Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, lors du point de presse conjoint avec M. Markos Kyprianou, ministre chypriote des affaires étrangères, sur les relations franco-chypriotes, la reprise du dialogue entre les deux parties de Chypre, le Moyen-Orient, et l'avenir européen de la Turquie, Paris le 5 mai 2008.

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Circonstance : Visite en France de Markos Kyprianou, ministre chypriote des affaires étrangères, à Paris le 5 mai 2008

Texte intégral

Mesdames et Messieurs bonjour,

J'ai reçu avec beaucoup de plaisir mon collègue, M. Markos Kyprianou, qui n'est plus maintenant commissaire européen mais ministre des Affaires étrangères de la République de Chypre. Nous nous connaissons bien.
Avec nos collaborateurs, nous avons parlé vraiment très ouvertement et très amicalement, pour une raison très simple, nous sommes amis. La France et Chypre n'entretiennent que des relations positives et amicales, malgré la situation difficile de Chypre. Entre nous, il n'y a pas de problème, mais des visions d'avenir qui étaient plutôt positives.
Comme vous le savez, les dirigeants - si j'ose dire - de part et d'autre, ont décidé de se reparler et d'entamer un processus uniquement chypriote. Je trouve que c'est une très bonne idée. Nous y aiderons, bien entendu, dans la mesure de nos moyens et non pas de nos sentiments, car nos sentiments sont entièrement acquis.
Je crois que, dans un premier temps, moins on s'en mêle et mieux c'est. Vous le savez, il y a eu des tentatives des Nations unies et des tentatives européennes qui ne sont pas allées jusqu'au bout.
Je laisserai mon collègue vous parler de cette perspective de contacts puis de pourparlers et, je l'espère, de cette perspective d'espoir.
Pour le reste, nous avons abordé les problèmes bien difficiles d'une région qui fait face à Chypre : le Moyen-Orient. Nous avons parlé du Processus de paix, d'Annapolis et de la Conférence de Paris, d'Israël, du Liban, de la Syrie et de l'Iran.
Sur tous ces points, nous avons une analyse tout à fait semblable et des espoirs que nous partageons.

Q - M. Jouyet est déjà parti pour participer à la réunion de la Troïka concernant la Turquie. A partir du 1er juillet, la France présidera l'Union européenne. Les négociations seront en cours avec la Turquie. Combien de chapitres souhaitez-vous ouvrir avec la Turquie ? Ce processus continuera-t-il durant la Présidence française ?
R - Cela ne changera pas l'attitude de la France. Exercer la Présidence de l'Union européenne, à partir du mois de juillet, ce n'est pas pour apporter ses propres idées aux 26 autres pays. Exercer la Présidence, dans ma conception de la Présidence, c'est être le porte-parole des Vingt-sept, y compris de soi-même, en tout cas des Vingt six.
Concernant la Turquie, vous savez que ce pays traverse une période juridique et politique un peu difficile. Je ne sais pas quelles seront les décisions prises mais il est évident que le parti de M. Erdogan connaît certaines difficultés, malgré sa victoire électorale. Ce n'était pas à moi de juger le bien-fondé de la plainte et de l'attachement à la laïcité.
Sur le fond, vous le savez, la position de la France a été répétée par le président de la République plusieurs fois et cette position reste la même. Au demeurant, même si nous voulions que la Turquie fasse partie de l'Union européenne, nous ne pourrions pas le faire maintenant pour deux raisons : d'abord, nous en sommes loin et, par ailleurs, nous avons à modifier la Constitution puisqu'elle impose un référendum. Donc, pour une raison intérieure et pour une raison extérieure, la question ne se pose pas maintenant.
Cependant, ce que je constate, ce qui est très important et très positif à mon avis, c'est que les chapitres de discussion s'ouvrent l'un après l'autre. Il en reste 30, nous avons donc le temps ! Il en reste 30 qui peuvent être ouverts sans difficultés importantes ou sans difficultés, même si certains - je parle là à l'ancien Commissaire européen - peuvent présenter plus d'aspérités que les autres.
En effet, il y a une période difficile mais ce qui est intéressant dans le Processus de Chypre, pour le moment, c'est que les parties ne s'adressent pas à la Turquie, pas plus qu'à la Grèce d'ailleurs. C'est un processus dit "sui generis" - mot que je trouve ambigu car on ne sait jamais si c'est bien ou mal, mais enfin c'est ainsi. C'est à l'intérieur même de Chypre que ces nouveaux contacts se nouent et que l'idée et l'espoir d'une solution sont en train de se discuter.
C'est très important. Alors, n'allons pas chercher chez les autres, ce qui a beaucoup compliqué la situation. Vous rendez-vous compte que cela fait 34 ans que cette situation perdure, 34 ans ! Cela suffit maintenant. On pourrait peut-être, dans ce pays qui n'est pas gigantesque - ce n'est pas la Russie -, dans cet endroit magique, il est vrai culturellement très important, trouver une solution. C'est pour cela que j'ai été très heureux de recevoir mon collègue maintenant, au moment où les choses s'amorcent.
Je crois que c'est plein d'espoir. En tout cas, c'est ainsi que j'ai perçu les choses.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 mai 2008