Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
C'est un honneur que vous nous faites, à moi-même et à la délégation qui m'accompagne, de nous recevoir dans le Palais de l'Itamaraty, un des plus beaux monuments de Brasilia. Je tiens à vous remercier de votre chaleureuse hospitalité et à vous dire combien je suis sensible à vos propos de bienvenue. A mon tour, je souhaiterais vous exprimer la confiance que m'inspire l'avenir des relations entre nos deux pays et du partenariat privilégié que nous construisons ensemble. C'est dans cet esprit de confiance que j'entreprends, à votre invitation, ce voyage officiel au Brésil. Je suis accompagné de plusieurs membres de mon Gouvernement, de parlementaires et de nombreux responsables d'entreprises. Cette délégation reflète à la fois l'attraction qu'exercent le Brésil et l'importance de la présence française dans votre pays. Elle symbolise, par sa diversité, notre volonté de conforter, dans tous les domaines, la coopération entre nos deux pays.
Il existe entre le Brésil et la France une complicité qui va au-delà de l'amitié.
Nos deux pays sont liés par une fascination réciproque. La France est naturellement portée vers la magie brésilienne, curieuse du métissage qu'il a réussi entre trois civilisations fort riches. De grands artistes et intellectuels français ont su trouver chez vous l'inspiration. Je pense à Paul CLAUDEL, alors qu'il était ambassadeur à Rio, Darius MILHAUD, séjournant au Brésil, ou encore Claude LEVI-STRAUSS et Fernand BRAUDEL enseignant à l'Université de São Paulo.
Nous nous sommes enrichis de nos échanges. Les forces vives de nos pays -industriels, artistes, chercheurs, sportifs aussi- ont toujours aimé travailler ensemble. Comme si chaque idée, chaque projet, chaque réussite d'un de nos deux pays trouvaient aussitôt son pendant dans la conscience et l'intelligence de l'autre. Les influences se sont croisées. Victor HUGO, Auguste COMTE, Anatole FRANCE ont successivement marqué les esprits brésiliens. Plus près de nous, comment évoquer Oscar NIEMEYER, architecte de votre monumentale capitale, sans penser aussitôt à LE CORBUSIER. De même, l'aviateur Alberto SANTOS-DUMONT, le musicien Tom JOBIM ou encore les footballeurs RAI et LEONARDO jouissent en France d'une grande réputation.
Nos deux pays ont joué l'un pour l'autre le rôle de refuge pour les persécutés et les " indésirables ". Ainsi, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'écrivain Jorge AMADO a pu trouver refuge à Paris. Ce fut pour la France un honneur d'accueillir de nombreux Brésiliens victimes de la dictature. Je ne citerai ici aucun nom, ne pouvant parler de tous et notamment de ceux qui, parmi vous, ont vécu dans l'exil. Je souhaite pourtant rendre hommage à la contribution majeure qui a été la vôtre, à l'économie, à la recherche scientifique et à la vie intellectuelle et artistique françaises. Nous devons développer et enrichir cette aventure partagée.
Forts de cette complicité, nous devons consolider notre partenariat stratégique.
Le Brésil et la France poursuivent leur rapprochement. Nous avons déjà évoqué ce matin de très nombreux projets et réalisations et, notamment, la création d'une " Fondation pour la coopération franco-brésilienne ". Des textes importants et prometteurs ont été signés. Je souhaite insister sur la portée de l'accord signé par nos deux ministres des Affaires étrangères, relatif à la construction d'un pont sur le fleuve Oiapoque. Nous qui sommes voisins -grâce à la contiguïté de la Guyane et de l'Etat de l'Amapa-, nous avons tenu à marquer le rôle de ce département français d'Amérique et de cet Etat brésilien dans notre coopération bilatérale. Je voudrais saluer ici tous ceux qui, en France et au Brésil, travaillent au développement des régions frontalières entre votre pays et la Guyane. Celle-ci fait de la France le seul pays européen en contact direct avec le Mercosul.
Nos deux pays ont de grandes responsabilités au sein des ensembles régionaux dont ils font partie. Souvenez-vous, Monsieur le Président, de notre rencontre de juin dernier à Paris, lorsque vous nous aviez fait l'amitié d'une visite, au Président de la République et à moi-même. Nous nous apprêtions à assumer nos responsabilités régionales, dans le cadre de nos Présidences respectives, vous du
Mercosul, nous de l'Union européenne. Nous avions alors conscience de la difficulté de progresser, les uns et les autres, vers une plus grande intégration régionale. Mais à Florianopolis, comme à Nice, nous avons su aller de l'avant.
Nous avons aussi uvré au rapprochement de nos deux ensembles régionaux. En novembre dernier, à Brasilia, une étape importante a été franchie dans le processus de compréhension entre le Mercosul et l'Union européenne. Ces négociations se poursuivent de manière intense. Pour ma part, je veille à ce que la France continue à uvrer en faveur d'un grand accord entre l'Union européenne et le Mercosul. Cet accord devra certes être commercial, mais aussi politique et de coopération, en vue de la construction d'un véritable partenariat stratégique. Le renforcement de ce partenariat nous permettra de promouvoir notre vision commune de la mondialisation.
La mondialisation a besoin de règles.
Nos deux pays sont présents dans le grand mouvement de globalisation : ils exportent et importent des biens, investissent et reçoivent des capitaux, échangent des services et des idées. Mais ils sont conscients que ce phénomène n'est pas univoque : il peut aussi creuser les inégalités de développement et les inégalités sociales, provoquer des atteintes à l'environnement, précipiter la menace d'une standardisation culturelle.
Ensemble, nous voulons maîtriser ces revers de la mondialisation. C'est pourquoi nous sommes unis dans le combat pour des sociétés plus justes et plus attentives à ceux qui souffrent de discriminations politiques, économiques, sociales ou encore culturelles. Comme le Brésil, la France a pour ambition de participer à la construction d'un monde respectueux des identités, fondé sur des équilibres entre grands ensembles régionaux et obéissant à des règles fondées sur le respect de l'homme et universellement reconnues.
Nous sommes convaincus de la nécessité de maîtriser la mondialisation grâce à une régulation adaptée. Aux Nations Unies, comme à l'OMC, nous nous sommes largement retrouvés sur cette conscience partagée d'un nécessaire recours à des règles. Dans cet esprit, nous sommes déterminés à agir ensemble, de manière coordonnée, pour défendre le droit au développement, à la santé, à une alimentation saine, à la diversité culturelle et à un environnement sûr.
Sur ce dernier point, je souhaite, Monsieur le Président, dans le pays qui a accueilli en 1992 le Sommet de la Terre, signifier ma très vive préoccupation, partagée par tous les Européens. Je m'inquiète de la tentation de nos partenaires américains de remettre en cause le protocole de Kyoto et, à travers lui, la lutte contre le réchauffement climatique. Au moment où un consensus scientifique se fait sur la réalité d'un vrai danger pour la planète, on ne pourrait comprendre que les Etats-Unis n'assument pas leurs responsabilités sur une question qui nous concerne tous.
Monsieur le Président,
Nous sommes l'un et l'autre des modernisateurs soucieux de préparer l'avenir et de promouvoir la justice. Notre action au Brésil et en France est tout entière tournée vers un développement durable, plus équilibré, plus juste. Dans ce combat, nous sommes plus forts grâce aux espaces régionaux que nous contribuons à édifier. Nous sommes plus forts, aussi, de cette volonté commune à nos deux pays de construire, pour les Brésiliens et les Français, un environnement international sûr, maîtrisé, favorable à l'épanouissement des civilisations humaines.
Vive le Brésil, vive la France !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 avril 2001)