Déclaration de M. François Bayrou, président du Mouvement démocrate, sur le bilan des élections municipales pour le MoDem et sur l'importance du pluralisme pour la démocratie, Paris le 26 avril 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Convention nationale des élus démocrates à Paris le 26 avril 2008-discours d'ouverture

Texte intégral

Mes chers amis, cette salle apparaît trop petite, mais on nous disait « vous vous rendez compte, le 26 avril, un samedi et même le seul samedi de vacances pour l'ensemble des zones ». Evidemment, vous aurez des difficultés pour remplir la salle. Nous savions qu'il ne s'agissait pas de difficulté, il s'agissait d'enthousiasme, au contraire. Cet enthousiasme, vous le manifestez par votre présence. L'objet de cette rencontre est de confronter les expériences de ceux qui ont mené des combats importants, dans de très grandes villes, ou des villes moyennes. Ils sont très nombreux dans la salle. Nous avons présenté, ce qui était un véritable exploit, trois cent cinquante listes autonomes, d dans des villes de plus de 10 000 habitants en France et beaucoup de villes où nous n'avions pas l'habitude d'avoir une représentation. Ces listes ont obtenu un score remarquable, puisque la moyenne des scores que nous avons obtenue atteint presque 16% des voix - 15,9% des voix - ce qui veut dire que, partout en France, cette présence nouvelle de ce mouvement nouveau a intéressé une partie substantielle des électeurs. Et nous avions plus de cent cinquante représentations sur des listes qui étaient des listes d'union parce que le principe que nous avions défendu était très simple : on peut travailler avec des élus même s'ils ne se présentent pas sous notre étiquette lorsque nous considérons qu'ils sont de bonne volonté, ouverts et que leur projet est compatible avec le nôtre. Et c'est ce qui explique que, dans un certain nombre de villes et même de grandes villes, nous avions en effet choisi de faire dès le premier tour des listes communes.
Cela a été un peu plus compliqué au deuxième tour, parce qu'il y a eu une re-bipolarisation au deuxième tour, qui est une bipolarisation presque automatique et, entre nous, qui ne correspond pas à la réalité profonde. Je veux vous en donner une preuve : dans toutes les communautés urbaines de France, dès l'instant que l'élection municipale a été finie, là où se prennent les décisions essentielles pour l'avenir des villes et celui des agglomérations, évidemment droite et gauche font des contrats politiques d'entente pour gérer les communautés urbaines. C'est le cas à Bordeaux et depuis hier c'est le cas à Marseille et pourtant, dans ces communautés urbaines-là, on a l'habitude des affrontements. Mais vous voyez bien ce qui se joue : dès l'instant que l'on prend en ligne de compte non pas les intérêts partisans, mais l'intérêt des citoyens, à ce moment-là, les élus sont bien obligés de se rendre compte qu'il n'y a pas entre eux ce fossé infranchissable qu'on décrit et que, au contraire, ils sont naturellement amenés à porter des projets ensemble.
Simplement, nous avons été peut-être un peu en avance, et nous avons eu du mal entre les deux tours - probablement ai-je une part de responsabilité - à faire entendre la voix de la raison là où ne s'exprimait que la voix de la passion et de l'affrontement. Ce qui nous a donné un entre-deux tours moins facile que nous ne l'aurions voulu.
Ce qui doit nous amener à réfléchir, et nous le ferons tout au long des mois qui viennent, aux contraintes particulières que représente une élection au scrutin majoritaire.
Mais des élections au scrutin majoritaire il y en a désormais peu devant nous puisque ce que nous allons vivre maintenant, ce sont des élections qui sont à la représentation proportionnelle, c'est-à-dire le seul scrutin juste. Les deux élections qui sont devant nous, ce sont les élections européennes d'un côté et les élections régionales de l'autre.
Ces deux élections offrent la place, en tous cas si l'on ne change pas le mode de scrutin puisqu'on nous annonce qu'il pourrait y avoir des manoeuvres comme on est hélas ! habitués à en connaître depuis longtemps et comme on en a connu dans des épisodes récents. Des manoeuvres supplémentaires pour faire que notre tâche politique soit rendue encore plus difficile dans l'avenir. En tous cas c'est ce qu'espèrent les promoteurs de ces manoeuvres-là. Je veux simplement vous dire que la mission qui est la nôtre n'est pas une mission qui se détermine en fonction des intérêts partisans ou de carrière, personnels ou collectifs qui pourraient être les nôtres. Si vous êtes là, si nombreux, à ne pas pouvoir entrer dans la salle, ce n'est pas du tout parce que vous avez le sentiment qu'ici serait le chemin le plus facile pour avoir des galons sur les épaules ou des chapeaux chamarrés sur la tête. Si vous êtes là, c'est parce que vous considérez qu'il n'y a plus, désormais, qu'un mouvement politique qui soit le défenseur du pluralisme en France, et que c'est ici, au Mouvement Démocrate, que ce mouvement se trouve. Ce qui se joue, c'est une grande question et derrière cette grande question, il y a un choix de société.
Première grande question : est-ce qu'il n'y a pour la France, pour son avenir, pour le XXIe siècle, pour l'Europe, pour l'idée qu'on se fait du monde, que deux projets concurrents, celui de l'UMP et celui du Parti socialiste ? Ou est-ce que les citoyens ont droit à avoir un choix plus large et à ce qu'on leur propose au moins un troisième projet ? Voilà la question centrale et pour moi la réponse est simple : il n'est pas possible qu'un pays comme le nôtre, qu'un un continent comme celui auquel nous appartenons, que le monde comme il se présente au XXIe siècle ne soient placés que devant deux projets. C'est comme si l'on voulait perpétuellement décrire l'univers en noir et blanc. Or nous, nous savons que l'avenir a besoin au contraire d'inventivité, de créativité, d'une nouvelle vision qui n'est pas résumable aux deux visions qui ont gouverné la fin du XXIe siècle. La France, et l'Europe, et le Monde ont besoin qu'on leur propose un projet qui soit plus ouvert, plus équilibré, plus créatif, plus novateur que celui des deux partis dominants aujourd'hui. Et c'est la mission qui est la nôtre et c'est celle-là que nous allons assumer.
Et nous avons la charge de présenter un projet de société alternatif aux deux projets actuellement, et je crois provisoirement, dominants.
Et derrière, il y a encore une question plus importante. C'est la question du pluralisme dans une démocratie comme la nôtre. Est-ce que tous ceux qui portent des attentes, des espoirs sociaux, environnementaux, économiques, politiques, différents de ceux dont hélas! On rebat les oreilles du pays depuis longtemps avec à chaque fois autant de fausses promesses et au bout autant de désillusions, est ce que ceux-là ont le droit de s'exprimer ou sont-ils obligés, au contraire, de se taire ? Serions-nous, dans notre pays, condamnés à n'avoir que deux bulletins de vote sur la table chaque fois que nous avons à nous exprimer par notre suffrage ? Et je ne pense pas seulement à nous, je pense par exemple aux Verts qui sont aujourd'hui satellisés autour du PS sans que je sois sûr que leur message se résume exactement au message du PS, et à d'autres. J'entends que la voix des gaullistes est aujourd'hui complètement éteinte, mise en sourdine, alors que je pense qu'elle est une voix nécessaire pour l'avenir de notre pays comme elle a été nécessaire dans son histoire. Cette réflexion sur l'indépendance de la France n'appartient pas au passé, pour moi, elle appartient au présent et j'espère à l'avenir.
Est-ce qu'il n'y a plus que deux projets de société ou est-ce qu'on a le droit et le devoir d'en présenter d'autres, alternatifs. Cette question-là, ainsi que la question du pluralisme qui commande évidemment toute la question de nos Institutions, sont deux questions majeures pour l'avenir national.
L'Histoire, l'enchaînement des choses, ont fait que nous sommes aujourd'hui le seul mouvement politique à présenter cette alternative et à défendre ce pluralisme. Si nous renoncions à assumer la vocation, la mission qui sont les nôtres, alors cela en serait fait pour les décennies qui viennent de ce grand enjeu qui permet aux Français d'espérer porter un projet de société différent de ceux qu'on défend devant eux depuis des années et qui, lorsqu'il est dans la réalité, fait naître - comme vous le savez - des désillusions comme celles que nous avons sous les yeux.
Voilà la vraie raison de votre présence ici. Voilà pourquoi je suis si fier de vous y voir. Voilà pourquoi je déclare ouverte cette réunion et vous souhaite de bons travaux.
Je vous remercie.

Source http://www.mouvementdemocrate.fr, le 28 avril 2008