Texte intégral
J.-P. Elkabbach C'est en quelque sorte le grand retour de l'agriculture reconnu comme une nécessité mondiale. A Luxembourg, au nom de la France, vous avez demandé hier à tous vos collègues de l'Union européenne d'agir, d'agir vite face aux crises alimentaires et aux tragédies qu'elles provoquent. Résultat ?
R.- Les ministres de l'Agriculture que nous sommes, 27 pays, doivent être en première ligne de ce combat pour la sécurité alimentaire. Nous sommes un grand continent producteur. D'abord, pour nous même, pour nourrir en quantité et en qualité les Européens mais aussi pour participer à la solidarité mondiale.
Q.- Résultat ?
R.- Résultat : nous allons nous retrouver le mois prochain spécifiquement sur cette question. Résultat : nous sommes d'accord pour donner une priorité supplémentaire à l'agriculture dans notre aide européenne vers le reste du monde. Résultat : nous sommes très vigilants pour que les accords sur l'OMC qui sont en cours discussion ne se traduisent pas par un mauvais résultat dont les premières victimes seraient les pays les plus pauvres.
Q.- Au passage on n'entend pas Monsieur P. Lamy, autant le lui dire tout de suite sur l'OMC.
R.- C'est de l'OMC dont je parle, les négociations sont en cours et on sait bien que l'agriculture pourrait être la variable d'ajustement d'un mauvais accord. Et je répète que les pays les plus pauvres, ceux qui ont faim, seront les premières victimes. Résultat : nous allons réorienter aussi notre aide pour apporter aux pays qui sont dans la difficulté les moyens de construire ou de reconstruire leur économie agricole. Il ne s'agit pas seulement d'aider par de l'aide alimentaire ni d'aider par de l'exportation - ce qui est notre intérêt - d'aider aussi ces pays à redevenir autonomes et souverains.
Q.- Est-ce que le président de la République va demander si c'est utile une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies, parce qu'il s'agit de problèmes qui sont graves avec des conséquences multiples sur la sécurité, la stabilité des pays, etc. ?
R.- Le Conseil de sécurité des Nations Unies dont la France fait partie activement, c'est le lieu du débat mondial, c'est le lieu où l'on débat des Droits de l'homme - je pense que le droit de se nourrir est un des droits de l'homme - ; c'est le lieu où l'on doit parler de sécurité, comme son nom l'indique. Or, on voit bien qu'avec l'urgence écologique, avec le terrorisme, la question de la sécurité alimentaire est un des grands sujets de sécurité pour le monde.
Q.- Alors ? Alors résultat ?
R.- Je pense que ceux qui dirigent le monde et dans le lieu où l'on parle de l'ordre ou du désordre du monde, le Conseil de sécurité des Nations unies, on devrait effectivement évoquer cette question parmi d'autres. J'ajoute d'ailleurs qu'elles sont toutes liées, parce que nous savons bien de quoi se nourrit le terrorisme, il se nourrit de l'humiliation, il se nourrit de la misère.
Q.- Et on peut ajouter les mouvements migratoires.
R.- Evidemment. Quand, au Sénégal, prenons cet exemple qui nous concerne, un pays très proche de nous, on est obligé d'importer 70 % du riz venant de Thaïlande, ce qui correspond, je le dis à ceux qui nous écoutent, à 2,5 % de la croissance du Sénégal chaque année, l'importation du riz ; que font les gens quand ils n'ont pas de quoi manger ? Ils s'en vont, ils prennent des bateaux. Ils meurent, d'ailleurs, dans des bateaux de fortune, en essayant de rejoindre les Canaries. Nous sommes solidaires. Je me souviens, le jour où j'étais commissaire auprès de Monsieur Konaré, le président de l'Union africaine, venu nous parler de l'Afrique, ce n'est qui pas habituel d'un dirigeant africain qui vient directement voir les Européens. Il nous disait : « dans 25 ans, il y aura 1 milliard d'Africains, 800 millions d'entre eux vivront avec 1 dollar par jour, 700 millions d'entre eux auront moins de 18 ans. Il avait ajouté : « Mesdames et Messieurs les commissaires, si vous pensez que ça ne vous concerne pas, vous vous trompez. »
Q.- Est-ce que vous pensez que les réponses sont à la hauteur de la crise ? Par exemple, je lis tous les dossiers qui viennent du FMI, de la Banque mondiale, d'autres institutions internationales. Elles nous disent qu'il faut reconnaître la crise alimentaire comme une priorité mondiale. Bon, et alors, quand on l'a dit, où est l'originalité ? Quelles solutions ? Qu'est-ce qu'on apporte ?
R.- Je pense que les réponses redeviennent à la hauteur mais que, pendant 25 ans, les organismes internationaux dont la Banque mondiale, les bailleurs de fonds ont laissé de coté l'agriculture. Cela fait 20 ans que la Banque mondiale n'avait pas fait son rapport annuel sur l'agriculture comme le premier levier. On redécouvre l'agriculture. Je pense que le moment est venu de réfléchir, de bâtir un nouvel ordre agricole mondial.
Q.- D'autant plus, M. Barnier, que les opinions regardent et écoutent. On voyait, les réactions, hier, des auditeurs d'Europe 1. L'Europe offre 160 millions d'euros au Programme alimentaire et, avec beaucoup de générosité, G. W. Bush donne 200 millions de dollars, c'est tout juste une aumône. La guerre d'Irak coûte, chaque année, 100 milliards d'euros. Je n'ai pas le calcul, 200 millions, cela doit représenter même pas quelques heures d'une seule journée en aide. Est-ce que c'est à la mesure de la crise ?
R.- On voit bien que ces chiffres sont pathétiques. Là, nous parlons de l'aide d'urgence, c'est-à-dire de l'apport immédiat de nourriture pour les gens qui meurent de faim. Mais on peut faire plus que ça, on doit faire plus que ça. L'Europe a un programme qui s'appelle le Fonds européen de développement, de coopération avec les pays les plus pauvres, 22 milliards sur 5 ans. Il faut, comme commence à le faire L. Michel, le commissaire européen, réorienter cette aide davantage pour l'agriculture, que l'agriculture redevienne, et pour nous, Français, dans notre coopération avec ces pays, et pour l'Europe, à nouveau une priorité, qu'on aide ces pays à rebâtir, c'est ça la clé, ce n'est pas seulement d'exporter. La clé, c'est de rebâtir une économie agricole dans ces pays.
Q.- Avec J. Diouf, que vous connaissez, que vous allez retrouver le 3 juillet à Paris, n'est-ce pas ?
R.- Je vais retrouver J. Diouf le 3 juillet, au cours d'une conférence à Bruxelles que nous organisons au début de la présidence française sur ce sujet de la solidarité mondiale et de l'aide à l'agriculture.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 avril 2008
R.- Les ministres de l'Agriculture que nous sommes, 27 pays, doivent être en première ligne de ce combat pour la sécurité alimentaire. Nous sommes un grand continent producteur. D'abord, pour nous même, pour nourrir en quantité et en qualité les Européens mais aussi pour participer à la solidarité mondiale.
Q.- Résultat ?
R.- Résultat : nous allons nous retrouver le mois prochain spécifiquement sur cette question. Résultat : nous sommes d'accord pour donner une priorité supplémentaire à l'agriculture dans notre aide européenne vers le reste du monde. Résultat : nous sommes très vigilants pour que les accords sur l'OMC qui sont en cours discussion ne se traduisent pas par un mauvais résultat dont les premières victimes seraient les pays les plus pauvres.
Q.- Au passage on n'entend pas Monsieur P. Lamy, autant le lui dire tout de suite sur l'OMC.
R.- C'est de l'OMC dont je parle, les négociations sont en cours et on sait bien que l'agriculture pourrait être la variable d'ajustement d'un mauvais accord. Et je répète que les pays les plus pauvres, ceux qui ont faim, seront les premières victimes. Résultat : nous allons réorienter aussi notre aide pour apporter aux pays qui sont dans la difficulté les moyens de construire ou de reconstruire leur économie agricole. Il ne s'agit pas seulement d'aider par de l'aide alimentaire ni d'aider par de l'exportation - ce qui est notre intérêt - d'aider aussi ces pays à redevenir autonomes et souverains.
Q.- Est-ce que le président de la République va demander si c'est utile une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies, parce qu'il s'agit de problèmes qui sont graves avec des conséquences multiples sur la sécurité, la stabilité des pays, etc. ?
R.- Le Conseil de sécurité des Nations Unies dont la France fait partie activement, c'est le lieu du débat mondial, c'est le lieu où l'on débat des Droits de l'homme - je pense que le droit de se nourrir est un des droits de l'homme - ; c'est le lieu où l'on doit parler de sécurité, comme son nom l'indique. Or, on voit bien qu'avec l'urgence écologique, avec le terrorisme, la question de la sécurité alimentaire est un des grands sujets de sécurité pour le monde.
Q.- Alors ? Alors résultat ?
R.- Je pense que ceux qui dirigent le monde et dans le lieu où l'on parle de l'ordre ou du désordre du monde, le Conseil de sécurité des Nations unies, on devrait effectivement évoquer cette question parmi d'autres. J'ajoute d'ailleurs qu'elles sont toutes liées, parce que nous savons bien de quoi se nourrit le terrorisme, il se nourrit de l'humiliation, il se nourrit de la misère.
Q.- Et on peut ajouter les mouvements migratoires.
R.- Evidemment. Quand, au Sénégal, prenons cet exemple qui nous concerne, un pays très proche de nous, on est obligé d'importer 70 % du riz venant de Thaïlande, ce qui correspond, je le dis à ceux qui nous écoutent, à 2,5 % de la croissance du Sénégal chaque année, l'importation du riz ; que font les gens quand ils n'ont pas de quoi manger ? Ils s'en vont, ils prennent des bateaux. Ils meurent, d'ailleurs, dans des bateaux de fortune, en essayant de rejoindre les Canaries. Nous sommes solidaires. Je me souviens, le jour où j'étais commissaire auprès de Monsieur Konaré, le président de l'Union africaine, venu nous parler de l'Afrique, ce n'est qui pas habituel d'un dirigeant africain qui vient directement voir les Européens. Il nous disait : « dans 25 ans, il y aura 1 milliard d'Africains, 800 millions d'entre eux vivront avec 1 dollar par jour, 700 millions d'entre eux auront moins de 18 ans. Il avait ajouté : « Mesdames et Messieurs les commissaires, si vous pensez que ça ne vous concerne pas, vous vous trompez. »
Q.- Est-ce que vous pensez que les réponses sont à la hauteur de la crise ? Par exemple, je lis tous les dossiers qui viennent du FMI, de la Banque mondiale, d'autres institutions internationales. Elles nous disent qu'il faut reconnaître la crise alimentaire comme une priorité mondiale. Bon, et alors, quand on l'a dit, où est l'originalité ? Quelles solutions ? Qu'est-ce qu'on apporte ?
R.- Je pense que les réponses redeviennent à la hauteur mais que, pendant 25 ans, les organismes internationaux dont la Banque mondiale, les bailleurs de fonds ont laissé de coté l'agriculture. Cela fait 20 ans que la Banque mondiale n'avait pas fait son rapport annuel sur l'agriculture comme le premier levier. On redécouvre l'agriculture. Je pense que le moment est venu de réfléchir, de bâtir un nouvel ordre agricole mondial.
Q.- D'autant plus, M. Barnier, que les opinions regardent et écoutent. On voyait, les réactions, hier, des auditeurs d'Europe 1. L'Europe offre 160 millions d'euros au Programme alimentaire et, avec beaucoup de générosité, G. W. Bush donne 200 millions de dollars, c'est tout juste une aumône. La guerre d'Irak coûte, chaque année, 100 milliards d'euros. Je n'ai pas le calcul, 200 millions, cela doit représenter même pas quelques heures d'une seule journée en aide. Est-ce que c'est à la mesure de la crise ?
R.- On voit bien que ces chiffres sont pathétiques. Là, nous parlons de l'aide d'urgence, c'est-à-dire de l'apport immédiat de nourriture pour les gens qui meurent de faim. Mais on peut faire plus que ça, on doit faire plus que ça. L'Europe a un programme qui s'appelle le Fonds européen de développement, de coopération avec les pays les plus pauvres, 22 milliards sur 5 ans. Il faut, comme commence à le faire L. Michel, le commissaire européen, réorienter cette aide davantage pour l'agriculture, que l'agriculture redevienne, et pour nous, Français, dans notre coopération avec ces pays, et pour l'Europe, à nouveau une priorité, qu'on aide ces pays à rebâtir, c'est ça la clé, ce n'est pas seulement d'exporter. La clé, c'est de rebâtir une économie agricole dans ces pays.
Q.- Avec J. Diouf, que vous connaissez, que vous allez retrouver le 3 juillet à Paris, n'est-ce pas ?
R.- Je vais retrouver J. Diouf le 3 juillet, au cours d'une conférence à Bruxelles que nous organisons au début de la présidence française sur ce sujet de la solidarité mondiale et de l'aide à l'agriculture.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 avril 2008