Interview de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, dans "Le Parisien" du 11 avril 2008, sur le climat social, la mobilisation contre la réforme des retraites et les négociations sur la représentativité syndicale.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Q - Comment percevez-vous le climat social actuel ?
R - Tous les ingrédients sont réunis pour des mobilisations d'ampleur. L'ambiance sociale n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était il y a six mois. Entre la suppression de la carte famille nombreuse, l'augmentation des tarifs du gaz, la réforme de l'Etat - qui va conduire à la suppression de nombreux services publics - les mesures annoncées chaque jour contribuent à alourdir le climat. Dans les entreprises les conflits, en particulier sur les salaires, se multiplient. Si ce n'est pas relayé au plan national, c'est à cause de l'attitude des confédérations, coupables de ne pas réussir à parler d'une même voix. Elles apparaissent en décalage avec ce climat général.
Q - Cette désunion syndicale explique-t-elle la faible mobilisation sur les retraites ?
R - Je conçois que les salariés soient déçus par l'inertie des syndicats. Pourtant, toutes les organisations se disent opposées à l'allongement à 41 ans de la durée de cotisations. Il est anormal que nous ne l'exprimions pas ensemble. Cela tient, sans doute, aux différences d'appréciation sur le bien fondé de la réforme des retraites de 2003, qui perdurent aujourd'hui surtout avec la CFDT. Mais si nous ne réagissons pas rapidement, le gouvernement va passer en force. Il joue déjà la montre et met tout en oeuvre pour faire passer sa réforme cet été. Par deux fois déjà, sous Balladur et sous Fillon, les réformes des retraites ont été décidées durant les vacances. Il faut une mobilisation unitaire pour faire reculer le gouvernement.
Q - Pourtant FO appelle à une action le 16 avril et vous n'en n'êtes pas ?
R - La CGT a déjà appelé les salariés à se mobiliser pour les retraites le 29 mars dernier, FO était totalement absent. Aujourd'hui FO joue cavalier seul, sans doute pour régler ses débats internes. L'important pour les salariés est que cette semaine nous avons repris contact avec tous les responsables des organisations syndicales afin de jeter les bases d'une journée d'action commune en mai. Nous voulons travailler de façon unitaire, mais si cela n'est pas possible nous prendrons nos responsabilités. D'ores et déjà, la question des retraites sera très présente dans les cortèges du 1er mai, au même titre que le pouvoir d'achat.
Q - Mais dans les sondages les Français semblent déjà avoir intégré la réforme...
R - Les Français sont attachés au départ à 60 ans. Or le gouvernement, sans le dire, s'y attaque. Sa réforme allonge la durée des cotisations, ce qui revient à repousser l'âge de la retraite tout en réduisant le montant des pensions. Aujourd'hui, 40% seulement des salariés partent avec une retraite à taux plein. A l'avenir, pour y arriver, cela sera encore plus difficile. Et la paupérisation des retraités va s'accentuer.
Q - Comment faire alors pour sauver le système des retraites ?
R - Il ne faut pas faire des économies sur les retraites, mais y consacrer une plus grande part de la richesse nationale. Depuis 20 ans, on demande des efforts aux seuls salariés. Il est temps d'en demander aux entreprises et à leurs actionnaires.
Q - La négociation sur la représentativité des syndicats s'est conclue hier soir. Qu'est-ce que cela va changer ?
R - Depuis 1966, cinq syndicats (ndlr : CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) sont considérés représentatifs et ont le droit de négocier au nom de tous les salariés sans leur demander leur avis. Avec le nouveau texte, on sort de cet arbitraire. Pour négocier un syndicat devra rassembler au moins 10% des voix des salariés aux élections professionnelles dans les entreprises. Par ailleurs, il ne sera plus possible pour le patronat de s'appuyer sur des syndicats minoritaires pour conclure des accords d'entreprise, de branche ou nationaux imposant des réformes à tous les salariés.
Q - La CGT va donc se prononcer favorablement ?
R - Nous donnerons notre réponse mercredi prochain. Ce texte reprend des propositions de la CGT. C'est un pas vers une plus grande démocratie sociale. Toutefois, il est regrettable que ne soient pas reprises dans ce texte les propositions de la CGT concernant les droits des salariés des petites entreprises. Par ailleurs, nous considérons que le rythme de mise en oeuvre de ces nouvelles règles sociales devrait être accéléré.
Propos recueillis par Catherine Gasté-Peclers et Valérie Hacot source http://www.cgt.fr, le 16 avril 2008