Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la présence française au Brésil, le dynamisme des investissements industriels et commerciaux et la nécessaire régulation de la mondialisation des échanges notamment en matière de justice sociale et d'environnement, Sao Paulo le 6 avril 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage officiel de M. Jospin au Brésil et en Argentine du 4 au 7 avril 2001-allocution devant les amis brésiliens de la France et la communauté française de Sao Paulo le 6 avril

Texte intégral

Mes cher(e)s compatriotes,
Mesdames, Messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
Je suis très heureux de vous rencontrer aujourd'hui à São Paulo, à l'occasion de ma visite officielle au Brésil. Je salue nos amis brésiliens, qui ont répondu nombreux à notre invitation et dont la présence chaleureuse nous honore. La France entretient des relations anciennes et étroites avec le Brésil, dans de nombreux domaines. J'ai eu à Brasilia une longue séance de travail avec le Président CARDOSO, que nous prolongerons samedi dans un cadre moins formel. Mon séjour à São Paulo, puis à Rio, est aussi l'occasion de rencontrer les élus des grandes métropoles, Madame Marta SUPPLICY et Monsieur Geraldo ALCKMIN, ainsi que les représentants des forces vives de ce grand pays, si impressionnant pour les Européens.
Je voudrais tout d'abord rendre hommage à la vitalité de la communauté française de São Paulo.
Cette vitalité est spectaculaire, puisque le nombre de nos ressortissants immatriculés a progressé de près de 20 % en cinq ans. Je me réjouis aussi de constater le poids grandissant des entreprises françaises au Brésil. Certaines sont implantées ici depuis la première moitié du XXème siècle, d'autres se sont installées tout récemment. L'une d'entre elles est même devenue le premier employeur privé de ce pays. C'est dire si la communauté d'affaires française a su prendre la mesure du potentiel offert, non seulement par le Brésil, mais également par un marché sud-américain appelé à s'unifier dans le cadre d'une intégration régionale.
Si vous me permettez d'ouvrir une parenthèse, je voudrais souligner que ce dynamisme fait écho aux bons résultats économiques de la France. Le Gouvernement travaille à consolider une croissance retrouvée. La fin du chômage pour plus d'un million de nos compatriotes constitue un encouragement à poursuivre la voie que nous avions tracée. Vous le savez, la lutte pour l'emploi est un élément essentiel du pacte que nous avons passé en 1997 avec les Françaises et les Français. Notre politique économique a permis d'amplifier les effets de la croissance sur l'emploi. Ainsi, la réduction négociée du temps de travail et les emplois-jeunes ont-ils contribué à diffuser un sentiment de confiance dans notre pays. Les entreprises investissent à nouveau et embauchent. Des personnes longtemps éloignées de l'emploi participent de nouveau à l'activité économique, et plus fondamentalement, à la vie du pays. Mais il nous faut aller plus loin. Le Gouvernement va poursuivre son effort pour réduire plus encore le chômage, pour s'attaquer aux inégalités et pour répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de sécurité et de qualité de la vie.
Au Brésil, le dynamisme de la communauté française ne s'exprime pas seulement par l'importance de ses entreprises. On ne saurait oublier le rôle essentiel joué par le Lycée PASTEUR, qui est un des hauts lieux de la présence française à São Paulo. C'est un établissement convivial, très apprécié pour la qualité de ses enseignements, tant par les Français que par les Brésiliens, puisque ces derniers représentent environ un tiers des élèves. La vitalité des associations françaises et franco-brésiliennes est une autre expression de ce dynamisme. Ces associations interviennent activement dans des domaines très divers. Elles soutiennent aussi ceux de nos compatriotes qui, dans cette mégalopole en perpétuel mouvement, souffrent parfois de conditions de vie difficiles.
Les conditions de vie des Français de l'étranger retiennent toute l'attention du Gouvernement. Dès que le Parlement aura achevé de voter la loi de modernisation sociale, en principe à la fin du printemps, la réforme de la Caisse des Français de l'étranger sera mise en uvre. 15.000 de nos compatriotes qui n'avaient jusqu'à présent pas de couverture pour leurs soins médicaux, auront alors accès à l'assurance maladie. Cette réforme apportera également une aide financière aux 10.000 autres Français de l'étranger qui peinent à régler leurs cotisations. Ce sont donc 25.000 personnes supplémentaires qui pourront s'assurer correctement contre le risque de la maladie.
Le Gouvernement a également introduit dans le projet de loi de modernisation sociale une réforme des retraites des fonctionnaires qui concerne les " détachés administratifs ". En supprimant l'obligation de double cotisation qui leur était imposée, cette réforme mettra un terme à une injustice notoire. Les personnes qui seront à la retraite au moment de l'entrée en vigueur de la réforme seront autorisées à cumuler leur pension. Quant à celles qui sollicitent un détachement, elles disposeront bientôt d'un droit d'option entre le système français et le système étranger. De plus, les agents en activité au moment de l'entrée en vigueur de la réforme pourront demander le remboursement des cotisations versées au moment des retraites françaises, en contrepartie d'un abattement de la pension. Le ministère des Affaires étrangères modernise par ailleurs les services qu'il rend aux Français vivant hors de France. Le développement d'internet et la modernisation du service central de l'état-civil seront poursuivis pour réduire les délais d'attente dans les multiples démarches administratives qui incombent aux expatriés.
Le Gouvernement a ainsi voulu améliorer la situation de nos compatriotes à l'étranger. Je souhaite que l'on rompe l'isolement dont certains souffrent encore. J'entends veiller à ce que les liens indispensables avec le pays natal puissent être maintenus et resserrés.
Vous savez tous ici la richesse des liens multiples qui unissent le Brésil et la France.
Nous souhaitons donner une impulsion nouvelle à l'ensemble de nos relations bilatérales.
Nos deux pays construisent un partenariat stratégique. Nous venons d'approuver une série d'accords et d'initiatives. Mis au service de ce vaste dessein, ceux-ci vont nourrir et enrichir la relation franco-brésilienne, tout en l'inscrivant dans une perspective plus générale. Le Brésil et la France sont l'un et l'autre des acteurs déterminants des processus d'intégration régionale à l'uvre sur leur continent respectif. Le Brésil, nous le savons, demeure très attaché au projet d'intégration porté par le Mercosul.
La France quant à elle, lors de sa Présidence de l'Union européenne, a assumé ses responsabilités en ouvrant la voie à un élargissement qu'il convient désormais de réussir au bénéfice de tous. La vie quotidienne des Français sera marquée à partir de 2002 par le passage à l'euro. Cette intégration monétaire vaut pour l'ensemble des transactions effectuées par les Français. Le Gouvernement accompagne d'ores et déjà les particuliers et les entreprises dans la préparation de cette étape décisive dans l'histoire de la construction européenne. Je suis sûr que la confiance internationale dans l'euro - assise sur des tendances économiques favorables- ainsi que le sentiment d'appartenance à l'Europe, vont progresser à cette occasion. D'autant plus que nous allons bientôt entrer, après le Conseil européen de Nice, dans une nouvelle phase de l'intégration européenne. D'ici à 2004, un large débat démocratique sur l'avenir de l'Europe va s'ouvrir, auquel j'invite les Français installés à l'étranger à participer. Ils pourront faire valoir leur point de vue singulier, construit dans l'expérience de l'expatriation, sur l'Europe.
La France et le Brésil sont déterminés à faire progresser rapidement les négociations entre le Mercosul et l'Union européenne. S'il est clair que les Etats-Unis constituent un partenaire naturel pour l'Amérique latine, l'échange avec l'Europe reste une nécessité.
L'Amérique latine s'ouvre sur le monde : la zone de libre-échange des Amériques, le partenariat avec l'Europe et la négociation multilatérale à l'OMC dessinent l'horizon de cette ouverture. Je suis persuadé que le Brésil continuera à jouer dans cette évolution le rôle fondamental qui est le sien.
Le dynamisme des échanges franco-brésiliens est l'un des vecteurs de ce partenariat en plein devenir. La France est de plus en plus présente sur un marché brésilien en pleine expansion. Elle est le quatrième investisseur étranger dans ce pays. Je salue tout particulièrement les industriels français qui sont ici présents, ainsi que les nombreux cadres brésiliens qui travaillent activement à cette dynamique commune. Mais vous en êtes tous, à des degrés divers, les acteurs et je vous en remercie chaleureusement.
Le partenariat franco-brésilien s'inscrit dans un contexte plus large, celui de la mondialisation, à propos duquel le Président CARDOSO et moi-même avons rendu publique, à Brasilia, une position conjointe.
Le Brésil et la France y soulignent que le mouvement de globalisation des échanges a besoin d'une régulation.
Vous qui êtes les acteurs ou les témoins de ce processus de mondialisation, vous souhaitez que des règles claires garantissent l'égal accès de tous aux marchés. Citoyens ou hôtes d'un pays émergent, vous tenez à ce que les fruits de la croissance mondiale soient équitablement répartis. Vous craignez les dérives de la globalisation financière, comme le blanchiment d'argent sale ou la cybercriminalité. Vous êtes légitimement attachés à l'accès aux médicaments pour tous, à une alimentation saine, à la diversité culturelle, à un environnement sûr. A propos de l'environnement, je voudrais vous dire ma préoccupation face aux tentations américaines, qui visent à échapper aux contraintes de l'indispensable lutte contre le réchauffement climatique. Je sais que notre préoccupation est partagée par le gouvernement brésilien.
Ensemble, nous continuerons à favoriser l'émergence de règles internationales pour mettre la mondialisation au service de tous. Cette visite au Brésil me conforte dans la conviction que la vocation de la France est de contribuer, au sein de l'Europe, non seulement à l'approfondissement du partenariat avec le Brésil et le Mercosul, mais aussi d'uvrer à la mise en place d'un environnement international plus sûr car plus juste.
Mes cher(e)s compatriotes,
Cher(e)s ami(e)s,
Vous êtes l'une des richesses de la France. Vous êtes ses représentants permanents, notamment par le lien d'amitié que vous faites vivre ici au quotidien. Vous diffusez dans ce pays ami, comme à travers le monde, l'image d'une France moderne, éloignée des stéréotypes et des clichés. Vous incarnez une France, ouverte et efficace, une France qui crée, innove, mais aussi qui accueille et protège. Vous participez à la formidable énergie et à la créativité du Brésil.
Je remercie nos nombreux amis brésiliens qui sont ici présents pour nous apporter leur amitié, cette amitié que nous voulons partager avec eux.
Vive le Brésil.
Vive la France.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 avril 2001)