Point de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la situation politique en Biélorussie, l'appel américain à des sanctions contre le régime biélorusse, et le dossier nucléaire iranien, Paris le 5 mai 2008.

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Circonstance : Entretien de Bernard Kouchner avec le président du mouvement biélorusse "Za Svabodu" Alexandre Milinkevitch le 5 mai 2008 à Paris

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je viens de recevoir M. Alexandre Milinkevitch. Je suis très heureux de l'avoir fait car M. Milinkevitch est un combattant. Il est non seulement un combattant des Droits de l'Homme, il est non seulement une personnalité de la société civile - bien que scientifique éminent, on dit société civile -, non seulement il se bat pour la liberté dans son pays, mais il est également venu de Biélorussie comme un pro-européen, un Européen très déterminé. J'ai été plus qu'honoré, j'ai été ému de le recevoir. Un personnage comme M. Milinkevitch honore évidemment l'Europe dans sa conception.
La Biélorussie n'est pas membre de l'Union européenne, comme vous le savez, mais son aspiration, sa tendance, toute sa culture l'attire vers l'Europe.
Nous avons parlé des difficultés de la vie quotidienne des Biélorusses, de la pesanteur de cette dictature, de son régime qui, hélas, est très soutenu par la Russie et qui est, quand même, malgré tout, le dernier pays de ce genre en Europe.
On peut dire que l'évolution s'est faite en Russie, avec des difficultés, avec beaucoup de points difficiles à accepter, aussi bien dans la société que dans l'industrie, mais l'évolution s'est faite. Avec cette situation géographique très particulière qu'elle occupe aux côtés de l'Ukraine et de la Pologne, la Biélorussie demeure comme un espèce de diplodocus, une sorte de survivance.
Nous serons très heureux, si nous le pouvons, après que soit achevée la Présidence slovène - la Présidence de l'Union européenne sera exercée par la France à partir du mois de juillet seulement -, de rapprocher les sociétés civiles, de faire comprendre à nos amis biélorusses que nous sommes à leurs côtés, que nous sommes avec eux et que, très naturellement, c'est vers l'Europe qu'ils doivent se tourner.
Nous avons des projets précis, peut-être en liaison avec les Allemands, peut-être avec les Polonais. Nous espérons que cette évolution se fera. Je crois qu'il faut dialoguer, en tout cas, c'est ce que je viens de dire à M. Alexandre Milinkevitch, qui pense précisément que le dialogue, c'est la manière, c'est la méthode pour qu'une évolution soit rapide dans ce pays.
Je le remercie profondément. J'ai été heureux de le recevoir avec son épouse. Je les trouve très courageux et très admirables et ce fut un honneur pour le Quai d'Orsay, pour cette Maison, pour la diplomatie française de les recevoir. Ils seront toujours, le plus rapidement possible, les bienvenus ici.
Je tiens à préciser qu'il y avait six prisonniers politiques en Biélorussie, et qu'il en reste trois. Il est très important et notre pays fera tout ce qui est en son pouvoir pour que M. Kosuline et les deux nouveaux opposants, M. Kim et M. Parsiukevitch soient libérés. Il est inadmissible qu'il y ait encore des prisonniers politiques en Europe. Il faut, bien sûr, que soient libérés ces combattants de la liberté, en particulier par une action précise et continue de l'Union européenne.
Q - Etes-vous d'accord avec la proposition des Américains qui veulent des sanctions sur la Biélorussie et si oui, pensez-vous que l'expulsion des effectifs de l'ambassade est la bonne réponse ?
R - Je ne commenterai pas cela. Je crois que M. Milinkevitch est plus crédible que moi pour ce qui concerne la Biélorussie. C'est une grande discussion que de savoir si les sanctions sont ou non efficaces. En général, elles ne le sont pas beaucoup, mais M. Milinkevitch parlant de son pays, je ne peux pas être en désaccord avec lui. Les sanctions, c'est une facilité, cela prouve que l'on n'a pas réussi dans le dialogue, mais c'est aussi, parfois, l'ultime remède avant des confrontations plus dures.
Nous pourrions parler des sanctions contre l'Iran, qui ont été renforcées ces derniers temps. Dans le même temps, le dialogue a été prôné et proposé par le groupe des Six. L'ennui des sanctions, bien entendu, c'est qu'elles sont économiques et indiscriminées ; il est clair qu'elles frappent surtout les plus pauvres. Cela dit, concernant l'Iran, les sanctions ciblées que nous avons proposées et fait accepter par le Conseil de sécurité des Nations unies sont souvent très efficaces.
Q - Concernant l'Iran, il y avait une offre, élaborée vendredi dernier, les Six en étaient d'accord, cette offre a-t-elle été présentée aux Iraniens ?
R - Pas encore, c'est pour cela que je ne peux pas vous en donner le détail. Cette proposition sera non seulement présentée mais remise aux autorités iraniennes. Dans quelques jours, une délégation représentant le groupe des Six se rendra à Téhéran avec la lettre de proposition. M. David Miliband qui était notre hôte à Londres, avec les Chinois, les Russes, les Allemands et les Américains n'a pas précisé cette offre. C'est une petite démarche diplomatique mais, dans les jours qui viennent, en effet, l'offre sera connue et rendue publique avec des propositions très précises.
Q - Ce matin, il y avait déjà une réaction à cette offre. Le ministère des Affaires étrangères iranien a dit qu'il rejetait toute ingérence sur ce qu'il considère un droit de produire et d'enrichir l'uranium. Qu'en pensez-vous ?
R - Je ne peux pas vous en parler puisque le texte n'est pas rendu public. Ils refusent ce qu'ils ne connaissent pas mais ce n'est pas étonnant de la part des Iraniens. Ils sont en train de refuser un texte qui est, à mon avis, extrêmement généreux. Je trouve un peu prématuré qu'ils le refusent sans le connaître. Je connais leur position sur l'enrichissement de l'uranium. Je sais que nous n'avons pas - je veux dire le groupe des Six - été très efficaces dans l'information de la population iranienne, mais c'est très compliqué. Nous n'avons jamais interdit, au contraire, nous avons proposé d'aider la population et le gouvernement iranien à accéder au nucléaire civil. La population sera peut-être surprise par le texte qui leur est soumis et par l'ouverture que cela représente. En tout cas, je le souhaite.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 mai 2008