pour tous les investisseurs, publics comme étrangers, nous allons renforcer l'attractivité de la place financière de Paris à travers la loi de modernisation de l'économie.
Cette loi de modernisation contiendra un article spécifique regroupant des mesures en faveur du capital risque. En particulier, la loi créera un nouveau véhicule très compétitif, le fonds commun de placement à risques contractuel, qui doit nous permettre de concurrencer efficacement les places de Londres et de Luxembourg. Une consultation a été lancée auprès de vous. Pour moi, les choses sont claires : pour que ce FCPR contractuel soit un succès, il doit laisser le plus de part possible au choix des parties, et être soumis à une réglementation limitée à l'essentiel, sans fixation de ratio quantitatif ou d'encadrement réglementaire des conditions d'investissement ou de rachat.
S'agissant plus généralement de la gestion d'actifs, nous poursuivons trois objectifs dans cette loi :
- renforcer la compétitivité des véhicules d'investissement de droit français dans le domaine de la gestion alternative (OPCVM à règles d'investissement allégées et contractuels) en pariant sur l'effet d'entraînement en matière de relocalisation sur l'activité de gestion à haute valeur ajoutée ;
- favoriser la capacité exportatrice des fonds de droit français en permettant aux OPCVM destinés à l'exportation ou aux investisseurs qualifiés d'élaborer leur prospectus dans une langue autre que le français ;
- tirer les conséquences des évènements de marché récents, en renforçant les outils dont disposent les fonds de droit français pour gérer leur liquidité actif-passif.
J'aimerais pour finir m'adresser à ceux d'entre vous qui viennent de loin aujourd'hui, pour leur dire que notre loi de modernisation de l'économie comportera d'importantes dispositions en faveur de l'attractivité économique de son territoire. La France est déjà le troisième pays au monde pour les Investissements directs étrangers et compte sur son territoire 20 000 filiales d'entreprises étrangères : 1 salarié français sur 7 y travaille aujourd'hui. Mais nous pouvons et nous devons faire encore mieux : notre loi devrait réserver aux impatriés et à ceux qui décident de rentrer en France pour y exercer leur activité quelques heureuses surprises, y compris fiscales... et ce n'est pas un poisson d'avril !
Mesdames et Messieurs, l'esprit d'entreprise renaît en France, tandis que les investisseurs, échaudés par la crise qui nous vient des Etats-Unis, cherchent à diversifier leurs placements. Vous vous trouvez au carrefour de ces deux phénomènes : c'est l'occasion pour vous d'étendre vos activités, pour les PME françaises de grandir en taille, et pour la France de gagner quelques dixièmes de point de croissance. Le gouvernement compte sur vous !
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 avril 2008